Droit du logiciel : 27 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/07990

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Droit du logiciel : 27 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/07990

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 12

ARRÊT DU 27 Janvier 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 19/07990 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CALE2

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Avril 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 18/01763

APPELANTE

CPAM 31 – HAUTE GARONNE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMEE

S.A.S. [5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Philippe PACOTTE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0513 substitué par Me Solène BOROCCO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0513

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Pascal PEDRON, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Pascal PEDRON, Président de chambre

M. Raoul CARBONARO, Président de chambre

M. Gilles BUFFET, Conseiller

Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par M. Raoul CARBONARO, Président de chambre, pour M. Pascal PEDRON, Président de chambre, légitimement empêché et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par la caisse primaire d’assurance maladie de Haute Garonne (la caisse) d’un jugement rendu le 09 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Paris dans un litige l’opposant à la SAS [5] (la société).

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la caisse a, après instruction, le 09 janvier 2018, pris en charge au titre de la législation professionnelle l’accident concernant Mme [Y] [M], salariée de la société en qualité d’agent de service, déclaré le 20 octobre 2017 par l’employeur qui avait émis des réserves ; que la société, après vaine contestation en inopposabilité de la prise en charge de l’accident du travail et des soins et arrêts de travail devant la commission de recours amiable, a le 20 avril 2018 porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris ; que par jugement du 09 avril 2019, le tribunal de grande instance de Paris, auquel le dossier avait été transféré, a déclaré le recours de la société recevable et bien fondé, a déclaré inopposable à la société [5] la décision du 09 janvier 2018 de prise en charge de l’accident du 19 octobre 2017 au préjudice de Mme [M] au titre de la législation professionnelle, a débouté les parties de toutes autres demandes et a rejeté les demandes respectives des parties formées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La caisse a interjeté appel le 18 juillet 2019 de ce jugement qui lui avait été notifié le 25 juin 2019.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l’audience par son avocat, la caisse demande à la cour, par voie d’infirmation du jugement déféré, de :

A titre principal et subsidiaire :

– déclarer opposable à la société la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l’accident dont a été victime Mme [M] le 19 octobre 2017,

A titre infiniment subsidiaire,

– débouter la société de sa demande d’inopposabilité des arrêts de travail prescrits en conséquence de l’accident survenu le 19 octobre 2017, ainsi que de sa demande subsidiaire d’expertise médicale judiciaire,

A titre très infiniment subsidiaire :

– ordonner avant dire droit la réalisation d’une expertise médicale judiciaire sur pièces confiée à tel expert qu’il plaira et avec pour mission de :

* dire si des arrêts de travail, prescrits au titre de l’accident du travail du 19 octobre 2017, ont une cause totalement étrangère à cet accident,

* dans l’affirmative, indiquer les périodes d’arrêts de travail concernées et décrire précisément cette cause totalement étrangère,

– condamner la partie succombante à la charge des dépens, en ce compris les frais d’une éventuelle expertise médicale judiciaire,

– condamner la société au paiement d’une indemnité de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

faisant valoir pour l’essentiel que :

– elle n’est soumise qu’à l’obligation d’adresser à l’employeur la lettre de clôture de l’instruction,

-aucun texte ne précise les modalités d’instruction, ni les modalités de recueil des observations de l’employeur ; elle n’est pas tenue de justifier de la transmission des questionnaires à l’employeur, les documents n’étant donc pas adressés en courrier recommandé, pas plus à l’employeur qu’au salarié

– elle a respecté le principe du contradictoire en adressant aux parties les questionnaires, précisant avoir adressé le questionnaire à l’employeur à la même adresse tant lors de la demande de renseignements envoyée le 31 octobre 2017 que lors de l’information du recours au délai complémentaire d’instruction envoyée par lettre recommandée le 17 novembre 2017 reçue le 21 novembre 2017, le prestataire de l’affranchissement sollicité à propos de ce courrier ayant précisé que ce courrier comportait 5 pages et joignant une copie PDF du document ; elle établit ainsi avoir adressé contradictoirement les questionnaires.

