COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8
ARRÊT AU FOND
DU 03 MARS 2023
N°2023/.
Rôle N° RG 21/18368 –
ET RG 21/18369
N° Portalis DBVB-V-B7F-BITJG
Société [7]
C/
Organisme URSAFF PACA
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me Myriam BERENGUER
– URSAFF PACA,
Décisions déférées à la Cour :
Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 19 Novembre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 21/6027
ET
Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 19 Novembre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 121/6125.
APPELANTE
Société [7], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Myriam BERENGUER de la SELARL SAINT MICHEL, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
INTIMEE
URSAFF PACA, demeurant [Adresse 1]
représenté par M. [V] [P] en vertu d’un pouvoir spécial
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Mme Isabelle PERRIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Mars 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Mars 2023
Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
A l’issue d’un contrôle portant sur l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de la garantie des salaires au sein de la société [7], sur les années 2011 et 2012, l’Urssaf des Pays de Loire lui a notifié une lettre d’observations en date du 29 septembre 2014 concernant son établissement de [Localité 6] portant sur un redressement total de cotisations de 11 718 euros lié aux trois chefs de redressement suivants:
* n°1: réintégration dans l’assiette sociale d’indemnités de déplacement à des chauffeurs routiers ‘longue’ distance ne remplissant plus les conditions requises fixées par l’arrêté du 20 décembre 2002, d’un montant total de 6 176 euros (années 2011 et 2012),
* n°2: cotisations-rupture non forcée du contrat de travail: assujettissement (démission, départ volontaire à la retraite) d’un montant de 5 214 euros (année 2011),
* n°3: rémunérations servies par des tiers: réintégration dans l’assiette sociale des bons d’achats attribués lors du challenge ‘conduite économique’ d’un montant de 328 euros (année 2011),
et comportant les trois observations pour l’avenir suivantes:
* n°4: comité d’entreprise, bons d’achats et cadeaux en nature,
* n°5: réduction Fillon,
* frais professionnels non justifiés-principes généraux- localisation des chauffeurs indemnisés.
Après échanges d’observations, l’Urssaf Provence-Alpes-Côte d’Azur a notifié à la société [7] une mise en demeure en date du 22 décembre 2014, d’un montant total de 13 788 euros (dont 11 718 euros au titre des cotisations et 2 070 euros au titre des majorations de retard).
L’Urssaf Pays de Loire a ensuite écrit au siège de la société sis à [Localité 5] (69) le 05 octobre 2015, qu’il peut être fait droit à sa demande de crédit ‘Fillon’ dans la limite, pour son établissement de [Localité 6], relevant de l’Urssaf Provence-Alpes-Côte d’Azur, de la somme de 1 939 euros pour 2011 et de 778 euros pour 2012.
La société [7] a saisi par lettres recommandées avec avis de réception réceptionnées les:
* 07 janvier 2015, la commission de recours amiable en contestant cette mise en demeure et en sollicitant une demande de remboursement des réductions ‘Fillon’ au titre des erreurs de paramétrages rencontrées,
* 27 novembre 2015, la commission de recours amiable en contestant le refus partiel en date du 05 octobre 2015 opposé à sa demande de remboursement d’un trop perçu de cotisations versées au terme d’un mauvais paramétrage de la réduction Fillon.
En l’état d’une décision implicite de rejet par la commission de recours amiable, la société [7] a saisi, par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 12 mars 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône, de ses demandes portant à la fois sur le ‘remboursement des réductions Fillon au titre des erreurs de paramétrages rencontrées’, et en contestation ‘du redressement des frais professionnels exposés par les chauffeurs routiers’, étant précisé que la décision explicite est intervenue le 10 décembre 2015, la commission de recours amiable indiquant faire droit partiellement à la demande de remboursement à hauteur de 2 717 euros.
