28/04/2023
ARRÊT N°2023/201
N° RG 21/01257 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OBOF
MD/LT
Décision déférée du 16 Février 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/00038)
P. GUERIN
Section commerce 1
S.A.S. HAUT LOFTS
C/
[O] [F]
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 28 avril 2023
à Me DE BELSUNCE, Me DENJEAN
Ccc à Pôle Emploi
le 28 avril 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT HUIT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.A.S. HAUT LOFTS
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Dominica DE BELSUNCE, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIM »E
Madame [O] [F]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-marc DENJEAN de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. BLUM », présidente et M. DARIES, conseillère, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUM », présidente
M. DARIES, conseillère
N.BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUM », présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
FAITS ET PROCÉDURE:
Mme [F] [O] a été embauchée le 1er mai 2017 par la Sas Haut Lofts, spécialisée dans la location de courte durée d’appartements de haut standing, en qualité d’adjoint de direction, statut non cadre, suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des Hôtels, Cafés et Restaurants du 30 avril 1997.
L’employeur a notifié à Mme [F] un avertissement le 30 novembre 2017 puis le 23 mars 2018.
Mme [F] a été convoquée par courrier du 29 mars 2018 à un entretien préalable au licenciement fixé au 16 avril 2018, entretien qui ne sera pas suivi d’effets.
La salariée est placée en arrêt maladie du 13 avril 2018 au 16 juillet 2018, puis du 30 au 31 août 2018.
Par courrier du 4 septembre 2018, Mme [F] indique à son employeur mettre fin à la relation de travail avec prise d’effet au 24 septembre 2018.
La salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 11 janvier 2019 pour solliciter la requalification de sa démission en prise d’acte de rupture du contrat de travail et demander le versement de diverses sommes.
Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section Commerce chambre 1, par jugement du 16 février 2021, a :
– jugé que Mme [F] n’a pas subi de harcèlement moral de la part de son employeur,
– jugé que la Sas Haut Lofts n’a pas manqué à son obligation de sécurité ;
– annulé l’avertissement du 23 mars 2018 prononcé à l’encontre de Mme [F] ;
– jugé que la démission de Mme [F] doit être requalifiée en prise d’acte et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
– condamné la Sas Haut Lofts à lui verser les sommes suivantes :
1 900,00 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1 900,00 euros brut au titre d’indemnité de préavis ;
190,00 euros brut au titre des congés payés sur préavis ;
633,33 euros brut au titre de l’indemnité de licenciement ;
1 762,50 euros brut de rappel de salaire sur les heures supplémentaires ;
176,25 euros brut au titre des congés payés sur rappel de salaire ;
4 657,58 euros brut de rappel de salaire au titres de rappel de salaire pour les temps de travail ;
465,76 euros brut au litre des congés payés y afférents ;
2 100 euros brut au titre des astreintes ;
210 euros brut de congés payés y afférents ;
200,00 euros de dommages et intérêts au titre de l’annulation de l’avertissement du 23 mars 2018 ;
1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 1 900,00 euros;
– dit n’y avoir droit à exécution provisoire autre que de droit ;
– ordonné à la Sas Haut Lofts de remettre à Mme [F] l’ensemble des documents sociaux rectifiés conformément au présent jugement ;
– débouté Mme [F] du surplus de ses demandes ;
– débouté la Sas Haut Lofts de sa demande reconventionnelle ;
– condamné la Sas Haut Lofts aux entiers dépens de l’instance.
Par déclaration du 17 mars 2021, la Sas Haut Lofts a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 24 février 2021, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 18 novembre 2021, la Sas Haut Lofts demande à la cour de :
– réformer le jugement en ce qu’il a :
* annulé l’avertissement du 23 mars 2018 prononcé à l’encontre de Mme [F],
* jugé que la démission de Mme [F] doit être requalifiée en prise d’acte et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
* condamné la Sas Haut Lofts, à lui verser les sommes suivantes :
1 900 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse
1 900 euros brut au titre d’indemnité de préavis
190 euros brut au titre des congés payés sur préavis
633,33 euros brut au titre de l’indemnité de licenciement
1 762,50 euros brut de rappel de salaire sur les heures supplémentaires
176,25 euros brut au titre des congés payés sur rappel de salaire
4 657,58 euros brut de rappel de salaire au titre de rappel de salaire pour les temps de travail
465,76 euros brut au titre des congés payés y afférents
2100 euros brut au titre des astreintes
210 euros brut de congés payés y afférents
200 euros de dommages et intérêts au titre de l’annulation de l’avertissement du 23 mars 2018
1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonner n’y avoir lieu à requalification de la démission de Mme [F] en licenciement et donc débouter Mme [F] de toutes ses demandes liées à cette requalification et plus avant, réformer le jugement en ce qu’il a :
* fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 1 900 euros
* ordonné la Sas Haut Lofts de remettre à Mme [F] l’ensemble des documents sociaux rectifiés conformément au Présent Jugement
* débouté la Sas Haut Lofts de sa demande reconventionnelle
* condamné la Sas Haut Lofts aux entiers dépens de l’instance
Vu l’appel incident de Mme [F] :
– débouter Mme [F] de l’ensemble de ses demandes principales et incidentes
– rejeter les demandes de dommages et intérêts au titre de l’annulation des avertissements des 30 novembre 2017 et 23 mars 2018,
– rejeter les demandes de requalification de la démission du 04 septembre 2019 en prise d’acte, de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, d’ indemnité de licenciement, préavis, congés payés sur préavis, manquement à l’obligation de sécurité.
