COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4IC
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 28 FEVRIER 2023
N° RG 22/05786
N° Portalis DBV3-V-B7G-VNHH
AFFAIRE :
[I] [D]
C/
LE PROCUREUR GENERAL
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Septembre 2022 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2022L00152
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Martine DUPUIS
TC VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [I] [D]
né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 4] (78)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625
APPELANT
****************
LE PROCUREUR GENERAL
POLE ECOFI – COUR D’APPEL DE VERSAILLES
[Adresse 3]
[Localité 4]
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport et Madame Delphine BONNET, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,
En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l’avis du 23/09/2022 a été transmis le 28/09/2022 au greffe par la voie électronique.
La SARL [D] internationale, société de transport public de marchandises dirigée par M. [Z] [L] [D], a fait l’objet d’une mesure de sauvegarde par jugement du 17 octobre 2019 du tribunal de commerce de Versailles qui a désigné la Selarl [T] [O] et la Selafa MJA, en la personne de maître [H] [E], respectivement en qualité d’administrateur et de mandataire judiciaires.
Sur requête de l’administrateur, le tribunal de commerce de Versailles, par jugement du 11 mars 2021, a ouvert la liquidation judiciaire de la société [D] internationale ; la date de cessation des paiements a été fixée au 15 novembre 2020.
Par jugement contradictoire assorti de l’exécution provisoire du 6 septembre 2022, le tribunal de commerce de Versailles, saisi par requête du ministère public en date du 17 janvier 2022, a :
– prononcé à l’encontre de M. [D] une mesure de faillite personnelle d’une durée de dix ans, emportant interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale ;
– condamné M. [D] aux dépens de l’instance.
Pour prononcer cette sanction le tribunal qui a indiqué que l’insuffisance d’actif s’élevait à 1 516 848,76 euros, a retenu trois fautes de gestion :
– l’absence de coopération avec les organes de la procédure,
– la tenue d’une comptabilité irrégulière ou incomplète,
– l’augmentation frauduleuse du passif .
Par déclaration en date du 16 septembre 2022, M. [D] a interjeté appel du jugement.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 9 janvier 2023, il demande à la cour de :
– le recevoir en son appel ;
– le dire bien fondé ;
– annuler ou infirmer le jugement ;
Statuant à nouveau, à titre principal,
– ordonner le rejet des pièces visées à l’appui de la requête du procureur de la République qui n’ont pas été communiquées en appel :
1) état des inscriptions et privilèges,
2) état du passif admis,
3) proposition de rectification du 22 décembre 2017,
4) proposition de rectification du 30 juillet 2018,
5) rapport de l’administrateur judiciaire en date du 2 juillet 2020,
6) rapport de l’administrateur judiciaire en date du 6 janvier 2021,
7) éléments relatifs au vol des véhicules (notamment mail du 8 juin 2021 et courriers du 6 janvier 2022),
– dire n’y avoir lieu au prononcé d’une mesure de faillite personnelle à son encontre ;
A titre subsidiaire,
– substituer une mesure d’interdiction de gérer qui ne saurait excéder un an ;
En tout état de cause,
– condamner le Trésor public aux entiers dépens ;
– dire que les dépens d’appel pourront être recouvrés directement par la Selarl Lexavoué [Localité 6]-[Localité 4], conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans son avis notifié par RPVA le 28 septembre 2022, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement. Il observe qu’au vu des trois griefs imputables à M. [D], de l’importance de l’insuffisance d’actif et de sa difficulté à gérer une société et à la pérenniser, il serait inopportun de ne pas le condamner à une mesure de faillite personnelle d’une durée de dix ans.
Il a joint à son avis le rapport de la Selafa MJA en date du 11 janvier 2022 et a précisé à l’audience qu’il n’entendait pas faire d’observations complémentaires à la suite des dernières conclusions de l’appelant.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2023.
La cour, malgré deux demandes en date des 26 septembre 2022 et 12 décembre 2022, n’a pas obtenu communication du dossier du tribunal.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Aucun moyen n’étant soulevé ou susceptible d’être relevé d’office, il convient de déclarer l’appel de M. [D] recevable.
Il convient de relever en préalable que celui-ci ne discute pas sa qualité de dirigeant de droit de la société liquidée.
