COUR D’APPEL
d’ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00354 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EWUZ.
Jugement Au fond, origine Pole social du TJ de LAVAL, décision attaquée en date du 02 Septembre 2020, enregistrée sous le n° 19/00114
ARRÊT DU 26 Janvier 2023
APPELANTE :
La société [4]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Olivier CHENEDE de la SELARL CAPSTAN OUEST, avocat au barreau de NANTES
INTIMEE :
URSSAF DES PAYS DE LOIRE
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Sabrina ROGER de la SARL SABRINA ROGER AVOCAT, avocat au barreau de NANTES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Septembre 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame GENET, conseiller chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Estelle GENET
Conseiller : Madame M-C. DELAUBIER
Conseiller : M. Yoann WOLFF
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 26 Janvier 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame GENET, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE :
À la suite d’un contrôle effectué au sein de la SA [4] pour la période courant du 1er janvier 2013 au 31 août 2017, les inspecteurs de l’URSSAF ont relevé plusieurs anomalies qui ont donné lieu à 3 lettres d’observations : deux du 12 septembre 2018 notifiées le 13 septembre 2018 et l’autre du 17 septembre 2018 notifiée le 19 septembre 2018. Cette dernière était relative à la recherche d’infractions aux interdictions de travail dissimulé qui a donné lieu à l’établissement le 12 septembre 2018 d’un procès-verbal relevant ce délit transmis au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Laval, pour un préjudice estimé à 895’993 euros.
Concernant ce dernier volet, l’URSSAF a adressé à la société une mise en demeure le 15 novembre 2018 d’un montant de 972’787 euros dont 76’802 euros de majorations de retard, l’essentiel de cette somme correspondant à l’annulation des réductions générales de cotisations (à hauteur de 630’318 euros).
La société a contesté cette mise en demeure auprès de la commission de recours amiable par courrier du 26 décembre 2018, évoquant l’absence de travail dissimulé, puis a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Laval d’une décision implicite de rejet de son recours. La commission de recours amiable s’est finalement prononcée le 28 février 2019 et a rejeté le recours présenté par la société.
Par jugement en date du 2 septembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Laval désormais compétent a :
– déclaré irrecevable le recours de la SA [4] sur la contestation du redressement relatif au régime de retraite et de prévoyance ;
– validé en la forme et sur le fond le redressement pour infractions aux interdictions de travail dissimulé pour un montant de 820’079 euros en cotisations, 75’904 euros de majorations de redressement complémentaires conformément à l’article L. 243 ‘ 7 ‘ 7 du code de la sécurité sociale ;
– condamné la société SA [4] à payer à l’URSSAF des Pays-de-la-Loire les sommes réclamées au titre de la mise en demeure du 15 novembre 2018 pour un montant de 972’787 euros, dont 820’079 euros de cotisations, 75’906 euros de majorations de redressement, 76’802 euros de majorations de retard, non compris les majorations de retards complémentaires qui continueront à courir jusqu’au complet paiement, à déduire la somme de 211’136 euros du fait des versements d’ores et déjà intervenus ;
– condamné la société SA [4] aux dépens ;
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Par déclaration électronique en date du 28 septembre 2020, la SA [4] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 9 septembre 2020.
Ce dossier a été convoqué à l’audience du conseiller rapporteur du 9 mai 2022, puis a été renvoyé à l’audience du 8 septembre 2022.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions reçues au greffe le 2 septembre 2022, régulièrement soutenues à l’audience et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, la SAS [4] demande à la cour de :
à titre liminaire et principal :
‘ annuler le redressement et les opérations de contrôle ;
à titre subsidiaire :
‘ lui faire bénéficier de la garantie d’antériorité visée par les articles R. 243 ‘ 59 ‘ 7 du code du travail et L. 243 ‘ 12 ‘ 4 du code de la sécurité sociale ;
‘ annuler le contrôle y afférent ;
‘ valider son crédit à hauteur de 211’136 euros tel que reconnu par l’URSSAF dans ces 3 lettres du 12 novembre 2018 ;
à titre éminemment subsidiaire et sur le fond :
‘ annuler le redressement ;
‘ le minorer dans son quantum par rapport aux années de redressement et aux modalités de calcul des réintégrations des sommes dans l’assiette des cotisations ;
s’agissant de l’allégement Fillon :
‘ lui faire bénéficier des articles L. 133 ‘ 4 ‘ 2 et R. 133 ‘ 8 du code de la sécurité sociale;
en tout état de cause :
‘ engager la responsabilité de l’URSSAF à hauteur de 1 million d’euros pour défaut de:
conseil s’agissant du crédit relatif aux allégements Fillon ;
diligences dans l’apurement de sa dette suite à la saisie de ses véhicules ;
‘ condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ condamner l’URSSAF aux dépens.
