Droit du logiciel : 3 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/17632

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Droit du logiciel : 3 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/17632

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 03 MARS 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/17632 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEOKE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2021002416

APPELANTE

S.A.S. MIDTOWN STUDIO HEROLD

[Adresse 3]

[Localité 4]

immatriculée au registre national des entreprises sous le numéro 830 648 317

représentée par Me Mylène BERNARDON, avocat au barreau de PARIS, toque :B148

INTIMEE

Société CLASSPASS EUROPE B.V.

société de droit néerlandais, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Localité 1]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Amélie GORPHE, de SIMMONS & SIMMONS LLP, avocat au barreau de PARIS

PARTIE INTERVENANTE :

Société [X] YANG-TING

représentée par Me [Z] [F] [X] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société MIDTOWN STUDIO HEROLD suite à l’ouverture de sa liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de PARIS du 6 septembre 2022

[Adresse 2]

[Localité 4]

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 530 194 968

Représentée par Me Mylène BERNARDON, avocat au barreau de PARIS, toque :B148

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M.Denis ARDISSON, Président de chambre,

Mme Marion PRIMEEVRT, Conseillère,

Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère,

Qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Denis ARDISSON, Président de chambre, et par Damien GOVINDARETTY, greffier , présent lors de la mise à disposition.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

Il sera succinctement rapporté que la sas Midtown Studio Herold (ci-après Midtown) exploitait depuis 2017 de locaux d’entraînement sportif à [Localité 4] et [Localité 4] (Louvre), au sein desquels étaient dispensés des cours de haute intensité sportive (dits « BootCamp Urbain ») ; elle décrit son activité comme la conception de « camps d’entraînement aux atmosphères uniques, immersives et énergisantes pour une expérience sportive et émotionnelle unique » (pièce 9 intimée). Dès 2019 elle a conclu un contrat de partenariat avec la société de droit néerlandais Classpass Europe B.V, filiale de la société de droit américain CLASSPASS INC, laquelle propose un service d’abonnement mensuel permettant à ses abonnés d’avoir accès à des studios, salles de sport, rendez-vous en instituts et spa et cours de sport numériques dans un très grand nombre de pays. Classpass préréserve des séances de sport auprès des salles partenaires pour les mettre ensuite à disposition de ses utilisateurs. Elle commercialise également les places non vendues par une salle grâce à un logiciel développé pour mesurer en temps réel les données de remplissage des séances. Les clients Classpass peuvent ainsi réserver des séances de sport au gré de leurs déplacements dans le monde.

Le 31 janvier 2020, les parties ont renouvelé leurs relations contractuelles par un « contrat de partenariat » prenant effet le jour même et pour 6 mois (article 5 annexe A du contrat), pour le seul studio Midtown Louvre (pièce 4 appelante).

L’article 4 prévoyait notamment le versement de deux sommes par Classpass :

– 135.000€ HT dans les 30 jours suivants le début du contrat,

– 120.000€ HT 3 mois après le premier jour du mois civil suivant le début du contrat.

Par arrêté du ministre des solidarités et de la santé du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, la fermeture des salles de sport le 15 juin 2020 à 0h a été décidée par le gouvernement dans le contexte de la période de sûreté sanitaire. Les salles ont pu rouvrir en juin 2020 dans le cadre du premier déconfinement. En application de l’arrêté du 25 septembre 2020 puis de l’arrêté du 5 octobre 2020 du préfet de police de [Localité 4] et en raison du passage de [Localité 4] en zone d’alerte renforcée du fait de l’épidémie de Covid-19, les salles de sport ont dû de nouveau fermer leurs portes à compter du 1er octobre 2020. Elles ont rouvert par la suite le 9 juin 2021.

Malgré un certain nombre d’échanges entre les parties à la suite de ces fermetures, celles-ci se sont opposées sur le paiement de la 2e somme de 120.000€ HT, la première de 135.000€ ayant été versée par Classpass qui refusait de verser la seconde en invoquant la clause 5a du contrat. Elles ont cependant réinitié des relations commerciales par contrat du 27 septembre 2021 (pièce 11 intimée).

