Droit du logiciel : 28 avril 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 21/00235

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Droit du logiciel : 28 avril 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 21/00235

ARRET N° 23/74

R.G : N° RG 21/00235 – N° Portalis DBWA-V-B7F-CIVG

Du 28/04/2023

[M]

C/

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE FORT-DE-FRANCE

S.E.L.A.R.L. AJ ASSOCIES

S.C.P. BR ASSOCIES

S.A. FIGUERES SERVICES

COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 28 AVRIL 2023

Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Fort de France, du 14 Octobre 2021, enregistrée sous le n° F 20/00066

APPELANT :

Monsieur [E] [K] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Claude CELENICE, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEES :

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE FORT-DE-FRANCE UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE FORT-DE-FRANCE, Association déclarée représentée par sa Directrice nationale, Madame [U] [S] pris en son établissement sis [Adresse 7].

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par Me Catherine RODAP, avocat au barreau de MARTINIQUE

S.E.L.A.R.L. AJ ASSOCIES La SELARL AJ ASSOCIES intervient en tant que Commissaire à l’Exécution du Plan de la Sté FIGUERES SERVICES

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Pascale BERTE de la SELARL BERTE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARTINIQUE

S.C.P. BR ASSOCIES La Sté BR ASSOCIES intervient en tant que Mandataire Judiciaire de la Sté FIGUERES SERVICES

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Pascale BERTE de la SELARL BERTE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARTINIQUE

S.A. FIGUERES SERVICES

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Pascale BERTE de la SELARL BERTE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 février 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle TRIOL, Conseillère présidant la chambre sociale, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

– Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

– Madame Nathalie RAMAGE, Présidente de Chambre

– Madame Anne FOUSSE Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Rose-Colette GERMANY,

DEBATS : A l’audience publique du 10 février 2023,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 28 avril 2023 par mise à disposition au greffe de la cour.

ARRET : Contradictoire

**************

EXPOSE DU LITIGE :

M. [M] a été embauché par la société FIGUERES SERVICES à compter du 27 mars 2006, au poste de responsable paye. Il percevait en dernier lieu un salaire mensuel brut de 4928,21 euros auquel s’ajoutait une prime d’ancienneté d’un montant brut de 620,27 euros ainsi qu’une prime exceptionnelle de vie chère.

Par lettre remise en main propre du 9 septembre 2019, la société FIGUERES SERVICES a convoqué M. [M] à un entretien préalable du 18 septembre 2019.

Par lettre du 23 septembre 2019, la société FIGUERES SERVICES a licencié M. [M] pour faute simple comme suit :

«Monsieur,

Nous avons reçu lors d’un entretien préalable le 18 septembre 2019 après que nous ayons constaté des manquements de votre part dans l’exécution de vos obligations contractuelles.

Ces faits sont les suivants :

Votre contrat de travail stipule que vous avez la charge, en toute autonomie, de l’ensemble des opérations liées à la paye et à la gestion administrative du personnel. Figure dans votre domaine de compétences «le contrôle de l’application des accords d’entreprise et de la législation», «le contrôle des éléments de paye», «la réalisation de la paye et des déclarations associées», «l’application et la mise à jour du logiciel de paye», les «reporting sociaux» (article 3 de votre contrat du travail signé le 20 mars 2006).

Pourtant force est de constater que vous avez manqué à vos obligations contractuelles.

Ainsi, nous découvrons le 1er août 2019 que la DSN de l’entreprise n’était toujours pas établie dans les délais légaux.

Il est également découvert que la base des cotisations transmises aux organismes sociaux est erronée. Suite à nos interrogations, vous nous indiquez que le point est en cours de traitement «si tout va bien, car entretemps nous avons changé de SIRET».