– ordonner le rejet des demandes relatives aux heures supplémentaires et de leurs conséquences.
– ordonner le rejet des demandes relatives aux astreintes et de leurs conséquences.
– rejeter toutes les demandes de Mme [F] :
– rejeter la demande de Mme [F] au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner Mme [F] au règlement de la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 25 août 2021, Mme [F] [O] demande à la cour et de :
– infirmer la décision déférée en ce qu’elle a :
* jugé qu’elle n’a pas subi de harcèlement moral de la part de son employeur ;
* jugé que la Sas Haut Lofts n’a pas manqué à son obligation de sécurité ;
* jugé que la démission doit être requalifiée en prise d’acte et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* condamné la Sas Haut Lofts à lui verser les sommes suivantes :
1 900 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1 900 euros brut au titre d’indemnité de préavis ;
190 euros brut au titre des congés payés sur préavis ;
633,33 euros brut au titre de l’indemnité de licenciement.
Statuant à nouveau :
– juger qu’elle a subi des agissements de harcèlement moral,
– juger que la Sas Haut Lofts a manqué à son obligation de sécurité ;
En conséquence, requalifier la démission en une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement nul ;
– condamner la Sas Haut Lofts à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
– condamner la Sas Haut Lofts à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité
– condamner la Sas Haut Lofts à lui verser les sommes suivantes :
15.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du licenciement nul ;
2.332,57 euros au titre de l’indemnité de préavis (1 mois) et 233,26 euros de congés payés y afférents ;
826,12 euros au titre de l’indemnité de licenciement
A titre subsidiaire :
– confirmer la décision déférée en ce qu’elle a :
* jugé que la démission doit être requalifiée en prise d’acte et produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* condamné la Sas Haut Lofts à lui verser les sommes suivantes :
1 900 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1 900 euros brut au titre d’indemnité de préavis ;
190 euros brut au titre des congés payés sur préavis ;
633,33 euros brut au titre de l’indemnité de licenciement.
En tout état de cause :
– confirmer la décision déférée en ce qu’elle a :
* annulé l’avertissement du 23 mars 2018,
* condamné la Sas Haut Lofts à lui verser les sommes suivantes :
1 762,50 euros brut de rappel de salaire sur les heures supplémentaires ;
176,25 euros brut au titre des congés payés sur rappel de salaire ;
4 657,58 euros brut de rappel de salaire au titre de rappel de salaire pour les temps de travail ;
465,76 euros brut au titre des congés payés y afférents ;
2 100 euros brut au titre des astreintes ;
210 euros brut de congés payés y afférents ;
200 euros de dommage et intérêts au titre de l’annulation de l’avertissement du 23 mars 2018
* ordonné à la Sas Haut Lofts de lui remettre l’ensemble des documents sociaux rectifiés conformément au présent jugement ;
* débouté la Sas Haut Lofts de sa demande reconventionnelle.
Y ajoutant :
– annuler l’avertissement du 30 novembre 2017 injustifié ;
– condamner la Sas Haut Lofts à lui verser la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour avertissement injustifié ;
– débouter Sas Haut Lofts de l’intégralité de ses demandes ;
– condamner la Sas Haut Lofts à payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 10 février 2023.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION:
I/ Sur l’exécution du contrat de travail:
1/ Sur les heures supplémentaires:
L’article L 3171-4 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié . Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié au soutien de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Mme [F] rappelle que la durée contractuelle de travail était de 39 heures par semaine, avec un paiement de la 36ème à la 39ème heure majoré à 10%.
Elle affirme qu’elle a accompli de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées, soit plus de 4 heures supplémentaires par semaine et au-delà de la durée de travail maximale autorisée par la loi ou la convention collective applicable, sans respect des temps de repos. Elle fait valoir qu’ainsi, elle a effectué :
. du 1er au 7 mai 2017 : 66h30 de travail dans la semaine, sans jour de repos,
. du 10 au 16 juillet 2017 : 56 heures de travail dans la semaine,
. du 17 au 23 juillet 2017 : 65 heures de travail dans la semaine,
. du 31 au 6 août 2017 : 65 heures de travail dans la semaine,
. du 7 août au 13 août 2017 : 65 heures de travail dans la semaine.
En application de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants (article 16) fixant une majoration à 10% pour les heures effectuées entre la 36ème et la 39 ème heure, 20 % pour celles effectuées entre la 40ème et la 43ème heure et 50% à partir de la 44ème heure, Mme [F] réclame, à l’appui de plannings hebdomadaires (pièce 3) paiement de 1762,50 € au titre des heures supplémentaires pour la période de mai 2017 à août 2018, selon décompte manuscrit par semaine en pièce 33, outre les congés payés afférents.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre.
