Droit du logiciel : 27 janvier 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/02286

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Droit du logiciel : 27 janvier 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/02286

ARRÊT DU

27 Janvier 2023

N° 143/22

N° RG 20/02286 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TJMO

SHF / GD

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CAMBRAI

en date du

08 Octobre 2020

(RG 19/00073 -section 4)

GROSSE :

aux avocats

le 27 Janvier 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

M. [F] [R]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI, et assisté par Me Hélène CABOCHE-FOUQUES, avocat au barreau d’AMIENS

INTIMÉE :

S.A. CLESENCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI et assitée par Me Patrick MARGULES, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN substitué par Me Nathalie CARPENTIER, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

DÉBATS : à l’audience publique du 16 Novembre 2022

Tenue par Soleine HUNTER-FALCK

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Nadine BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 26 octobre 2022

EXPOSE DU LITIGE

La SA CLESENCE venant aux droits de la SA d’ HLM Maison du CIL depuis le 01.07.2018 suite à sa fusion avec la société LOGIVAM, a pour activité principale la location de logements HLM destinés aux particuliers ; elle est soumise à la convention collective des personnels des sociétés anonymes et fondations d’HLM ; elle comprend plus de 10 salariés.

Monsieur [F] [R], né en 1965, a été engagé par contrat à durée indéterminée le 01.07.2000 par la société SA d’ HLM Maison du CIL en qualité d’adjoint au Directeur du développement et de la construction, classification G7, avec reprise d’ancienneté acquise au sein de la Société HLM SAPI au 02.11.1992, à temps complet, sur la base d’un forfait de 218 jours par an.

La SA d’ HLM Maison du CIL a procédé à une réorganisation dans le cadre de la mise en place du pôle immobilier du groupe PROCILIA ; par lettre du 27.02.2012, M. [F] [R] a été informé de la séparation de la Direction de la construction et de la Direction du développement dont il lui était proposé de prendre la responsabilité à compter du 01.04.2012 sous la classification G8, avec vocation à intégrer le comité de direction de St Quentin à l’issue d’une période probatoire de 12 mois.

Le 01.06.2012, un avenant au contrat de travail a été signé entre les parties après la signature d’un avenant à l’accord d’entreprise ARTT, aux termes duquel M. [F] [R] était classé cadre autonome, bénéficiant d’un forfait de 218 jours.

A compter du 01.04.2014, dans le cadre d’une nouvelle organisation opérationnelle de l’entreprise, M. [F] [R] a été nommé Directeur habitat et croissance externe, et Directeur territoire Somme Cambrésis avec un classement conventionnel G8.

Le 11.12.2017, des délégations ont été conférés à M. [F] [R] : une délégation de pouvoirs sur la Direction habitat et la Direction territoriale Nord Ouest, une délégation de signature sur ces mêmes domaines complétés par une délégation de signature bancaire.

Courant 2017, un audit a été mené par M. [M] du cabinet [H] et Associés au sein de la SA d’HLM La Maison du CIL qui était destiné à analyser l’organisation mise en place dans le cadre du projet d’entreprise CAP 2016. L’entreprise en a tiré une synthèse et des diagnostics conduisant à des préconisations et décisions, alors qu’un projet de fusion entre la SA d’HLM La Maison du CIL et LOGIVAM était envisagé.

Monsieur [F] [R] a été convoqué par lettre du 14.03.2018 à un entretien préalable fixé le 26.03.2018 avec mise à pied conservatoire et licencié pour faute grave le 30.03.2018 ; il lui était reproché les faits suivants :

« ‘Votre licenciement repose, en effet, sur des éléments d’une telle gravité qu’ils rendent impossible la poursuite de nos relations contractuelles :

A. Agression verbale de Monsieur [DL] [L] du vendredi 2 Mars 2018 :

Le vendredi 2 Mars 2018, vous avez verbalement agressé M. [DL] [L], un de vos collaborateurs directs en charge de la responsabilité du Pôle technique, avec une telle violence que :

‘ Cet incident a été rapporté à la Direction par une personne craignant un « dérapage » encore plus important dans l’avenir ;

‘ Les équipes présentes à l’étage ont dû fermer la porte de leur bureau afin de pouvoir continuer à travailler et de se protéger face à cet excès d’autoritarisme qui dénote, à l’évidence, une gestion inappropriée de vos équipes de travail.

Cette situation est en total décalage par rapport, d’une part, à votre statut de Directeur, membre du Comité de Direction, dans la mesure où elle renvoie une image au sein de l’entreprise d’une grande brutalité dans les rapports humains, et, d’autre part, par rapport au projet d’entreprise, actuellement en cours de déploiement au sein de l’entreprise.

B. Comportement général :

Ce comportement général, empreint d’une forte agressivité, se manifeste principalement par :

1) La récurrence, au cours de ces derniers mois, de nombreuses manifestations d’humeur, de mésententes, de relations difficiles, voire conflictuelles, tout particulièrement au cours des différentes réunions de Direction auxquelles vous participez, impactant le bon fonctionnement

de l’entreprise.