Nous tenons à vous préciser sur ce point qu’il relève de vos obligations contractuelles d’anticiper ces changements, qu’il soient d’ordre organisationnels (changement de Siret ou humain) ou règlementaire (évolution de la DSN), afin de protéger aussi bien l’entreprise que ses salariés. Nous tenons également à insister sur votre devoir d’alerter et de sensibiliser clairement vos supérieurs hiérarchiques sur des situations dangereuses, telles que l’absence de DSN depuis plus d’un semestre ou une erreur de base de calcul des cotisations.

Vous nous avez également informé, le 29 août 2019, avoir versé un trop perçu de panier pour un salarié depuis novembre 2013. il s’agit là d’une application erronée des dispositions conventionnelles dont vous êtes le garant conformément à votre contrat de travail.

Vous occupez un poste stratégique dans notre organisation et votre veille permet d’éviter les erreurs, les frustrations et les mécontentements des collaborateurs qui sont lourdement préjudiciables pour l’entreprise.

Nous avons repris avec vous lors de votre entretien préalable l’ensemble de ces éléments. Malheureusement, les informations recueillies lors de cet entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits que nous vous reprochons.

Nous vous notifions par conséquent votre licenciement pour faute simple.

Nous vous dispensons d’effectuer votre préavis qui débute le 26 septembre 2019 et se termine le 25 décembre 2019, date à laquelle vous quitterez les effectifs de l’entreprise. Votre salaire continuera de vous être versé durant cette période.

A l’expiration de votre contrat de travail, nous vous adresserons par courrier votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte et votre attestation pôle emploi.

Vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l’initiative d’apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement.

Dans l’attente, veuillez agréer, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées».

M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Fort de France par requête reçue le 27 février 2020 pour que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse et afin de demander les indemnités découlant d’un tel licenciement (indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité de licenciement conventionnelle, indemnité de congés payés, indemnité pour manquement à l’obligation de formation/adaptation, indemnité pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail.

Par jugement contradictoire du 14 octobre 2021, le conseil de prud’hommes de Fort-de-France a :

– Débouté M. [M] de l’ensemble de ses demandes;

– Débouté les parties défenderesses de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– Condamné M. [M] aux dépens de la présente instance;

Par déclaration électronique du 17 novembre 2021, M. [M] a relevé appel du jugement dans les délais impartis.

Aux termes de ses conclusions d’appel du 13 septembre 2022, M. [M] demande à la cour de réformer le jugement entrepris, faire droit à ses prétentions et le décharger de la condamnation aux dépens mise à sa charge par les premiers juges.

Statuant à nouveau de :

– Retenir que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et que la SA FIGUERES SERVICES a manqué à son obligation de formation et d’adaptation de ce dernier ainsi qu’à l’obligation de bonne foi et de loyauté dans l’exécution du contrat ;

– Condamner en conséquence la SA FIGUERES SERVICES à payer à M. [M] les sommes suivantes :

* Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 72 268,18 euros ;

* Dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de formation adaptation : 37 705,14 euros;

* Dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat et déloyauté : 37 705,14 euros ;

* Indemnité de licenciement conventionnelle (complément) : 1 816,79 euros ;

* Indemnité compensatrice de congés payés (complément) : 1 735,80 euros ;

* Article 700 du code de procédure civile : 6 900 euros ;

* Intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter de la demande introductive d’instance ;

– Dire que les sommes mises à la charge de la SA FIGUERES SERVICES seront garanties par l’AGS.

Au soutien de son appel, M. [M] expose que la mise en place de la DSN en juillet 2018, s’est faite sous la responsabilité et le contrôle direct du responsable administratif et financier et de la RRH pour les données la concernant. Il considère qu’il est mensonger de dire que la DSN de l’entreprise n’était pas établie dans les délais légaux d’une part et d’autre part de lui imputer des manquements qui ne sont pas de son fait.

Il indique qu’il était tributaire des éléments venant impacter le traitement des payes venant aussi bien du RH que de la direction générale.