Au soutien de ses intérêts, la SAS [4] fait valoir que le contrôle diligenté le 5 octobre 2017 fait suite à une demande de crédit du 6 novembre 2015 restée sans réponse de l’URSSAF. Elle explique qu’à la suite du contrôle de 2018, il est avéré un crédit de 211’136 euros reconnu par l’URSSAF. Elle considère que cette opération de contrôle est faite en totale déloyauté pour la dissuader à l’avenir de saisir l’URSSAF pour faire valoir ses droits. Elle invoque à ce titre 2 arrêts de la 2e chambre civile de la Cour de cassation, l’un du 15 juin 2017 et l’autre du 12 mars 2020, et le manquement de l’URSSAF à son obligation de conseil au titre des articles R. 243 ‘ 59 et suivants du code de la sécurité sociale.
La SAS [4] invoque également la nullité de la lettre d’observations pour plusieurs motifs :
‘ Le défaut de ventilation annuelle finale des sommes dues : la société reproche à l’URSSAF de n’avoir établi aucun récapitulatif final lui permettant de vérifier l’adéquation des montants redressés avec ceux de la mise en demeure. Elle invoque ainsi une décision de la Cour de cassation du 13 février 2020, sur la solidarité financière ;
‘ Le manque de clarté des annexes et des calculs ;
‘ L’absence de signature de la lettre d’observations par un 3e contrôleur, M. [C], qui a participé au contrôle ;
‘ Le mauvais chiffrage du crédit dû limité à la somme de 155 155 euros ;
‘ Le défaut de production du rapport de contrôle.
La SAS [4] invoque également la nullité de la mise en demeure pour :
‘ La mention erronée d’un délai de règlement d’un mois ;
‘ La violation de l’article R. 244 ‘1 du code de la sécurité sociale en raison d’une incohérence sur le procès-verbal pour travail dissimulé daté du 27 février 2018 alors que le document communiqué au dossier par l’URSSAF est daté du 12 septembre 2018 ;
‘ Un chiffrage irrégulier de la mise en demeure ;
‘ La mention d’une date erronée.
La SAS [4] soutient également que la contrainte est irrégulière en raison d’une différence des sommes réclamées et d’un écart de date entre celle-ci et la mise en demeure.
À titre subsidiaire, la société invoque le bénéfice de la garantie d’antériorité considérant qu’en 2018, l’URSSAF ne pouvait pas revenir sur les années 2013, 2014 et 2015 qu’elle avait déjà contrôlées et validées. Elle ajoute qu’elle ne pouvait pas non plus redresser les années 2016 et 2017 sauf à considérer que son changement de posture ne valait que pour l’avenir.
À titre infiniment subsidiaire, elle revendique au fond l’absence de toute infraction sociale considérant qu’elle a parfaitement rémunéré ses collaborateurs, certes avec un décalage de 2 mois, grâce au versement/calcul de son « indemnité sauvegarde » mensuelle. Elle prétend que le montant de cette indemnité a toujours correspondu à des heures de travail dûment payées et parfaitement prises en compte dans le décompte du temps de travail des chauffeurs. Elle conteste tout travail dissimulé et prétend par ailleurs l’existence d’erreurs de calcul et corrélativement du montant du redressement.
Elle invoque en outre l’application du décret du 11 octobre 2019 ayant donné lieu à l’article R. 133 ‘ 8 du code de la sécurité sociale tendant à limiter la perte de l’allégement Fillon.
Enfin, à l’appui de sa demande d’engagement de la responsabilité de l’URSSAF pour défaut de conseil, elle soutient que l’URSSAF n’a pas pris en compte un crédit de 11’833 euros pour l’année 2012, qu’elle n’a pas respecté le principe de la garantie d’antériorité, qu’elle n’a calculé aucun crédit Fillon pour les années 2017 et 2018, elle a été empêchée de vendre des camions immobilisés pour payer la dette sociale, et qu’elle a manqué de diligences pour reconnaître le crédit Fillon.