Il en est ainsi, à titre d’exemples :

. De l’agression verbale du Directeur financier lors du Comité de Direction du 31 Janvier 2018 ayant entraîné l’intervention du Président au cours de la séance ;

. De votre attitude, à l’égard de ce même Directeur, lors du dernier Congrès HLM de [Localité 4] et notamment des échanges mails/sms avec le signataire de la présente venant acter votre décision de ne pas s’excuser auprès de lui ;

. De vos attitudes agressives bloquant les échanges au sein du Comité de Coordination Opérationnelle (CCOP) alors même que cette instance était destinée à fluidifier les échanges et améliorer la transversalité au sein de la société et donc d’en améliorer son efficacité ;

. De vos attitudes agressives enregistrées, à maintes reprises, lors des réunions du Comité d’Investissement au sein duquel le signataire de la présente a dû intervenir pour mettre un terme à des échanges houleux et tendus ;

. De vos réactions lors de la restitution de l’Observatoire de la performance de l’immobilier social ‘ Wavestone pendant laquelle vous n’avez eu de cesse de critiquer, avec une grande brutalité, le bien-fondé des indicateurs chiffrés.

2) Des positions de défiance vis-à-vis des décisions de la Direction Générale

A plusieurs reprises, vous avez instauré vis-à-vis de la Direction Générale une attitude de forte défiance puisqu’aussi bien :

. Vous avez refusé de prendre en compte, de façon constante, les instructions qui vous avaient été données en matière de fonctionnement en équipe (cf. Comité de Direction de rentrée 2017 ; travail collaboratif demandé, avec plusieurs de vos collègues directeurs, présenté seul par vous-même’).

. Vous n’avez eu de cesse de critiquer et de combattre des décisions en matière de gel des embauches, pourtant arrêtées par notre Actionnaire de référence Action Logement. Ce comportement s’est manifesté par des demandes incessantes d’effectifs complémentaires, totalement déconnectées des benchmarks de la profession (enquête Wavestone) et des projections financières effectuées compte tenu des récentes mesures gouvernementales. A aucun moment, vous ne nous avez fait part de propositions en matière d’organisation alors même que vous aviez parfaitement connaissance des éléments rappelés ci-dessus.

3) Un management des équipes placées sous votre responsabilité, dur, oppressant, générant la manifestation de souffrances au travail

Plusieurs de vos collaborateurs nous ont fait part des difficultés rencontrées dans l’exercice de leur activité professionnelle du fait de votre management bloquant toute initiative. Par ailleurs, le rapport d’audit de Monsieur [U] [M] a fait apparaître une non-distinction entre le souci de rigueur et d’autorité qui s’impose à l’exercice du pilotage d’une Direction et les ressentis

de dénigrement, voire d’humiliation, évoqués par certains de vos collaborateurs.

Ces différents développements font apparaître l’incompatibilité de votre comportement avec la stratégie globale mise en place par l’entreprise, tout particulièrement pendant la période complexe que nous vivons :

o Pré-fusion entre la MAISON DU CIL-SA D’HLM et LOGIVAM, qui nécessite empathie, doigté et bienveillance vis-à-vis des collaborateurs et des collègues de travail ;

o Réforme du Mouvement Action Logement ;

o Mesures gouvernementales particulièrement agressives vis-à-vis du modèle français et du logement social et qui se traduisent par des dispositions drastiques sur le plan financier;

o Mise en place d’un dispositif de management et d’une organisation reposant sur l’agilité;

et ils rendent impossible le maintien de nos relations contractuelles.

Les différents éléments d’explication que vous avez portés à notre connaissance au cours de l’entretien préalable n’ont pas été de nature à apporter le moindre éclairage satisfaisant sur les dérives comportementales que nous avons mentionnées ci-dessus ».

Le 24.04.2019, le conseil des prud’hommes de St Quentin a été saisi par Monsieur [F] [R] en contestation de cette décision, indemnisation des préjudices subis et pour diverses demandes liées à l’exécution du contrat de travail. Par jugement rendu le 11.03.2019 l’affaire a été renvoyée devant le conseil des prud’hommes de Cambrai.

Un appel a été interjeté régulièrement devant la cour d’appel de Douai le 20.11.2020 par Monsieur [F] [R] à l’encontre du jugement rendu le 08.10.2020 par le conseil de prud’hommes de Cambrai section Encadrement, qui a :

– Dit le licenciement pour faute grave de Monsieur [F] [R] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– Condamné la société CLESENCE à payer à Monsieur [F] [R] les sommes de:

. 4 411,00 € de rappel de salaire durant la mise à pied,

. 441,10 € de congés payés y afférents,

. 27 587,82 € d’indemnité compensatrice de préavis,

. 2 758,78 € de congés payés sur préavis,

. 78 676,37 € d’indemnités de licenciement,

. 50 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Dit que les condamnations emportent intérêts au taux légal :

. À compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation pour le rappel de salaires,

l’indemnité compensatrice de préavis, l’indemnité de licenciement, les congés payés et d’une façon générale pour toute somme de nature salariale.

. À compter de la présente décision pour toute autre somme.

– Ordonné à la société CLESENCE de remettre à Monsieur [F] [R] dans les 15 jours de la notification du jugement, les documents de fin de contrat conformes à la présente décision sans toutefois ordonner d’astreinte ,

– Débouté Monsieur [F] [R] du surplus de ses demandes.

– Précisé que l’exécution provisoire du jugement et de droit conformément à l’article R 1454-28 du code du travail, à l’exclusion des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l’article 700 du code de procédure civile et que la moyenne des 3 derniers mois de salaire s’élève à 8 095 €.