La société rétorque qu’elle a payé l’intégralité des heures supplémentaires même pour les semaines n’en comportant pas, qu’elle n’a pas demandé à la salariée de réaliser des heures supplémentaires au-delà de 39 heures, que les plannings ne sont pas des relevés d’heures de travail réellement effectuées et que l’intimée décomptait les heures par mois et non par semaine, ce qui n’était pas conforme tel que confirmé par l’expert-comptable.
Sur ce:
Les plannings hebdomadaires des salariés versés par Mme [F] pour la période du 01 mai 2017 au 15 avril 2018 ne comportent pas les signatures de tous les employés. Y figurent seulement en marge de la colonne relative à son nom, la signature de Mme [F] et pour certains mois, une autre signature en marge de la colonne concernant une autre employée ‘[S]’, dont l’employeur oppose que celle-ci ne correspond pas à la signature de cette salariée portée sur son attestation ou sa carte d’identité.
Les plannings ne sont pas contresignés de l’employeur.
En comparaison avec les plannings, les heures retenues dans le décompte manuscrit de Mme [F] établi par semaine, le sont déduction faite des temps de pauses déjeuner et sont donc inférieures à celles sus-énoncées par elle.
Mme [F] a été en arrêt maladie du 16 au 30 avril 2018, puis aux mois de mai et juin 2018. Elle décompte à la reprise en août 2018, des heures supplémentaires pour les semaines 1,3 et 4 du mois, mais ne communique aucun planning pour cette période.
Si la société ne produit pas de relevés établissant le nombre d’heures effectivement accomplies par Mme [F] ( alors même que par courriel du 06-02-2018, M. [T] comptable rappelait la nécessité de l’envoi de ce document par semaine), elle verse un mail du 13 février 2018 d’une autre employée [S] [K] ( [X]) rédigé en des termes qui interrogent sur la fiabilité à tout le moins des horaires en ‘extra’: « coucou [O], après notre discussion d’hier peux- tu envoyer à [I] ma demande de congés; pour ce que tu m’as dit concernant les heures supplémentaires tu sais que moi je n’en fais pas par principe mais toi tu peux leur demander de te payer toutes celles que l’on a positionnées sur les plannings des extras, ils sont capables comme d’habitude de ne pas les contrôler et en plus tu ne risques rien, ça leur apprendra pour ton avertissement !’.
En outre, l’employeur dénonce que l’intimée pouvait quitter son poste pour des raisons familiales graves ( selon courriel du 20-07-2018 à 15 heures) ou partir en congés, tout en indiquant sur ses plannings effectuer des heures de travail pendant ces périodes d’absence.
Au vu des pièces et explications des parties, la cour considère que Mme [F], compte tenu de ses nombreuses fonctions définies au contrat de travail (opérationnelles et administratives relatives à la réception, gouvernance, gestion administrative, commercialisation), a accompli des heures supplémentaires non rémunérées au-delà de la 39ème, à hauteur de 1097,61 euros outre 109,76 euros de congés payés afférents sur la période de mai 2017 à avril 2018, exclusion étant faite du mois d’août 2018 pour lequel il n’est versé aucune pièce par la salariée pouvant justifier d’heures supplémentaires au-delà de 39 heures.
Le jugement est donc infirmé sur le quantum du rappel de salaire alloué au titre des heures supplémentaires.
La cour n’est saisie d’aucune demande d’infirmation du jugement en ses dispositions ayant débouté la salariée de sa demande au titre du travail dissimulé.
2/ Sur les astreintes:
Selon l’article L 3121-9 du code du travail, « Une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.
La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.
La période d’astreinte fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos. Les salariés concernés par des périodes d’astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable. »
Mme [F] énonce que, dès son embauche en mai 2017, elle était tenue de répondre au téléphone de la société Haut Lofts un soir sur deux (en alternance avec sa collègue) après 19 heures (et donc toute la nuit) afin d’assurer le suivi des entrées des clients locataires des studios, voire de se déplacer sur les lieux pour les arrivées tardives. Elle fait valoir qu’elle était à la disposition de l’employeur sans être sur son lieu de travail, ce qui s’analyse en astreintes, pour lesquelles elle n’a jamais reçu de contrepartie financière.
Elle réclame les sommes de:
– 4.657,58 € ( selon décompte en pièce 20) à titre de rappels de salaires (en fonction des majorations des heures supplémentaires) pour le temps de travail effectif réalisé pendant les astreintes à raison de 2 heures par jour tous les 2 jours (soit 7 heures par semaine de mai 2017 à mars 2018) et 465,76 € de congés payés afférents,
– une indemnisation forfaitaire de 2.100 €, soit 300 € par mois de mai 2017 à mars 2018, outre 210 € de congés payés y afférents, étant d’astreinte tous les deux jours à partir de 19h jusqu’au matin.
La société s’oppose à cette prétention au motif que l’intimée n’effectuait pas toutes les astreintes et plus celles-ci depuis septembre 2017.
