AFFAIRE : N° RG 21/00023 –
N° Portalis DBVC-V-B7F-GVBX
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DÉCISION du Tribunal de Grande Instance de CAEN du 17 Novembre 2020
RG n° 19/03411
COUR D’APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 28 FEVRIER 2023
APPELANT :
Monsieur [S] [H]
né le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 8] (ALGERIE)
[Adresse 5]
[Localité 6]
représenté et assisté de Me Alice DUPONT-BARRELLIER, avocat au barreau de CAEN
INTIMÉES :
La Compagnie d’assurance ALLIANZ IARD
N° SIRET : 542 110 291
[Adresse 1]
[Localité 7]
prise en la personne de son représentant légal
représentée par Me Christophe SOURON, avocat au barreau de CAEN,
assistée de Me Hervé KEROUREDAN, avocat au barreau de VERSAILLES
La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE BASSE NORMANDIE Service recours contre tiers,
[Adresse 2]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal
non représentée, bien que régulièrement assignée
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. GUIGUESSON, Président de chambre,
M. GARET, Président de chambre,
Mme VELMANS, Conseillère,
DÉBATS : A l’audience publique du 15 novembre 2022
GREFFIER : Mme COLLET
ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 28 Février 2023 par prorogation du délibéré initialement fixé au 24 Janvier 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier
* * *
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Le 27 janvier 2016, M. [H] a été victime d’un accident de la circulation alors qu’il circulait à pied après avoir été heurté par le véhicule conduit par Mme [I] régulièrement assurée auprès de la société Allianz Iard.
Par acte du 18 janvier 2017, M. [H] a fait assigner la société Allianz Iard devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Caen aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire et d’obtenir une provision de 5 000 euros à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices.
Par ordonnance du 20 avril 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Caen a fait droit à la demande de M. [H] en désignant le Dr [N] en qualité d’expert et lui a accordé une provision.
L’expert a déposé son rapport le 11 septembre 2017.
Par acte du 14 novembre 2019, M. [H] a fait assigner la société Allianz Iard et la Cpam de Basse-Normandie devant le tribunal de grande instance de Caen aux fins d’être indemnisé des préjudices subis.
Par jugement du 17 novembre 2020 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le tribunal judiciaire de Caen a :
– fixé l’évaluation du préjudice corporel subi par M. [H] comme suit :
préjudices patrimoniaux
* dépenses de santé actuelles : 4,16 euros
créance de la Cpam du Calvados : 41 230,99 euros
* dépenses de santé futures à titre principal : réservé
* frais divers : 18 57,97 euros
* tierce personne temporaire : 0 euro
* perte de gains professionnels actuels : 0 euro
* incidence professionnelle : 1 475,28 euros
préjudices extrapatrimoniaux
* déficit fonctionnel temporaire : 2 957,80 euros
* déficit fonctionnel permanent : 16 000 euros
* souffrances endurées : 7 000 euros
* préjudice d’agrément : 0 euro
* préjudice esthétique temporaire : 1 300 euros
* préjudice esthétique permanent : 2 000 euros
total : 32 595,21 euros
en conséquence,
– condamné la société Allianz Iard à payer à M. [H] la somme de 21 075,21 euros, déduction opérée de la provision de 9 800 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation délivrée le 14 novembre 2019 ;
– ordonné la capitalisation des intérêts échus depuis plus d’une année conformément aux dispositions de l’article 1154 ancien du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 applicable au présent litige ;
– condamné la société Allianz Iard à payer à M. [H] les intérêts au double du taux de l’intérêt légal sur la totalité du préjudice de M. [H] avant imputation des provisions versées à concurrence de 9 800 euros et des créances des tiers payeurs évaluées à la somme de 41 230,99 euros à compter du 27 septembre 2016 jusqu’au 7 septembre 2018 ;
– réservé le poste des dépenses de santé futures ;
– dit n’y avoir lieu à statuer sur l’application de l’article L111-8 du code des procédures civiles d’exécution ;
– condamné la société Allianz Iard aux entiers dépens et dit qu’il sera fait application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me [X] ;