– Ordonné pour le surplus l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile,

– Ordonné d’office le remboursement par la SA CLESENCE aux organismes concernés les indemnités chômage versées à Monsieur [F] [R] du jour de son licenciement au jour du prononcé du présent jugement dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage et débouté la SA CLESNECE de sa demande reconventionnelle et l’a condamné aux dépens;

Vu les conclusions transmises par RPVA le 29.07.2021 par Monsieur [F] [R] qui demande à la cour de :

Dire l’appel de Monsieur [F] [R] recevable et bien fondé,

Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Cambrai en date du 8 octobre 2020 en toutes ses dispositions faisant droit aux demandes de Monsieur [F] [R], et notamment en ce qu’il juge son licenciement comme dénué de cause réelle et sérieuse, sauf à augmenter le quantum des condamnations y afférentes ; l’infirmer pour le surplus, notamment en ce qu’il déboute Monsieur [F] [R] de ses demandes de rappel sur salaire, et statuant à nouveau :

Dire et juger les demandes de Monsieur [F] [R] recevables et bien fondées, et débouter la société CLESENCE de sa demande d’irrecevabilité « des demandes financières de l’appelant « telles que formulées devant la cour de céans »,

Dire et juger que la convention de forfait jours de Monsieur [F] [R] est nulle et à défaut lui est inopposable, et ce faisant condamner la société CLESENCE à lui verser les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine par l’appelant du conseil de prud’hommes de Saint Quentin :

1/ A titre principal, sur la base des relevés d’heures dont se prévaut Monsieur [F] [R] : 127.484,93 € bruts à titre de rappel sur heures supplémentaires, outre la somme de 12.748,49 € bruts au titre des congés payés afférents.

2/ A titre subsidiaire, sur la base des relevés d’heures dont se prévaut la société CLESENCE : la somme de 103.527,60 € bruts à titre de rappel sur heures supplémentaires, outre la somme de 10.352,76 € bruts au titre des congés payés afférents,

Fixer le salaire de référence de Monsieur [F] [R], selon les rappels sur salaire qui lui seraient accordés, à la somme de :

1/ A titre principal : 13.028,87 € s’il était fait droit aux rappels sur salaire de Monsieur [R] sur la période de mars 2017 à février 2018, tels que résultant des relevés d’heures qu’il verse aux débats,

2/ A titre subsidiaire : 12.242,94 € s’il était fait droit aux rappels sur salaire de Monsieur [R] sur la période de mars 2017 à février 2018, tels que résultant des relevés d’heures présentés par la société CLESENCE,

3/ A titre encore plus subsidiaire : 9.195,94 € s’il n’était pas fait droit aux demandes de rappel sur salaire de Monsieur [F] [R].

Dire et juger que le licenciement de Monsieur [F] [R] est dénué de cause réelle et sérieuse, et ce faisant, condamner la société CLESENCE à lui verser les sommes suivantes :

– 4.411,05 € bruts à titre de rappel sur mise à pied conservatoire, outre la somme de 441,11 € bruts au titre des congés payés afférents,

– 78.676,37 € à titre d’indemnité de licenciement,

Et en fonction du salaire de référence retenu par la Cour de Céans, condamner également la société CLESENCE à verser à Monsieur [F] [R], au titre du caractère dénué de cause réelle et sérieuse de son licenciement, les sommes suivantes :

1/ A titre principal et sur la base d’un salaire de référence d’un montant de 13.028,87 :

– 39.084 € bruts à titre d’indemnité de préavis, outre la somme de 3.908,40 € bruts au titre des congés payés afférents,

– 234.519,66 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2/ A titre subsidiaire et sur la base d’un salaire de référence d’un montant de 12.242,94 € :

– 36.728,82 € bruts à titre d’indemnité de préavis, outre la somme de 3.672,88 € bruts au titre des congés payés afférents,

– 220.372,92 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3/ A titre encore plus subsidiaire et sur la base d’un salaire de référence d’un montant de 9.195,94 € :

– 27.587,82 € bruts à titre d’indemnité de préavis, outre la somme de 2.758,78 € bruts au titre des congés payés afférents,

– 165.526,92 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamner la société CLESENCE à remettre à Monsieur [F] [R], l’ensemble de ses documents de fin de contrat, conformes à la décision à intervenir, et ce, sous astreinte de 50 € par jour de retard, passé 15 jours à compter de la notification de ladite décision,

Condamner la société CLESENCE à verser à Monsieur [F] [R], outre la somme de 1.500 € accordée en première instance, la somme de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu les conclusions transmises par RPVA le 30.04.2021 par la SA Clesence qui demande de :

DIRE Monsieur [R] mal fondé en son appel principal et la société CLESENCE bien fondée ne son appel incident.

LE DIRE en tous les cas irrecevable dans ses demandes financières telles que formulées devant la cour de céans.

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il :

– Dit le licenciement pour faute grave de Monsieur [F] [R] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– Condamné la société CLESENCE à payer à Monsieur [F] [R] les sommes de:

. 4 411,00 € de rappel de salaires durant la mise à pied,

. 441, 10 € de congés payés y afférents,

. 27 587,82 € d’indemnité compensatrice de préavis,

. 2 758,78 € de congés payés sur préavis,

. 78 676,37 € d’indemnités de licenciement,

. 50 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 500 € d’article 700 du code de procédure civile.