Par jugement n°21/06027, en date du 19 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, a:
* déclaré régulière la procédure de contrôle de l’Urssaf Provence Alpes Côte d’Azur (sic) diligentée à l’encontre de la société [7] pour les années 2011 et 2012,
* constaté que la société [7] n’a contesté devant la commission de recours amiable aucun des trois chefs de redressement notifiés, et que sa demande de remboursement de réduction Fillon fait l’objet d’un contentieux distinct,
* déclaré irrecevables les demandes nouvelles formulées devant la juridiction en l’absence de saisine préalable de la commission de recours amiable de l’Urssaf aux chefs de redressements notifiés,
* confirmé la mise en demeure du 22 décembre 2014 notifiée à la société [7] pour un montant total de 13 788 euros dont 2 070 euros de majorations de retard,
* condamné la société [7] à payer à l’Urssaf Provence Alpes Côte d’Azur la somme restant due,
* débouté la société [7] du surplus de ses demandes,
* condamné la société [7] à payer à l’Urssaf la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné la société [7] aux dépens de l’instance.
La société [7] a relevé régulièrement appel du jugement entrepris, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.
Cet appel a été enregistré sous le numéro RG 21/18368.
En l’état d’une décision implicite de rejet par la commission de recours amiable de sa contestation afférente à la ‘décision de refus partiel de remboursement de trop perçu des cotisations découlant d’un paramétrage erroné de la réduction Fillon’, la société [7] a saisi, le 12 février 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône.
Par jugement n°21/06125 en date du 19 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, a:
* déclaré recevable la demande de remboursement de la société [7] au titre de la réduction générale des cotisations pour les années 2011 et 2012,
* déclaré irrecevable pour cause de prescription sa demande au titre de l’année 2010,
* constaté que l’Urssaf a fait droit partiellement le 05 octobre 2015 à sa demande de remboursement au titre de la réduction dite Fillon pour les années 2011 et 2012 à hauteur de 2 717 euros,
* débouté la société [7] de ses demandes,
* condamné la société [7] aux dépens de l’instance.
La société [7] a relevé régulièrement appel du jugement entrepris, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.Cet appel a été enregistré sous le numéro RG 21/18369.
En l’état de ses conclusions visées par le greffier le 18 janvier 2023, communes aux deux procédures d’appel, reprises oralement à l’audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [7] sollicite la confirmation des jugements entrepris en ce qu’il a jugé ses recours recevables et leur infirmation pour le surplus.
Elle demande à la cour de:
* ordonner la jonction des recours,
* juger que la procédure de contrôle mise en oeuvre viole le principe du contradictoire,
* juger que la procédure de contrôle est annulée,
* juger qu’elle pouvait contester la lettre d’observations et faire valoir un indu de cotisations sur un point vérifié par les inspecteurs du recouvrement,
* juger que l’Urssaf ne pouvait disjoindre la contestation de la réduction loi Fillon,
* juger que les irrégularités entachent de nullité la procédure de recouvrement,
* annuler la mise en demeure,
* ordonner le remboursement par l’Urssaf du montant de la mise en demeure réglée, soit 10 282 euros,
* juger que les conditions relatives à la mise en oeuvre de la procédure de contrôle par sondage extrapolation des indemnités de frais versées n’ont pas été respectées et que le principe du contradictoire n’a pas été respecté,
* annuler le redressement au titre des indemnités de déplacement versées aux chauffeurs routiers pour un montant de 11 270 euros de cotisations et les majorations de retard y afférentes,
* juger que M. [E], responsable du service de contrôle de l’Urssaf de [Localité 4] n’était pas compétent pour traiter sa demande de crédit émise en contestation de la lettre d’observations,
* juger que le courrier du 05 octobre 2015 est entaché de nullité,
* ordonner le remboursement de l’indu de cotisations à hauteur de 7 590 euros pour son établissement de [Localité 6].
A titre infiniment subsidiaire, elle demande à la cour de juger que l’Urssaf Provence-Alpes-Côte d’Azur doit lui rembourser à hauteur de 2 717 euros le crédit.
En tout état de cause, elle demande à la cour de juger que le crédit ayant été produit en contestation de la lettre d’observations doit être déduit des cotisations réclamées par la mise en demeure.
Elle sollicite la condamnation de l’Urssaf Provence-Alpes-Côte d’Azur au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et demande à la cour de débouter l’Urssaf de l’intégralité de ses demandes.
En l’état de ses conclusions distinctes visées par le greffier le 18 janvier 2023, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé plus ample de ses moyens et arguments, l’Urssaf Provence-Alpes-Côte d’Azur sollicite la confirmation des deux jugements entrepris en toutes leurs dispositions et demande à la cour de condamner la société [7] au paiement, dans le cadre de chaque procédure d’appel, de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
MOTIFS
En préliminaire la cour rappelle que par applications combinées des articles 4 et 954 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées aux dispositifs de leurs conclusions et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Ne constituent pas une prétention les demandes de ‘juger’ ou de ‘constater’, énonçant en réalité un moyen.