***

Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 septembre 2021, qui a :

– Débouté la SAS MIDTOWN STUDIO HEROLD de toutes ses demandes de condamnation de la societe de droit neerlandais CLASSPASS EUROPE B.V y compris au titre des pénalités de retard, de l’indemnisation du préjudice moral, et des indemnités forfaitaire et complémentaire de recouvrement ;

– débouté la societe de droit neerlandais CLASSPASS EUROPE B.V de sa demande d’annulation de la clause d’exclusivité,

– débouté la societe de droit neerlandais CLASSPASS EUROPE B.V de sa demande de condamnation de la SAS Midtown Studio Herold à lui payer 53.434,44€,

– Condamné la SAS MIDTOWN STUDIO HEROLD à verser à la societe de droit neerlandais CLASSPASS EUROPE B.V la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne [la] SAS MIDTOWN STUDIO HEROLD aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 € dont 12,20 € de TVA.

Vu l’appel interjeté par la sas Midtown Studio Herold le 7 octobre 2021,

* * *

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 9 décembre 2022 pour la selarl A2MJ Mandataire judiciaire, représentée par Me [Z] [F] [X], en qualité de liquidateur judiciaire de la sas Midtown Studio Herold par lesquelles elle demande à la cour de :

Vu les articles 1103, 1104, 1170, 1171, 1217, 1231-2, 1231-6 du code civil,

Vu l’article L 441-10 du code de commerce,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

‘ INFIRMER le jugement rendu le 16 septembre 2021 en ce que le Tribunal de commerce de

Paris a :

– « Débout[é la] SAS MIDTOWN STUDIO HEROLD de toutes ses demandes de condamnation de [la] SOCIETE DE DROIT NEERLANDAIS CLASSPASS EUROPE B.V y compris au titre des pénalités de retard, de l’indemnisation du préjudice moral, et des indemnités forfaitaire et complémentaire de recouvrement » ;

– « Condamn[é la] SAS MIDTOWN STUDIO HEROLD à verser à [la] SOCIETE DE DROIT NEERLANDAIS CLASSPASS EUROPE B.V la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– « Condamn[é la] SAS MIDTOWN STUDIO HEROLD aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 € dont 12,20 € de TVA » ;

‘ CONFIRMER le jugement rendu le 16 septembre 2021 en ce que le Tribunal de commerce de Paris a :

– « débout[é CLASSPASS] de sa demande condamnation de [MIDTOWN] à lui payer 53 434,33 € » ;

Statuant à nouveau :

‘ CONDAMNER la société CLASSPASS à lui payer :

– 120 000 € en exécution du contrat signé le 31 janvier 2020,

– 27 747,95 €, sauf à parfaire, au titre des pénalités de retard, selon décompte arrêté au 31 décembre 2022,

– 15 000 € au titre de l’indemnisation de son préjudice moral,

– 40 € au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement,

– 11 330 € au titre de l’indemnité complémentaire de recouvrement,

– 11 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ CONDAMNER la société CLASSPASS aux dépens ;

‘ REJETER l’intégralité des demandes de la société CLASSPASS, ou, subsidiairement, les réduire à de plus justes proportions.

Vu les dernières conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats pour la société de droit néerlandais Classpass Europe BV le 30 novembre 2022 par lesquelles elle demande à la cour de :

Vu les articles 1103, 1104 et suivants, 1195 du Code civil,

Vu l’article 700 du Code de procédure civile,

Vu l’ensemble des pièces versées au débat,

– CONFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 16 septembre 2021 en ce qu’il a débouté la société MIDTOWN de l’intégralité de ses demandes de paiement à l’encontre de CLASSPASS ;

– DEBOUTER MIDTOWN de l’intégralité de ses demandes de paiement ;

A titre reconventionnel

– INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a débouté CLASSPASS de sa demande de

remboursement de la somme de 53.434,44 euros ;

Statuant à nouveau :

– FIXER la créance de la société CLASSPASS au passif de la société MIDTOWN à la somme de 23.546,68 euros outre les intérêts de retard au taux de la banque centrale majoré de 10%, à compter de la correspondance du 9 octobre 2020 soit la somme de 4.509,67 euros au 6 septembre 2022 ;

En tout état de cause

– CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a condamné MIDTOWN au règlement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

– DEBOUTER MIDTOWN et la société [X] YANG-TING ès qualité de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

– CONDAMNER la société [X] YANG-TING au règlement de la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– CONDAMNER MIDTOWN aux entiers dépens.

Vu l’ordonnance de clôture du 5 janvier 2023,

SUR CE, LA COUR,

Sur la nature des sommes dues en application de l’article 4b du contrat

En vertu de l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne. En l’espèce, la conclusion du contrat revendiqué date du 31 janvier 2020, de telle sorte que les relations entre les parties sont soumises au code civil tel que postérieur à cette réforme.

