N° RG 22/01250 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LJKY
C8
Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY
la SCP TGA-AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 27 AVRIL 2023
Appel d’une décision (N° RG 2020J00079)
rendue par le Tribunal de Commerce de GAP
en date du 21 janvier 2022
suivant déclaration d’appel du 24 mars 2022
APPELANTE :
S.A.R.L. LES CARLINES au capital social de 300.000,00 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de GAP sous le numéro 352 100 283, agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, et par Me Corinne PELLEGRIN, avocat au barreau des HAUTES-ALPES substitué par Me ROYER, avocat au barreau des HAUTES-ALPES
INTIMÉE :
S.A.R.L. ETABLISSEMENT [D] immatriculée sous le numéro 402 752 125 du registre du commerce et des sociétés, agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège.
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Ludovic TOMASI de la SCP TGA-AVOCATS, avocat au barreau des HAUTES-ALPES, substitué par Me MARAIS, avocat au barreau des HAUTES-ALPES
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,
Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 02 février 2023, Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente, qui a fait rapport assistée de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
Exposé du litige
En novembre 2017, la Sarl Les Carlines qui exploite deux superettes aux [Localité 2] (05) a fait l’acquisition auprès de la Sarl Etablissement [D] de 4 packs système d’encaissement TPV TOWA dalle tactiles TF 15 pouces comprenant 4 écrans 15 pouces, 4 scanners, 4 imprimantes, 4 tiroirs caisses, 4 balances électronique, 4 afficheurs et cables, 4 display licence, 4 vérifications périodiques, 1 logiciel pour un montant de 26.883,36 euros ttc suivant facture éditée le 27 septembre 2018.
Sur la période du 1er octobre 2017 au 14 février 2020, la Sarl Etablissement [D] a édité plusieurs factures pour un montant total de 27.744,96 euros incluant la facture de 26.883,36 euros. La Sarl Les Carlines a réglé la somme de 21.000 euros.
Par courrier du 24 février 2020, la Sarl Etablissement [D] a mis en demeure la Sarl Les Carlines de lui régler la somme de 6.744,96 euros.
Par courrier du 19 mai 2020, la Sarl Les Carlines indiquait à la Sarl Etablissement [D] que les fonctionnalités liées à l’utilisation du matériel acquis en novembre 2018 ne correspondent pas à ce qui avait été promis et qu’en outre, à l’occasion d’un contrôle par un service accrédité de l’état, elle a appris que le matériel n’était plus à jour depuis juin 2018, soit une date antérieure à la vente. Elle indiquait qu’elle réglera le solde de la facture quand celui-ci fonctionnera.
Par courrier du 25 mai 2020, la Sarl Etablissement [D] faisait remarquer à la Sarl Les Carlines que depuis trois ans, elle avait toujours pu encaisser ses clients, que le système d’encaissement a toujours fonctionné et que ce système est à jour.
Par acte d’huissier du 12 octobre 2020, la Sarl Etablissement [D] a assigné la Sarl Les Carlines en paiement.
Par jugement du 21 janvier 2022, le tribunal de commerce de Gap a :
– déclaré recevable et partiellement fondée la Sarl Etablissement [D] en ses demandes,
– débouté la Sarl Les Carlines de l’ensemble de ses demandes,
– condamné la Sarl Les Carlines à payer à la Sarl Etablissement [D] la somme de 6.744,46 euros, assorti des intérêts à compter du 1er octobre 2020 calculée au taux de 10 %,
– débouté la Sarl Etablissement [D] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive,
– condamné la Sarl Les Carlines à payer à la Sarl Etablissement [D] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,
– débouté les parties de leurs autres demandes,
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Par déclaration du 24 mars 2022, la Sarl Les Carlines a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté la Sarl Etablissement [D] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive.
Prétentions et moyens de la Sarl Les Carlines
Dans ses conclusions remises le 10 janvier 2023, elle demande à la cour de:
– réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Gap le 21 janvier 2022,
A titre principal,
– débouter la Sarl Etablissement [D] de ses demandes fins et prétentions,
– constater que l’inexécution contractuelle de la Sarl Etablissement [D] est suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat,
– prononcer la résolution judiciaire du contrat conclu entre la Sarl Les Carlines et la Sarl Etablissement [D],
– ordonner la restitution par la Sarl Les Carlines des biens acquis et la restitution par la Sarl Etablissement [D] du prix de vente reçu, soit la somme de 20.138,40 euros,
A titre subsidiaire,
– constater que l’inexécution de la Sarl Etablissement [D] dans ses obligations contractuelles a causé un préjudice à la Sarl Les Carlines,
– condamner la Sarl Etablissement [D] à payer à la Sarl Les Carlines une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
En tout état de cause,
– condamner la Sarl Etablissement [D] à payer à la Sarl Les Carlines la somme de 3.000,00 euros pour procédure abusive et dilatoire,
– condamner la Sarl Etablissement [D] à payer à la Sarl Les Carlines la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
– dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.