1- Sur la demande de jonction:
Les deux procédures d’appel, présentent, comme les deux procédures de première instance, un lien de connexité tel qu’il est d’une bonne administration de la justice de les juger ensemble ainsi que demandé par l’appelante, puisque:
* dans le cadre de la procédure ayant donné lieu au jugement RG 21/06027, la société a saisi la juridiction de première instance de ses recours contre les décisions implicites de rejet de la commission de recours amiable afférentes à ses demandes portant à la fois sur le ‘remboursement des réductions Fillon au titre des erreurs de paramétrages rencontrées’ et en ‘contestation du redressement des frais professionnels exposés par les chauffeurs routiers’, que la décision de la commission de recours amiable du 10 décembre 2015, a fait partiellement droit à la demande de remboursement à hauteur de 2 717 euros, en faisant référence dans sa motivation au point 5 de la lettre d’observations,
* et que dans le cadre de la procédure ayant donné lieu au jugement RG 21/06125, la société a saisi la même juridiction de sa contestation de ‘la décision de refus partiel de remboursement de trop perçu des cotisations découlant d’un paramétrage erroné de la réduction Fillon’.
L’intimée ne peut utilement arguer que les deux procédures ont un objet différent, alors que les deux procédures ont pour origine les erreurs de paramétrage des logiciels utilisés par la société pour le calcul de la réduction sur les bas salaires, erreurs relevées dans le cadre du contrôle et de la lettre d’observations du 29 septembre 2014, et les demandes chiffrées de remboursement de crédit formalisées par la société en réponse à celle-ci, auxquelles l’Urssaf n’a pas été en mesure de répondre dans le délai de la phase contradictoire de contrôle, et que la commission de recours amiable de l’Urssaf Provence-Alpes-Côte d’Azur s’est prononcé sur les demandes de remboursement en se référant à la fois au contrôle et à la réponse de l’Urssaf du 05 octobre 2015.
Enfin la circonstance que la demande chiffrée de remboursement de crédit de la société porte aussi sur l’année 2010, non concernée par le contrôle est inopérante à détruire le lien de connexité existant entre ces procédures.
La cour prononce en conséquence la jonction de la procédure enregistrée sous la référence RG 21/18369 avec celle portant le numéro 21/18368.
2- Sur la fin de non recevoir tirée de l’absence de recours préalable devant la commission de recours amiable:
Il résulte des dispositions de l’article 122 du code de procédure civile que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Par applications combinées des articles L.142-4, R.142-1 et R.142-18 du code de la sécurité sociale, pris dans leurs rédactions applicables, les réclamations contre les décisions des organismes de sécurité sociale doivent faire l’objet d’un recours administratif préalable dans le délai de deux mois à compter de leurs notifications, avant saisine de la juridiction de première instance.
Les premiers juges ont dit la société irrecevable en ses demandes nouvelles relatives aux chefs de redressement notifiés, après avoir constaté qu’elle n’a contesté devant la commission de recours amiable aucun des trois chefs de redressement notifiés et que sa demande de remboursement de réduction Fillon fait l’objet d’un contentieux distinct.
Dans sa déclaration d’appel, la société a demandé la réformation des chefs du jugement n°21/06027, en date du 19 novembre 2021, notamment, en ce qu’il a ‘déclaré irrecevable la procédure de contrôle de l’Urssaf Provence-Alpes-Côte d’Azur diligentée à son encontre pour les années 2011 et 2012″.
Tout en procédant à de longs développements sur la régularité de la procédure de contrôle, elle ne saisit pas la cour, par le dispositif de ses conclusions, d’une demande de réformation du jugement n°21/06027, de ce chef, et ne développe pas davantage dans le cadre de la discussion un quelconque moyen pour contester la fin de non recevoir retenue par les premiers juges.
Il s’ensuit que la cour n’est pas saisie par l’appelante d’une demandé d’infirmation de ce chef du jugement entrepris.