– condamné la société Allianz Iard à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté toutes les autres demandes ;
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Par déclaration du 5 janvier 2021, M. [H] a formé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 17 octobre 2022, M. [H] demande à la cour de :
– le déclarer recevable et bien fondé en son appel
– infirmer le jugement du 17 novembre 2020 en ce qu’il a condamné la société Allianz Iard à lui payer la somme de 21 075,21 euros et ce faisant a :
* rejeté les demandes d’indemnisation :
¿ du besoin en tierce personne
¿ des pertes de gains professionnels
* limité l’indemnisation :
¿ de l’incidence professionnelle à 1 475,28 euros
¿ du déficit fonctionnel temporaire à 2 957,80 euros
statuant à nouveau,
– condamner la société Allianz Iard à lui payer la somme de 184 988,66 euros se décomposant comme suit :
préjudices patrimoniaux
dépenses de santé actuelles
* évaluation : 41 235,15 euros
* priorité victime : 4,16 euros
* tiers payeurs : 41 230,99 euros
frais divers
* évaluation : 1 857,97 euros
* priorité victime : 1 857,97 euros
* tiers payeurs : 0 euro
tierce personne temporaire
* évaluation : 1 265,48 euros
* priorité victime : 1265,48 euros
* tiers payeurs : 0 euro
perte de gains professionnels actuels
* évaluation : 3 535,12 euros
* priorité victime : 3 535,12 euros
* tiers payeurs : 0 euros
incidence professionnelle
* évaluation : 118 477,06 euros
* priorité victime : 118 477,06 euros
* tiers payeurs : 0 euro
préjudices extrapatrimoniaux
déficit fonctionnel temporaire
* évaluation : 3 858 euros
* priorité victime : 3858 euros
* tiers payeurs : 0 euro
déficit fonctionnel permanent
* évaluation : 16 000 euros
* priorité victime : 16 000 euros
* tiers payeurs : 0 euro
souffrances endurées
* évaluation : 7 000 euros
* priorité victime : 7 000 euros
* tiers payeurs : 0 euro
préjudice esthétique temporaire
* évaluation : 1 300 euros
* priorité victime : 1 300 euros
* tiers payeurs : 0 euro
préjudice esthétique permanent
* évaluation : 2 000 euros
* priorité victime : 2 000 euros
* tiers payeurs : 0 euro
total
* évaluation : 226 219,65 euros
* priorité victime : 184 988,66 euros
* tiers payeurs : 41 230,99 euros
y ajoutant,
– condamner la société Allianz Iard à lui verser au titre de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 4 000 euros ;
– condamner la société Allianz Iard aux entiers dépens et dire, s’agissant de ces derniers, qu’ils seront directement recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 31 octobre 2022, la société Allianz Iard demande à la cour de :
– déclarer M. [H] mal fondé en son appel ;
– l’en débouter ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions à l’exception de celles relatives aux postes frais divers (honoraires médecin-conseil), incidence professionnelle, déficit fonctionnel permanent, majoration des intérêts légaux, article 700 du code de procédure civile et dépens ;
– la déclarer recevable et fondée en son appel incident ;
y faisant droit,
– infirmer le jugement sur les postes frais divers (honoraires médecin-conseil), incidence professionnelle, déficit fonctionnel permanent, majoration des intérêts légaux, article 700 du code de procédure civile et dépens ;
et, statuant à nouveau,
– fixer l’évaluation des frais divers (honoraires d’assistance à expertise) à la somme de 1 800 euros ;
– fixer l’évaluation du poste atteinte à l’intégrité physique et psychique à la somme de 11 480 euros ;
– rejeter la demande de M. [H] au titre de l’incidence professionnelle et à titre subsidiaire confirmer le jugement ayant retenu la somme de 1 475,28 euros ;
– dire que le doublement des intérêts légaux sera limité à la seule période du 10 mars 2018 au 7 septembre 2018 ;
– dire n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et dire que les dépens, incluant les frais d’expertise, seront laissés à la charge de M. [H] compte tenu de la provision ad litem de 3 000 euros qu’elle a déjà réglée en exécution des causes de l’ordonnance de référé du 20 avril 2017.
La déclaration d’appel et les conclusions ayant été régulièrement signifiées, la Cpam de Basse-Normandie n’a pas constitué avocat en cause d’appel.
L’ordonnance de clôture de l’instruction a été prononcée le 2 novembre 2022.
