Droit du logiciel : 28 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/17892

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Droit du logiciel : 28 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/17892

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 28 MARS 2023

N°2023/

Rôle N° RG 21/17892 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BISCG

URSSAF PACA

C/

S.A.S. [3]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– URSSAF PACA

– Me Pascal ALIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal judiciaire de NICE en date du 07 Juin 2019,enregistré au répertoire général sous le n° 15/490.

APPELANTE

URSSAF PACA, demeurant [Adresse 2]

représentée par Mme [Z] [S] en vertu d’un pouvoir spécial

INTIMEE

S.A.S. [3], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Pascal ALIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Laura BLANCARDI, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Février 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Madame Isabelle PERRIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2023

Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits

À la suite d’un contrôle de l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance-chômage, et de garantie des salaires AGS mené à compter du 1er janvier 2009 par l’union de recouvrement de cotisations de sécurité sociales et d’allocations familiales Provence Alpes Côte d’Azur (ci-après désignée URSSAF), la société [3] a été destinataire d’une lettre d’observations en date du 17 octobre 2014, suivie d’une mise en demeure le 2 décembre 2014 portant sur la somme totale de 61 319,00 euros.

Sur saisine du 20 décembre 2014 par la société de la commission de recours amiable de l’organisme de sécurité sociale, une décision explicite de rejet a été rendue en date du 26 février 2016.

Procédure

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 mars 2015, la société a porté son recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes Maritimes.

Par jugement du 7 juin 2019, le tribunal de grande instance de Nice ayant repris l’instance a :

– déclaré la contestation recevable,

– débouté la société de sa demande d’annulation de redressement,

– annulé la mise en demeure en demeure,

– débouté l’URSSAF de sa demande en paiement des causes de la mise en demeure,

– condamné l’URSSAF à payer à la société la somme de 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Par déclaration du 18 juillet 2019, l’URSSAF a régulièrement interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a annulé la mise en demeure du 2 décembre 2014, l’a déboutée de sa demande en paiement des causes de cette mise en demeure, et condamnée au paiement de frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.

Par ordonnance du 22 janvier 2020, l’affaire a été radiée par la présente cour d’appel pour défaut de diligences accomplies.

Elle a été ré-enrôlée au vu des premières conclusions déposées par l’organisme de sécurité sociale le 7 décembre 2021.

La péremption n’a pas été soulevée par l’intimée.

Prétentions et moyens

Par conclusions visées et développées oralement à l’audience, l’appelante demande à la cour d’infirmer le jugement rendu en ce qu’il a annulé la mise en demeure, de le confirmer ce qu’il a débouté la société de sa demande d’annulation du redressement, et de :

– condamner la société à lui payer la somme totale de 61.319,00 euros,

– condamner la société à lui payer la somme de 2 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir essentiellement que :

sur la validité de la mise en demeure

– conformément à l’article R. 244-1 du code de sécurité sociale, la mise en demeure mentionne pour chaque période le montant des cotisations et des majorations de retard appliquées,

– s’agissant des sommes dues au titre de l’année 2013, le dernier chef de redressement est relatif au versement transport pour lequel le crédit notifié a été déduit sur les douze mois de l’exercice et y compris sur la DADS 2013, et ces sommes créditées sont mentionnées dans la mise en demeure au titre des versements réalisés au cours de l’année 2013,

– de la somme de l’exercice 2013 ont été déduits dans la rubrique versement les différents crédits ‘transports’ à compter du 15 février 2013pour un total de 4 771,00 euros, d’où il découle qu’hormis ce différentiel supplémentaire en crédit ne faisant pas grief à la société, le montant des sommes réclamées est conforme à la lettre d’observations,

– selon jurisprudence, la mise en demeure valable peut servir de base à l’action de recouvrement peu important que le montant des cotisations afférentes à la période qu’elle visait ait été ramené à un chiffre inférieur à celui qui y était primitivement porté ; et la différence minime entre la somme portée sur la mise en demeure et celle figurant sur la lettre d’observations, en faveur du cotisant, n’affecte pas la connaissance qu’il a de la nature, étendue et cause de son obligation dès lors que la société ne formule aucune critique précise sur les motifs et modes de calculs des éléments de ce redressement, ce qui est le cas en l’espèce,

sur l’appel incident portant sur la régularité des opérations de contrôle

– l’avis de contrôle adressé le 31 août 2012 est conforme aux prescriptions de l’article R.243-59 du code de la sécurité sociale en ce qu’il a pour seul objet d’informer le cotisant de la date de la première visite de l’inspecteur de recouvrement, le contrôle pouvant se poursuivre jusqu’à sa clôture par la sollicitation de nouveaux documents ou la fixation de nouvelles visites.