Sur la demande de nullité :
M. [D], au visa de l’article R.662-12 du code de commerce et de la jurisprudence qui retient que le rapport du juge-commissaire constitue une formalité substantielle de la procédure, fait valoir qu’il résulte des énonciations du jugement que le juge-commissaire aurait fait lors de l’audience un rapport oral dont la teneur ne lui a pas été transmise ; il précise que la convocation qui lui a été adressée par le greffe du tribunal pour l’audience du 19 avril 2022 comporte un ‘avis’ du juge-commissaire, lequel se limite cependant au bien fondé de la convocation et ne porte pas sur les griefs retenus de sorte que le jugement encourt la nullité.
Conformément à l’article R.662-12 du code de commerce, le tribunal statue sur rapport du juge-commissaire sur tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, la faillite personnelle ou l’interdiction prévue à l’article L.653-8, étant observé que le rapport peut n’être qu’oral.
Il ressort des mentions du jugement que le juge-commissaire a établi, conformément aux dispositions précitées, un rapport en date du 3 février 2022 ; la pièce 5 de l’appelant qui correspond à la convocation de M. [D] pour l’audience de première instance à laquelle il a comparu en la personne de son avocat comporte notamment, outre la requête détaillée du ministère public, le rapport écrit du juge-commissaire daté du 3 février 2022, lequel ne se limite pas au bien fondé de la convocation mais donne son avis, même s’il est succinct en indiquant qu’il a été ‘ constaté au cours de la procédure judiciaire de la société que M. [D], son gérant, s’est abstenu volontairement de collaborer avec les organes de la procédure, n’a pas tenu de comptabilité complète et régulière donnant une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise et a frauduleusement augmenté le passif de la personne morale’, le juge-commissaire ayant également relevé le montant de l’insuffisance d’actif, pour indiquer qu’il était d’avis de faire citer l’intéressé en vue de statuer sur l’éventualité d’une sanction personnelle à son encontre.
L’appelant ne peut dans ces circonstances valablement invoquer le non respect des dispositions de l’article R.662-12 de sorte que sa demande d’annulation du jugement est rejetée.
Sur la demande relative aux pièces visées à l’appui de la requête du ministère public :
M. [D] demande à la cour d’ordonner le rejet de sept des dix pièces sur lesquelles est fondée la requête du ministère public.
La cour n’ayant pu obtenir la transmission du dossier du tribunal de commerce ne peut que statuer au vu des pièces communiquées en appel par les parties, à savoir le rapport du liquidateur judiciaire daté du 11 janvier 2022 et les dix-sept pièces communiquées par M. [D] à l’appui de ses dernières écritures.
Il n’ y a pas lieu d’ordonner le rejet de pièces qui ne sont pas versées aux débats.
Sur les manquements comptables :
M. [D], après avoir observé que le rapport du liquidateur judiciaire n’est accompagné d’aucune pièce comptable de sorte qu’à l’évidence ce grief n’est pas établi, expose que la société [D] internationale a toujours fait établir sa comptabilité par un expert-comptable jusqu’à ce que ce dernier prenne sa retraite le 31 décembre 2018, que le successeur de celui-ci auquel ont été transmis tous les éléments nécessaires, a dressé la comptabilité des exercices 2019 et 2020 et que l’irrégularité de la comptabilité dont il est fait état dans le rapport est celle relevée lors du contrôle fiscal pour motiver le rejet de cette comptabilité pourtant tenue par un système informatisé et validée par un professionnel qualifié. A propos de ce contrôle, il relève notamment qu’il a porté sur la période du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2014 et sur les exercices clos au 31 juillet 2015 et 31 juillet 2016, soit plus de trois ans avant le jugement de liquidation judiciaire et qu’aucun rejet de comptabilité n’a été émis par l’administration pour la première période clôturée au 31 juillet 2014 ; pour la période postérieure, il a formulé diverses observations qui seront examinées ci- dessous par la cour.
Il souligne en outre que sur les contrôles effectués entre 2008 et 2019, la société a fait l’objet d’un rappel de TVA limité à 5 957 euros pour un chiffre d’affaires de 2,5 M€ conformément à la proposition de rectification de 2011, faits bien antérieurs à l’ouverture de la sauvegarde judiciaire à l’occasion de laquelle le jugement retient qu’il a produit des éléments sincères.