Par conclusions reçues au greffe le 28 août 2022, régulièrement soutenues à l’audience et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, l’URSSAF des Pays de la Loire conclut :
‘ à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement ;
‘ à la validation de la procédure de contrôle ;
‘ au rejet de la demande de production du procès-verbal de contrôle ;
‘ à la validation de la lettre d’observations du 12 septembre 2018 ;
‘ à la validation de la mise en demeure du 15 novembre 2018 en son entier montant ;
‘ à la validation de la contrainte du 11 janvier 2019 en son entier montant ;
‘ à la validation du redressement pour infraction aux interdictions de travail dissimulé pour un montant de 972’787 euros dont 820’079 euros de cotisations et 75’904 euros de majorations de redressement complémentaires conformément à l’article L. 243 ‘ 7 ‘ 7 du code de la sécurité sociale, outre les majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu’au complet paiement ;
‘ à la condamnation de la société [4] au paiement des sommes réclamées au titre de la mise en demeure du 15 novembre 2018, pour un montant de 972’787 euros dont 820’079 euros de cotisations et 75’906 euros de majorations de redressement, 76’802 euros de majorations de retard non compris les majorations de retard complémentaires qui continueront à courir jusqu’au complet paiement, à noter qu’un montant de 211’136 euros est à déduire du fait de versements ;
‘ au rejet de l’ensemble des demandes présentées par la société [4].
Au soutien de ses intérêts, l’URSSAF des Pays de la Loire fait valoir que s’agissant du défaut de loyauté du contrôle invoqué, la société n’a pas échangé parallèlement au contrôle dans ses locaux des informations, mais a sollicité un crédit au titre de l’application des réductions Fillon.
Sur la rédaction de la lettre d’observations, elle remarque qu’il n’existe aucune obligation réglementaire ou légale de faire figurer un récapitulatif final des sommes réclamées, à la lecture de l’article R. 243 ‘ 59 du code de la sécurité sociale. Elle considère que la lettre d’observations contient l’ensemble des informations permettant à la société d’avoir connaissance de la somme réclamée : composantes des redressements de cotisations envisagés, mode de calcul, détail des sommes dues pour chaque chef de redressement, en cotisations, ventilées par année.
Elle soutient par ailleurs que M. [C], responsable du service inspection, ne saurait être considéré comme un agent en charge du contrôle au sens de l’article R. 243 ‘ 59 du code de la sécurité sociale.
Elle précise qu’il n’a été fait droit que partiellement à la demande de crédit de la société en 2015 et 2016 à hauteur de 51’183 euros qui a été intégralement imputé sur les cotisations décomptées pour travail dissimulé. Elle rappelle qu’il en est de même pour le crédit de 110’773 euros des années 2012 à 2014. Elle évoque également le crédit de 49’180 euros résultant du tableau annuel 2015 qui a également été imputé sur les cotisations de travail dissimulé.
Elle considère qu’elle n’est pas tenue de communiquer aux cotisants le procès-verbal interne de contrôle, alors que le présent litige ne relève pas de la mise en ‘uvre de la solidarité financière du donneur d’ordre.
Elle rappelle que le délai d’un mois dans la mise en demeure est applicable au règlement des sommes dues. Elle ajoute que la date du 27 février 2018 ne correspond pas à la date à laquelle le procès-verbal de travail dissimulé a été établi, mais la date de constatation du travail dissimulé par les inspecteurs du recouvrement. Elle remarque qu’elle a notifié à la société par plusieurs courriers les différents crédits accordés pour un montant total de 211’136 euros et qu’il n’existe aucune contradiction avec le chiffrage indiqué de la mise en demeure. De même, elle soutient qu’il n’existe aucune contradiction dans les sommes réclamées entre la mise en demeure et la contrainte car la différence de 87 euros correspond à un versement intervenu après l’envoi de la mise en demeure et qui a été imputé à l’année 2017 comme le précise la contrainte de janvier 2018.
Sur le fond, l’URSSAF des Pays de la Loire invoque l’absence d’acceptation tacite de la pratique de la société lors du contrôle opéré en 2015. Elle soutient que selon la Cour de cassation la seule consultation des bulletins de salaire ne permet pas de prouver l’existence d’une acceptation implicite de la pratique opérée par la société alors qu’au surplus, les bulletins consultés en 2015 sont différents de ceux consultés en 2018. Elle précise que lors du dernier contrôle, des documents supplémentaires ont été consultés par les inspecteurs et que par conséquent les 2 contrôles ne portent pas sur les mêmes éléments.