Il ajoute que si la DSN est un simple fichier, les données qui le constituent viennent d’une organisation structurelle de l’entreprise et que le circuit passe du chef d’équipe, au directeur puis au service RH et que les éléments sont enfin transmises au service paye. Ainsi ce cheminement n’était selon lui pas viable avant le 2ème trimestre 2018. Il indique n’avoir été informé de l’incidence des DSN non produites pendant le premier semestre 2018 qu’à partir de la déclaration des impôts en avril 2019, avec les nets fiscaux erronés. Il ajoute qu’il s’est directement attaché à entreprendre la rectification dans tous les organismes sociaux concernés. Il verse aux débats la preuve selon lui (pièce 7) que cette situation a perduré.

Par ailleurs, il conteste que l’employeur ait pu découvrir les faits le 1er août 2019 et fait valoir à cet égard que ce dernier est déloyal dans la production de la pièce 6 car, la partie haute du mail est effacée. Il demande ainsi que celle-ci ne produise aucun effet, ni ne tienne lieu de preuve.

Il observe ensuite qu’il n’a point bénéficié de formation d’adaptation à l’évolution de son emploi contrairement à l’obligation de l’employeur découlant de l’article L 6321-1 du code du travail. Il indique que la formation au pilotage de drone est sans rapport avec son emploi, et qu’elle ne peut établir au même titre que la pièce 7, que l’employeur s’est acquitté de l’obligation de formation adaptation dont il est débiteur. Le salarié assure que l’employeur s’est abstenu de tenir des entretiens annuels le privant de la possibilité d’exprimer ses besoins et d’avoir un retour sur la qualité de son activité. Selon lui, aucun grief sur l’exécution du contrat ne lui est fait.

M. [M] rappelle que son salaire moyen était de 6 284,19 euros et son ancienneté de 13,75 mois. Il indique qu’il avait ainsi droit à une indemnité conventionnelle sur la totalité de son ancienneté à hauteur de 33 217,58 euros et qu’il lui reste un dû de 1816,79 euros.

M. [M] critique le jugement et affirme que les premiers juges ont manqué à l’obligation de motivation notamment sur le caractère justifié de son licenciement, sur le manquement à l’obligation de formation adaptation, ou encore sur l’indemnité conventionnelle de licenciement. M. [M] argue que les faits qui lui sont reprochés sont prescrits et qu’aucune des pièces produites par l’employeur n’apportent la preuve d’une faute.

Il est renvoyé aux conclusions de l’appelant pour le surplus des moyens développés au soutien de ses demandes indemnitaires.

Aux termes de leurs conclusions du 6 mai 2022, la SA FIGUERES SERVICES, la société AJ Associés es qualité de commissaire à l’exécution du plan de la SA Figueres Services et la société BR associés, es qualité de mandataire judiciaire de la SA Figueres Services demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris.

Statuant à nouveau de :

– Débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes ;

– Condamner M. [M] au paiement de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens;

Ils font valoir que, M. [M] a été licencié en raison de plusieurs manquements à ses obligations contractuelles telles que le non suivi et non établissement des Déclarations sociales nominatives DSN depuis plus d’un an alors qu’il était le seul responsable de leur établissement.

Ils précisent que la DSN est un fichier mensuel produit à partir de la paie destinée à communiquer les informations nécessaires à la gestion de protection sociale des salariés aux organismes et administrations concernées (CPAM, URSSAF, AGIRC ARRCO, Organismes complémentaires, Pôle emploi, Centre des impôts, Caisse des régimes spéciaux etc…); qu’elle repose sur la transmission unique, mensuelle et dématérialisée des données issues de la paie (salaires, cotisations, NIR/ NTT Siret de l’établissement, n° des contrats, etc;…) et sur des signalements d’évènements; que les données transmises dans la DSN mensuelle sont donc le reflet de la situation d’un salarié au moment où la paie a été réalisée; qu’elle relate les évènements survenus (maladie, maternité, changement d’un élément du contrat de travail) dans le mois ayant eu un impact sur la paie et doit être remise au plus tard le 5 ou le 15 du mois M+1 sous peine de pénalités.