Les articles 1188 et suivants de ce code précisent que le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation. Toutes les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier. On ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation.

Il résulte de l’article 4b du contrat intitulé « Garantie de revenus minima » que « sous réserve des modalités de ce contrat, en tant qu’avance de ses obligations de paiement pour les réservations qualifiantes futures, Classpass versera au Partner une première somme de 135.000€ HT dans les 30 jours » (dit « versement échelonné MRG ») suivant le début du contrat, et « un deuxième versement MRG de 120.000€ HT dans la première des dates suivantes :

– la date à laquelle le revenu gagné dépasse le versement échelonné MRG initial ou

– 3 mois après le début de la période MRG » (définie comme « période de 6 mois commençant le premier jour du mois civil suivant la pleine mise en ‘uvre de toutes les conditions du présent contrat »).

Si Midtown fait de cette clause la contrepartie de l’exclusivité qui a été consentie à Classpass, prévue à l’article 7b du contrat, en déduisant que « Autrement dit, CLASSPASS s’engageait à payer 255.000€, en deux règlements, quel que soit le nombre de cours de sport finalement vendus via sa plateforme durant la durée du contrat fixée à 6 mois », cette hypothèse ne ressort d’aucun des termes du contrat et ne résulte d’aucun des échanges par courriels antérieurs à sa signature entre les parties. Midtown ne rapporte pas l’existence de deux contrats type de Classpass, l’un avec une clause d’exclusivité et un revenu minimum garanti, et l’autre sans clause d’exclusivité et sans revenu minimum garanti, et donc pas non plus la qualification de « contrat d’adhésion » qu’elle invoque alors même qu’il résulte des courriels produits, les échanges fournis entre les parties pour parvenir aux termes du contrat. Par ailleurs, un courriel du 15 novembre 2019 à 8h43 (pièce 3 appelante) précise que la négociation de la contrepartie de la clause d’exclusivité réside dans « une majoration de 10-15 % sur le taux plancher portant la rémunération d’une qualification entre 22/23 et 25€ » au lieu de 20€, ou une « une contrepartie financière » entre 4,17 et 5 % et un nombre de crédits minimum de 14 », soit une discussion sans rapport avec les MRG de l’article 5. Finalement la contrepartie de la clause d’exclusivité apparaît dans les échanges de courriels de janvier 2020 (pièce 3) comme acceptée par Classpass à hauteur de 15.000€ : ainsi dans le courriel de Midtown du 3 janvier 2020 à 21h29 : « tu parles des 255k mais il devait être considéré contractuellement 240k, le reliquat étant lié à l’exclusivité » et du 26 décembre 2019 : « sur le versement il est plus convenable que la contrepartie de l’exclusivité soit versée au départ donc 120+ 15 » ce à quoi Classpass répond « ok je modifie ça dans le contrat », et alors qu’il n’est pas contesté que les 15.000€ ont été versés dans les 135.000 prévus du premier versement, en limitant les avances à 120.000 sur ce premier versement.

La clause 4b du contrat qui prévoit le versement de ces deux sommes, dont la 2e est réclamée dans la présente instance par Midtown et le remboursement de la 1ère est demandé par Classpass, porte une contradiction entre son libellé et ses termes : elle vise dans le corps de sa rédaction une simple « avance de ses obligations de paiement pour les réservations qualifiantes futures » par Classpass, alors que son titre évoque une « Garantie de revenus minima ». Cette clause est donc équivoque et nécessite d’être interprétée en recherchant la volonté commune des parties lors de la conclusion du contrat.

Certes les termes d’autres clauses du contrat, soit l’article 3 intitulé « paiement au partenaire » indiquent que Classpass verse au prestataire 20€ pour chaque réservation de séance par un de ses abonnés, le partenaire ne recevant toutefois aucun paiement jusqu’à ce que le revenu gagné dépasse le « montant MRG prépayé »  et l’article 4c précise dans le même sens que ClassPass, nonobstant toute clause contraire dans le contrat, a le droit de retenir le revenu du partenaire pour les paiements effectués pour les réservations qualifiantes jusqu’à ce que le montant retenu soit égal au versement échelonné MRG, la rédaction de ces articles allant dans le sens d’une interprétation des « MRG » comme des avances sur paiement du prix du contrat tel que prévu par l’article 3a à raison de 20€ HT pour chaque réservation qualifiante de la part d’un abonné. Ces articles éclairent donc dans le sens de MRG à titre de « prépaiements » et non de revenus minima garantis.