Pour l’exposé complet des prétentions et de l’argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
– Sur la liquidation du préjudice de monsieur [H] :
La cour doit relever que le principe de l’indemnisation intégrale de monsieur [H] n’est l’objet d’aucune contestation, tel que celui-ci résulte de la loi du 5 juillet 1985 applicable à l’espèce et au vu des conclusions du rapport d’expertise judiciaire réalisé et des justificatifs versés aux débats ;
– Sur les dépenses de santé actuelles :
Ce poste a été fixé à la somme de 4,16 euros par le 1er juge. Il n’est l’objet d’aucun débat et le jugement sera confirmé de ce chef, également en ce que la créance du tiers payeur a été fixée à la somme de 41230,99 euros ;
– Sur les dépenses de santé futures :
Ce poste a été réservé, les parties s’entendent sur cette solution ;
– Sur les frais divers :
Monsieur [H] réclame la confirmation du jugement entrepris qui a évalué ce poste à la somme de 1857, 97 euros, quand la société Allianz Iard entend le réduire à celle de 1800 euros ;
La cour confirmera le jugement entrepris en ce que la somme de 1800 euros est celle qui a été validée par le 1er juge, mais qui après actualisation a été évaluée aux 1857,97 euros accordés ;
– Sur la tierce personne temporaire :
Le 1er juge a écarté ce poste de réclamation au motif que monsieur [H] ne produisait aucune pièce à l’appui de sa demande, pour justifier l’assistance alléguée qui a été selon lui effectuée par son frère.
Il sollicite en conséquence l’infirmation du jugement entrepris et que ce préjudice soit évalué à la somme de 1265,48 euros ;
La société Allianz Iard répond que la tierce personne ne peut pas être accordée au cours des périodes d’hospitalisation durant lesquelles la victime est intégralement prise en charge par le personnel soignant, étant noté que l’expert a mentionné que l’aide alléguée n’était pas spécifique à la lésion traumatique présentée ;
L’expert judiciaire dans son rapport a visé une aide temporaire de 2 heures par semaine pendant la période d’hospitalisation, assurée par le frère de monsieur [H], justifiée par diverses démarches administratives et par le nettoyage des effets personnels de l’appelant ;
Il est précisé comme indiqué précédemment, par l’expert judiciaire, que cette aide n’était pas spécifique à la lésion traumatique ;
Sur ce, il peut être accepté que le fait d’être hospitalisé et présent dans un établissement spécialisé de soins, n’exclut pas l’assistance supplémentaire apportée par un membre de la famille chargé d’interventions que les aides soignants ne peuvent pas effectuées ;
De la même manière, il est constant que l’évaluation des frais provoqués par le préjudice examiné, doit se faire au regard de la justification des besoins et non pas au regard de celle de la dépense afin d’indemniser la solidarité familiale ;
En l’espèce, la réalité de l’aide en cause est établie par les attestations de monsieur [E] [H] qui a déclaré s’être occupé de son frère, et particulièrement de son ‘linge’ durant son hospitalisation, ce qui est confirmé par les documents émis par l’assistante sociale de l’établissement Korian qui précise que le frère de l’appelant l’a soutenu pour diverses formalités ;
Compte tenu des éléments précités, la cour estime que les 2 heures par semaine d’aide n’ont pas été déterminées, dans leur entier, par l’hospitalisation de monsieur [H], comme conséquence de l’accident survenu, puisque la situation sociale et personnelle de monsieur [H], antérieure au sinistre, exigeait déjà pour lui de l’aide et une assistance, comme en témoigne le frère de monsieur [H] ;
Il s’ensuit que la cour sur les deux heures évoquées n’en retiendra qu’une seule comme étant véritablement inscrite dans l’hospitalisation conséquence de l’accident, car pour certaines démarches personnelles monsieur [H] a pu les réaliser, lui-même, comme madame [P] le précise en attestant au sujet de l’appelant :
– il a fait également des démarches par lui-même malgré des difficultés de déplacement en utilisant des transports adaptés aux personnes à mobilités réduites pour des tâches administratives ou des actes essentiels ;
Dans ces conditions sur la base suivante :