– elle n’a pas à justifier de la bonne réception du questionnaire par la société,

– elle a adressé à l’employeur, qui en a été destinataire, l’ensemble des courriers dans le cadre de l’instruction,

– l’employeur pouvait la solliciter dans le cadre de la procédure sur un défaut de réception du questionnaire et avait la possibilité de se déplacer à la fin de l’instruction pour consulter les pièces constitutives du dossier, ce qu’il n’a pas fait,

– elle établit la matérialité de l’accident du travail survenu aux temps et lieu du travail le 19 octobre 2017 en présence d’un témoin, l’assurée ayant été transportée au CHU de [Localité 6] et la constatation des lésions ayant été faite le jour même, permettant à l’assurée de bénéficier de la présomption d’imputabilité,

– elle démontre une continuité de soins et de symptômes et de prescriptions d’arrêts de travail,

– compte tenu de ces éléments la présomption d’imputabilité, qui n’est pas renversée par l’employeur en démontrant que les soins et arrêts de travail ont une cause totalement étrangère au travail, trouve à s’appliquer.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l’audience par son avocat, la société demande à la cour de :

– la recevoir en ses écritures,

– rejeter l’ensemble des demandes formulées par la caisse,

– confirmer le jugement entrepris,

A titre principal et subsidiaire,

– juger inopposable à son égard la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle, de l’accident invoqué par l’assurée, avec toutes suites et conséquences de droit,

A titre très subsidiaire,

– juger inopposable à son égard la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle des soins et arrêts de travail prescrits à Mme [M] à la suite de son accident, avec toutes suites et conséquences de droit,

A titre infiniment subsidiaire,

– ordonner une expertise médicale judiciaire afin de vérifier la réelle imputabilité des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse au titre de l’accident du travail,

– condamner la caisse au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

faisant valoir pour l’essentiel que :

– la caisse, en ne lui ayant pas adressé de questionnaire, n’a pas respecté le principe du contradictoire de la procédure d’instruction,

– en l’absence de caractère professionnel du malaise qui est la conséquence d’un état antérieur au titre de la maladie de Ménière, le caractère professionnel de l’accident déclaré par Mme [M] ne peut être retenu par la caisse, laquelle ne pouvait lui faire bénéficier de la présomption d’imputabilité,

– l’assurée présente un état pathologique indépendant évoluant pour son propre compte au titre de la maladie de Ménière,

– le Dr [S], son médecin conseil, a conclu à l’absence de lien entre l’activité professionnelle de l’assurée et le malaise survenu le 19 octobre 2017 qui est en relation avec un état dépressif chronique évolutif et avec l’existence d’une maladie de Ménière antérieure au 19 octobre 2017.

SUR CE, LA COUR

Sur l’absence de questionnaire

L’article R. 441-11 III du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, dispose : « En cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse, envoie avant décision à l’employeur et à la victime un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès. »

Ce texte impose donc, comme l’a retenu la Cour de cassation (2e Civ., 17 février 2022, n° 20-19.674) la transmission à l’employeur et à la victime du questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie, et précise que l’enquête est menée « auprès des intéressés », termes renvoyant également aux deux parties.

En l’espèce, la société conteste avoir reçu tout questionnaire et fait valoir que la caisse ne lui a pas adressé un tel questionnaire malgré ses réserves motivées, manquant ainsi à son obligation ; la caisse indique à ses écritures avoir adressé des questionnaires à l’assurée et à l’employeur le 31 octobre 2017 et avoir relancé l’employeur le 17 novembre 2017 .

Elle produit en la matière sur les envois du 31 octobre 2017 :

– l’impression écran de son logiciel Orphée (pièce n°02 de ses productions), lequel indique la tâche « Demander Rens. Employeur » / « Dem. Emp. – Renseignements adr. administrative » au 31 octobre 2017, et « Demander Rens. victime » ne démontrant ni la bonne réception du document ni son contenu et encore moins l’existence d’un questionnaire à l’employeur en pièce jointe audit courrier,

– le questionnaire complété par l’assurée le 31 octobre 2017 (pièce n°02 de ses productions),

– la copie d’un questionnaire non daté à compléter par l’employeur qu’elle indique avoir adressé en lettre simple le 31 octobre 2017.