Le ministère public, dans sa requête établie au visa de l’article L.635-5 6° et communiquée à M. [D] lors de sa convocation en première instance comme le démontre la pièce 5 qu’il verse aux débats, a indiqué que la comptabilité n’a pas été régulièrement tenue ou est manifestement incomplète ou irrégulière en listant les anomalies ou discordances mentionnées lors de la vérification fiscale dont la société a fait l’objet pour la période du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2016 ; il ajoute que d’après une note de l’administrateur judiciaire du 6 janvier 2021, ‘au moins trois documents présentant les comptes de l’exercice clos le 31 juillet 2019 mentionnent trois résultats différents’ et que les comptes annuels de l’exercice clos le 31 juillet 2020 n’ont pas été déposés au greffe.
Il résulte de la combinaison des articles L.653-1 et L.653-5 6° du code de commerce que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne physique, dirigeant de droit d’une personne morale,
contre laquelle a été relevé le fait d’avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.
Les articles L.123-12 à L.123-28 et R.123-172 à R.123-209 du code de commerce imposent aux commerçants personnes physiques et personnes morales la tenue d’une comptabilité donnant une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise, au moyen de la tenue d’un livre journal et d’un grand livre ; les mouvements doivent être enregistrés chronologiquement au jour le jour et non en fin d’exercice, seuls les comptes annuels étant établis à la clôture de l’exercice.
Il ressort du rapport du liquidateur judiciaire daté du 11 janvier 2022 que M. [D] lui a transmis les bilans des exercices 2016 à 2018, que ces comptes annuels ont été déposés et que l’administrateur judiciaire lui a adressé les bilans de la société [D] international clos aux 30 juillet 2019 et 30 juillet 2020, précisant que seuls les comptes annuels au 31 juillet 2020 n’ont pas été déposés au greffe.
Etant observé qu’il n’est pas reproché le défaut de tenue du grand livre et du livre journal, la cour ne détenant aucune information à cet égard, il n’est pas discuté par M. [D] que les anomalies, énumérées par le liquidateur judiciaire, dans son rapport précité et par le ministère public dans sa requête, ont bien été relevées par l’administration fiscale dont les propositions de rectification n’ont pas été transmises à la cour ; l’appelant qui n’a nullement allégué ne pas les avoir reçues s’explique d’ailleurs sur ces anomalies qui sont ainsi énumérées dans le rapport précité et la requête à l’origine de la saisine du tribunal :
– anomalies concernant les dates de validation des écritures (les retards peuvent aller jusqu’à un an voire deux ans),
– anomalies dans l’enregistrement comptable, des opérations de nature différente étant pourtant enregistrées sous le même numéro d’écriture,
– enregistrement d’opérations d’achat alors que les opérations réelles étaient des versements au profit de M. [D] à titre personnel,
– des inversions de comptes, notamment entre le compte de charges et celui de la TVA déductible,
– discordance entre le montant des encaissements réalisés ramenés en hors taxe et le chiffre d’affaires hors taxe déclaré en matière de TVA, ce qui a par ailleurs conduit l’administration à considérer qu’il s’agissait d’un manquement délibéré.
M. [D] s’est expliqué sur les dates de validation des écritures comptables en précisant que ces écritures concernent la comptabilité informatisée et qu’il ‘s’agit d’une phase de traitement informatique volontaire, activé grâce à une fonction du logiciel qui consiste à figer les éléments de l’écriture de façon telle que toute modification ultérieure est impossible’ ; il ajoute que ‘quand bien même les dates de validation seraient postérieures aux dates limites de dépôt des déclarations, aucune anomalie n’a été constatée entre le fichier remis et les liasses fiscales qui étaient déjà déposées’ , ce qui ne justifie pas l’existence de ces anomalies.
Il prétend par ailleurs que pour les inversions de compte qui ont été révélées, ‘il ne s’agissait que de simples erreurs’, qu’il ‘ne ressort pas du contrôle fiscal’ que la comptabilité révélerait des versements à son profit, qu’enfin s’agissant ‘des discordances résultant de l’état de rapprochement, cet écart n’a concerné que deux années, un trop déclaré a été in fine identifié pour un montant de 13 058 euros conformément à l’extrait de proposition de rectification du 30 juillet 2018’.