L’intimée qui sollicite la confirmation, soutient à la fin de ses développements dans le cadre de la discussion, qu’à l’exclusion de sa demande de remboursement de la réduction Fillon, la société n’a formulé aucune contestation au titre des chefs de redressement et autres observations contenues dans la lettre d’observations du 29 septembre 2014 et qu’elle ne peut contester devant la cour le fond ou la forme du redressement diligenté.
La cour constate que s’il résulte de l’acte de saisine de la commission de recours amiable de l’Urssaf Provence-Alpes-Côte d’Azur, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 06 janvier 2015, réceptionnée le 07 janvier 2015, que la société a écrit la saisir de sa contestation de la mise en demeure en date du 22 décembre 2014 et solliciter le remboursement des réductions ‘Fillon’ au titre des erreurs de paramétrages rencontrées, pour autant dans cet acte elle ne spécifie pas les chefs de redressement critiqués, ne formule aucune critique sur la régularité de la procédure de contrôle, comme de la lettre d’observations, ses développements étant circonscrits à sa demande de remboursement des réductions Fillon liées à des erreurs de paramétrages à la prescription de sa demande concernant l’année 2010.
La décision de la commission de recours amiable en date du 10 décembre 2015, ne porte que sur le montant réclamé par la société au titre du trop payé sur la réduction sur les bas salaires, la prescription de sa demande au titre du trop payé en 2010 et y fait droit à hauteur de 2 717 euros pour les années 2011 et 2012
Certes l’acte de saisine des premiers juges, expédié le 12 mars 2015 par lettre recommandée avec avis de réception réceptionnée par le greffe le 13 mars 2015, porte sur:
1- ‘demande de remboursement des réductions Fillon au titre des erreurs de paramétrages rencontrées’,
2- ‘sur le remboursement lié au remboursement des frais professionnels exposés par les chauffeurs routiers’.
Or ce chef de redressement, qui porte dans la lettre d’observations le numéro1, et qui est d’un montant total de 6 176 euros (années 2011 et 2012), n’a pas donné lieu à une contestation devant la commission de recours amiable.
Par ailleurs, la commission de recours amiable n’a pas davantage été saisie d’une contestation de la régularité de la procédure de redressement, fondant la contestation de la mise en demeure.
Il s’ensuit que c’est par des motifs pertinents que les premiers juges ont déclarée irrecevable la société [7] en ses demandes ‘nouvelles’ et qu’elle est également irrecevable à contester en cause d’appel la régularité de la procédure de contrôle comme des trois chefs de redressements notifiés et la mise en demeure subséquente.
Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé uniquement de ce chef, étant observé qu’il n’y a pas lieu de confirmer une mise en demeure que la société n’est pas recevable à contester.
Cette irrecevabilité fait également obstacle à l’examen les moyens développés par la société comme à ses prétentions portant sur l’annulation de la procédure de contrôle et du redressement, le litige ne pouvant porter que sur l’observation pour l’avenir relative aux réductions sur les bas salaires, contestée uniquement dans les conséquences chiffrées relatives au montant du crédit reconnu par la commission de recours amiable.
Cette prétention a fait l’objet de la saisine des premiers juges à la fois:
* dans le cadre de la contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable devenu le 10 décembre 2015, une décision faisant droit partiellement à hauteur de 2 717 euros à cette demande de remboursement,
* et dans le cadre d’une procédure distincte portant également sur la contestation du courrier de l’Urssaf du 05 octobre 2015 chiffrant le crédit relatif aux réductions sur les bas salaires à 2 717 euros (1939 euros pour 2011 et 778 pour 2012).
3 – Sur le crédit relatif aux réductions sur les bas salaires:
L’appelante soutient que l’Urssaf ne pouvait traiter séparément une demande d’indu produite en contestation d’une observation notifiée et transmettre une mise en demeure à titre conservatoire pour garantir sa créance et que c’est dans le cadre de la procédure de contrôle qu’a été traitée sa demande de remboursement et le courrier du responsable du service de contrôle du 05 octobre 2015 s’y réfère. Elle relève que les inspecteurs du recouvrement l’ont invitée à produire les tableaux de calcul de la réduction Fillon dans le cadre de la procédure de contrôle, que M. [E] n’était pas compétent pour répondre à la contestation de la lettre d’observations, et qu’en l’absence de réponse des inspecteurs du recouvrement dans le délai de 4 mois, l’Urssaf Provence-Alpes-Côte d’Azur devait lui rembourser le montant justifié dans son courrier du 29 octobre 2014 soit 10 282 euros.