Toutefois, force est de constater que le contrat ne prévoit à aucun moment le remboursement des sommes qui auraient été versées au titre du prépaiement si le gain obtenu n’était pas atteint. Cette absence incline donc pour sa part dans le sens d’un revenu minimum garanti et non d’un simple prépaiement.

A ce stade, les clauses du contrat telles qu’analysées se contredisent donc dans leur ensemble.

En définitive, elles sont éclairées par le courriel adressé par Classpass le 14 juillet 2020 soit au cours du contrat, initialement conclu sur la période comprise entre le 31 janvier 2020 et le 31 juillet 2020, et prolongé jusqu’au 30 octobre 2020 d’un commun accord des parties qui ont reporté sa fin de 3 mois en raison de la période de sûreté sanitaire (courriel du 5 août 2020, pièce 6 appelante).

Le 14 juillet 2020, elles tentaient de renégocier le contrat en application de l’article 1195 du code civil selon lequel si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant tout en continuant à exécuter ses obligations durant la renégociation.

Or dans ce courriel Classpass « propose comme compromis », le « maintien du 2e paiement » (demandé par Midtown en cette instance), l’élimination de la clause d’exclusivité et si nécessaire la révision à la baisse du nombre de places pour Classpass (ces 3 propositions étant en faveur de Midtown), et en contrepartie pour elle-même, la « transformation du total du contrat en prépaiement en éliminant le revenu garanti ».

Ainsi, en renégociant le contrat en cours suite à la période de sûreté sanitaire, Classpass a éclairé le sens de celui-ci tel qu’initialement conclu et spécialement que les 2 sommes visées à l’article 4b du contrat tel que signé le 31 janvier 2020, constituaient bien des revenus minima garantis et pas seulement des avances sur paiement des réservations qualifiantes.

C’est donc cette interprétation, confortée par le libellé du titre de l’article 4b et l’absence de clause de remboursement des avances en cas de gains inférieurs, qui doit être retenue.

Sur le paiement de la 2e somme de 120.000€ prévue au contrat

En application des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.

Aux termes de l’article 1217, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :

– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;

– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;

– obtenir une réduction du prix ;

– provoquer la résolution du contrat ;

– demander réparation des conséquences de l’inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

L’article 5 intitulé « Evènements d’annulation » prévoit le sort réservé aux revenus minima garantis (MRG) avec la possibilité pour Classpass d’annuler la clause relative aux MRG et d’exiger que le partenaire la rembourse de toute avance déjà versée et non encore récupérée comme revenu d’une réservation qualifiante, dès lors que se produit l’un des évènements prévu par cette clause.

Or l’article 5a ne prévoit, au titre des demandes de remboursement des MRG que peut formuler Classpass, que des évènements imputables au partenaire : 6 situations sont énumérées qui visent la violation du contrat par le partenaire, le fait par celui-ci de fournir des informations fausses, la cessation de son activité, son implication dans un procès ou une procédure, ou « un changement dans l’activité d’une partie ou tout autre évènement ou occurrence pendant la durée initiale qui réduit l’accès de ClassPass aux places prévues ou aux revenus attendus du partenaire » ; cette dernière définition générale est immédiatement réduite dans sa portée par les exemples fournis dans le corps même de l’article à la suite directe de cette hypothèse : « par ex, le partenaire prend du retard pour le lancement d’un nouveau lieu, la fermeture d’un lieu ou interrompt les programmes », ce qui renvoie encore exclusivement à un comportement du partenaire. Une dernière hypothèse est envisagée : la résiliation ou l’annulation du contrat (5a iii).

Or la fermeture de la salle de sport due à la période de sûreté sanitaire ne peut être rapprochée d’un comportement imputable au partenaire. Ainsi l’ensemble des hypothèses prévues à l’article 5a) à l’exception de la ligne iii relative à l’annulation ou à la résiliation du contrat, n’ont à aucun moment pu légitimer l’annulation du 2e versement des MRG, contrairement à ce qu’indique Classpass.

S’agissant de l’hypothèse prévue à l’article 5a iii) de la résiliation ou de l’annulation du contrat, celle-ci n’est pas même invoquée par Classpass. Aucune résiliation n’a d’ailleurs été notifiée par Classpass ni aucune annulation du contrat dans son ensemble sollicitée.