– Dit que les condamnations emportent intérêt au taux légal :

. À compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation pour le rappel de salaires, l’indemnité compensatrice de préavis, l’indemnité de licenciement, les congés payés et d’une façon générale pour toute somme de nature salariale.

. À compter de la présente décision pour toute autre somme.

– Ordonne à la société CLESENCE de remettre à Monsieur [F] [R] dans les 15 jours de la notification du jugement les documents de fin de contrat conformes à la décision sauf en ce qu’il n’ordonne pas d’astreinte,

– Ordonne d’office le remboursement par la SA CLESENCE aux organismes concernés les indemnités chômage versées à Monsieur [F] [R] du jour de son licenciement au jour du prononcé du présent jugement dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage et débouté la SA CLESENCE de sa demande reconventionnelle et l’a condamnée aux dépens.

Statuant à nouveau :

JUGER que le licenciement de Monsieur [R] repose sur une faute grave et DEBOUTER Monsieur [R] de ses demandes de rappel de salaires sur pied conservatoire et congés payés afférents, d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents d’indemnité de licenciement et congés payés afférents et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’article 700.

Si à l’extrême la cour de céans estimait devoir confirmer le jugement entrepris en ce qu’il requalifie ce licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse :

. confirmer le jugement entrepris lorsqu’il cantonne le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 50 000 €,

. infirmer le jugement entrepris du chef du quantum de l’indemnité de préavis et de licenciement et des congés payés y afférents et statuant à nouveau, fixer :

. L’indemnité de préavis sur la base du salaire brut mensuel de base de 7 784.21 € soit 23 352.63 € bruts et celle de congés payés y afférent à 2335,26 €,

. L’indemnité de licenciement en application de l’article 34 de la convention collective des personnels des SA et Fondations d’HLM sur la base de 8500.53 € bruts, à la somme de 70 837.75 € .

Si la cour de céans estimait devoir requalifier en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

fixer l’indemnité de préavis de licenciement et les congés payés afférents aux sommes

rappelées supra.

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il dit que Monsieur [R] a le statut de cadre dirigeant et le débouter de sa demande de nullité ou inopposabilité de la convention de forfait jours et, de rappel de salaires et congés payés en découlant.

SI PAR EXTRAORDINAIRE LA COUR DE CÉANS :

. infirmait le jugement entrepris en ce qu’il reconnaît le statut de cadre dirigeant de Monsieur [R], le débouter néanmoins de ses demandes de nullité ou inopposabilité de la convention de forfait jours et de rappel de salaires en découlant,

ou :

. Infirmait le jugement entrepris en ce qu’il reconnaît le statut de cadre dirigeant de Monsieur [R] et déclarait la convention de forfait jours nulle ou inopposable, condamner celui-ci à rembourser à son employeur les RTT dont il a bénéficié et qui ne peuvent se cumuler avec les heures supplémentaires revendiquée,

En tous les cas, débouter Monsieur [R] de sa demande d’article 700 et le condamner à payer à la société CLESENCE, la somme de 3.000€ sur le fondement de ces dispositions et aux entiers dépens de 1 ère instance et d’appel.

Vu l’ordonnance rendue le 06.10.2021 par le conseiller de la mise en état faisant injonction aux parties de rencontrer un médiateur, décision qui est restée sans suite ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 26.10.2022 prise au visa de l’article 907 du code de procédure civile ;

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l’audience de plaidoirie.

A l’issue de cette audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l’irrecevabilité des demandes financières présentées devant la cour :

La SA CLESENCE fait grief à son contradicteur de modifier significativement le montant de ses demandes devant la cour et de lui demander de fixer son salaire de référence.

Or aux termes de l’article 565 du code de procédure civile les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

En l’espèce il n’est pas contesté que M. [F] [R] formule les mêmes prétentions devant la chambre sociale de la cour d’appel de Douai tout en ayant relevé le niveau des demandes, ce qui ne les rend pas irrecevables ; par ailleurs il appartient au juge prudhomal de fixer la moyenne des salaires qui permet le cas échéant de déterminer les montants des condamnations. Cette demande sera rejetée.

Sur l’exécution du contrat de travail :

a) Sur la nullité de la convention de forfait jours :

M. [F] [R] se fonde sur le droit constitutionnel à la santé et au repos, ainsi que sur l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne ainsi que sur les articles 17 § 1 et 4 de la directive 93/104/ CE de la cour du 23.11.1993, les articles 17 §1et 19 de la directive 2003/88/CE Du Parlement européen et de lacour du 04.11.2003, ainsi que sur l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux, pour soulever la nullité de la convention de forfait reposant sur un accord collectif, à laquelle il était soumis et qui ne permettait pas à l’employeur de remédier en temps utile à la charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable. Il a rappelé qu’un accord d’entreprise avait été conclu le 18.12.2013 sur l’ARTT complété par un avenant du 31.08.2015 et il a constaté qu’il ne bénéficiait d’aucun contrôle continu de son temps de travail ; l’avenant du 01.06.2012 prévoyant la mise en place d’un document de contrôle des jours travaillé n’a pas été appliqué, l’entretien annuel ne pouvant s’y substituer. Enfin l’accord adopté en août 2015 n’est pas communiqué par la société.