S’agissant du travail dissimulé, lors du contrôle, elle précise avoir constaté une différence entre les temps de service relevés au moyen du logiciel S.O.L.I.D. à partir des disques chronotachygraphes et les temps de service portés sur les bulletins de salaire par l’employeur. Elle considère que les erreurs de manipulation du disque par les salariés invoquées par l’employeur datent de 2019 (constat d’huissier du 27 février 2019) et sont donc postérieures aux années contrôlées. De plus, l’URSSAF remarque que les rapports hebdomadaires établis par le conducteur ne faisaient mention d’aucun horaire lors du chargement et du déchargement des camions, opérations réalisées plusieurs fois dans la journée, alors que le camion est à l’arrêt. Elle rappelle que la pratique de la société consistant à corriger, sur les bulletins de salaire, ces temps où le moteur est arrêté alors que le chauffeur est en situation de travail a déjà été relevé à 2 reprises par l’inspection du travail et des transports, par un procès-verbal du 21 avril 2006 et un autre du 29 septembre 2014 et a donné lieu à la condamnation sur le plan pénal de la présidente de la société pour minoration du temps de travail par jugement du 21 avril 2016. Elle ajoute que les erreurs de manipulation par les chauffeurs des disques chronotachygraphes sont peu fréquentes et n’ont pas été reprises dans le chiffrage des inspecteurs. Elle souligne ainsi que l’indemnité de sauvegarde n’a pas pu être prise en compte par les inspecteurs lors de l’analyse de minoration d’heures car elle n’est qu’une garantie en montant de rémunération sans qu’un taux horaire et un nombre d’heures y soient rattachés dans les bulletins de salaire. Elle considère que cette indemnité de sauvegarde ne vient pas compenser les « corrections » réalisées par l’employeur dans le temps de travail effectif des salariés. Elle prétend par ailleurs justifier le montant du redressement opéré à partir de la reconstitution des heures non déclarées sur la base du taux horaire de chaque conducteur.
Elle rappelle au surplus que le constat de délit de travail dissimulé entraîne l’annulation des réductions Fillon sur la base des éléments produits par la société lors du contrôle.
Enfin, elle conteste l’engagement de sa responsabilité et soulève l’incompétence de la cour pour reconnaître d’une contestation des mesures conservatoires opérées, notamment la saisie des véhicules, en l’absence de saisine du juge de l’exécution.
MOTIFS DE LA DECISION
À titre liminaire, la cour constate qu’elle n’est pas saisie de la question de la recevabilité du recours concernant la mise en demeure du 4 décembre 2018 sur la contestation du redressement relatif au régime de retraite et de prévoyance. En première instance, la société [4] s’en est rapportée à justice sur ce point. Elle ne conteste pas les dispositions du jugement ayant déclaré irrecevable son recours de ce chef. Il y a donc lieu de considérer que cette question a été tranchée de manière définitive par le pôle social du tribunal judiciaire de Laval.
Sur la déloyauté invoquée du contrôle
La société [4] prétend que le contrôle qui a été diligenté le 5 octobre 2017 par avis de passage du 1er août 2017 fait suite à sa demande de crédit adressée le 6 novembre 2015 et restée sans réponse. Elle considère ainsi que le contrôle intervient par mesure de rétorsion à la suite de sa demande de crédit.
L’avis de contrôle du 1er août 2017 informe la société de la mise en ‘uvre d’une opération de contrôle de l’application des législations de sécurité sociale, de l’assurance chômage et de la garantie des salaires à compter du 1er janvier 2014. Il est également spécifiquement indiqué en gras : «Nous examinerons également votre demande de crédit de réduction générale».
Cependant, cette seule mention dans l’avis de contrôle n’implique pas que l’URSSAF ait diligenté son contrôle par ‘mesure de rétorsion’.
En premier lieu, l’URSSAF décide de l’opportunité des contrôles qu’elle souhaite mettre en oeuvre, tant du point de vue de l’identité des cotisants que des périodes à contrôler. En second lieu, il est logique que dans le cadre de ce contrôle, l’URSSAF ait prévu d’examiner la demande de crédit de réduction pour y répondre mais également compte tenu du montant du crédit réclamé, soit la somme de 211 136 euros. De toute façon, l’URSSAF ne pouvait pas faire droit à une demande de crédit, et encore moins d’un tel montant, sans un examen attentif et approfondi de la situation de la société.