Sur ce:
Par courriel du 26 septembre 2017, Mme [F] écrivait au comptable: « Je n’ai jamais noté toutes les fois où je suis restée bien après 19h pour les arrivées tardives avant que le système d’ouverture à distance ne soit mis en place ni les 3 fois où je me suis déplacée en pleine nuit pour régler des litiges avec les clients des lofts. Je pourrais néanmoins vous faire un récapitulatif précis avec les sms, appels, mails, caméras de surveillance du poste de sécurité ainsi que leur registre. Sans parler du fait que nous gardions le portable sur nous en dehors de nos heures de travail, que nous répondions au téléphone et effectuons des arrivées tardives à distance, qui peuvent être parfois jusqu’à minuit ou 1h du matin ».
L’employeur ne conteste pas le principe d’une exécution d’astreintes par Mme [F] (comme par sa collègue), laquelle n’est pas prévue par le contrat de travail ni en termes de modalités ni de contre-partie.
Il communique une attestation établie par Mme [S] [X] le 05 octobre 2018 (dont l’intimée remet en cause l’authenticité) que Mme [F] n’a pas réalisé toutes ses astreintes, car elle en a assuré elle-même la grande majorité, l’intéressée refusant régulièrement de prendre le téléphone portable de Haut Lofts et le laissant au bureau.
Mme [F] ne démontre pas qu’elle était à disposition de l’employeur, n’étant pas contrainte d’être sur le lieu de travail et sous sa surveillance, pour répondre aux appels téléphoniques après 19 heures des clients, tel qu’il s’évince de son courriel du 1er novembre 2017, par lequel elle adresse à M. [U], dirigeant, le récapitulatif pour la période du 27-09 au 27-10-2017 des astreintes concernant les appels et ‘arrivées tardives à distance’ intervenues après 19 h, ce qui ne s’analyse pas en temps de travail effectif , au contraire de l’intervention du ‘samedi 21/10: panne ascenseur, sur place de 22H30 à 23H30″ .
Elle verse en pièce 5 un planning des astreintes la concernant ainsi que sa collègue [S] pour la période du 20-11-2017 au 17-12-2017, mentionnant pour les jours la concernant:
des arrivées tardives les 20, 21, 23-11 et ‘l’arrivée du show-room converse à 19:30, déplacement sur place’ le 21-11, aucun appel les 27-11 et 04-12, un déplacement pour donner le portable à [S] le 07-12, des appels les 09, 10, 11, 12 et 13-12.
Il est à relever que les dimanches 26-11, 03-12 et vendredi 08-12, le téléphone portable est resté au Loft.
Le 29 mars 2018, Mme [F] a averti l’employeur de ce qu’elle et sa collègue ‘dès ce soir’ laisseraient le portable à Haut Lofts et ne seraient plus en mesure de répondre aux appels d’urgence après 19 heures. A 19H 07, sans réponse de l’employeur, elle a réitéré son information et précisé quitter ses fonctions sans le portable.
Le 30 mars, l’intéressée indiquait à l’employeur qu’elle et sa collègue avaient reçu 31 appels manqués la veille au soir et 8 messages ( une arrivée tardive qui a pu accéder à l’hôtel et une urgence pour la famille russe du loft1). Elle joignait des extraits de la messagerie téléphonique.
Les astreintes, n’étant pas du temps de travail effectif, ne peuvent faire l’objet d’un rappel de salaire en heures supplémentaires mais seulement d’une compensation financière ou en repos.
En l’absence de justification par la société de dispositions conventionnelles ou contractuelles quant à la fixation et à la rémunération des heures d’astreintes, le juge apprécie et fixe le montant de la compensation. Il convient donc de fixer cette contre-partie à 300 euros par mois et de l’appliquer, compte tenu des fonctions de Mme [F], du descriptif non utilement contesté des pièces versées, de la seule certitude de l’arrêt d’exécution des astreintes à compter d’avril 2018, à la période de mai 2017 à mars 2018, ce d’autant que l’employeur ne justifie pas d’un rappel à l’ordre à cet effet.
Il sera donc fait droit à la demande de la salariée à hauteur de 2100,00 euros de contre-partie financière aux astreintes outre 210 euros de congés payés afférents.
S’agissant des temps de travail effectif, il sera pris en compte les interventions relatives à la panne ascenseur du 21-10 et au déplacement pour le show-room du 21-11-2017, non remis en cause. Il sera alloué 66,75 euros de rappel de salaire outre 6,67 euros de congés payés afférents.
II/ Sur le harcèlement moral:
En application de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L. 1154-1 du même code prévoit que lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Mme [F] allègue avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral de la part de la société qui ont entraîné une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.
A ce titre, elle fait valoir que:
* elle a dû effectuer un grand nombre d’heures supplémentaires non rémunérées et dépassant la durée maximale de travail autorisée, outre des astreintes de jour et de nuit , sans contre partie financière,
* à la fin du mois d’octobre 2017, le directeur a fait procéder, sans information individuelle ni justification de l’autorisation préfectorale, à l’installation de six caméras, dont une donnant sur son bureau et une autre dans la cuisine du personnel.
