Droit du logiciel : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/03276

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Droit du logiciel : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/03276

RENVOI DE CASSATION

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°40

N° RG 22/03276 –

N° Portalis DBVL-V-B7G-SY46

S.A.S. KEOLIS ARMOR

C/

M. [U] [Y]

RENVOI DE CASSATION

Réformation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 18 Novembre 2022

devant Monsieur Philippe BELLOIR, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 26 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE sur renvoi de cassation du jugement du CPH de Rennes du 24/02/2017:

La S.A.S. KEOLIS ARMOR prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social :

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Justine COSNARD substituant à l’audience Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Avocats du Barreau de RENNES

INTIMÉ sur appel du jugement du CPH de Rennes du 24/02/2017 après renvoi de cassation :

Monsieur [U] [Y]

né le 16 Novembre 1984 à [Localité 4] (MAROC)

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

INTIMÉ NON CONSTITUÉ

M. [U] [Y] a été embauché par SAS KEOLIS ARMOR en qualité de Conducteur de transport en commun, suivant contrat à effet du 25 août 2014 ; il a été licencié pour faute le 14 décembre 2015.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M. [Y] a saisi le Conseil de prud’hommes de Rennes le 6 avril 2016 afin de voir condamner la société SAS KEOLIS ARMOR à lui verser les sommes suivantes :

– 9.740,20 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par jugement rendu le 24 février 2017, le Conseil des prud’hommes de Rennes a :

‘ dit et jugé que le licenciement de M. [Y] pour faute, prononcé le 14 décembre 2015 par la SAS KEOLIS ARMOR, abusif et dépourvu de cause réelle et sérieuse,

‘ condamné la SAS KEOLIS ARMOR à payer à M. [Y] avec intérêts au taux légal, la somme de 9.740,20 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ condamné la SAS KEOLIS ARMOR à verser à M. [Y] la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ débouté la SAS KEOLIS ARMOR de l’ensemble de ses demandes,

‘ condamné la SAS KEOLIS ARMOR aux entiers dépens, y compris les frais éventuels d’exécution.

Par arrêt du 29 janvier 2020, la chambre sociale de la cour d’appel de Rennes a :

‘ rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de signature des conclusions notifiées par le mandataire de l’intimé au mandataire de l’appelante le 24 juillet 2017 ;

‘ confirmé le jugement sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués à M. [Y] pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant,

‘ Condamné la SAS KEOLIS ARMOR à payer à M. [Y] la somme de 6.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

‘ Condamné la SAS KEOLIS ARMOR à payer à M. [Y] la somme de 1.500 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Condamné la SAS KEOLIS ARMOR aux dépens d’appel.

Par arrêt de cassation en date du 11 mai 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 29 janvier 2020, en ce que l’affaire a été débattue devant un magistrat qui n’a pas participé au délibéré.

La SAS KEOLIS ARMOR a, par déclaration de saisine après renvoi de cassation du 24 mai 2022, saisi la cour d’appel de Rennes.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 5 juillet 2022, suivant lesquelles la SAS KEOLIS ARMOR demande à la cour de :

‘Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Rennes du 24 février 2017 en toutes ses dispositions,

Statuant de nouveau,

‘ Dire et juger fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [Y] survenu le 14 décembre 2015,

En toute hypothèse,

‘ Dire et juger que M. [Y] ne justifie pas de sa demande indemnitaire,

‘ Débouter M. [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

A défaut,

‘ Fixer l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mise à sa charge à une somme au maximum égale à deux mois de salaire brut,

En toute hypothèse,

‘ Condamner M. [Y] à payer à la société KEOLIS RENNES la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Le condamner aux entiers dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 10 novembre 2022.

M. [Y] n’a pas constitué avocat, le présent arrêt sera réputé contradictoire à son égard.

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la rupture du contrat de travail

Pour infirmation à ce titre, l’employeur soutient que les faits à l’origine du licenciement de M. [Y] ont été dénoncés le jour même de l’incident par le père d’un enfant transporté sur la ligne 202 de la STAR le 17 novembre 2015 de manière circonstancié et objective ; que M. [Y] ne conteste même pas avoir commis les faits reprochés par son employeur, se contentant de nier l’évidence en arguant l’absence de preuve et que le salarié alors qu’il transportait des enfants/jeunes majeurs, a gravement contrevenu aux dispositions du code de la route en s’engageant sur un passage à niveau alors qu’il risquait de ne pas pouvoir le franchir.

Suivant l’article L.1232-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux du motif invoqué par l’employeur, forme sa conviction vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l’administration de la preuve, en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables. 

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 14 décembre 2015, M. [Y] était licencié pour faute ainsi caractérisée :

« (…)

Vos explications des faits n’ayant pas permis de modifier notre appréciation de la situation, nous sommes au regret de vous informer par la présente que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour non-respect des consignes de sécurité liées à la conduite.

Nous vous rappelons les raisons qui nous contraignent à prendre cette mesure :

Le mardi 17 novembre 2015 alors que vous effectuiez le service 202 au moyen d’un bus articulé, vous vous êtes arrêté sur les voies ferrées du passage à niveau entre les arrêts « Housset » et «Enseigne abbaye ».

En agissant de la sorte vous avez sciemment violé les règles de sécurité inhérentes au franchissement des passages à niveau.