Enfin, parallèlement aux opérations de contrôle, la société [4] n’a pas transmis des informations à l’URSSAF qui auraient pu être utilisées de manière déloyale par l’organisme social. La société a simplement formulé une demande de crédit relative à l’application des réductions Fillon. Cette demande n’a au demeurant rien à voir avec le redressement opéré pour travail dissimulé.
Le moyen tiré de la déloyauté du contrôle doit donc être rejeté.
Sur la nullité invoquée de la lettre d’observations
Sur le défaut de ventilation annuelle finale des sommes dues et la solidarité financière
Sur le fondement des dispositions de l’article R. 243 ‘ 59 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, pour que la société contrôlée ait une exacte connaissance des omissions et des erreurs qui lui sont reprochées ainsi que des bases de redressement, la lettre d’observations doit indiquer la nature de chaque chef de redressement envisagé, le contenu et les modalités d’application des textes législatifs et réglementaires invoqués ou la jurisprudence applicable, les assiettes et le montant de chaque chef de redressement par année, ainsi que les taux de cotisation appliqués.
En l’espèce, la société [4] reproche à l’URSSAF de ne pas être en mesure de faire la ventilation des sommes réclamées au titre de l’allégement Fillon pour un montant de 630’318 euros et sur le fond pour un montant de 189’761 euros.
La lettre d’observations du 17 septembre 2018 est pourtant suffisamment explicite sur le montant des sommes à recouvrer par l’URSSAF pour un montant total de 820’079 euros dont effectivement 630’318 euros au titre de l’annulation des allégements « réduction générale » et l’annulation du crédit calculé pour les années 2013 à 2017 en raison de la verbalisation pour travail dissimulé et la somme de 189’761 euros correspondant à : « RG cas général, FNAL totalité, CSG CRDS régime général, contribution assurance chômage, cotisation AGS cas général ».
La mise en demeure du 15 novembre 2018 visant le constat de délit de travail dissimulé et la lettre d’observations du 17 septembre 2018, reprend très exactement les motifs indiqués dans la lettre d’observations. Ainsi, pour l’année 2013 il est réclamé en cotisations et contributions la somme de 139’029 euros qui correspond comme indiqué dans la lettre d’observations à la somme de 33’251 euros (« RG cas général, FNAL totalité, CSG CRDS régime général, contribution assurance chômage, cotisation AGS cas général ») ajoutée à la somme 105 778 euros correspondant à l’annulation des allègements ‘réduction générale’. Le constat est le même pour les années 2014 à 2017. Il y a donc une parfaite correspondance entre les sommes visées dans la mise en demeure et celles expliquées dans le détail dans la lettre d’observations. A ces sommes s’ajoutent celles relatives aux majorations de redressement complémentaires.
La société [4] est donc parfaitement en mesure de connaître les montants annuels des sommes réclamés et il n’est fait nullement obligation à l’URSSAF d’indiquer ces montants qui sont parfaitement repérables tant dans la lettre d’observations que dans la mise en demeure.
Ce moyen doit donc être rejeté, tout comme celui lié à l’application de la situation de solidarité financière. Il ne s’agit nullement en l’espèce d’une situation de sous-traitance et de la responsabilité de la société donneuse d’ordre qui ne s’est pas assurée de la situation sociale et fiscale du sous-traitant.
Sur les annexes et les calculs
Sur ce point, la société [4] se contente d’inviter la cour à se reporter aux annexes qu’elle considère comme « incompréhensibles » ce qui, selon elle, rendrait impossible pour le cotisant de connaître la réalité de sa dette.
Néanmoins, ce n’est pas à la cour de rechercher dans les annexes ce qu’il semblerait « incompréhensible » à une partie ou l’existence de « calculs peu clairs ».
Ce moyen doit donc être rejeté comme insuffisamment étayé.
Sur la signature
Sur le fondement des dispositions de l’article R. 243 ‘ 59 III du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, la lettre d’observations est signée par « les agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 ». Ce dernier article évoque des agents assermentés et bénéficiant d’un agrément.