Dans le cadre de son subsidiaire, elle soutient que le trop versé pour son établissement s’élevait à un total de 7 590 euros (soit 4 068 euros pour 2011 et 3 522 pour 2012) et que:
* en cas de décalage de paie, conformément à la circulaire ministérielle du 27 janvier 2011, le salaire minimum de croissance à prendre en considération est celui de la période de paie,
* en cas d’absence, la circulaire du 1er octobre 2007 reprise par celle du 27 janvier 2011, prévoit que la valeur du salaire minimum de croissance portée au numérateur de la formule est affectée pour la fraction du salaire minimum de croissance correspondant au mois de l’absence, du rapport entre le salaire versé ledit mois au salarié et celui qui aurait été versé si le salarié n’avait pas été absent après déduction, pour la détermination de ces deux salaires, des éléments de rémunération dont le montant n’est pas proratisé pour tenir compte de l’absence.
L’intimée réplique que le courrier du 12 juin 2013 de la société ne comportant aucun chiffrage et étant rédigé dans des termes généraux et imprécis, il ne constituait pas une interpellation suffisante à son égard de nature à interrompre le délai de prescription, et que la demande formulée en octobre 2014 portant sur l’année 2010 se trouve prescrite.
Elle soutient que le courrier du 05 octobre 2015 n’entre pas dans le cadre de la procédure de contrôle, les inspecteurs du recouvrement ayant procédé par voie d’observation pour l’avenir.
Elle relève qu’il a été fait droit partiellement à la demande de remboursement Fillon, et rappelle les dispositions applicables sur l’année 2011 et sur l’année 2012, en fonction du seuil d’effectifs, soulignant que les modalités de proratisation du salaire minimum de croissance figurant au numérateur de la formule de calcul sont inchangées pour les salariés travaillant à temps partiel ou dont la rémunération contractuelle n’est pas fixée sur la base de la durée légale ainsi que pour les salariés n’entrant pas dans le champ d’application de la mensualisation, que concernant les salariés entrant dans le champ de la rémunération, les règles applicables en cas d’arrivée ou départ en cours d’année, de suspension du contrat de travail sans maintien ou maintien partiel de la rémunération et pour les salariés n’entrant pas dans le champ de la mensualisation en cas de suspension avec maintien partiel de la rémunération les règles sont uniformisées en se fondant sur ce qui est pratiqué en paye. Ainsi, la valeur du salaire minimum de croissance portée au numérateur de la formule est affectée pour la fraction du salaire minimum de croissance correspondant au mois de l’absence, du rapport entre le salaire versé ledit mois au salarié et celui qui aurait été versé si le salarié n’avait pas été absent après déduction, pour la détermination de ces deux salaires, des éléments de rémunération dont le montant n’est pas proratisé pour tenir compte de l’absence.
Elle précise qu’il a été relevé que pour déterminer le paramètre salaire minimum de croissance de la formule de calcul de la réduction Fillon, la société a utilisé un mode de calcul qui venait à majorer ce paramètre lorsque le 10ème de congés payés était supérieur à la retenue pour absence, et alors que le salarié bénéficiaire du maintien intégral de salaire.
En l’espèce, il n’est pas contesté que le contrôle a en réalité porté sur plusieurs sociétés du groupe [3] dont fait partie société [7].
La lettre d’observations en date du 29 septembre 2014 comporte une observation pour l’avenir n°5 ‘réduction Fillon’, après constat par les inspecteurs du recouvrement d’erreurs dans l’application des dispositions applicables en 2011 et 2012, mais que les différences relevées divergent selon le logiciel de paie utilisé. Ils précisent qu’avec le logiciel ‘Pandore’ progressivement généralisé à l’ensemble des sociétés du groupe, les écarts sont moindres.
S’estimant dans l’impossibilité technique d’obtenir pour l’ensemble des sociétés du groupe les fichiers nécessaires au recalcul, à titre d’équité entre les différentes sociétés, ils indiquent avoir décidé de ‘laisser la situation en l’état et de ne faire qu’un simple rappel de la législation’.