Sur la qualité de cadre dirigeant, qui permettrait d’écarter l’application des régles légales relatives à la durée du travail, elle ne peut lui être opposée à titre subsidiaire ; l’avenant du 01.06.2012 rappelle sa position de cadre autonome bénéficiant d’un forfait jours, peu important qu’il ait par la suite changé de fonction en 2014 avec maintien des conditions contractuelles ; il observe que tant l’attestation Pôle Emploi que son entretien d’évaluation de 2017 tout comme ses bulletins de paie mentionnent le forfait jours, alors même qu’il bénéficiait de RTT.

Au surplus, les griefs qui lui sont reprochés au soutien du licenciement démontrent l’absence de participation à la définition des orientations de la société et des prises de décisions au delà de la gestion courante ; en dernier lieu il était classé G8 alors la convention collective prévoit que les cadres dirigeants sont classés G9.

La SA CLESENCE oppose principalement la qualité de cadre dirigeant de M. [F] [R] au sein de la SA d’HLM La Maison du CIL. Elle relève que la convention de forfait avait été conclu le 01.06.2012 entre les parties alors que le salarié exerçait la fonction de Directeur de la construction exerçant des fonctions relativement autonomes sur un nombre restreint de personnel ; ce poste a été supprimé en 2014 et M. [F] [R] promu à la tête de deux nouvelles directions : la Direction territoriale Somme Cambraisis et la Direction Habitat pour l’ensemble de la société, en se voyant octroyer un véritable pouvoir décisionnel, il est de ce fait devenu un cadre dirigeant ne bénéficiant plus de la convention de forfait ; il assumait également les fonctions de Directeur général délégué de la société SACICAP ASO, membre du Directoire de UNILOVA et d’ UNILOVA Promotion ; dans ces conditions il a été informé le 27.02.2012 qu’il avait vocation à intégrer le CODIR de St Quentin, il a bénéficié de la part du Directeur général d’importantes délégations de pouvoirs et de signature en décembre 2017 lui conférant une totale autonomie au niveau de la stratégie patrimoniale de l’entreprise et de sa représentation, complétée par une large délégation de signature ; cette autonomie est illustrée par les organigrammes produits. Enfin, M. [F] [R] percevait la 3è rémunération des Directeurs de l’entreprise.

A titre subsidiaire, la SA CLESENCE se prévaut des dispositions de l’accord d’entreprise du 31.08.2015 produit aux débats qui a notamment organisé les entretiens annuelsforfait jours et au cours desquels le salarié n’a formalisé aucune observation particulière ; il n’a aucunement signalé à la Direction une difficulté relative à sa charge de travail.

Suivant l’article L. 3111-2 du code du travail, les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions sur la durée du travail, des repos et des jours fériés.

Ils sont définis comme les ‘cadres auxquels sont confiés des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonomes et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement’.

Les trois critères qui se dégagent de cette définition légale sont cumulatifs et il appartient au juge, pour se déterminer, de vérifier précisément les conditions réelles d’emploi du salarié concerné, sans s’en tenir aux définitions conventionnelles.

En outre, les trois critères cumulatifs de l’article L. 311-2 du code du travail impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l’entreprise.

Dès lors que les conditions objectives posées par l’article L. 3111-2 sont réunies, le cadre ne relève pas de la réglementation de la durée du travail. En effet, la qualité de cadre dirigeant au sens de ce texte n’est pas subordonnée à un accord particulier entre l’employeur et le salarié, ni aux dispositions de la convention. Elle se déduit de sa situation réelle au regard des critères légaux.

Cependant, en raison du caractère d’ordre public de la législation sur la durée du travail et de son lien direct avec la santé et la sécurité des salariés, cette exclusion ne peut s’accommoder que d’une acception restrictive de la notion de cadre dirigeant. C’est ainsi que la conclusion d’une convention de forfait ultérieurement déclarée illicite ne permet pas à l’employeur de soutenir que le salarié relevait de la catégorie des cadres dirigeants.

Il convient par suite, sans tenir compte du moyen opposé par la société, de vérifier la régularité de la convention de forfait jours.

Pour qu’une entreprise puisse recourir à la formule du forfait annuel en jours, deux conditions doivent être réunies ; il est nécessaire d’une part qu’un accord collectif d’entreprise ou d’établissement et à défaut une convention ou un accord collectif de branche, étendu ou non autorise le recours à ce type de forfait et d’autre part que chaque salarié concerné donne son accord individuel matérialisé par écrit.

Par ailleurs, peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l’année, dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3° du I de l’article L. 3121-64:

1° Les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;

2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

En l’espèce, la SA CLESENCE verse aux débats l’accord sur l’aménagement, l’organisation et la réduction du temps de travail conclu notamment par la SA d’HLM La Maison du CIL le 31.08.2015 et M. [F] [R] de son côté l’avenant du 01.06.2012 ayant établi la qualité de cadre autonome du salarié ainsi que les conditions de la convention de forfait jours conclue avec lui.

L’accord précité mentionne (§ 9-2-4 et 9-2-5) l’existence d’un contrôle de la durée du travail du salarié bénéficiant du forfait annuel en jours et précise que ce dernier doit bénéficier chaque année d’un entretien avec son supérieur hiérarchique ou à défaut par le DRH, au cours duquel sont notamment évoqués sa charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, et l’artticulation etnre l’activité professionnelle et la vie personnel et familiale de l’intéressé, cet entretien se tenant en même temps que l’entretien annuel d’appréciation, avec cette précision que ‘le cas échéant, il appartiendra au salarié de signaler à son supérieur hiérarchique toute difficulté qu’il rencontrerait dans l’organisation de la charge de son travail et de solliciter un entretien auprès de lui en vue de déterminer les actions correctives appropriées et ce, sans attendre l’entretien annuel d’appréciation’.