Ces pièces sont en l’espèce insuffisantes à établir que la caisse a effectivement envoyé le 31 octobre 2017 un questionnaire à l’employeur, et ce d’autant plus que la fiabilité des mentions portées au logiciel Orphée est sujette à caution dès lors qu’il y est aussi porté un envoi du questionnaire à la victime le 31 octobre 2017, alors que cette dernière l’a renvoyé complété également en date du 31 octobre, ce qui apparaît difficilement compatible.

Sur l’envoi du 17 novembre 2017 la caisse produit :

– en pièce n°02, copie d’ un courrier du 17 novembre 2017 intitulé « questionnaire employeur ‘ complément d’information » auquel est joint un questionnaire vierge de 3 pages,

* en pièce n°04, copie d’un courrier du 17 novembre 2017 notifiant à l’employeur un délai complémentaire d’instruction adressé en recommandé avec demande d’avis de réception (n°2C 130 959 3628 4), la preuve de l’avis de réception de ce courrier signé de son destinataire le 21 novembre 2017 (n°2C 130 959 3628 4) et un questionnaire vierge de 2 pages,

* en pièce n°11, un mail du 31 juillet 2019 émanant du prestataire de l’affranchissement, lequel prestataire indique seulement que le courrier recommandé numéroté 2C 130 959 3628 4 comportait 5 pages et mentionne une pièce jointe dont l’intitulé « DOC-ebc81019ef8256b310c7cc77 (1).pdf » ne permet pas de démontrer que ledit courrier comprenait un questionnaire ; de plus la caisse joint à ce mail les deux courriers du 17 novembre 2017 et un questionnaire de 3 pages, lesquels ne comportent aucun élément permettant de les rattacher avec certitude à ladite pièce jointe du mail.

En l’espèce, il résulte de ces incohérences et insuffisances l’impossibilité de vérifier que les deux courriers du 17 novembre 2017 ont été envoyés conjointement ; en effet le courrier de notification d’un délai complémentaire d’instruction a été adressé en recommandé avec demande d’avis de réception sans mention d’éventuelles pièces jointes, et le courrier intitulé « questionnaire employeur ‘ complément d’information » ne comporte aucune indication de son rattachement au courrier de notification de délai complémentaire ou de son envoi avec la lettre recommandée reçue le 21 novembre 2017 par l’employeur ; la caisse n’établit donc pas plus l’envoi à l’employeur le 17 novembre 2017 d’un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident.

Force est de constater que suite aux réserves motivées de l’employeur, la caisse, malgré ses affirmations, n’a donc pas adressé à l’employeur de questionnaire et ne justifie pas par ses productions, ni même n’argue, avoir procédé à une enquête auprès de ce dernier.

Aucun questionnaire n’ayant été adressé à l’employeur, et aucune enquête n’ayant été faite auprès de celui-ci, et la caisse ne pouvant se retrancher derrière l’envoi de la lettre de clôture de l’instruction, la décision de prise en charge contestée est inopposable au cas d’espèce à l’employeur.

Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement déféré ayant déclaré inopposable à la société la décision de prise en charge par la caisse de l’accident survenu le 19 octobre 2017 à Mme [Y] [M] ainsi que l’ensemble de ses conséquences.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la SAS [5] la charge des frais irrépétibles qu’elle a exposés dans le cadre du présent litige.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DECLARE l’appel recevable.

CONFIRME le jugement déféré.

DEBOUTE la caisse primaire d’assurance maladie de Haute Garonne de ses demandes.

DEBOUTE la SAS [5] de sa demande en frais irrépétibles.

CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de Haute Garonne aux dépens d’appel.

La greffière Pour le président empêché

 


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