Ils affirment à cet égard que la DSN n’était pas établie alors que M. [E] [M] avait parfaitement connaissance des obligations réglementaires en la matière et était le seul responsable de l’établissement des DSN, le retard s’élevant à plus d’un an, dès lors que les DSN du premier semestre 2018 n’étaient pas abouties.

Ils arguent que des formations ont été dispensées pour tous les salariés administratifs dont M. [M] sur les thématiques de la paie, du bilan social et états paramètres et sur la DSN en 2016.

Ils ajoutent que les programmes et documentation afférente à l’établissement de la paye furent livrés et installés fin 2015 et les mises à jour furent effectuées chaque fois que nécessaire. Selon la SA FIGUERES SERVICES, M. [M] bénéficiait avec le partenaire ISSCEO d’un accompagnement à la demande, en cas de difficulté lors de l’établissement des DSN; qu’il apparait qu’une réponse lui était apportée en général dans les 24h en cas de difficulté lors de l’établissement des DSN.

Ils rappellent que M. [M] était responsable paye et qu’à ce titre, il était de sa responsabilité de s’assurer de la cohérence de la paye et des obligations déclaratives afférentes en toute autonomie. Ils font valoir que ce dernier qui prétend qu’il était tributaire du service RH, se devait de proposer des solutions et qu’à aucun moment il ne justifie avoir sensibilisé sa direction sur des anomalies qui auraient pu être corrigées.

Ils affirment que les retards apportés dans les déclarations ont entrainé des majorations quand un coût substantiel pour la société qui a été mise en redressement judiciaire en septembre 2019 afin d’étaler les dettes notamment envers les organismes sociaux.

Ils considèrent par ailleurs que M. [M] a failli à ses obligations contractuelles de reporting, qu’en outre aux termes d’échanges avec la direction, il révélait une erreur sur la base de calcul de cotisations, laquelle fut informée le 29 août 2019, qu’il avait versé un trop perçu de panier pour un salarié depuis novembre 2013.

La SA FIGUERES SERVICES affirme qu’elle n’a pas failli à ses obligations de formation puisque le salarié a bénéficié de formations tout au long de la relation contractuelle. Elle affirme avoir proposé des changements de logiciel afin de faciliter ses opérations comptables et son accompagnement le cas échéant, ce qu’il a toujours refusé; qu’il demandait le bénéfice d’une formation de télépilotage de drone qu’elle acceptait.

Il est renvoyé aux conclusions des intimés pour le surplus des moyens développés en réponse aux demandes indemnitaires de l’appelant.

Aux termes de ses conclusions d’appel du 24 avril 2022, la DELEGATION AGS UNEDIC de Fort de France, demande à la cour de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris.

Y faisant droit de :

Prendre acte de ce qu’elle a procédé au paiement de la somme de 8 909,95 euros en brut au titre des salaires pour la période du 1er août au 17 septembre 2019, entre les mains de la SCP BR ASSOCIES, mandataire judiciaire, au profit de M. [M], conformément aux relevés de créances établis antérieurement au plan de continuation arrêté au profit de a société FIGUERES SERVICES ;

Prendre acte de ce qu’un plan de redressement par continuation a été arrêté au profit de la société FIGUERES SERVICES par jugement du tribunal mixte de commerce de Cayenne du 4 juin 2020 ;

En conséquence, ordonner la mise hors de cause de la DELEGATION AGS UNEDIC ;

Subsidiairement,

Juger le licenciement justifié ;

Débouter M. [M] de l’intégralité de ses demandes ;

Très subsidiairement et en tout état de cause,

Dire que la garantie de la DELEGATION AGS UNEDIC ne saurait excéder les limites de sa garantie légale conformément aux articles L3253-17 et D3253-5 du code du travail qui limitent sa garantie, toutes créances du salarié confondues à des montants fixés en fonction du plafond retenu pour le calcul des contributions au régime d’assurance chômage apprécié au jour où la créance est due et au plus tard au jour du jugement de liquidation judiciaire; étant précisé que la garantie est plafonnée toutes créances avancées pour le compte du salarié à un des trois plafonds définis à l’article D3253-5 du code du travail, soit le plafond 6.