Ils ont relevé la ‘complexité liée à l’activité (heures d’équivalence et heures supplémentaires) et à la nécessité de prendre en compte diverses variables comme:
– la notion de courte et longue distance,
– la pratique ou non de la déduction forfaitaire spécifique,
– l’adhésion ou non à une caisse de congés payés,
– les absences pour maladie ou congés (si adhésion),
– l’intégration ou non d’éléments de rémunération selon l’ancienneté du salarié lors de la reconstitution du salaire…
Dans le cadre de ses observations en réponse, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 27 octobre 2014, la société a reconnu des erreurs de paramétrage des logiciels utilisés pour le calcul de la réduction Fillon et a sollicité:
* à titre principal, le remboursement de la somme totale de 10 116 euros ainsi détaillée:
– 2010: 2 694 euros,
– 2011: 3 900 euros,
– 2012: 3 522 euros en joignant des calculs détaillés,
sa contestation de l’observation portant sur le salaire minimum de croissance utilisé, les heures supplémentaires et heures d’équivalence, l’impact des absences sur le salaire minimum de croissance, le repos compensateur et maladie avec maintien des rémunérations postérieures aux absences, les indemnités de congés payés,
* à titre subsidiaire, le remboursement hors indemnités de congés payés, de la somme totale de 3 491 euros ainsi détaillée:
– 2010: 832 euros,
– 2011: 1 781 euros,
– 2012: 778 euros.
En réponse aux observations de la société formulées par lettre recommandée avec avis de réception en date du 29 octobre 2014, les inspecteurs du recouvrement lui ont répondu par lettre datée du 20 novembre 2014 concernant le point d’observation relatif aux réductions Fillon que:
* le courrier du 12 juin 2013 de la société n’a pas été porté à leur connaissance lors du contrôle,
* estimer compte tenu de ce silence, de la production tardive des éléments de chiffrage et de la teneur de sa requête intégrant l’année 2010 non couverte dans le cadre du contrôle, que ce point sera traité séparément de la vérification en cours, et maintenir en conséquence intégralement les régularisations notifiées le 29 septembre 2014.
Le responsable contrôle généraliste PME de l’Urssaf Pays de Loire a ensuite adressé le 05 octobre 2015 au siège de la société [7] un courrier faisant référence:
* au contrôle portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, ayant donné lieu à la lettre d’observations du 29 septembre 2014,
* aux observations en réponse de la société par courrier du 29 octobre 2014,
* à la réception en juin 2013 d’un courrier de la société indiquant avoir appliqué pour la réduction Fillon des méthodes erronées depuis 2010, sans que ce courrier contienne aucun autre élément d’information,
* du délai de 4 mois imparti aux Urssaf, à compter d’une demande de remboursement ou de régularisation pour procéder au remboursement des cotisations indûment ou trop versées, par l’article 42 de la loi n°2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale,
* par courrier daté du 29 octobre 2014 en réponse à la lettre d’observations, la société a sollicité de nouveau le remboursement des allégements Fillon, en détaillant le chiffrage de la demande sur des tableaux sous deux format (Excel et Pdf),
et lui répond que:
– la demande de remboursement formulée en juin 2013 ne peut être prise en compte comme interruptive de prescription et ne peut pas faire courir le délai de 4 mois précité,
– le délai pour demander le remboursement de cotisations ou contributions versées à tort est de 3 ans à partir de la date de leur paiement, et la demande de remboursement pour l’année 2010 est prescrite totalement,
– la demande de crédit pour 2011 ayant été formulée au cours de la période du contradictoire et se rapportant directement à la période contrôlée a été examinée pour les années 2011 et 2012,
– il peut être fait droit à la demande de crédit pour l’établissement de [Localité 6] pour 2011 pour un montant de 1 939 euros et pour 2012 pour un montant de 778 euros.
– sur la prescription de la demande de remboursement de trop payé au titre de la réduction sur les bas salaires en 2010:
Il résulte de l’article L.243-6 du code de la sécurité sociale que la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées et que l’organisme concerné effectue le remboursement des cotisations indues dans un délai de quatre mois à compter de cette demande.
En l’espèce l’appelante ne justifie pas avoir adressé à l’Urssaf , avant sa lettre recommandée avec avis de réception en date du 27 octobre 2014, une demande chiffrée au titre des sommes qu’elle estime avoir indûment payées pour des cotisations ou contributions relevant de la réduction sur les bas salaires de l’année 2010.