Par conclusions visées et développées oralement à l’audience, l’intimée, formant appel incident, demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a reçu la contestation, annulé la mise en demeure, débouté l’URSSAF de sa demande en paiement des causes de celle-ci, condamné l’URSSAF aux frais irrépétibles et aux dépens, et de, statuant à nouveau :

– juger irrégulière la procédure de contrôle,

– prononcer l’annulation du contrôle,

– condamner l’URSSAF à lui payer une somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle soutient en substance que :

sur la nullité de la mise en demeure

– il apparaît une différence de 4 157,00 euros entre la mise en demeure et le redressement pour l’année 2013, sans explication de cette différence notable (20 %) dans la lecture de la mise en demeure, et bien que l’URSSAF indique en cause d’appel qu’il s’agirait du crédit dû au titre du versement transport, cette indication n’est pas portée dans la mise en demeure, laquelle demeure incohérente avec le redressement détaillé dans le corps de la lettre d’observations,

– l’explication selon laquelle la somme de 4 771,00 euros correspondrait aux crédits transports ne saurait prospérer car le point de redressement n° 4 est d’un montant différent, en l’espèce de 4 157,00 euros,

– la jurisprudence n’impose pas la démonstration d’un préjudice pour que soit prononcée la nullité de la mise en demeure en pareille situation.

sur l’irrégularité du contrôle opéré

– l’avis de contrôle du 1er octobre 2012 annonçait à la société un contrôle sur la période 2009, 2010 et 2011 or la lettre d’observations, qui mentionne une date de fin de contrôle au 6 octobre 2014, indique une période contrôlée du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, et dans sa motivation, le point n°1 (seul favorable à l’Urssaf) seules les années 2009 et 2010 sont évoquées bien que prescrites mais le tableau de redressement s’étend sur les années 2011, 2012 et 2013,

– il en ressort que le contrôle s’est étendu sur six ans, jusqu’à une date de fin au 6 octobre 2014,

– or, au visa de la charte du cotisant, l’inspecteur peut opérer son contrôle durant les années civiles N-1, N-2, N-3 et le cas échéant celles exigibles en N au titre de la période précédant le contrôle, ainsi, l’inspecteur ne pouvait étendre la période contrôlée de manière discrétionnaire lorsqu’il s’est aperçu que les années 2009 et 2010 étaient prescrites,

– elle conteste la prétendue rencontre entre son comptable et l’inspecteur du recouvrement, de même qu’il est inexact, comme le fait l’organisme de recouvrement, que la société n’a pas donné suite aux demandes puisque trois emails avec accusé de réception auxquels étaient joints les documents demandés ont été adressés par la société,

– la société a simplement demandé un délai supplémentaire (quinze jours) afin de fournir les tableaux réclamés sous forme dématérialisée ce qui n’était pas une obligation du cotisant, et ce que son logiciel ne faisait pas, mais l’organisme de sécurité sociale n’a jamais informé la société que ses opérations de vérification étaient impossibles dans l’attente des documents et que le contrôle devait être différé de sorte que l’Urssaf a fait durer dans le temps son contrôle de manière dilatoire afin de pouvoir étendre sa durée et établir un redressement sur trois années complètes,

– selon la circulaire DSS/SDFGSS/5 B n° 99-726 du 30 décembre 1999, s’il n’existe pas de durée établie pour la réalisation du contrôle, sa prolongation est injustifiée et irrégulière, de sorte qu’un nouvel avis de contrôle aurait dû lui être adressé, l’inspecteur du recouvrement admettant dans un email du 17 novembre 2014 ‘j’ai dû différer le contrôle de la société’.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l’audience.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Il convient, pour la cohérence de l’exposé, en respect de la chronologie des opérations de contrôle, d’examiner en premier lieu l’appel incident qui porte sur la régularité de ces opérations.