Dire que l’obligation de la DELEGATION AGS UNEDIC de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

La DELEGATION AGS UNEDIC fait valoir qu’elle a déjà procédé au paiement de la somme de 8 909, 95 euros au titre des salaires du 1er août au 17 septembre 2019 entre les mains du mandataire judiciaire conformément au relevé de créances établi antérieurement au plan de continuation arrêté au profit de la SA Figueres Services.

Elle ajoute qu’aucune éventuelle somme supplémentaire ne saurait être garantie par elle postérieurement au plan de continuation de la société FIGUERES SERVICES. Elle explique que la SA Figueres Services a fait l’objet d’un redressement judiciaire par jugement du Tribunal mixte de commerce de Cayenne du 18 septembre 2019; qu’un plan de continuation était arrêté le 4 juin 2020; que conformément à l’article L 3253-20 du code du travail, le règlement par l’AGS des avances de créances salariales n’a vocation à intervenir qu’en l’absence de fonds disponibles dans l’entreprise en redressement judiciaire et qu’en l’espèce la société n’établit pas son impossibilité à régler les sommes susceptibles d’être dues. Elle en déduit que sa demande de mise hors de cause est justifiée.

Subsidiairement sur le fond, la DELEGATION AGS UNEDIC fait valoir que les faits reprochés à M. [M] ne sont pas prescrits puisque son licenciement lui a été notifié moins de deux mois après la découverte des faits fautifs eux mêmes découverts les 1er et 19 août 2019. Elle assure également que le licenciement de l’appelant repose sur des éléments matériels et vérifiables. Elle affirme que le contrat de travail précisait que [M] qu’il était garant de la bonne tenue de la paye et de la fiabilité du déclaratif et ce, en toute autonomie; que quand bien même des éléments internes auraient provoqué des anomalies de nature à provoquer un retard d’émission des DSN, M. [M] avait le devoir d’en informer la direction, afin de solutionner le problème.

D’autant que selon elle, les retards de déclaration ont engendré des majorations et que la société a été mise en redressement judiciaire en septembre 2019 pour lui permettre d’étaler ses dettes notamment envers les organismes sociaux.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 novembre 2022.

MOTIFS

Sur le licenciement

En application de l’article L 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif à un licenciement, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles; si un doute persiste, il profite au salarié. Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Le licenciement pour cause réelle et sérieuse doit être fondé sur des faits objectifs, vérifiables et imputables au salarié.

Selon la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, en ce qui concerne les motifs articulés à son encontre, M. [E] [M] a été licencié

en raison de trois types de griefs :

– La DSN n’a pas été établie dans les délais légaux,

– la base des cotisations transmises aux organismes sociaux est erronée,

– les supérieurs hiérarchiques n’ont pas été clairement informés,

– un trop perçu de prime de panier a été versé à un salarié depuis novembre 2013.

Le contrat de travail du 20 mars 2006 stipule que M. [E] [M] est engagé en qualité de responsable Paye. Au titre des missions définies à l’article 3, il est indiqué que «sous l’autorité hiérarchique du DRH et en toute autonomie, vous avez la charge de l’ensemble des opérations liées à la paye et à la gestion administrative du personnel».

Son domaine de compétence était clairement défini à savoir :

– la réalisation et la gestion des contrats à durée indéterminée, des contrats à durée déterminée et du personnel détaché,

– le contrôle de l’application des accords d’entreprise et de la législation,

– le contrôle des éléments de paye, des acomptes , des prêts, des saisies,

– la réalisation de la paye et des déclarations associées,

– le suivi des absences, des congés payés, de la formation, de la maladie, des AT, des IJSS et de leur remboursement par la CGSS,

– l’interface de la paye et la comptabilité,

– la veille juridique et sociale ainsi que l’application et la mise à jour du logiciel de paye,

– la mise en place et le suivi de budgets et des reporting sociaux.