Le point de départ de la prescription triennale étant la date de paiement des ces cotisations, il s’ensuit qu’elle était forclose à en solliciter le remboursement au titre celles payées en 2010, lors de l’envoi de son courrier du 27 octobre 2014.
C’est donc par des motifs pertinents que les premiers juges l’ont déclarée irrecevable en sa demande concernant l’année 2010.
– sur les réductions sur les bas salaires des années 2011 et 2012:
Les dispositions de l’article R.243-59 du code de la sécurité sociale (pris dans sa rédaction issue du décret 2013-1107 du 03 décembre 2013, applicable du 1er janvier 2014 au 11 juillet 2016) ne font nullement obligation à l’inspecteur du recouvrement d’intégrer dans le redressement notifié par la lettre d’observations un crédit portant sur des cotisations ou contributions payées alors qu’il n’a pas été en mesure de chiffrer de façon détaillée le montant réellement dû.
En l’espèce, les inspecteurs du recouvrement se sont limités dans le cadre d’une observation relative aux réductions sur les bas salaires à rappeler les dispositions applicables, tout en relevant, ce qui est du reste reconnu par l’appelante, des erreurs de calculs, et en précisant ne pas avoir eu l’ensemble des éléments permettant de les chiffrer, eu égard à la complexité des dispositions applicables au regard de l’activité de la société et de la nécessité de prise en compte de plusieurs variables en lien avec les situations individuelles des salariés, à l’utilisation par le groupe des sociétés de différents logiciels.
L’appelante ne conteste pas la teneur des dispositions qui lui ont ainsi été rappelées, mais en réalité le calcul qui lui a été opposé en réponse à ses observations, d’une part par le courrier du 05 octobre 2015 et d’autre part par la décision de la commission de recours amiable du 10 décembre 2015 qui lie l’organisme du recouvrement.
S’il est exact que la réponse du responsable du service de contrôle généraliste PME de l’Urssaf des Pays de Loire, est irrégulière pour être postérieure à la clôture de la procédure de contrôle, pour autant cette irrégularité est sans incidence dés lors que la commission de recours amiable de l’Urssaf Provence-Alpes-Côte d’Azur, s’est également prononcée sur ce point.
Contrairement à l’analyse que fait la société, l’absence de remboursement dans le délai de 4 mois par l’Urssaf du crédit dont elle lui a demandé le remboursement par sa lettre recommandée avec avis de réception en date du 27 octobre 2014, n’emporte pas reconnaissance du montant de l’indu réclamé, les dispositions de l’article L.243-6 du code de la sécurité sociale, étant relatives au délai de prescription.
Si cette demande de remboursement a pour la cotisante un effet interruptif de la prescription triennale, pour autant le dernier alinéa de l’article L.243-6 du code de la sécurité sociale ne tire aucune conséquence de l’absence réponse dans le délai imparti quant à l’admission de l’indu allégué.
L’appelante est par conséquent mal fondée à soutenir qu’en l’absence de réponse dans le délai de 4 mois, l’URSSAF devait lui rembourser la somme de 10 282 euros.
Il résulte de l’article L.241-13 du code de la sécurité sociale, dans ses versions applicables, que les cotisations à la charge de l’employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales qui sont assises sur les gains et rémunérations inférieurs au salaire minimum de croissance majoré de 60 % font l’objet d’une réduction dégressive.
Le montant de la réduction est calculé par année civile, pour chaque salarié. Il est égal au produit de la rémunération annuelle, telle que définie par l’article L.242-1 par un coefficient déterminé par application d’une formule fixée par décret et qui est fonction du rapport entre la rémunération annuelle du salarié telle que définie à l’article L.242-1 (hors rémunération des temps de pause, d’habillage, et de déshabillage versés en application d’un accord d’entreprise ou collectif) et le salaire minimum de croissance calculé pour un an sur la base de la durée légale du travail augmentée, le cas échéant, du nombre d’heures complémentaires ou supplémentaires, sans prise en compte des majorations auxquelles elles donnent lieu. Lorsque le salarié est soumis à un régime d’heures d’équivalences payées à un taux majoré en application d’une convention ou d’un accord collectif étendu en vigueur au 1er janvier 2010, la majoration salariale correspondante est également déduite de la rémunération annuelle du salarié dans la limite d’un taux de 25 %. Pour les salariés qui ne sont pas employés à temps plein ou qui ne sont pas employés sur toute l’année, le salaire minimum de croissance pris en compte est celui qui correspond à la durée de travail prévue au contrat.