Au vu de ces explications, il est établi que celui-ci ne discute pas l’existence des anomalies et discordances constatées par l’administration fiscale hormis les opérations qui auraient été effectuées à son profit sous un intitulé ne correspondant pas ; si ce dernier point ne peut être effectivement retenu à son encontre, dès lors que les propositions de rectifications contenant des explications à cet égard ne sont pas versées aux débats, M. [D] ne peut en revanche valablement justifier des discordances ou des anomalies constatées à plusieurs reprises par la commission de ‘simples erreurs’ d’autant qu’il n’a pas discuté et ne s’explique pas réellement sur la discordance, sur cette période, entre le montant des encaissements réalisés et le chiffre d’affaires hors taxes déclaré en matière de TVA ; en première instance, il n’avait d’ailleurs pas contesté cette discordance, celui-ci ayant précisé, selon les mentions du jugement, qu’elles étaient ‘minimes’, n’avaient porté que sur deux années et avaient entraîné le redressement de l’administration pour un trop déclaré de 13 058 euros qu’il évoque de nouveau devant la cour.
Le caractère répété de ces anomalies comptables ne permet pas de considérer que la comptabilité tenue par la société [D] internationale ait été régulière et sincère ; le grief est donc caractérisé et doit être retenu à l’encontre du dirigeant qui est responsable de la bonne tenue d’une comptabilité sincère reflétant l’activité réelle de la société.
Sur le détournement d’actif ou l’augmentation frauduleuse du passif :
M. [D], pour contester le jugement qui retient que le défaut de paiement de la TVA collectée aurait contribué à l’aggravation du passif, expose que la balance actif/passif n’est pas suffisamment explicitée, que le passif est un passif déclaré et non définitivement admis, qu’il ne dispose pas de l’état du passif et qu’une même faute (que celle concernant la comptabilité) qui n’est en tout état de cause pas avérée, ne peut à elle seule constituer un double grief susceptible de justifier une faillite personnelle.
Dans sa requête, établie au visa de l’article L.653-4 5° pour ce grief, le ministère public, énumère, au vu de la proposition de rectification de l’administration fiscale du 22 décembre 2017, les différents rappels dont la société liquidée a été l’objet d’abord sur la période du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2014 puis sur celle du 1er août 2014 au 31 juillet 2016, en relevant notamment au titre des rappels de TVA les majorations de retard, de 40 % pour manquement délibéré, appliquées sur les deux périodes et les intérêts de retard calculés sur la seconde période. Il en conclut que M. [D] a frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.
Conformément à l’article L.653-4 5° du code de commerce, il peut être prononcé la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d’une personne morale contre lequel a été relevé le fait d’avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.
Il ressort du rapport du liquidateur judiciaire qui fait état des mêmes montants que la requête du ministère public que :
– d’après la proposition de rectification fiscale datée du 22 décembre 2017, correspondant à la période du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2014, l’administration fiscale a appliqué à la société dirigée par M. [D] des rappels de TVA de 175 538 euros augmentés d’une majoration de 40 % (67 338 euros) pour manquement délibéré, soit un total de 271 664 euros outre des rappels au titre de la formation professionnelle continue, de la taxe d’apprentissage et de la taxe sur les véhicules de société pour un total de 31 639 euros;
– d’après la seconde proposition de rectification datée du 30 juillet 2018, correspondant à la période du 1er août 2014 au 31 juillet 2016, l’administration fiscale a aussi appliqué à cette société des rappels de TVA de 372 597 euros augmentés d’intérêts de retard pour 38 780 euros et également d’une majoration de 40 % (59 909 euros) pour manquement délibéré, soit un total de 533 007 euros outre des rappels au titre de la formation professionnelle continue, de la taxe d’apprentissage et de la taxe sur les véhicules de société pour un montant total de 32 416 euros.