– 112 jours correspondant à la durée de l’hospitalisation, avec un taux horaire non discuté par l’assureur, appliqué de 26,36 euros, pour une heure par semaine, il convient d’accorder : la somme à ce titre de 421,76 euros, le jugement étant infirmé de ce chef ;
– Sur la perte de gains professionnels actuels :
Monsieur [H] conteste la solution qui a été apportée par le 1er juge pour ce poste, en expliquant qu’il ne réclame pas une perte de gains, mais qu’il fait état d’une perte de chance de gains professionnels, qu’il estime avoir subie entre le 27 janvier 2016 et le 7 juillet 2016, date à laquelle il a seulement pu s’inscrire à Pôle Emploi, sachant que monsieur [H] soutient qu’il a toujours travaillé de façon régulière, jusqu’à ce qu’il perde son emploi en 2011, quand depuis mars 2014, il s’était engagé dans un projet personnalisé d’accès à l’emploi ;
Qu’il démontre que sa perte de chance a été caractérisée sur 9 mois ;
La société Allianz Iard sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il y a été retenu que monsieur [H] n’était pas en recherche active d’emploi avant l’accident du 27 janvier 2016, quand son dernier entretien avec Pôle Emploi remontait au 20 mars 2014 ;
Sur ce, il résulte des documents versés aux débats, pour monsieur [H], que la situation de ce dernier était la suivante :
– à la date de l’accident, il était titulaire du RSA et cela depuis au moins le 4 juin 2014, date à laquelle il a bénéficié d’un contrat d’insertion ;
– il ne travaillait plus depuis l’année 2011, soit le 27 octobre 2011, date à laquelle il a achevé un contrat à durée déterminée de 1 mois ;
– à cette date, monsieur [H] vivait à [Localité 11], et il justifie de deux recherches d’emplois sur l’année 2012 ;
– en 2013, monsieur [H] résidait à Nantes et il justifie d’une convocation à un 1er entretien à Pôle Emploi- [Localité 10], ayant fait une demande d’inscription auprès de cet organisme le 22 novembre 2013 ;
– en 2014, comme il s’occupait de son frère malade, ce qu’il va faire entre 2013 et 2015, tout en restant domicilié à [Localité 10], il a reçu une offre d’emploi de l’agence de [Localité 9] le 23 mai 2014 pour un contrat à durée déterminée d’agent d’entretien, offre qui n’a pas prospéré, puisque monsieur [H] restera sans aucun emploi sur cette période ;
– entre le 1er juin 2014 et le 30 novembre 2014, il va bénéficier d’un contrat d’insertion RSA pour accéder à un emploi dans les espaces verts ;
– le 4 mars 2015, monsieur [H] était convoqué à un 1er entretien, suite à sa demande d’inscription à Pole emploi du 4 mars 2015, il n’est pas précisé à la cour, la suite qui a été donnée à cette convocation ;
– il est produit aux débats une décision de refus d’allocation de retour à l’emploi en date 8 juillet 2016, émanant de Pôle Emploi Caen, au motif que le contrat de travail de monsieur [H] a pris fin le 30 septembre 2011 et qu’il ne s’est inscrit que le 7 juillet 2016 ;
-ainsi qu’un courrier de Pôle Emploi Caen du 28 juillet 2016 qui mentionne comme dernier entretien avec monsieur [H] : ‘pour définir les actions à engager dans le cadre de votre projet personnalisé d’accès à l’emploi’ ,celui 20 mars 2014 ;
Il résulte de tout ce qui précède soit :
– de l’instabilité des démarches faites auprès de plusieurs agences de Pôle Emploi dans diverses zones géographiques, sans continuité véritable sur un secteur territorial précis fournisseur d’emplois,
– des demandes d’inscription faites qui n’apparaissent pas avoir été suivies d’effets, ce qui est certes également dû à l’absence de qualification professionnelle précise de monsieur [H],
Que ce dernier ne rapporte pas la preuve qu’il était en recherche active d’emploi avant l’accident dont il a été victime et qu’il a perdu la chance de trouver un emploi pendant sa période d’hospitalisation et cela d’autant moins qu’en dépit de son inscription faite à Pôle Emploi en juillet 2016, avec une demande semble-t-il sur le secteur des espaces verts, monsieur [H] n’a pas retrouvé d’emploi sur la période à considérer, la vraisemblance d’un impact de sa période d’hospitalisation sur cette situation n’étant pas confirmée ;
Il s’ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande présentée par monsieur [H] à ce titre ;
– Sur l’incidence professionnelle ;
Monsieur [H] pour ce poste, explique qu’il rapporte la preuve que dans toutes les activités professionnelles qu’il a exercées, l’intégrité physique a constitué une valeur ;