La société [4] prétend que la lettre d’observations aurait dû être signée par M. [C] qui est en réalité le responsable du service inspection. Il est d’ailleurs présenté en cette qualité dans l’avis de contrôle du 1er août 2017. Il est indiqué que les 2 inspectrices du recouvrement, Mme [M] [K] et Mme [T] [V], seront accompagnées par M. [C] le premier jour du contrôle soit le 5 octobre 2017 à 9h30.
Ce sont ces 2 inspectrices qui ont signé l’avis de contrôle et qui ont ensuite signé la lettre d’observations. Ce n’est pas parce qu’elles étaient accompagnées le premier jour du contrôle par leur responsable hiérarchique que ce dernier peut être considéré comme étant « chargé du contrôle » et devant signer la lettre d’observations. L’exigence de la signature de cette lettre par le supérieur hiérarchique des agents chargés du contrôle n’est pas requise par les dispositions précitées de l’article R. 243 ‘ 59 III du code de la sécurité sociale. Ce moyen doit donc être rejeté.
Sur le mauvais chiffrage invoqué du crédit
La société [4] prétend que l’URSSAF a oublié une somme de 11’833 euros correspondant à l’année 2012 au crédit au titre des allégements Fillon.
Il apparaît que cette société fait une analyse tronquée du chiffrage opéré par l’URSSAF.
Dans la mise en demeure du 15 novembre 2018, il est bien déduit une somme totale de 211’136 euros déjà versée au titre d’un crédit de réduction Fillon et ce conformément aux 3 avis de crédit des 12 et 13 novembres 2018 non contestés par la société pour ce même montant. Cette somme correspond parfaitement à celle revendiquée par la société dans sa demande de crédit du 6 novembre 2015, comme elle le présente elle-même dans ses conclusions.
L’URSSAF précise sans être utilement contredite que la somme de 11’833 euros est comprise dans cette somme totale de 211’136 euros mais qu’elle n’apparaît pas dans la lettre d’observations pour la seule raison qu’elle concerne l’année 2012 non visée dans la période de contrôle.
En tout état de cause, comme indiqué précédemment, il n’est présenté aucune contestation sur la prise en compte de cette somme totale de 211’136 euros déjà versée au titre du crédit réduction Fillon et sa déduction par rapport aux dettes de cotisations et contributions résultant du contrôle.
Ce moyen doit donc être rejeté.
Sur le défaut invoqué de production du rapport de contrôle
Selon les dispositions de l’article L. 243 ‘ 59 IV du code de la sécurité sociale dans sa version applicable, il est prévu la transmission « à l’organisme effectuant le recouvrement » par l’agent chargé du contrôle du « procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s’il y a lieu, de la réponse de l’intéressé et de son propre courrier en réponse.»
Les dispositions précitées ne prévoient aucune transmission du procès-verbal de contrôle au cotisant. La lettre d’observations est suffisante, compte tenu des développements précédents, pour permettre à la société [4] d’être informée des omissions et des erreurs qui lui sont reprochées.
Il y n’a donc aucun manquement au principe du contradictoire.
Au surplus, il a été précédemment indiqué que les principes applicables en matière de solidarité financière ne peuvent pas l’être en l’espèce, puisque la société [4] n’est nullement donneuse d’ordre à une société sous-traitante.
Ce moyen doit être rejeté.
Sur la nullité invoquée de la mise en demeure
Sur la mention erronée d’un délai de règlement d’un mois
La société [4] invoque la nullité de la mise en demeure du 15 novembre 2018 au motif que celle-ci indique que la somme réclamée doit être payée dans un délai d’un mois, alors qu’elle dispose d’un délai de 2 mois pour former un recours devant la commission de recours amiable. Elle invoque donc l’incohérence de ces deux délais qui lui ont été notifiés.
Selon l’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, toute action ou poursuite est obligatoirement précédée, par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l’employeur l’invitant à régulariser sa situation dans le mois.
Ainsi, à peine de nullité, la mise en demeure, adressée à l’employeur ou au travailleur indépendant, qui précède toute action ou poursuite effectuée en application de l’article L. 244-1 ou des articles L. 244-6 et L. 244-11 du même code doit mentionner le délai d’un mois dans lequel le débiteur doit régulariser sa situation. (Cass civ.2°. 19 décembre 2019. pourvoi n° 18-23.623).
En l’espèce, la mise en demeure contestée invite bien le cotisant à régulariser sa situation dans un délai d’un mois conformément aux dispositions précitées. Elle l’informe également de la possibilité de contester la dette dans un délai de 2 mois en saisissant la commission de recours amiable de l’organisme social.