Pour les salariés pour lesquels l’employeur est tenu à l’obligation d’indemnisation compensatrice de congé payé prévue à l’article L.1251-19 du code du travail et dans les professions dans lesquelles le paiement des congés des salariés et des charges sur les indemnités de congés est mutualisé entre les employeurs affiliés aux caisses de compensation prévues à l’article L.3141-30 du code du travail, le montant de la réduction déterminée selon les modalités précitées est majoré d’un taux fixé par décret.
Il résulte des dispositions de l’article D.241-7 du code de la sécurité sociale applicables, qu’en cas de suspension du contrat de travail avec paiement intégral de la rémunération brute du salarié, la fraction du montant du salaire minimum de croissance correspondant au mois où le contrat est suspendu est corrigée à proportion de la durée de travail ou de la durée équivalente, hors heures supplémentaires et complémentaires, inscrite à leur contrat de travail au titre de la période où ils sont présents dans l’entreprise et rapportée à celle correspondant à la durée légale du travail.
Pour les salariés qui ne sont pas présents toute l’année ou dont le contrat de travail est suspendu sans paiement de la rémunération ou avec paiement partiel de celle-ci, la fraction du montant du salaire minimum de croissance correspondant au mois où a eu lieu l’absence est corrigée selon le rapport entre la rémunération versée et celle qui aurait été versée si le salarié avait été présent tout le mois, hors éléments de rémunération qui ne sont pas affectés par l’absence.
La formule arithmétique applicable pour le calcul du coefficient défini par l’article D.241-7 I varie selon l’effectif (plus ou moins 19 salariés jusqu’au 31 décembre 2012).
L’appelante ne conteste pas que le mode de calcul qu’elle a appliqué a majoré dans la détermination du salaire minimum de croissance de la formule de calcul du montant de la réduction ‘Fillon’ lorsque le 10ème de congés payés est supérieur à la retenue pour absence alors que le salarié a bénéficié d’un maintien intégral de salaire, et elle n’étaye pas utilement sa contestation des chiffrages par l’Urssaf aux sommes respectives de 1 939 euros pour 2011 et de 778 euros pour 2012, des cotisations ou contributions indûment payées par suite des erreurs de paramétrage des réductions sur les bas salaires.
Il s’ensuit qu’il doit uniquement être fait droit à sa demande de restitution portant sur la somme de 2 717 euros, au paiement de laquelle l’Urssaf doit être condamnée, faute de justifier du remboursement de cette somme en exécution de la décision de sa commission de recours amiable, fût-ce par imputation sur des sommes dues par la société.
Succombant principalement en ses demandes, la société [7] doit être condamnée aux dépens et ne peut utilement solliciter l’application à son bénéfice des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de l’Urssaf Provence-Alpes-Côte d’Azur les frais exposés pour sa défense.
PAR CES MOTIFS,
– Prononce la jonction de la procédure enregistrée sous la référence RG 21/18369 avec celle portant le numéro RG 21/18368,
– Dit la société [7] irrecevable à contester en cause d’appel la régularité de la procédure de contrôle comme des trois chefs de redressements notifiés et la mise en demeure subséquente,
– Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, n°21/06027, en date du 19 novembre 2021, en ce qu’il a déclarée irrecevable la société [7] en ses demandes ‘nouvelles’,
– Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, n°21/06125, en date du 19 novembre 2021, en ce qu’il a déclarée irrecevable la société [7] en sa demande de remboursement au titre de la réduction générale sur les bas salaires afférente à l’année 2010,
y ajoutant,
– Condamne l’Urssaf Provence-Alpes-Côte d’Azur à payer à la société [7] la somme de 2 717 euros en remboursement du trop payé au titre de la réduction générale sur les bas salaires afférente aux années 2012 et 2013,
– Déboute la société [7] du surplus de ses demandes à ce titre,
– Dit n’y avoir lieu à application au bénéfice de quiconque des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamne la société [7] aux dépens.
Le Greffier Le Président
Laisser un commentaire