Ainsi du chef des seules stipulations de l’article 5, aucun refus de paiement de la 2e somme de 120.000€ au titre du revenu minimum garanti par Classpass n’était justifié.

Enfin, si en application du dernier alinéa de l’article 1195 du code civil, en cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation, et à défaut d’accord dans un délai raisonnable le juge peut à la demande d’une partie réviser le contrat ou y mettre fin à la date et aux conditions qu’il fixe, force est de constater qu’aucune demande n’a été faite en ce sens par Classpass. Aucun autre moyen n’est par ailleurs soulevé.

Ainsi le paiement de la 2e somme de 120.000€ était dû. Le jugement doit être infirmé et Classpass condamnée au paiement de cette somme à l’appelante.

Pour les mêmes motifs, le remboursement de la première avance à concurrence du montant non récupéré au titre des gains réalisés, demandé par Classpass, ne peut être accordé, cette première somme constituant un revenu minimum garanti et aucune cause de remboursement tel que prévu par le contrat ou l’article 1195 du code civil n’étant rapportée comme il vient d’être vu. Classpass sera donc déboutée de cette demande.

Sur les autres demandes de Midtown

S’agissant du préjudice né du retard de paiement, l’article L441-10 du code de commerce prescrit au sujet des commerçants que les conditions de règlement mentionnées au I de l’article L. 441-1 précisent les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d’intérêt légal, ce taux est égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Ces intérêts sont dus de plein droit, sans rappel et sans avoir à être indiqués dans le contrat. Dès lors ce taux d’intérêt doit être appliqué, sans être fixé avant le paiement de la somme de 120.000€ due, ces intérêts courant toujours et ce depuis le 1er août 2020, soit la date de paiement dû du 1er mai augmentée de 3 mois de report accepté d’un commun accord par les parties.

S’agissant de la demande au titre du préjudice moral distinct en application de l’article 1231-6 du code civil selon lequel le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire, force est de relever que Midtown ne produit aucun élément de nature à permettre l’évaluation du préjudice qu’elle invoque de ce chef. Partant elle sera déboutée de sa demande de ce chef.

S’agissant des frais de recouvrement, l’article L441-10 du code de commerce prévoit que tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l’égard du créancier, d’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret, le décret n°2012-1115 du 2 octobre 2012 issu de la transposition de la directive 2011/7/UE du 16 février 2011 instaurant à compter du 1er janvier 2013 une indemnité forfaitaire de 40€. Cette somme est donc due, sans être incluse dans la base de calcul des pénalités et l’intimée y sera condamnée.

Quant à l’indemnité complémentaire sollicitée au titre du même article L441-10 selon lequel « lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification », les factures produites permettent de constater qu’il s’agit des mêmes frais que ceux couverts par l’indemnité prévue à l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles. Cette demande doit donc être rejetée, sans quoi l’appelante bénéficierait d’un enrichissement sans cause.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement étant infirmé en toutes ses dispositions il le sera également en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Il convient, Classpass étant déboutée, de la condamner aux dépens de la première instance et de l’appel et de la condamner à payer à l’appelante la somme de 11.000€ au titre des frais irrépétibles engagés en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

CONDAMNE la société de droit néerlandais Classpass Europe BV à payer à la selarl [X] Yang-Ting, en qualité de liquidatrice judiciaire de la sas Midtown Studio Herold, la somme de 120.000€ (cent vingt mille euros) en exécution du contrat signé le 31 janvier 2020, somme augmentée à compter du 1er août 2020 des intérêts de retard au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage,

CONDAMNE la société de droit néerlandais Classpass Europe BV à payer à la selarl [X] Yang-Ting, en qualité de liquidatrice judiciaire de la sas Midtown Studio Herold la somme de 40€ (quarante euros) au titre des frais de recouvrement,

DÉBOUTE la selarl [X] Yang-Ting, en qualité de liquidatrice judiciaire de la sas Midtown Studio Herold du surplus de ses demandes,

DÉBOUTE la société de droit néerlandais Classpass Europe BV de sa demande de remboursement de 23.546,68 euros,

CONDAMNE la société de droit néerlandais Classpass Europe BV aux dépens de la première instance et de l’appel,

CONDAMNE la société de droit néerlandais Classpass Europe BV à payer à la selarl [X] Yang-Ting, en qualité de liquidatrice judiciaire de la sas Midtown Studio Herold la somme de 11.000€ au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile,

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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