Il est également clairement stipulé que :

«garant de la bonne tenue de la paye et de la fiabilité du déclaratif, dans le respect des délais et des obligations légales et sociales».

Il ressort d’une part que l’intéressé était bien en charge de la mise en ‘uvre des déclarations, telles que la déclaration sociale nominative.

Les parties rappellent à cet égard que la DSN est un fichier mensuel produit à partir de la paie destiné à communiquer les informations nécessaires à la gestion de la protection sociale des salariés aux organismes et administrations concernées (CPAM, URSSAF, AGIRC, ARRCO, Organismes complémentaires, Pôle emploi…) et qu’elle repose sur la transmission unique, mensuelle et dématérialisée des données issues de la paie (salaires, cotisations, NIR/NTT, Siret de l’établissement, N ° de contrats etc…) et qu’elle doit être transmise au plus tard le 5 ou le 15 du mois + 1 sous peine de pénalités.

Par ailleurs il ressort d’un courrier en date du 27 juin 2018 de la directrice générale de la société à la CGSS de la Martinique que l’entreprise avait un calendrier de paye différent pour les contrats à durée indéterminée et les contrats à durée déterminée et avait sollicité la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique pour la mise en place de la DSN dans l’entreprise compte tenu de cette spécificité interne.

M. [E] [M] l se devait donc en toute autonomie comme précisé au contrat de travail de suivre cette mise en place et d’informer son responsable hiérarchique sous l’autorité duquel il était placé, de toute difficulté dans sa mission.

Il interrogeait pour ce faire l’organisme social par mail du 27 juin 2018 afin de savoir s’il était possible de mettre en place une double DSN, une pour les CDI et l’autre pour les CDD, ce qui établit de plus fort qu’il était bien en charge de ce dossier.

Par mail du 3 juillet 2018, il était répondu à M. [E] [M] que M [P] [V] du service direction du recouvrement était en mesure de donner l’information.

M. [E] [M] ne justifie pas de ses démarches pour la mise en place de la DSN depuis le mois de juin 2018, et ce n’est que le 1er août 2019, qu’il transférait un mail à sa hiérarchie censé démontrer les difficultés de mise en ‘uvre de la DSN .

A la demande de la directrice générale qui l’interrogeait par mail du 1er août 2019 pour savoir si la DSN avait été mise en place, si le retard avait été rattrapé depuis le 1er semestre 2018 et comment la DSN était faite, il répondait le 2 août suivant que suite aux différents contacts avec le service support DSN il était sur le point de résoudre le problème, en précisant «si tout va bien toutefois car entretemps nous avons changé de SIRET».

Il est donc établi que depuis le 27 juin 2018 la DSN n’avait pas été mise en place, et que ce n’est que par mail du 2 août 2019, qu’il en informait sa hiérarchie.

Le moyen tiré de la prescription des faits fautifs ne peut donc qu’être écarté puisque la procédure a été engagée par la convocation de M. [E] [M] à un entretien préalable le 9 septembre 2019 et son licenciement notifié le 23 septembre 2019, soit dans le délai de deux mois prévu par l’article L 1332-4 du code du travail.

M. [E] [M] prétend alors que la pièce de la SA Figueres Services n° 6 retraçant les échanges avec sa direction serait tronquée. Cependant les mails comportent bien le nom de leur auteur ainsi celui de leurs destinataires, leur objet et leur date, de sorte que le moyen tiré de la déloyauté de la preuve, n’est pas non plus démontrée et qu’il n’y aura pas lieu d’écarter des débats cette pièce n° 6 qui établit la date à laquelle l’employeur était informé que la DSN n’avait pas été mise en ‘uvre au 1er août 2019, alors qu’elle relevait précisément des missions du salarié.