Que s’il demande la confirmation du jugement entrepris concernant la méthode utilisée par le 1er juge, il conteste le taux qui a été retenu qui apparaît dérisoire au regard du préjudice supporté, ainsi que le logiciel de capitalisation, réclamant l’usage de celui qu’il propose qui est autre que celui de la Gazette du Palais 2020 comme il le démontre ;
La société Allianz Iard répond que l’analyse de la situation de monsieur [H] permet de constater que l’intéressé ne travaillait plus au jour du sinistre, qu’il n’a jamais bénéficié d’un contrat de travail à durée indéterminée, qu’il souffrait d’une addiction à l’alcool ;
Que le principe même d’une incidence professionnelle ne peut pas être retenu, dans la mesure où sa dévalorisation sur le marché du travail est la conséquence de son parcours de vie très chaotique, ce qui se trouve être sans lien avec l’accident, et ce qui doit conduire la cour à écarter ce poste de préjudice ;
S’agissant de ce préjudice, il est constant que celui-ci correspond aux séquelles qui limitent les possibilités professionnelles ou qui rendent l’activité professionnelle antérieure plus fatigante ou plus pénible, que l’objet de l’indemnisation est de réparer les conséquences touchant la sphère professionnelle comme la dévalorisation sur le marché du travail, l’augmentation de la pénibilité de l’emploi occupé ou la contrainte de devoir quitter la profession exercée, mais également le risque de perte d’emploi, la perte de chance de bénéficier d’une promotion ;
De même, il peut être admis que l’incidence professionnelle soit calculée en cas de reprise du travail, d’après le salaire puisque celui-ci est un paramètre essentiel de la relation de travail, qu’il est la contrepartie d’un effort physique.
Ainsi la pénibilité et les difficultés à effectuer certains gestes correspondant à la profession exercée qui donne lieu au revenu perçu, peuvent être indemnisées en rapport au salaire puisque le salarié doit augmenter ses efforts pour maintenir son activité et son revenu correspondant à niveau constant ;
Cependant, il convient d’apprécier à l’aune de ces paramètres, si le travail exercé est devenu plus pénible, dans quelle proportion celui-ci est moins valorisant sur le plan personnel, et dans quelles proportions également les chances de majorer ou de maintenir le revenu professionnel se sont réduites ;
Monsieur [H] en l’espèce fait état d’une pénibilité accrue et d’une dévalorisation importante sur le marché du travail ;
Il résulte du rapport d’expertise réalisé en l’espèce que la pénibilité invoquée n’est pas pour monsieur [H] incompatible avec la reprise d’une activité dans les domaines recherchés, soit dans le secteur des travaux paysagers et à défaut dans le bâtiment ;
Sur ce point, le 1er juge a justement analysé la situation en affirmant que la limitation fonctionnelle de la cheville de l’appelant, avec une apparition de douleurs après une heure de marche et des difficultés à la descente des escaliers étaient susceptibles d’entraîner une fatigabilité au travail, dans le cadre de travaux correspondant à une activité physique, susceptibles d’être occupés par monsieur [H] au vu de sa formation ;
Par contre, il ne peut pas être fait état d’une dévalorisation sur le marché du travail, car le CV produit aux débats par monsieur [H] démontre que celle-ci, malheureusement pour l’intéressé, correspondait à un situation antérieure au sinistre, puisque l’appelant a exercé divers métiers sans grande stabilité, ayant été au gré de ses difficultés personnelles et de son manque de qualification :
– aide-monteur, agent d’entretien, aide coffreur, peintre en bâtiment, agent d’entretien de chantier et déménageur ;
Il doit être noté par ailleurs, que monsieur [H] a été accueilli entre fin 2020 et début 2021 dans un centre de Soins de Suite et de Réadaptation en Addictologie en vue d’une réinsertion professionnelle en hôtellerie/ restauration ;
Dès lors, au regard de l’absence d’activité professionnelle de monsieur [H] au jour de l’accident et cela depuis plusieurs années, du faible taux d’emploi de monsieur [H] qui n’a en réalité jamais travaillé sur la durée, s’il convient de retenir l’existence d’un préjudice, celui-ci doit être calculé selon les données retenues par le 1er juge, soit :