Si ces propositions de rectification fiscale ne sont pas versées aux débats, M. [D] qui ne discute pas les avoir reçues puisqu’il s’est expliqué dans ses écritures sur les anomalies relevées, ne conteste pas les montants rappelés par la requête et le rapport du liquidateur judiciaire ; il ressort d’ailleurs de ses observations données en première instance, rappelées dans le jugement, qu’il ne discutait pas ces montants, son conseil ayant alors relevé que seules les majorations pour manquement délibéré avaient été appliquées à hauteur de 40 % et non celles de 80 % pour manoeuvre frauduleuse.
Il ressort du rappel des propositions de rectification effectué par le liquidateur judiciaire et le ministère public que du fait de la non déclaration répétée au titre de la TVA, la société qu’il dirigeait a fait l’objet d’une proposition de rectification fiscale sur une période de deux ans et demi, dont il n’est pas allégué qu’elle ait fait l’objet d’un recours et qui a entraîné une majoration de 40 % à deux reprises et sur la seconde période, des intérêts de retard, de sorte que le passif de la société s’est trouvé majoré d’une somme totale de 166 027 euros que la société n’aurait pas eu à régler si la TVA avait été régulièrement déclarée.
Ces irrégularités concernant les déclarations au titre de la TVA constituent une soustraction volontaire à l’impôt ou à tout le moins une volonté de le minorer.
Si l’état du passif n’a pas été transmis, il ressort du rapport du liquidateur judiciaire que le passif déclaré d’un montant de 2 831 850,47 euros a été vérifié et que le passif définitivement admis s’élève à 1 347 460,41 euros, celui-ci notant que le pôle de recouvrement spécialisé des Yvelines, créancier principal de la société, a vu ses créances admises pour 837 000 euros à titre privilégié.
Dans ces conditions, le grief tenant à l’aggravation frauduleuse du passif au sens de l’article L.653-4 5° du code de commerce, lequel se distingue de celui relatif à la régularité de la comptabilité, est caractérisé.
Sur le défaut de coopération :
M. [D] reproche au tribunal d’avoir retenu ce grief en se limitant ‘ à relayer un fait isolé et des affirmations étayées par aucune pièce justificative dûment communiquée’.
D’après la requête du ministère public, il est indiqué, au visa de l’article L.653-5 5° du code de commerce, que dans le cadre de la période d’observation, l’administrateur judiciaire, à plusieurs reprises, a pointé le manque d’implication de l’appelant, le ministère public citant en exemple deux extraits des rapports de l’administrateur en date des 2 juillet 2020 et 6 janvier 2021. Il est également relevé que M. [D] qui s’est plaint du vol de deux véhicules suite à la conversion en liquidation judiciaire n’a jamais transmis les pièces qui avaient été sollicitées par l’assureur suite au dépôt de plainte auquel avaient procédé un salarié de la société et le liquidateur judiciaire. Le ministère public en a conclu qu’en s’abstenant de coopérer avec les organes de la procédure, M. [D] avait fait obstacle à son bon déroulement.
Il résulte de la combinaison des articles L.653-1 et L.653-5 5° du code de commerce que la faillite personnelle peut sanctionner le fait d’avoir, en s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement.
Les rapports de l’administrateur judiciaire, visés dans la requête du ministère public et dans le jugement dont appel, ne sont pas versés aux débats et n’ont pas été transmis à la cour par le tribunal, étant observé que le rapport du 2 juillet 2020 dans lequel l’administrateur aurait noté simplement qu’ ‘ une gestion désinvolte et un manque de coopération avec les organes de la procédure collective ne cessent d’engendrer de nouvelles difficultés (récemment la résiliation des lignes téléphoniques mobile des chauffeurs)’ n’est pas suffisamment précis pour caractériser une abstention volontaire de coopérer avec les organes de la procédure.