Ainsi celui-ci n’établit pas que cette DSN n’était pas sous sa seule responsabilité et que l’employeur lui imputait des manquements qui n’étaient pas de son fait.

S’il était tributaire d’un circuit passant par différents services, comme il le déclare, pour récupérer les données nécessaires aux déclarations, il ne justifie pas, nonobstant la définition précise de ses missions, avoir tenté de récupérer les différentes données nécessaires aux déclarations sociales nominatives mensuelles, ni des éventuelles difficultés rencontrées pour mener à bien sa mission.

A l’inverse l’employeur justifie que M. [E] [M] bénéficiait d’un accompagnement informatique à la demande, au logiciel DSN en 2016.

En effet, le responsable du partenaire ISSCEO indiquait au sujet de la DSN avoir livré les programmes et la documentation dès fin 2015 et installé les mises à jour chaque fois que cela était nécessaire.

M. [E] [M] ne peut pas plus prétendre qu’il n’était pas formé puisqu’il est démontré que le salarié bénéficiait des réponses du partenaire susvisé en cas de difficulté dans les saisies de ses déclarations dans les meilleurs délais (pièces 8 et 9 de la SA Figueres Services).

Force est donc de constater que M. [E] [M] n’établissait pas la DSN dans les délais légaux, ni n’informait sa direction d’une quelconque difficulté de mise en oeuvre avant le 1er aout 2019 et en outre à la seule demande de cette dernière.

Ses deux premiers griefs sont donc établis et constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement au vu du poste à responsabilité confié à M. [E] [M].

Ensuite, il ressort d’un rapport de l’expert comptable SYNAAPS que l’omission de la part du service de paie de l’envoi des DSN en 2018 a généré des problèmes très importants depuis le début de l’année 2020. Un salarié s’est plaint notamment d’anomalie dans son relevé de carrière de 2018 impactant la base de calcul de sa retraite. Un autre salarié a déploré l’absence d’alimentation de son CPF pour les six premiers mois de l’année 2018 du fait de l’absence de DSN, outil essentiel pour le calcul des heures au titre du CPF.

Ce rapport met l’accent sur le fait que de nombreuses régularisations n’ont pas été effectuées par le service paie sur les DSN, qu’aucun événement lié à la maladie, à l’accident du travail, ou à une fin de code du travail n’a été envoyé via cet outil obligatoire.

Le grief découlant de la découverte que la base des cotisations transmises aux organismes sociaux est erronée est également démontré, faute de DSN mensuelle transmise.

D’ailleurs M. [E] [M] ne conteste pas avoir révélé à sa direction le 29 août 2019, comme indiqué dans la lettre de licenciement, qu’il existait une erreur sur la base du calcul des cotisations et que notamment il avait versé un trop perçu de panier pour un salarié depuis novembre 2013.

La SA Figueres Services démontre donc suffisamment l’existence d’éléments précis et vérifiables caractérisant une omission fautive du salarié, qui ne peut être déduite d’une absence de formation ou de soutien dans son domaine de compétence, alors qu’en revanche ce dernier est défaillant dans l’administration partagée de preuve qui lui incombe, que ces manquements ne lui sont pas imputables.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

– Sur le manquement à l’obligation de formation reproché à l’employeur

La Cour observe comme indiqué supra que le salarié a été recruté en qualité de responsable du service paye de la SA Figueres Services depuis le mois de mars 2006, après avoir adressé une candidature dans laquelle il faisait valoir qu’il avait réalisé la paye de 450 personnes en étant rattaché à la direction des ressources humaines et qu’il maitrisait parfaitement les logiciels de paie.

Le salarié se plaint d’un manquement de l’employeur à son obligation de formation d’adaptation à l’évolution de l’emploi découlant de l’article L6321-1 du code du travail alors qu’il est établi qu’il bénéficiait d’un accompagnement du prestataire extérieur pour les logiciels informatiques de déclarations.