Elle s’est plainte auprès d’un agent de la CNIL dans un courriel du 14 mai 2018 d’une situation attentatoire à la vie personnelle et disproportionné au but allégué par l’employeur de sécurité des personnes et des biens, en ces termes: ‘ nous sommes en permanence surveillées ( moi et ma collègue [K] [S]). Il nous regarde depuis chez lui les week-end sur son ordinateur portable personnel et nous appelle constamment pour savoir ce que l’on fait et où l’on est. Il nous demande ce que l’on dit lorsqu’il nous voit trop longtemps discuter avec d’autres employés sur les caméras’.
* elle a fait l’objet de sanctions injustifiées et vexatoires dans un laps de temps très court, ainsi les avertissements du 30 novembre 2017 et du 28 mars 2018 dont elle demande l’annulation.
– Le 30 novembre 2017, elle a reçu un premier avertissement au motif qu’elle avait prétendument accordé des conditions tarifaires anormalement basses à certains clients, qu’il s’agissait d’une réservation effectuée par Madame [S] [K] pour des amis à elle et il lui est reproché de ne pas avoir contrôlé la réservation effectuée par sa collègue.
Par courrier du 07 décembre 2017, M. [U] lui a reproché l’état de non propreté de certaines salles de bain et enjoint de nettoyer elle-même les lieux et de changer les joints. Il l’informait qu’il se permettrait de faire « des contrôles surprises » et lui demandait d’établir des rapports quotidiens et hebdomadaires afin que tout soit sous son contrôle. Le 09 décembre, la salariée répondait que les joints étaient usés.
– Par courrier daté du 23 mars 2018, l’employeur lui a notifié un avertissement pour « non-respect des procédures et notes de services », qu’elle a contesté le 03 avril 2018.
Elle oppose que les notes et consignes dont le directeur se prévaut ne lui ont pas été transmises, ainsi celle de la pièce adverse 59, imposant la photocopie des documents, datée du 13 mars 2018 et diffusée le 15 mars 2018, alors que les faits reprochés sont du 2 mars 2018.
Après avoir informé le 29 mars 2018 son employeur qu’elle cesserait toute astreinte, elle a reçu le 31 mars 2018 une lettre datée du 29 mars 2018 la convoquant à un entretien préalable au licenciement fixé au 13 avril 2018. Elle s’est présentée assistée à cet entretien, ce que M. [U] a refusé, mettant la salariée et son conseiller à la porte.
* A son retour d’arrêt maladie en juillet 2018, Mme [F] dit avoir été ‘placardisée et isolée’ jusqu’à ce qu’elle craque en septembre 2018.
Elle a été placée en arrêt de travail par son médecin pendant trois mois, du 13 avril au 15 juillet 2018, après un épisode dépressif, elle a repris son poste à compter du 16 juillet 2018. Mais ses clefs ne lui ont pas été rendues, ses affaires professionnelles ont été jetées et ses principales missions lui ont été retirées. Par courriel du 13-07-2018, elle sollicitait le planning et comment procéder à la restitution des clés pour accéder au lieu de travail.
Mme [F] ajoute qu’elle a fait état de cette situation auprès du médecin du travail dans un courriel du 28 juillet 2018 :
« Mon retour se passe très mal. Il n’est pas du tout enclin à trouver une solution à un éventuel accord. Il m’a refusé tous mes congés (il me doit 25 jours). J’ai obligation d’être toujours en doublon, je n’ai plus le droit d’être seule en poste. Il a également refusé de me restituer les clefs de l’établissement. Je n’ai plus le droit de faire les plannings et je me suis aperçue que j’avais été supprimée de tous les plannings de l’année 2018. Ma bannette avec tous mes documents professionnels a été jetée. Je n’apparais plus dans le classeur GRH et ma demande initiale de congés datant du 21 février a été jetée. Mon dossier sur l’ordinateur de la réception avec tous mes fichiers professionnels a également été supprimé. Je suis complètement mise de côté.Je ne sais pas si je vais tenir le coup encore longtemps comme ça. La situation est intenable. ».
Les éléments invoqués par la salariée, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une situation de harcèlement moral.
Il appartient à la société Haut Lofts de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La société Haut Lofts rétorque n’avoir commis aucun manquement dans l’exécution du contrat de travail.
1/ Sur l’installation des caméras vidéo-surveillances:
Si la société ne justifie ni d’une autorisation administrative au regard d’un lieu accueillant un public, ni d’une notification individuelle de la mise en marche des caméras déjà en place à l’arrivée de Mme [F], celle-ci en avait parfaite connaissance tel qu’il s’évince du mail du 25-04-2017 adressé à l’employeur: ‘ Il faudrait aussi M. [U] penser à brancher les caméras de sécurité ainsi que nous donner les accès pour enregistrer les video (..) Installer un grand écran à la réception pour que les clients voient bien que notre établissement dispose de cameras de sécurité qui fonctionnent ‘.
Elle était présente lors du processus et avait qualité à visionner les images, la centrale d’enregistrement étant placée sur le bureau et le logiciel informatique sur l’ordinateur de la réception.