Vous n’avez ni respecté l’article 22 du règlement intérieur ni les dispositions du code de la route point 2 de l’article R422-3, dont nous vous rappelons, ci-après les dispositions :

« Article 22′ Les véhicules de l’entreprise

I « …Les conducteurs doivent se conformer aux prescriptions du Code de la route et aux règles de sécurité relatives aux personnes transportées. Ils doivent adapter leur conduite et leur vitesse compte-tenu de l’utilisation faite des véhicules, de l’état des routes usuellement parcourues, du Code de la route’.»

Le code de la route précise dans le point 2 de l’article R422-3:

« II. – Aucun conducteur ne doit s’engager sur un passage à niveau si son véhicule risque, du fait de ses caractéristiques techniques ou des conditions de circulation, d’y être immobilisé, »

En agissant de la sorte vous avez mis en danger les clients que vous transportiez.

Au cours de notre entretien du 30 novembre 2015, vous avez reconnu ne pas avoir évalué la situation correctement avant de vous engager sur le passage à niveau.

Il vous revient, pourtant, en tant que professionnel de la route, de bien prendre en compte votre environnement afin d’assurer la sécurité des usagers et des tiers.

En conséquence de ce qui précède, de la gravité des faits reprochés nous vous notifions votre licenciement pour faute.

Votre préavis d’un mois débutera à la première présentation de la présente. Votre préavis vous sera payé aux échéances normales de paie sans être travaillé’ ».

Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige en l’état du droit alors applicable, que l’énonciation des griefs repose sur le fait que M. [Y] se soit engagé avec son bus articulé pour traverser les voies ferrées du passage à niveau entre les arrêts «Housset» et «Enseigne abbaye», alors que le véhicule risquait du fait de ses caractéristiques techniques ou des conditions de circulation, d’y être immobilisé, la barrière du passage à niveau s’étant fermée sur le toit du véhicule immobilisé à proximité de la voie ferrée.

A cet égard, l’employeur produit un courriel émanant du père d’un lycéen présent dans le bus le 17 novembre 2015 rapportant que ce jour vers 7 h 33, le bus s’est retrouvé sur les voies alors que les barrières du passage à niveau se baissaient, l’une des barrières ayant heurté le toit du bus ; il est précisé que par chance le bus a pu passer après que les véhicules qui le précédaient aient avancé, ce qui a permis d’éviter une collision, l’auteur du courriel ajoutant qu’il a contacté également la SNCF pour procéder à des vérifications sur le dispositif du passage à niveau.

L’employeur produit en outre le relevé du trajet du bus mentionnant qu’il devait s’arrêter à 7 h 36 à l’arrêt Housset et s’y est arrêtée à 7 h 38 et qu’il devait s’arrêter à l’Enseigne abbaye à 7 h 38 et s’y est arrêté à 7 h 41, l’incident s’étant produit entre ces deux arrêts ; il est mentionné à ce propos que le bus aurait traversé les voies à 7 h 40,06, se serait arrêté à 7 h 40,17 et aurait redémarré à 7 h 40,50, l’employeur exposant que cet arrêt correspond à l’incident.

Le préposé de l’employeur ayant établi ce relevé, mentionne que la vidéo ressortant des caméras intérieures du bus, laisse apparaître que le bus a marqué un arrêt, qu’il y a eu une légère secousse et que les élèves ont regardé un peu dans tous les sens, cette vidéo n’étant pas produite aux débats.

Il est produit par contre diverses captures d’écran des lieux à partir du logiciel Google Maps, dont une sur laquelle a été positionné le véhicule, l’arrière du bus se trouvant à l’extérieur de la voie ferrée mais sur le passage à niveau, le directeur du centre, M. [C] qui représentait l’employeur lors de l’entretien préalable du 30 novembre 2015, attestant que M. [Y] est bien l’auteur du positionnement du bus porté sur cette capture d’écran lors de l’entretien préalable au cours duquel il n’aurait pas contesté les faits.

Il ressort de ces éléments que les poursuites disciplinaires ont été engagées sur la base de la seule déclaration d’un élève présent dans le bus, déclaration qui n’est corroborée par aucun autre élément, qu’il s’agisse du témoignage d’autres élèves ou de constatations matérielles. Dans la mesure où le salarié n’était pas assisté lors de l’entretien préalable et qu’aucun procès-verbal de cet entretien n’a été dressé, rien ne permet de considérer que M. [Y] aurait reconnu les faits et positionné le bus arrêté sur le passager niveau.

Il s’ensuit que la réalité des faits est insuffisamment établie pour justifier la mesure de licenciement entreprise et il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit le licenciement de M. [Y] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause

Au moment de la rupture du contrat, M. [Y] avait une ancienneté de moins de deux ans et il peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi, par application des dispositions de l’article L.1235-5 du code du travail.

Lors du licenciement, il était âgé de 31 ans, avait une ancienneté de 14 mois dans l’entreprise et bénéficiait d’un salaire mensuel brut de 1.888 € tel qu’il ressort de l’attestation de l’employeur destinée à Pôle emploi.

A défaut d’indication sur sa situation postérieure au licenciement, de l’absence éventuelles de difficultés rencontrées, des recherches infructueuses d’emploi ou même d’une perte de ressources, il convient en conséquence de lui allouer à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse une indemnité que la Cour évalue à la somme de 3.776 €. Il y a lieu de réformer le jugement en ce sens.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

La SAS KEOLIS ARMOR qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement du Conseil des prud’hommes de Rennes sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués à M. [U] [Y] pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS KEOLIS ARMOR à payer à M. [U] [Y] la somme nette de 3.776 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS KEOLIS ARMOR aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

 


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