Ces dispositions constituent les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié et celles selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise.

Cependant la validité d’une convention de forfait-jours est subordonnée non seulement à son encadrement par un accord collectif dont les stipulations assurent le respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, mais également au respect par l’employeur de ces garanties dans la mise en ‘uvre de la convention de forfait.

Or M. [F] [R] fait observer à juste titre que en premier lieu il n’a pas eu connaissance de l’état de synthèse mensuel devant permettre d’identifier sans difficultés son rythme de travail, document pourtant prévu dans l’avenant du 01.06.2012, et que en second lieu lors des entretiens annuels d’appréciation menés par sa hiérarchie les pages concernant l’entretien annuel forfait jours mentionnait systématiquement ‘RAS’ sous les différentes rubriques, sous réserve le 24.08.2017 de l’indication ‘longue’ sous la rubrique ‘amplitude des journées de travail’ et de celle ‘à réévaluer en fonction de l’atteinte des objectifs’ sous la rubrique ‘rémunération au regard de la convention de forfait’ sans que cela ait donné lieu à un échange plus approfondi de nature à permettre l’appréciation de la charge de travail, et de son adéquation avec la vie personnelle et familiale du salarié.

De même c’est à bon droit que M. [F] [R] relève que ces entretiens annuels font état de l’existence d’un forfait jours, qui est également mentionné sur les bulletins de paie ; la société se devait de contrôler son exécution.

Il en résulte que cette convention de forfait jours doit être déclarée nulle à l’égard de M. [F] [R].

La clause de forfait-jours étant nulle, le salarié doit dans le principe ainsi que le demande son employeur rembourser les jours de réduction du temps de travail dont il a bénéficié sur le fondement de cette clause ; la société n’a cependant pas proposé le calcul du montant des RTT devenues indues sous réserve de la prescription applicable et n’a pas saisi la cour d’une demande chiffrée.

b) Sur les heures supplémentaires.

Lorsque le dispositif « forfait-jours » n’est pas strictement conforme aux exigences légales, il n’est pas opposable au salarié, qui peut donc demander le paiement des heures supplémentaires réalisées, outre des dommages et intérêts au titre de la nullité de son forfait-jours.

l’action en paiement d’heures supplémentaires fondée sur l’invalidité d’une convention de forfait en jours est soumise à la prescription triennale applicable à l’action en rappel de salaire.

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il appartient donc au salarié de présenter à l’appui de sa demande des éléments suffisamment précis au sens de l’article 6 du code civil quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences aux dispositions légales et réglementaires déjà rappelées.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Il résulte des dispositions des articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, lus à la lumière de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 11, paragraphe 3, et de l’article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, qu’il incombe à l’employeur, l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.

Pour justifier de sa demande qui porte du 30.03.2015 au 30.03.2018, le salarié verse aux débats:

– un décompte détaillé de ses horaires de travail (pièce 45) retracés sur la base de ses agendas avec la mention des rendez vous, déplacements et formations suivies ;

– un décompte incluant les sommes dues au titre du repos compensateur calculées sur un contingent de 220 heures ;

– les bulletins de paie.

Il conteste le caractère probant du propre décompte imprécis fourni par l’employeur qu’il qualifie lui même de hasardeux ; il constate que ce décompte est établi sur la base d’heures supplémentaires calculées à compter de la 37è heure et non de la 35è ; à titre subsidiaire il sollicite que soient appliqués ces calculs.

La SA CLESENCE a estimé les heures supplémentaires que le salarié pourrait faire valoir en produisant son propre décompte.

Le salarié a produit des éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. Ce dernier se borne à fournir un décompte différent sans autre élément justificatif, qui est basé sur un horaire hebdomadaire de 37 heures, et qui n’est pas de nature à contredire les éléments fournis par le salarié.

Par suite il convient de faire droit aux demandes de M. [F] [R] et en conséquence de dire que le salaire moyen doit être fixé à 13.028,87 €.

Le jugement rendu sera infirmé.

Sur le bien fondé et les conséquences du licenciement :

La lettre de licenciement, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du litige qui peuvent être éventuellement précisés par l’employeur. Dès lors que l’employeur et le salarié sont d’accord pour admettre que le contrat de travail a été rompu, chacune des parties imputant à l’autre la responsabilité de cette rupture, il incombe au juge de trancher le litige en décidant quelle est la partie qui a rompu.

Il appartient au juge d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur. En principe, la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du motif n’incombe pas spécialement à l’une ou à l’autre des parties. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, si besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables ; afin de déterminer si les faits imputés au salarié sont ou non établis, les juges du fond apprécient souverainement la régularité et la valeur probante des éléments de preuve qui leur sont soumis. Le doute sur la réalité des faits invoqués doit profiter au salarié.