L’employeur explique que dans un but de surveillance de l’immeuble accueillant des clients et fournisseurs, il existe huit caméras: une dans l’ascenseur, trois dans les couloirs, deux dans le hall, une dans l’office (où sont préparés les petits déjeuners des clients, sans table, ni chaise, non réservé au personnel, la caméra est orientée vers la porte donnant sur l’extérieur par laquelle s’effectue la livraison du linge par Anett ) et une à l’extérieur qui filme la cour extérieure avec l’interphone et l’entrée. Il est versé à cet effet en pièces 37 et 55 des photographies.
La cour relève qu’une de ces photographies montre une caméra fixée sur le mur derrière la réception et une autre, issue d’un visionnage, prise d’une pièce annexe, le fauteuil derrière la banque de la réception. L’intimée verse également en pièce 32, des photographies extraites d’un visionnage dont une concernant la réception.
Il appartient à l’employeur de justifier que le système de video-surveillance n’implique pas une surveillance constante des salariées, dont il ne peut s’exclure du seul fait que Mme [F] a réclamé la mise en fonctionnement de celui-ci. A défaut de procès-verbal de constat de commissaire de justice ou attestation de l’installateur précisant exactement les portées des caméras, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, le grief sera retenu.
2/ Sur les avertissements:
L’employeur précise avoir notifié à Mme [F] 4 avertissements, non contestés en leur temps sauf le dernier:
. le 30 novembre 2017 pour avoir pratiqué une réduction tarifaire injustifiée,
. le 7 décembre 2017 pour la saleté des appartements,
. le 3ème en raison de l’omission de photocopies de documents administratifs,
. le dernier le 23 mars 2018 pour la location en sur nombre du pentahouse.
– Sur la sanction du 30 novembre 2017:
Il est reproché à Mme [F], à la suite d’un contrôle de gestion, d’avoir le 21 novembre 2017, procédé à des réservations à des tarifs anormalement bas concernant les loft 3, 11 et 12 pour des montants de réservation pour 4 nuits au prix total de 80€ soit 20€ la nuit (hors taxe séjours), selon fiches imprimées, alors que le prix de location par nuit est entre 150 et 190€, soit un préjudice de 1720€.
L’employeur rappelle qu’en application de son contrat de travail, l’intimée doit agir au mieux de l’intérêt de la société et qu’elle connaît les tarifs pratiqués puisqu’elle assure la commercialisation.
La cour s’interroge sur le tarif très bas appliqué et si effectivement Mme [F] assure la gestion des tarifs et promotions ( tel qu’il s’évince d’un « point » adressé à sa collègue, non daté, pendant une période estivale), la société ne produit pas de note spécifique concernant la procédure d’établissement des tarifs avant l’avertissement et la note de service du 13.03.2018 fixe la procédure à suivre pour le paiement et l’identité des clients, sans précision sur les modalités d’établissements des tarifs.
De ce fait, l’avertissement insuffisamment fondé, sera annulé.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point et il sera alloué 200 euros de dommages et intérêts.
– S’agissant du rappel à l’ordre et non l’avertissement du 07 décembre 2017, celui-ci ne présente pas de caractère vexatoire, le fait par l’employeur de rappeler à Mme [F] de par sa fonction d’adjointe de direction: ‘ vous et les femmes de ménage remettiez en ordre et en qualité la propreté des appartements’, ne signifie pas qu’elle doit se substituer aux employés d’entretien mais qu’elle a la charge de vérifier l’application des consignes de propreté au regard du standing de l’hôtel.
Elle écrira d’ailleurs le 09-12-2017: ‘ j’ai pris en compte vos remarques et pris soin que les femmes de chambre nettoient les salles de bain correctement’.
– Sur l’avertissement du 23 mars 2018 concernant le non-respect des procédures et notes de service, ainsi:
. d’avoir accepté la réservation du loft Penthouse du 19ème étage pour le 03-02-2018 pour une soirée anniversaire à laquelle ont participé 50 personnes alors qu’il n’est autorisé la présence que de 35 personnes, ce qui a occasionné des nuisances sonores et un litige,
. d’avoir validé le 02 mars 2018 la réservation du loft 3 sans avoir procédé à la photocopie de la carte bancaire de la locataire, ni du verso de la carte d’identité mentionnant l’adresse, ni fait signer les conditions générales locatives.
– Mme [F] ne conteste pas les photocopies incomplètes des documents nécessaires à la réservation hôtelière, mais oppose que la note de service précisant ces modalités n’a été transmise que le 13 mars, soit postérieurement. Or comme le souligne l’employeur, dans sa lettre de contestation du 03 avril 2018, elle écrit: ‘ règlement intérieur, fiche de police et photocopie de la carte de crédit et de la carte d’identitié que j’ai instauré depuis mon arrivée en mai 2017 ( avant il n’était demandé que la carte d’identité’, ce qui induit la connaissance des consignes, qu’elle doit appliquer et vérifier.
– sur l’acceptation d’un nombre de personnes important au Penthouse, Mme [F] a adressé une contestation très circonstanciée sur l’existence préalable de réservations avec 50 personnes et de ce que la diminution du nombre à 35 personnes n’est intervenue que le 09 février 2018 soit postérieurement à la fête du 02 février.