Il ne justifie pas avoir demandé une formation complémentaire plus approfondie ou plus spécifique alors que dans le même temps en juillet 2019, il ne sollicitait qu’une formation de télépilotage professionnel de drone pour un montant de 2822 euros pour une durée de 80 heures du 23 septembre au 4 octobre 2019, payée par la SA Figueres Services dans le cadre du CPF, effectuée sur son temps de travail.

La Cour considère que la demande de dommages et intérêts formulée à hauteur de 37705,14 euros au titre d’un manquement à l’obligation par l’employeur de son obligation de formation est mal fondée. Elle est donc rejetée comme en première instance.

– Sur les autres demandes indemnitaires

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Le licenciement étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, la demande de dommages et intérêts formulée de ce chef est mal fondée.

* dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail

M. [E] [M] sollicite une somme de 37 705, 14 euros au titre d’une exécution de mauvaise foi du contrat de travail. Ce grief n’est pas documenté par les pièces de son dossier et donc non établi. M. [E] [M] est débouté de cette demande comme en première instance.

* complément d’indemnité conventionnelle de licenciement,

[E] [M] sollicite à titre d’indemnité conventionnelle un complément de 1816,79 euros. Il ne présente aucun calcul pour justifier de cette demande.

A l’inverse la SA Figueres Services établit avoir versé une indemnité conventionnelle de licenciement d’un montant de 33217,58 euros tenant compte de ses 13 ans et 8 mois et de son salaire de référence conventionnel d’un montant de 6299,49 euros.

En effet, aux termes de la convention collective nationale des activités du déchet, article 2.22 l’indemnité de licenciement à prendre en considération pour le calcul de cette indemnité est de 1/12 de la rémunération des 12 derniers mois, précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour l’intéressé, 1/3 des 3 derniers mois……

(‘) pour les salariés ayant plus de 3 ans d’ancienneté :

Ancienneté 8 mois

Ancienneté >3 ans 10 ans 2/5 de mois par année d’ancienneté

Ancienneté > 10 ans ¿ mois par année d’ancienneté

La moyenne des 1/12 de la rémunération des 12 derniers mois précédant le licenciement est de 6033,575

Le 1/3 des 3 derniers mois est de 5871,76 euros

Le calcul est donc le suivant : 1/5 x6063,58 x3 + 2/5 x6063,58 x 7 + ¿ x3x8/12 x6063,58 =26679,75 euros.

La SA Figueres Services a versé à M. [E] [M] une somme supérieure d’un montant de 32217,58 euros.

Il convient donc de le débouter de sa demande de complément d’indemnité à hauteur de 1819,79 euros non expliquée.

* complément d’indemnité compensatrice de congés payés,

Cette demande non motivée ni documentée sera également rejetée.

– Sur la garantie de l’AGS

Il n’est pas contesté par les parties que l’AGS a procédé au paiement de la somme de 8 909,95 euros en brut au titre des salaires pour la période du 1er août au 17 septembre 2019, entre les mains de la SCP BR ASSOCIES, mandataire judiciaire, au profit de M. [M], conformément aux relevés de créances établis antérieurement au plan de continuation arrêté au profit de a société FIGUERES SERVICES; qu’un plan de redressement par continuation a en effet été arrêté au profit de la société FIGUERES SERVICES par jugement du tribunal mixte de commerce de Cayenne du 4 juin 2020.

Au vu du plan de continuation, en l’absence de démonstration d’une insuffisance de fonds disponibles entre les mains de la SA Figueres Services, la garantie de l’AGS est sans objet. il convient d’ordonner la mise hors de cause de la DELEGATION AGS UNEDIC ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Fort-de-France le 14 octobre 2021 dans toute ses dispositions,

Y ajoutant,

Met la délégation AGS UNEDIC hors de cause,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [E] [M] aux dépens de l’appel.

Et ont signé le présent arrêt Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffier

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

 


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