La faute grave est entendue comme la faute imputable au salarié constituant une violation de des obligations découlant de son contrat de travail ou de ses fonctions, qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis et impose son départ immédiat ; les juges du fond, pour retenir la faute grave, doivent caractériser en quoi le ou les faits reprochés au salarié rendent impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis. Alors que la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n’incombe pas particulièrement à l’une ou l’autre des parties, il revient en revanche à l’employeur d’apporter la preuve de la faute grave qu’il reproche au salarié ; en cas de doute il profite au salarié.

Lorsque qu’une faute grave n’est pas caractérisée, les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour apprécier si les faits initialement qualifiés de faute grave par l’employeur constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Au préalable, M. [F] [R] relève que la société lui oppose des griefs généraux qui ne sont pas matériellement vérifiables ; il rappelle n’avoir pas fait l’objet de sanction préalablement au licenciement ; il constate que M. [UM] qui était à l’époque Directeur général de la SA d’HLM La Maison du CIL et qui a donc été responsable de ce licenciement a rédigé 4 attestations venant au soutien des prétentions adverses qui ne sont pas crédibles et qu’il en est de même de celle de M. [O], membre du comité exécutif’ mais également qu’il est fait état de notes non datées échangées entre les dirigeants critiquant son comportement ; il observe que les termes de ses entretiens annuels sont en contradiction avec les griefs relevés à son encontre alors que lui même produit des attestations favorables de ses collaborateurs.

a) En ce qui concerne l’agression verbale à l’encontre de M. [L] le 02.03.2018, ce dernier a informé la société et notamment M. [F] [R] qui était son supérieur hiérachique direct, le 27.02.2018 de l’envoi d’un courriel du même jour émanant de Mme [FN], Ingénieur principal auprès de l’ARS, faisant état d’une suspicion de légionellose [Adresse 3], ainsi que des mesures à prendre en précisant qu’il faisait un courrier à la SGI pour garantir la société de toute suite juridique ; or le 27.02.2018 M. [UM], Directeur général, a adressé au nom de la SA d’HLM La Maison du CIL, bailleur copropriétaire, un courrier à la SGI destiné à lui demander de mettre en place des actions avec l’exploitant DALKIA, alors même que le 01.03.2018 M. [F] [R] interrrogeait son subordonné pour connaître les suites données.

M. [F] [R] a demandé le lendemain à son collaborateur la copie du courrier signé par M. [UM] et de passer le voir dans son bureau. Le même jour il a adressé à ses chefs de service une note de service en vue de se voir signaler dans les plus brefs délais en cas de situation à risque.

Il conteste que cette entrevue, dont le protagoniste ne s’est pas plaint, ait été davantage qu’une simple mise au point, et que M. [L] ait été agressé verbalement ; il estime que son collaborateur ne l’a pas tenu informé des démarches entreprises face à un problème sanitaire grave nécessitant une réaction urgente.

Pour sa part la SA CLESENCE estime que M. [F] [R] était bien informé de la difficulté dès le 27.02.2018 en même temps que M. [UM] et qu’il n’a pas reproché à ce dernier d’être intervenu en signant le courrier destiné à SGI ; le salarié a convoqué son collaborateur pour lui adresser un violent réquisitoire qui a choqué ses collègues comme en atteste Mme [D] ; cette réaction était inadaptée et disproportionnée ; ce n’est que le lendemain que M. [F] [R] a diffusé une note de service imposant un procédé spécifique en cas d’urgence touchant aux règles sanitaires.

Il est constant que M. [L] a bien informé son responsable hiérarchique de même que le Secrétaire général de la question soulevée par Mme [FN] dans l’immeuble dont M. [F] [R] avait la responsabilité opérationnelle ; cependant il ne l’a pas tenu informé ni de la teneur ni de l’envoi le même jour d’un courrier avertissant le partenaire SGI de cette difficulté grave et touchant aux règles sanitaires ; cette situation nécessitait sur le principe une mise au point de la part de M. [F] [R]. Néanmoins il ressort de l’attestation délivrée par Mme [D], assistante de direction, que cette entrevue a de manière exceptionnelle dégénéré en ‘dispute’ ce qui a gêné et inquiété les autres collaborateurs.

Compte tenu du caractère exceptionnel de cette altercation, ce grief ne peut constituer en soi un motif de licenciement pour faute grave, d’autant que M. [L], qui est la ‘victime’ désignée n’a pas attesté.

b) En ce qui concerne son comportement général, la SA CLESENCE reproche tout d’abord au salarié la récurrence au cours des derniers mois de manifestations d’humeur et des relations difficiles voire conflictuelles notamment au cours des réunions de Direction, ce qui a impacté le bon fonctionnement de l’entreprise.

La société produit une note signée du Président, M. [A], selon laquelle à la suite de la réunion du CODIR du 31.01.2018 ce dernier exprimait son agacement à l’égard du comportement et des propos tenus par M. [F] [R] qu’il jugeait inacceptables dans le contexte de fusion en cours et de mise en place d’un projet d’entreprise ; M. [UM] y a répondu en confirmant les manifestations de mésentente de ce dernier et sa préoccupation à ce sujet.

Elle indique que M. [F] [R] a fait preuve de désinvolture en ne se rendant pas à la démonstration d’un logiciel de gestion des coûts ; le salarié s’est borné à adresser un sms mentionnant qu’il avait ‘zappé’ le rendez vous.