Sur la résolution du contrat, elle relève qu’elle peut être prononcée en cas d’inexécution partielle d’un contrat dès lors qu’elle porte sur une obligation déterminante et même si cette inexécution n’est pas fautive ; que la Sarl Etablissement [D] était tenue d’une obligation de résultat, le matériel d’encaissement délivré devant être parfaitement fonctionnel et conforme aux législations en vigueur; que la seule constatation que le résultat n’a pas été atteint suffit à établir le manquement; que les salariés attestent des dysfonctionnements subis ; que la formation complète de la gérante sur le matériel acquis qui était prévue n’a pas été terminée sans explication ; que malgré les interventions de la Sarl Etablissement [D], le système d’encaissement ne fonctionne toujours pas correctement; qu’une caisse a déjà été restituée compte tenu des nombreux dysfonctionnements; que la Sarl Les Carlines n’a pourtant bénéficié d’aucune remise ou remboursement afférents aux nombreux dysfonctionnements constatés; qu’à l’occasion d’un contrôle par un service accrédité par l’Etat, elle a appris que le matériel n’est pas conforme à la nouvelle législation fiscale en vigueur et doit être remplacé; que la gravité de ces manquements justifie le prononcé de la résolution.
S’agissant des conséquences des dysfonctionnements, elle a dû faire procéder à la modernisation du système d’encaissement par la société AEM Softs et engager des dépenses à hauteur de 17.836,80 euros et faire face à une dégradations des conditions de travail des employés et au mécontentement des clients.
Elle sollicite la restitution de la somme versé à hauteur de 20.138,40 euros, le matériel n’étant pas manifestement conforme, et propose la restitution du matériel à la Sarl Etablissement [D].
Subsidiairement, elle considère que les dysfonctionnements relatés justifient l’octroi de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros.
Prétentions et moyens de la Sarl Etablissement [D]
Dans ses conclusions remises le 12 janvier 2023, elle demande à la cour de:
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Gap en date du 21 janvier 2022,
En conséquence,
– déclarer recevable et fondée la Sarl Etablissement [D] en ses demandes,
– débouter la Sarl Les Carlines de l’ensemble de ses demandes,
– condamner la Sarl Les Carlines à payer à madame [V] [D] ès-qualités de liquidateur de la Sarl Etablissement [D] la somme de 6.744,46 euros en principal outre intérêts au taux de 10 % à compter du 1er octobre 2020, date du dernier acompte réglé par la Sarl Les Carlines,
– condamner la Sarl Les Carlines à payer à madame [V] [D] ès-qualités de liquidateur de la Sarl Etablissement [D] la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance.
– condamner la même aux entiers de première instance,
Y ajoutant,
– condamner la Sarl Les Carlines à payer à madame [V] [D] ès-qualités de liquidateur de la Sarl Etablissement [D] la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
– condamner la Sarl Les Carlines à payer à madame [V] [D] ès-qualités de liquidateur de la Sarl Etablissement [D] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,
– condamner la même aux entiers de la procédure d’appel.
Elle fait remarquer que :
– le matériel a été livré et installé,
– la Sarl Les Carlines a été en mesure d’utiliser les caisses et d’encaisser les clients,
– elle ne s’est jamais plainte durant les premières années d’utilisation de dysfonctionnements,
– ce n’est qu’à compter de la mise en demeure qu’elle a fait état de dysfonctionnements,
– les attestations émanent des préposés de la Sarl Les Carlines et deux sont dépourvues de date,
– que la preuve de l’inexécution n’est pas rapportée,
– qu’elle justifie du bon fonctionnement de son matériel, notamment par une attestation du fournisseur et des attestations d’autres clients ayant commandé le même matériel,
– que les logiciels vendus avec les caisses sont conformes à la législation fiscale en vigueur au jour où ils ont été installés et elle n’est pas responsable d’une absence de mise à jour,
– que bien que n’ayant facturé aucune formation à la Sarl Les Carlines, elle a bien assuré une formation à la gérante,
– que s’agissant des caisses commandées auprès de la société AEM Soft le 27 mai 2021, il apparaît que la Sarl Les Carlines ayant besoin de nouvelles caisses, elle en a profité pour renouveler et uniformiser son matériel, que cette commande n’établit pas les dysfonctionnements des caisses précédemment installées,
– que la reprise à titre commercial d’une caisse a été effectuée en raison de la vente de la supérette de la station des [Localité 2], la Sarl Les Carlines n’ayant alors plus l’utilité de 4 caisses.
Pour le surplus des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l’article 455 du code de procédure civile.
L’instruction de la procédure a été clôturée le 19 janvier 2023.
Motifs de la décision
1) Sur la demande en résolution
Aux termes de l’article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté ou l’a été imparfaitement peut provoquer la résolution du contrat.
En application de l’article 1227, la résolution peut en toutes hypothèse être demandée en justice.
En cas d’inexécution partielle, celle-ci doit être suffisamment grave pour justifier la résolution.