– du 30 octobre 2016 au 28 février 2023, 76 mois sur un salaire mensuel net du smic à 1302,64 euros avec un taux de 1% qui est justifié selon la cour au regard de l’ensemble des éléments précités soit : 990 euros ;
– et pour l’avenir, la cour retiendra les barèmes de capitalisation de la Gazette du Palais 2020 au taux de 0%, applicable à un homme âgé au jour de l’arrêt de 53 ans, jusqu’à l’âge de sa retraite fixée à 64 ans, soit 1302,64 sur12 mois multipliés par 1% avec application du taux de 10,526, soit celui euros de rente, masculin temporaire à 64 ans pour un homme de 53 ans soit en tout : 1645,39 euros, soit en tout à accorder : 2635,39 euros ;
En conséquence le jugement sera infirmé à ce titre ;
La cour n’applique pas le logiciel proposé par monsieur [H], les barèmes de la Gazette du Palais n’étant pas contraire aux données économiques et démographiques actuelles et permettant une réparation intégrale du préjudice subi sans perte mais également sans profit ;
De plus la somme de 118477, 06 euros réclamée comme perte de chance pour l’appelant au titre du préjudice résultant de l’incidence professionnelle est manifestement excessive, au regard du parcours professionnel de monsieur [H], de ses difficultés personnelles, notamment de celle de s’ancrer dans la vie active, ce qui apparaît manifestement compromis au regard de son âge actuel soit 53 ans ;
– Sur le déficit fonctionnel temporaire :
Monsieur [H] expose que ce poste doit réparer non pas seulement l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle, c’est à dire l’atteinte temporaire à l’intégrité physique et psychique, mais également la perte de qualité de vie et des joies usuelles, et que compte tenu de sa situation personnelle, c’est une somme de 30 euros comme tarif journalier qui doit être appliqué ;
La société Allianz Iard sollicite la confirmation du jugement entrepris ;
De ce chef, la cour adoptera les motifs du 1er juge qui a procédé à une juste analyse de la situation personnelle de monsieur [H], l’attestation de monsieur [W] ne permettant pas de fixer ses déclarations sur la période à considérer, pas plus que celle du père de l’appelant ;
Il s’ensuit que le jugement sera confirmé pour avoir retenu un tarif journalier de 23 euros justement évalué et pour avoir accordé une somme de 2957,80 euros ;
– Sur le déficit fonctionnel permanent :
Le 1er juge a estimé celui-ci comme fixé par l’expert à hauteur de 7%, pour accorder la somme de 16000 euros. Monsieur [H] réclame la confirmation du jugement entrepris. La société Allianz Iard sollicite la réduction de ce poste à la somme de 11480 euros ;
La société Allianz Iard conteste le taux de 7% appliqué estimant qu’en l’absence de boiterie celui à retenir doit être de 5% ;
La cour ne trouve au dossier de la société Allianz Iard aucun élément médical de nature à contredire le taux de 7% préconisé par l’expert judiciaire, en ce que, si ce dernier n’a pas noté une boiterie permanente, il a cependant relevé que l’état séquellaire était caractérisé par l’augmentation du volume de la cheville, des douleurs et une limitation fonctionnelle avec apparition de douleurs après une simple heure de marche, ainsi que des difficultés à la descente des escaliers, une limitation modérée des amplitudes articulaires, plus une appréhension de monsieur [H] dans la rue vis à vis des véhicules ;
Or le déficit fonctionnel permanent doit prendre en considération certes l’incapacité physique, mais également les souffrances permanentes qui sont visées par l’expert, et l’atteinte à la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’exercice de celle-ci, qui existent en l’espèce pour l’appelant comme décrites ci-dessus ;
Dans ces conditions, le jugement entrepris sera confirmé en ce que ce poste a été évalué à la somme de 16 000 euros ;
– Sur les autres postes de préjudices :
La cour confirmera le jugement entrepris concernant les postes suivants : les souffrances endurées, le préjudice esthétique temporaire et le préjudice esthétique permanent et sur le rejet de la réclamation formée au titre du préjudice d’agrément, les parties s’accordant sur ces dispositions ;
– Sur le doublement des intérêts en application des dispositions des articles L.211-9 et L.211-13 du code des assurances :