La seule production par l’employeur d’un règlement intérieur ( ne faisant pas référence à l’organisation de soirée au Penthouse) et d’une facture afférente du 08-03-2018, soit postérieure à l’événement, pour une réservation de la chambre 12 ( et non du loft en litige) ne peut utilement établir une contrevenance de la salariée aux consignes.
une contrevenance de la salariée aux consignes.
L’avertissement du 23 mars 2018 sera considéré fondé pour la seule insuffisance de respect des consignes concernant les documents administratifs des clients. Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a annulé l’avertissement et octroyé des dommages et intérêts.
3/ Par lettre datée du 29 mars 2018, Mme [F] était convoquée à un entretien préalable à licenciement au 13 avril, qui n’aura pas lieu, l’employeur indiquant avoir souhaité un report du fait de la présence d’un conseiller, délégué syndical (mais pas dans l’entreprise), assistant la salariée dont il n’avait pas été prévenu contrairement au règlement intérieur.
Mme [E], conseiller, atteste dans les formes prévues à l’article 202 du code de procédure civile que M. [U] a photocopié sa carte d’identité malgré sa contestation puis lui a dit: ‘ Vous sortez de mon entreprise, je refuse que vous assistiez à l’entretien, vous sortez immédiatement’.
L’interprétation des faits est divergente entre les parties (l’employeur contestant notamment toute copie de la carte d’identité) et Mme [F] n’a pas fait l’objet d’une nouvelle convocation, M.[U] indiquant avoir eu par la suite des échanges avec la salariée. Ce grief ne sera pas retenu.
4/ Sur l’isolement au retour de l’arrêt-maladie:
– Mme [F] argue qu’elle ne possédait plus les clés pour accéder à son bureau et elle verse 2 échanges SMS du 16-09-2018 à 09 H 30 avec 2 autres salariées [S] et [Z] [H], pour obtenir les clés d’accès, la première ayant omis de les lui remettre.
Il ressort du courrier du 04 mai 2018 que l’employeur a sollicité la remise des clés suite à la prolongation d’arrêt-maladie de la salariée, pour permettre de fonctionner plus facilement avec les employés présents.
Il est précisé que sont utilisées 21 clés avec garantie de reproduction de double sécurisé, rendant longue et complexe la procédure d’établissement de doubles (pour certaines, impossible), ce dont il est justifié et que devaient être transmis tous les codes d’accès.
L’employeur explique que de retour en poste, le jeu de clés a été remis à l’intimée qui l’a de nouveau laissé le 29 août 2018 sur place lors d’un nouvel arrêt maladie, puis elle l’a récupéré à son retour.
Le seul échange de SMS versé par Mme [F], à défaut d’autres éléments, n’établit pas qu’elle a été dépossédée des clés d’accès à l’hôtel.
De même, l’employeur conteste avoir supprimé Mme [F] de la planification informatique à son retour de congé maladie en juillet 2018, précisant que cela est intervenu seulement pendant son absence au regard de l’organisation du fonctionnement de l’entreprise.
Ce grief sera écarté, de même celui allégué de la suppression de bannette au nom de la salariée, non démontrée, l’employeur répliquant qu’il existe un unique lieu de dépôt d’informations pour tous les employés.
5/ Sur le refus des congés:
Mme [F] expose qu’elle a fait une demande de congés le 13 mars 2018 pour la période du 30 août au 9 septembre, pour un voyage à Palma de Majorque ( confirmation des billets d’avion reçue le 24-03-2018) mais ces congés ont été supprimés, puis refusés à la suite d’une nouvelle demande.
L’employeur réfute toute demande initiale et précise que la salariée avait présenté une demande de congés le 27 février 2018 pour la période du 13 août au 24 août 2018 qui avait été acceptée.
La cour constate que le document versé par l’intimée avec mention modification de la demande du 27-02-2018, ne comporte pas de visa de la société aux fins d’acceptation et aucun courriel de confirmation n’est produit.
L’appelant ajoute que la demande du 19 juillet 2018 était tardive comme présentée 15 jours avant la date de prise de congés et non dans les délais contractuels et que les congés ayant été organisés pour les autres salariés, il lui a été proposé la période du 1 er septembre au 14 septembre 2018 par mail du 26/07/2018.
Il est à constater que Mme [F] a formulé ensuite une demande le 30-07-2018 pour la période du 01/09/2018 au 10/09/2018 qui a été acceptée. Le grief n’est pas avéré.
Enfin, Mme [F] fait valoir qu’elle a été en arrêt-maladie pendant 3 mois pour cause de dépression en lien avec les agissements de l’employeur.
Néanmoins, les certificats d’arrêt-maladie non professionnelle communiqués ne comportent aucune mention d’un état dépressif, ni un lien possible avec les conditions de travail, aucun certificat médical n’est produit établissant un suivi pour cause de dépression. Le courrier adressé au médecin du travail le 28 juillet 2018 se rapporte uniquement à des griefs concernant le retour à la société après l’arrêt de travail et qui n’ont pas été retenus par la Cour et il n’a été suivi, ni d’une alerte à l’employeur, ni d’une visite médicale.