Elle lui reproche de bloquer le fonctionnement du comité de coordination opérationnel (CCOP) dans une note rédigée par le secrétaire général et adressée au Directeur général le 24.11.2017 et Mme [X], responsable d’agence, atteste lors de ces réunions de son comportement autoritaire.

Le diagnostic posé par la société Wavestone sur la performances des fonctions de la SA d’HLM La Maison du CIL a été critiqué par M. [F] [R] ainsi qu’en atteste M. [UM], le témoignage de celui ci étant conforté par le courriel adressé par M. [K], Directeur financier, le 03.02.2017 qui écrit ‘j’en ai franchement marre de la remise en question systématique de [F]’, ce dernier remettant en cause les chiffres avancés par la société prestataire.

M. [F] [R] qui reconnaît avoir omis le rendez vous de présentation du logiciel Gesprojet y a rejoint néanmoins ses collaborateurs ; il a précisé dans un second temps à son supérieur qui s’en est formalisé qu’il s’excusait pour cet oubli ; en outre ces faits étant survenus le 28.09.2017 étaient prescrits au jour du licenciement.

Pour le reste les dirigeants ont fait part à plusieurs reprises de leur lassitude vis à vis du comportement dans certains cas inadapté de leur collègue alors que la société projetait une fusion.

c) En ce qui concerne le management des équipes placées sous sa responsabilité, qualifié de dur, oppressant, générant des souffrances au travail, la société rappelle les conclusions de l’audit pratiqué par le cabinet [H] qui a mis à jour des dysfonctionnements dans le management des équipes et a formulé des préconisations.

Lors de l’entretien préalable, M. [F] [R] a reconnu être un manager exigeant et qu’il lui est arrivé d’avoir des rapports tendus avec ses collaborateurs dont il a tenu informé M. [I], secrétaire général ; il reconnaît aussi que lors d’une seconde rencontre avec M. [L] trois jours après après l’altercation du 02.03.2018 dont il admettait l’ampleur, ‘le verbe a été haut’ ; de même il évoque le ‘vif échange entre [K] et moi sur lequel G [A] a souhaité intervenir’ donc suite au CODIR du 31.01.3018. L’employeur précise que les attestations délivrées par MM.Mmes [J], [Z], [HP], [Y] [E], [B], [G], [V], [W] et [C] ne sont pas pertinentes car ces collaborateurs n’étaient pas présents dans l’entreprise lors des faits reprochés à M. [F] [R] ; en revanche il produit les attestations de M. [N], responsable d’agence, M. [P], et Mme [T], conducteurs d’opérations, Mme [S], gestionnaire foncier, qui font état de l’agressivité manifesté par le salarié et de son management autoritaire.

Ce comportement est par suite avéré même si M. [F] [R] fait valoir pour sa part que le rapport d’audit révèle une souffrance au travail générale dans l’entreprise alors cependant qu’il est fait état d’un management dur sur le territoire amiénois dont il avait la responsabilité, cette souffrance diffuse étant liée à une organisation trop centrée sur les chiffres et les résultats ; il déclare que les attestations adverses ont été ‘téléguidées’ sans le démontrer.

Il ressort des éléments produits que le comportement de M. [F] [R], qui occupait une position prédominante dans l’entreprise a déconcerté tant la Direction que ses propres collaborateurs en raison de son caractère parfois véhément, autoritaire ou déplacé, ce qui a conduit l’employeur a envisager une sanction.

Aucune mise en garde n’a été adressée au salarié préalablement au licenciement et il est établi tant par les attestations d’anciens collaborateurs que par les comptes rendus d’évaluation que la dégradation de ce comportement était récente.

Il convient de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et d’infirmer le jugement rendu.

Le salarié se verra octroyer les indemnités de rupture calculées sur la base du salaire moyen retenu, outre le rappel sur mise à pied conservatoire.

Il est fait droit à la demande de remise des documents sociaux sans que l’astreinte soit nécessaire.

Il serait inéquitable que Monsieur [F] [R] supporte l’intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que la SA Clesence qui succombe doit en être déboutée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Déclare l’appel recevable ;

Infirme le jugement rendu le 08.10.2020 par le conseil de prud’hommes de Cambrai section Encadrement sauf en ce qu’il a condamné la SA CLESENCE à verser à M. [F] [R] un rappel sur mise à pied conservatoire outre les congés payés afférents et une indemnité de licenciement, ainsi qu’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile tout en ordonnant la remise de documents sociaux conformes ;

Statuant à nouveau,

Déclare recevables les demandes formées par M. [R] devant la cour ;

Déclare nulle la convention de forfait jours signée entre les parties ;

Dit que le licenciement de M. [F] [R] par la SA CLESENCE repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Condamne en conséquence la SA Clesence à payer à Monsieur [F] [R] les sommes de :

– 127.484,93 € bruts à titre de rappel sur heures supplémentaires, outre la somme de 12.748,49 € bruts au titre des congés payés afférents

– 39.084 € bruts à titre d’indemnité de préavis, outre la somme de 3.908,40 € bruts au titre des congés payés afférents,

Dit que ces sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de leur demande ;

Reçoit la demande reconventionnelle ;

Dit que le salarié devra rembourser à son employeur les RTT dont il a bénéficié sous la réserve de la prescription applicable ;

Rejette les autres demandes ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA Clesence à payer à Monsieur [F] [R] la somme de 2.000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel;

Condamne la SA Clesence aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER

Annie LESIEUR

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK

 


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