Le 1er juge a appliqué les dispositions des articles précités ce qui est contesté par la société Allianz Iard qui estime que la période de doublement doit se limiter du 10 mars 2018 au 7 septembre 2018 ;
Sur ce point, la cour estime que le 1er juge a justement appliqué les textes précités qui concernent la problématique soulevée, en ce que lorsque l’assureur n’a pas été informé de la consolidation de la victime dans les 3 mois de l’accident, il lui appartient de procéder à une offre provisionnelle dans les 8 mois suivant celui-ci, en l’espèce la société Allianz Iard devait y procéder avant le 27 septembre 2016 ;
Une offre définitive devait être également présentée dans les cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de la consolidation, soit en l’espèce par le dépôt du rapport d’expertise, soit avant le 9 mars 2018, la date de dépôt étant fixée au 9 octobre 2017 ;
Or il n’est pas contesté que l’offre de l’assureur a eu lieu le 7 septembre 2018 réitérée le 20 septembre 2018, soit au-delà de l’échéance des délais impartis ;
Il s’ensuit que le 1er juge a parfaitement analysé la situation, en ce que le doublement des intérêts a été accordé sur la période du 27 septembre 2016 au 7 septembre 2018 et le jugement sera confirmé de ce chef ;
En définitive, il a lieu de fixer l’évaluation du préjudice corporel subi par monsieur [S] [H] comme suit :
préjudices patrimoniaux
* dépenses de santé actuelles : 4,16 euros
créance de la Cpam du Calvados : 41 230,99 euros
* dépenses de santé futures à titre principal : réservé
* frais divers : 1 857,97 euros
* tierce personne temporaire : 421,76 euros
* perte de gains professionnels actuels : 0 euro
* incidence professionnelle : 2635, 39 euros
préjudices extrapatrimoniaux
* déficit fonctionnel temporaire : 2 957,80 euros
* déficit fonctionnel permanent : 16 000 euros
* souffrances endurées : 7 000 euros
* préjudice d’agrément : 0 euro
* préjudice esthétique temporaire : 1 300 euros
* préjudice esthétique permanent : 2 000 euros
total : 34177,08 euros.
– Sur les autres demandes :
Au regard de l’équité et des solutions apportées par la cour, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit des parties à l’instance dont les demandes respectivement formées à ce titre seront écartées ;
La société Allianz Iard supportera les dépens qui incluront le coût de l’expertise, la provision ad litem versée à monsieur [H] entrera dans le compte à faire des dépens, le tout avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, réputé contradictoire et en dernier ressort.
– Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :
– rejeté le poste d’indemnisation de la tierce personne temporaire et évalué à la somme de 1475,28 euros le poste de l’incidence professionnelle ;
– condamné la société Allianz Iard à payer à M. [H] la somme de 21 075,21 euros, déduction opérée de la provision de 9 800 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation délivrée le 14 novembre 2019 ;
– L’infirme de ces chefs et statuant à nouveau :
– fixe l’évaluation du préjudice corporel subi par monsieur [S] [H] comme suit :
préjudices patrimoniaux
* dépenses de santé actuelles : 4,16 euros
créance de la Cpam du Calvados : 41 230,99 euros
* dépenses de santé futures à titre principal : réservé
* frais divers : 1 857,97 euros
* tierce personne temporaire : 421,76 euros
* perte de gains professionnels actuels : 0 euro
* incidence professionnelle : 2635, 39 euros
préjudices extrapatrimoniaux
* déficit fonctionnel temporaire : 2 957,80 euros
* déficit fonctionnel permanent : 16 000 euros
* souffrances endurées : 7 000 euros
* préjudice d’agrément : 0 euro
* préjudice esthétique temporaire : 1 300 euros
* préjudice esthétique permanent : 2 000 euros
total : 34177,08 euros;
– Condamne la société Allianz Iard à payer à M. [H] la somme de 24377,08 euros, déduction opérée de la provision de 9 800 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation délivrée le 14 novembre 2019 ;
– Déboute les parties du surplus de leurs demandes en ce compris de celle formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamne la société Allianz Iard en tous les dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de l’avocat en ayant fait la demande.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. COLLET G. GUIGUESSON
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