Aussi la Cour considère que les griefs retenus (non paiement d’heures supplémentaires et astreintes – surveillance par caméras video surveillance – avertissement du 30-11-2017 injustifié) concernant l’exécution du contrat de travail, sans que soit démontrée une dégradation des conditions de travail et de l’état de santé, sont insuffisants pour caractériser des agissements de harcèlement moral de la part de l’employeur.
L’intimée sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
III/ Sur l’obligation de sécurité:
En application de l’article L 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant notamment des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
Mme [F] sollicite dans le dispositif des conclusions une somme de 5000,00 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, y compris pour dépassement des durées maximales de travail.
Selon la convention collective applicable, la durée maximale quotidienne absolue de travail pour un personnel de réception est de 12 heures et celle hebdomadaire de 46 heures sur 12 semaines consécutives.
Or sur la base des plannings communiqués par l’intimée, elle a travaillé une seule fois 11 H 30 ( déduction faite de la pause), la majorité des horaires étant autour de 09 heures.
Il n’est pas démontré, compte tenu des heures supplémentaires retenues, qu’elle a travaillé au-delà des durées maximales.
Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts. Par ailleurs elle ne démontre aucun préjudice de santé en lien avec un manquement de l’employeur.
IV/ Sur la rupture du contrat de travail:
La démission est l’acte par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque, sans invoquer un vice du consentement, il remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture de la rupture du contrat de travail.
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié en raison de faits qu’il reproche à son employeur produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements de l’employeur sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, soit dans le cas contraire, d’une démission.
Mme [F] mettait fin à la relation contractuelle par lettre du 4 septembre 2018 rédigée en ces termes:
« Je vous informe de ma décision de quitter le poste d’adjointe de direction que j’occupe depuis le 1er mai 2017 dans votre entreprise comme l’indique la convention collective hôtels cafés et restaurants applicable , je respecterai un préavis de départ d’une durée de 15 jours . Mon préavis commencera à mon retour de congés soit le 10 septembre 2018. La fin de mon contrat sera donc effective le 24 septembre 2018.
A cette date, je vous demanderai de bien vouloir me remettre le solde de mon compte le certificat de travail et une attestation Pôle emploi. ‘
L’intimée invoque à titre principal, que la démission est équivoque, étant en lien avec le harcèlement moral subi et à titre subsidiaire la requalification en prise d’acte du fait des manquements de l’employeur, ce que celui-ci dénie, objectant que Mme [F] souhaitait en réalité quitter la société.
Si les termes de la démission ne mentionnent aucun grief, en tout état de cause, il ressort des courriels adressés par la salariée dans un temps contemporain, concernant les contestations des avertissements ( dont un a été annulé) et les manquements de l’employeur à l’exécution du contrat de travail jusqu’à le prévenir le 29 mars 2018 de ce que, faute de contrepartie financière aux astreintes, elle cessait de les assumer, que la société a commis des manquements graves qui rendent équivoque la démission, laquelle doit être requalifiée en prise d’acte aux torts de l’employeur, produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non d’un licenciement nul, le harcèlement moral n’ayant pas été caractérisé.
Mme [F] percevait un salaire brut mensuel de 1900,00 euros et bénéficiait d’une ancienneté d’un an et demi dans une entreprise de moins de 10 salariés. L’article L 1235-3 du code du travail applicable à la date du litige fixant une indemnité minimale de 0.5 mois de salaire brut.
Mme [F] sollicite la confirmation du jugement entrepris quant à l’indemnisation de la rupture du contrat de travail ( 1900€ d’indemnité), de l’indemnité de préavis ( 1900€) et congés payés afférents et de l’indemnité de licenciement (633,33€), montants non remis utilement en question par la société. Ils seront donc confirmés.
V/ Sur les demandes annexes:
La Sas Haut Lofts, partie principalement perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.
Mme [F] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l’occasion de la procédure. La Sas Haut Lofts sera condamnée à lui verser une somme de 2000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS:
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [F] de ses demandes au titre d’un harcèlement moral , du travail dissimulé et d’un manquement à l’obligation de sécurité, a requalifié la démission en prise d’acte de rupture et alloué une indemnisation à ce titre, a condamné la Sas Haut Lofts au paiement des astreintes ( 2100€ ) et congés payés afférents, des frais irrépétibles et aux dépens,
L’infirme pour le surplus,
Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant:
Condamne la Sas Haut Lofts à payer à Madame [O] [F] les sommes de:
– 1097,61 euros au titre des heures supplémentaires pour la période de mai 2017 à avril 2018,
– 66,75 euros de rappel de salaire et 6,67 euros de congés payés afférents pour les temps d’intervention pendant les astreintes,
– 200,00 euros de dommages et intérêts pour l’annulation de l’avertissement du 30 novembre 2017,
Déboute Mme [F] de sa demande d’annulation de l’avertissement du 23 mars 2018,
Condamne la Sas Haut Lofts à payer à Mme [F] une somme de 2000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la Sas Haut Lofts de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Sas Haut Lofts aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par S. BLUM », présidente et C. DELVER, greffière.
LA GREFFI’RE LA PR »SIDENTE
C. DELVER S. BLUM »
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