Droit du logiciel : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01025

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Droit du logiciel : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01025

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88A

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 JANVIER 2023

N° RG 21/01025

N° Portalis DBV3-V-B7F-UNRY

AFFAIRE :

Société [5]

[5]

[5]

C/

CPAM D’EURE ET LOIR

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Février 2021 par le Pole social du TJ de CHARTRES

N° RG : 18/00208

Copies exécutoires délivrées à :

la SCP TEN FRANCE

Me Virginie FARKAS

Copies certifiées conformes délivrées à :

Société [5]

[5]

CPAM D’EURE ET LOIR

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Société [5]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Elise GALLET de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS, vestiaire : 65 substitué par Me SERRE Adrien du barreau de POITIERS.

APPELANTE

****************

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE D’EURE ET LOIRE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Virginie FARKAS, avocat au barreau de PARIS,

vestiaire : E1748

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,

Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Clémence VICTORIA, greffière placée

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 20 mai 2017, M. [E] [H], salarié de la société [5] (la société) en qualité de carrossier-peintre, a renseigné une déclaration de maladie professionnelle auprès de la caisse primaire d’assurance maladie d’Eure et Loir (la caisse). Le certificat médical initial établi le 19 mai 2017 mentionnait un ‘Sd du tunnel cubital Dt déficitaire…Sd canal carpien opéré…’.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 1er février 2018, la caisse a notifié à la société la prise en charge du syndrome canalaire du nerf ulnaire droit déclaré par M. [E] [H] au titre de la législation sur les risques professionnels, après avis favorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d’Orléans-Centre- Val de Loire.

Le 30 mars 2018, la société a saisi la commission de recours amiable en annulation de la décision de prise en charge et, subsidiairement, en inopposabilité à son égard de cette décision.

En l’absence de réponse de la commission de recours amiable, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Eure-et-Loir devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Chartres qui, par jugement contradictoire en date du 10 février 2021 (RG n°18/00208), a :

– débouté la société [5] de sa demande fondée sur le défaut d’information de la caisse ;

– déclaré irrecevables les autres demandes de la société, faute de saisine préalable de la commission de recours amiable ;

– débouté la société de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit n’y avoir lieu aux dépens.

Par déclaration du 5 mars 2021, la société a interjeté appel et les parties ont été convoquées à l’audience du 29 novembre 2022.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour :

– de réformer dans son intégralité le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Chartres en date du 10 février 2021 ;

Et statuant à nouveau,

– de dire recevables tous les moyens soulevés par elle, en ce compris ceux non évoqués devant la commission de recours amiable dès lors qu’ils tendent tous à la même demande/fin, à savoir l’inopposabilité à son encontre de la décision de prise en charge du 1er février 2018 concernant la maladie déclarée par le salarié ;

– d’annuler la décision de rejet de la commission de recours amiable de la caisse et juger inopposable à son encontre la décision de prise en charge du 1er février 2018 de la maladie déclarée par le salarié ;

– subsidiairement, d’ordonner la saisine d’un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

La société a notamment fait valoir que le tribunal a soulevé une irrecevabilité de ses demandes sans solliciter les observations des parties alors que tous ses moyens tendent à la même fin ; que l’avis motivé du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ne lui a pas été notifié ; qu’elle n’a pas été informée de la possibilité de venir consulter le dossier et l’avis, ce qui lui aurait causé un grief ; que l’avis motivé du médecin du travail n’a pas été communiqué au comité ni le rapport circonstancié de l’employeur.

Elle soutient également qu’il y a une difficulté quant à la date de première constatation médicale de la maladie, plusieurs dates existant dans le dossier et qu’il n’y a aucun lien direct et essentiel entre les conditions de travail et la pathologie déclarée.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la caisse demande à la cour :

– de confirmer en tous points le jugement entrepris ;

– de juger qu’elle a respecté la procédure en matière d’instruction de la demande de reconnaissance de la maladie déclarée par M. [H] ;

– de juger bien fondée la décision de reconnaissance et de prise en charge de la maladie déclarée par M. [H] ;

– de déclarer opposable à la société la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [H], ainsi que l’ensemble de ses conséquences ;

– dans l’hypothèse où la Cour le jugerait utile, d’ordonner la saisine d’un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ;

– de rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de la société.

La caisse a fait valoir notamment qu’elle a respecté l’ensemble de la procédure et qu’elle n’a pas pu obtenir l’avis du médecin du travail qu’elle a sollicité.

Elle ajoute qu’elle ne conteste pas la recevabilité des demandes de la société qui n’a pas fait l’objet d’un débat en première instance.

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la société sollicite l’octroi à son profit de la somme de 3 000 euros. La caisse ne demande rien à ce titre.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes de la société

L’article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose que :

‘Il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale.

Cette organisation règle les différends auxquels donnent lieu l’application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, et qui ne relèvent pas, par leur nature, d’un autre contentieux, ainsi que le recouvrement mentionné au 5° de l’article L. 213-1.’

Aux termes de l’article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige,

‘Les réclamations relevant de l’article L. 142-1 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d’administration de chaque organisme.

Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. La forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention de ce délai. […]’

L’article R. 142-18 du même code, dans la même version, ajoute que le tribunal des affaires de sécurité sociale est saisi, après l’accomplissement, le cas échéant, de la procédure prévue à la section 2 du présent chapitre, par simple requête déposée au secrétariat ou adressée au secrétaire par lettre recommandée dans un délai de deux mois à compter soit de la date de la notification de la décision, soit de l’expiration du délai d’un mois prévu à l’article R. 142-6.

La société a sollicité devant la commission de recours amiable l’inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge de la maladie déclarée par son salarié. Elle peut également, à l’occasion de son recours juridictionnel, invoquer d’autres moyens que ceux soulevés devant la commission de recours amiable s’ils tendent aussi à l’inopposabilité de la décision de prise en charge. ( 2e Civ., 30 novembre 2017, pourvoi n° 16-25.781)

Les demandes de la société sont bien recevables et le jugement qui a déclaré le surplus des demandes de la société irrecevable sera infirmé de ce chef.

Sur l’absence d’avis du médecin du travail

La société soulève l’absence de diligence de la part de la caisse pour obtenir l’avis du médecin du travail et sans qu’elle ait été en mesure de prendre connaissance de cet élément important. La caisse rétorque qu’elle a satisfait à cette obligation dès lors qu’elle justifie avoir adressé à l’employeur un courrier en vue de la transmission au médecin du travail attaché à l’établissement d’un exemplaire de la déclaration de maladie professionnelle ainsi qu’un courrier à l’attention du médecin du travail, l’absence de transmission ne pouvant lui être imputable, l’adresse du médecin du travail étant la même que celle de l’employeur.

Sur ce

Selon l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, lorsqu’une ou plusieurs conditions de prise en charge d’une maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles ne sont pas remplies, la caisse reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Il résulte des articles D. 461-29 et D. 461-30 du code de la sécurité sociale dans leurs versions applicables au litige, que la caisse saisit le comité après avoir recueilli elle-même et instruit les éléments nécessaires du dossier, parmi lesquels figure un avis motivé du médecin du travail de l’entreprise où la victime a été employée.

La partie ‘éléments dont le CRRMP a pris connaissance’ de l’avis du comité fait apparaître que ce dernier n’a pas eu connaissance de l’avis motivé du médecin du travail.

Le comité peut valablement exprimer l’avis servant à fonder la décision de la caisse en cas d’impossibilité matérielle d’obtenir cet élément. Il appartient cependant à la caisse de justifier de cette impossibilité.

En l’espèce, la caisse a informé la société de la saisine d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles par courrier du 23 octobre 2017, réceptionné le 25 octobre, et de la possibilité de consulter les pièces du dossier avant le 12 novembre 2017.

A la demande de la société, elle lui a transmis les pièces du dossier, ne comprenant pas l’avis du médecin du travail, par courrier du 3 novembre 2017 avant d’adresser le dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles le 13 novembre 2017 qui l’a réceptionné le 17 novembre 2017, selon les mentions sur l’avis motivé.

Or, pour justifier de la demande d’avis motivé au médecin du travail, la caisse produit un courrier du 13 novembre 2017 adressé au médecin du travail précisant : ‘Pour me permettre d’adresser le dossier au secrétariat du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, en application de l’article L. 461-1-3ème et 4ème alinéa du code de la sécurité sociale, je vous invite à compléter le questionnaire joint en annexe, votre avis étant obligatoire… Votre avis motivé sur la maladie et la réalité de l’exposition à un risque professionnel présent dans l’entreprise, devra être adressé dans le délai d’un mois, en application de l’article D. 461-29 du code de la sécurité sociale, au service médical, sous pli confidentiel.’

La capture d’écran du logiciel de la caisse, quasi-illisible, semble annoncer la même date du 13 novembre 2017.

Outre l’absence de justificatif de l’envoi effectif de ce courrier simple, l’envoi de ce document le jour-même de l’envoi du dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles démontre la carence de la caisse pour obtenir cet avis et non d’une impossibilité matérielle réelle d’obtenir l’avis du médecin du travail.

La caisse a en outre envoyé la demande d’avis au médecin du travail après l’expiration du délai offert à l’employeur pour consulter les pièces du dossier.

La caisse, à qui il appartient de réclamer au médecin du travail son avis motivé dans le cadre de l’instruction du dossier de la victime, n’a pas satisfait aux prescriptions des articles D. 461-29 et D. 461-30 susvisés, de sorte que la décision de reconnaissance du caractère professionnel de l’affection déclarée par M. [H] doit être déclarée inopposable à l’employeur.

Sur les dépens et les demandes accessoires

La caisse, qui succombe à l’instance, est condamnée aux dépens éventuellement exposés depuis le 1er janvier 2019 et condamnée à payer à la société la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare inopposable à la société [5] la décision de prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie d’Eure-et-Loir de la maladie déclarée par M. [E] [H] le 20 mai 2017 au titre de la législation sur les risques professionnels ;

Condamne la caisse primaire d’assurance maladie d’Eure-et-Loir aux dépens éventuellement exposés depuis le 1er janvier 2019 ;

Condamne la caisse primaire d’assurance maladie d’Eure-et-Loir à payer à la société [5] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,

 


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