En l’espèce, alors que le matériel d’encaissement a été installé en novembre 2017, ce n’est qu’à la suite de la lettre de mise en demeure adressée le 24 février 2020 par la Sarl Etablissement [D] que la Sarl Les Carlines a envoyé le 19 mai 2020 un courrier faisant état de problèmes sur le système d’encaissement portant sur les scanneurs, différentiel de poids, étiquettes impossible à éditées, formation incomplète, pas de mode d’emploi du matériel.
Le tableau recensant les difficultés rencontrées dans l’utilisation du matériel, établi par la seule Sarl Les Carlines, ne peut rapporter la preuve de telles difficultés.
Les attestations versées aux débats par la Sarl Les Carlines émanent de trois salariés et doivent être appréciées avec circonspection. Elles font état de complications dans le fonctionnement de l’activité après l’installation du système d’encaissement en novembre 2017 et du fait principalement que l’intégration des produits devait se faire manuellement car le logiciel n’était pas adapté à cette utilisation et que l’étiquetage était inexact.
Toutefois, ces attestations contiennent essentiellement des considérations sur le fonctionnement du système. En l’absence de toute analyse technique, elles ne permettent pas d’apprécier si les difficultés énoncées sont le résultat d’un logiciel inadapté à l’utilisation prévue ou d’une mauvaise utilisation par les préposés de la Sarl Les Carlines.
L’avis Google daté de juillet 2022 versé aux débats faisant état d’un étiquetage pas toujours juste ne peut venir corroborer les difficultés alléguées dès lors qu’à cette date, la Sarl Les Carlines avait changé ses caisses enregistreuses en s’équipant auprès de la société AEM Softs.
De même, il ne peut être déduit de ce changement de caisses enregistreuses survenu en mai 2021 plus de 3 ans et demi après la livraison de la Sarl Etablissement [D] l’existence de dysfonctionnements graves sur le système antérieur alors même que l’établissement a continué à fonctionner comme le prouvent les chiffres d’affaires déclarés par la Sarl Les Carlines, à savoir 1.042.900 euros en 2019 et 761.600 euros en 2020.
Par ailleurs, le fournisseur du matériel installé par la Sarl Etablissement [D] atteste que le client a été formé sur l’utilisation du matériel et du logiciel, qu’à plusieurs reprises Monsieur [D] s’est déplacé pour des compléments de formation car le client semblait avoir du mal à mémoriser les informations données mais que le matériel fonctionnait.
Deux autres commerçants ayant bénéficié de l’installation du système d’encaissement par la Sarl Etablissement [D], notamment en décembre 2017, attestent de leur satisfaction et du bon fonctionnement du matériel.
Si la Sarl Les Carlines produit un rapport de la direction des finances publiques des Hautes Alpes daté du 24 février 2020 constatant que le certificat du logiciel affiché à l’écran n’est valable que jusqu’au 10 juillet 2018 ce qui est susceptible d’entraîner le paiement d’une amende, la cour relève que lorsque le logiciel a été installé en novembre 2017, le certificat était valide. Il appartenait donc à la Sarl Les Carlines de procéder
à sa mise à jour, étant relevé que la Sarl Etablissement [D] démontre que celle-ci peut s’opérer par un simple clic sur un bouton de l’écran et que le logiciel bénéficiait d’une certification à la date du 9 juillet 2020.
Dès lors, comme exactement retenu par le tribunal, la Sarl Les Carlines ne rapporte pas la preuve de dysfonctionnements graves justifiant la résolution du contrat. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la Sarl Les Carlines de sa demande de résolution.
2) Sur la demande de dommages et intérêts
Comme relevé précédemment, à défaut de justifier de dysfonctionnements ayant un impact sur l’activité de la Sarl Les Carlines, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté la Sarl Les Carlines de sa demande de dommages et intérêts.
3) Sur la demande pour résistance abusive
La Sarl Les Carlines n’a pas interjeté appel du chef de jugement ayant débouté la Sarl Etablissement [D] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive.
La Sarl Etablissement [D] n’a pas formé d’appel incident.
En conséquence, la cour ne peut être saisie de cette demande.
Dans ses moyens, la Sarl Etablissement [D] soutient que l’appel est dilatoire mais elle n’a pas formé dans le dispositif de ses conclusions de demande de dommages et intérêts pour appel abusif.
4)Sur la demande de la Sarl Les Carlines pour procédure abusive
La Sarl Les Carlines qui succombe à la demande en paiement ne peut qu’être déboutée de cette demande et le jugement sera confirmé sur ce point.
5) Sur les mesures accessoires
La Sarl Les Carlines qui succombe dans son appel sera condamnée aux dépens d’appel et à payer la somme de 2.000 euros à la Sarl Etablissement [D] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement du 21 janvier 2022 en toutes ses dispositions soumises à la cour.
Y ajoutant,
Condamne la Sarl Les Carlines aux dépens d’appel.
Condamne la Sarl Les Carlines à payer à la Sarl Etablissement [D] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Déboute la Sarl Les Carlines de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Signé par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
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