S’agissant de l’absence de transmission d’élément comptable déplorée par l’administrateur dans son rapport du 2 juillet 2020, si ce rapport n’est pas communiqué, il ressort cependant du jugement du 11 mars 2021 prononçant la liquidation judiciaire que l’appelant verse aux débats et du jugement dont appel que:
– l’administrateur, dans sa requête aux fins de conversion de la sauvegarde en liquidation judiciaire, a précisé que seuls les comptes clos le 31 juillet 2020 et le budget 2021 avait été communiqué par M. [D] alors qu’il avait été demandé à la société débitrice, lors de l’audience du 14 janvier 2021, de communiquer en outre, avant le 11 février 2021, la balance et le grand livre sur l’exercice clos le 31 juillet 2020, la balance et le grand livre sur l’exercice en cours, la situation intermédiaire au 31 décembre 2020, le tout certifié par un expert-comptable, l’administrateur ayant précisé au tribunal, comme mentionné dans le jugement d’ouverture, qu’il n’avait que peu de visibilité sur la situation de trésorerie compte tenu des documents épars adressés par la débitrice et qu’il avait obtenu des ‘informations complémentaires verbales’ lors d’un rendez-vous avec l’expert-comptable le 27 janvier 2021;
– ainsi que le relève le jugement dont appel, M. [D] a précisé avoir communiqué ces deux éléments comptables le 8 février 2021 sans s’expliquer sur le défaut de remise des autres éléments comptables.
Il s’agit cependant d’un défaut ponctuel de transmission des pièces comptables dès lors qu’il ressort du rapport du liquidateur judiciaire précédemment cité que lui ont été transmis par ailleurs les bilans des trois années précédant celle de 2019 et que par l’administrateur judiciaire, il a reçu les bilans 2019 et 2020 ; le liquidateur judiciaire n’a pas évoqué dans son rapport la persistance du défaut de remise du grand livre et du livre journal qu’il n’aurait pas manqué de signaler pour caractériser une absence de comptabilité complète.
S’agissant du défaut de transmission des pièces demandées par l’assureur à propos des deux véhicules déclarés volés, s’il est constant que M. [D] ne les a pas transmises et qu’il n’a pas justifié des démarches qu’il affirmait en première instance avoir effectuées, cette défaillance, si elle révèle une négligence certaine, ne caractérise pas un défaut de collaboration volontaire avec les organes de la procédure faisant obstacle au bon déroulement de la procédure et ce d’autant moins que le liquidateur a aussi indiqué, dans la note de synthèse figurant en page 2 de son rapport du 11 janvier 2022, que M. [D] qui s’est présenté à ses convocations a ‘partiellement collaboré aux opérations de liquidation judiciaire.’
Dans ces circonstances, le grief d’abstention volontaire ayant fait obstacle au bon déroulement de la procédure n’est pas suffisamment caractérisé à l’encontre de M. [D].
Sur la sanction :
La sanction doit être proportionnée à la gravité des faits caractérisés.
Selon l’article L.653-8 du code de commerce, dans les cas prévus aux articles L.653-3 à L.653-6, il peut être prononcé, à la place de la faillite personnelle, l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.
M. [D] qui est âgé de 71 ans ne fournit aucun élément sur sa situation personnelle et patrimoniale. En première instance, il avait indiqué être à la retraite et gagner 2 000 euros par mois.
Il ressort du rapport du liquidateur judiciaire que la société [D] internationale a été immatriculée le 4 juin 1992 sans qu’il soit fait état de difficultés avant la période qui a précédé la demande d’ouverture de la procédure de sauvegarde ; que M. [D] a également dirigé deux autres sociétés qui ne sont plus en activité depuis le 31 décembre 2014 pour l’une et le 31 décembre 2016 pour l’autre.
Au regard de ces éléments et de la gravité des deux fautes retenues par la cour, il convient, infirmant le jugement, de condamner M. [D] à une interdiction de gérer de sept ans.
PAR CES MOTIFS
Statuant par jugement contradictoire,
Déclare l’appel de M. [I] [D] recevable ;
Déboute M. [I] [D] de sa demande d’annulation du jugement du 6 septembre 2022 ;
Infirme le jugement du 6 septembre 2022 sauf en ce qu’il a condamné M. [I] [D] aux dépens de première instance ;
Statuant à nouveau,
Prononce pour une durée de sept ans à l’encontre de M. [I] [D], né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 4], de nationalité française, demeurant [Adresse 1], une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ;
Condamne M. [I] [D] aux dépens de la procédure d’appel ;
Dit qu’en application des articles 768 et R.69-9° du code de procédure pénale, la présente décision sera transmise par le greffier de la cour d’appel au service du casier judiciaire après visa du ministère public ;
Dit qu’en application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l’objet d’une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d’accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président,
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