Sur la régularité ou l’irrégularité de la procédure de contrôle

Aux termes de l’article R.243-59 du code de la sécurité sociale, tout contrôle effectué en application de l’article L. 243-7 est précédé de l’envoi par l’organisme chargé du recouvrement des cotisations d’un avis adressé à l’employeur ou au travailleur indépendant par lettre recommandée avec accusé de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l’article L. 324-9 du code du travail. Cet avis mentionne qu’un document présentant au cotisant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue, tels qu’ils sont définis par le présent code, lui sera remis dès le début du contrôle et précise l’adresse électronique où ce document est consultable. Lorsque l’avis concerne un contrôle mentionné à l’article R. 243-59-3, il précise l’adresse électronique où ce document est consultable et indique qu’il est adressé au cotisant sur sa demande, le modèle de ce document, intitulé « Charte du cotisant contrôlé », est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.

En l’espèce l’URSSAF a adressé le 31 août 2012 un avis à la société l’informant de ce que l’inspecteur du recouvrement se présenterait le 1er octobre 2012 pour procéder au contrôle de l’application des législations de sécurité sociale, de l’assurance-chômage et de la garantie des salaires AGS à compter du 1er janvier 2009, conformément aux articles L.243-7 à L.243-12-3, L.114-4 à L144-16, R.243-59, R.243-59-1 et R.243-59-2 du code de la sécurité sociale. Conformément au texte susvisé , cet avis précisait que dès le début du contrôle, il serait remis à la société la charte du cotisant contrôlé le document présentant la procédure de contrôle et les droits dont dispose le cotisant pendant son déroulement, tels qu’ils sont définis par le code de la sécurité sociale. Étaient mentionnés en annexe une liste non exhaustive des principaux documents à produire lors de la vérification, ainsi que la faculté pour le cotisant de se faire assister au cours du contrôle par le conseil de son choix.

Il en résulte que le contrôle a nécessairement porté sur les années 2009 2010 et 2011 ainsi que prévu par la charte du cotisant qui informe ce dernier de ce que le contrôle, qui permet de vérifier la bonne application des législations de sécurité sociale et d’assurance chômage et de s’assurer de l’exactitude des déclarations, porte sur les cotisations et contributions non prescrites, et rappelle que les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de l’expiration de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues.

Or en l’espèce, la lettre d’observation du 17 octobre 2014 indique que la période vérifiée est celle du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. Il porte ainsi sur des périodes comptables postérieures au début du contrôle, en violation de la règle applicable, annoncée au cotisant.

Il en résulte suffisamment que le contrôle est irrégulier et doit être annulé.

Le jugement, qui par une erreur de terminologie a débouté la société de sa demande d’annulation du « redressement » alors que la société sollicitait l’annulation du contrôle, sera dès lors infirmé en ce sens, et l’URSSAF débouté de toutes ses demandes, sans qu’il y ait lieu, en conséquence de ce qui précède, à examiner la validité de la mise en demeure du 2 décembre 2014, laquelle se trouve annulée par voie de conséquence.

L’URSSAF qui succombe supportera la charge des dépens conformément à l’article 696 du code de procédure civile et verra sa demande présentée au titre de ses propres frais irrépétibles rejetée.

L’équité commande d’allouer à la société une somme de 3.000,00 en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

– Infirme le jugement du 7 juin 2019 en ce qu’il a débouté la société [3] de sa demande d’annulation du contrôle.

Statuant à nouveau,

– Annule la procédure de contrôle ouverte par l’avis de contrôle du 31 août 2012 et s’étant poursuivie par la lettre d’observations du 17 octobre 2014.

– Confirme le jugement pour le surplus.

– Condamne l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Provence Alpes Côte d’Azur aux dépens.

– Condamne l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Provence Alpes Côte d’Azur à payer à la société [3] une somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– Déboute l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Provence Alpes Côte d’Azur de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles.

Le Greffier Le Président

 


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