Il n’y a aucune ambiguïté quant à la notification de ces deux délais distincts et au demeurant facilement identifiables.
Le moyen tiré de la mention erronée d’un délai de règlement d’un mois doit donc être rejeté.
Sur la violation de l’article R. 244 ‘1 du code de la sécurité sociale
La société [4] prétend que la mise en demeure fait état d’un procès-verbal pour travail dissimulé daté du 27 février 2018, tout comme la contrainte, alors que le procès-verbal versé aux débats par l’URSSAF est daté du 12 septembre 2018.
Si la mise en demeure fait bien référence à un ‘constat de délit de travail dissimulé’ en date du 27 février 2018, cette date n’est pas celle du procès-verbal de travail dissimulé mais celle
d’un courrier adressé par les deux inspectrices du recouvrement et faisant état des anomalies constatées.
En tout état de cause, il n’y a aucune ambiguïté particulière sur le fait que la mise en demeure se rapporte bien aux opérations de contrôle ayant conduit à la constatation de faits de travail dissimulé, comme mentionné dans la mise en demeure, pour la période du 1er janvier 2013 au 30 juin 2017.
Ce moyen doit donc être rejeté.
Sur le chiffrage irrégulier de la mise en demeure
La cour a déjà examiné précédemment le montant du crédit accordé à la société [4] dans la mise en demeure. La société prétend que la dette serait de 664 925 euros au lieu de 761 561 euros, sans justifier de ses calculs.
Elle conteste également l’existence d’un écart de 87 euros entre la mise en demeure et la contrainte du 11 janvier 2019. L’URSSAF précise que cet écart résulte d’un versement intervenu après l’envoi de la mise en demeure et imputé sur l’année 2017.
Ces explications ne sont pas contredites utilement par la société [4]. En tout état de cause un écart de 87 euros, s’il n’était pas justifié, n’est pas de nature à entraîner la nullité de la mise en demeure compte tenu du montant des sommes réclamées par ailleurs.
Sur la datation erronée
La société [4] prétend que la mise en demeure doit être annulée au motif qu’elle est datée du 15 novembre 2018 mais a été adressée le 14 novembre 2018.
Cette différence de date n’a aucun effet sur la validité de la mise en demeure étant souligné par ailleurs, comme le rappelle à juste titre l’URSSAF, qu’il est expressément mentionné que ‘cette mise en demeure a été établie compte tenu des déclarations et versements enregistrés jusqu’au 14 novembre 2018’.
Ce moyen doit donc être rejeté.
Sur l’irrégularité invoquée de la contrainte
Le moyen invoqué par la société Marcel Bertin tiré de l’irrégularité de la contrainte du 11 janvier 2019 doit être rejeté, la société se contentant de reprendre tous les développements précédents déjà examinés par la cour sur l’existence d’un crédit supplémentaire de 87 euros et la date, selon elle erronée, du procès-verbal de travail dissimulé.
Sur le bénéfice de la garantie d’antériorité
Selon l’article R. 243-59-7 du code de la sécurité sociale, un cotisant ne peut se prévaloir d’une décision implicite d’accord lors d’un contrôle antérieur que si les éléments suivants sont réunis :
– la vérification a porté sur des éléments qui ont fait l’objet d’un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement ;
– l’organisme a pu se prononcer en toute connaissance de cause ;
– les circonstances de droit et de fait au regard desquelles les éléments ont été examinés sont inchangées.
La preuve de l’existence d’une décision implicite incombe au cotisant.
En l’espèce, l’argumentation de la société [4] consiste :
– à critiquer la période objet d’un précédent contrôle et à considérer qu’en 2018, l’URSSAF ne pouvait pas revenir de manière régulière sur les années 2013, 2014 et 2015 qu’elle avait déjà contrôlées et validées ;
– à considérer que l’URSSAF ne pouvait pas non plus redresser les années 2016 et 2017 qu’elle a contrôlées, sauf à considérer que les observations ne valaient que pour l’avenir. Elle prétend alors que l’URSSAF a manqué à son obligation de conseil et ne lui a pas permis de modifier ses pratiques sociales ;
– à soutenir une fois de plus que la somme de 11’833 euros n’a pas été portée à son crédit. La cour a déjà répondu à ce sujet ;
– à faire valoir que compte tenu du jugement du tribunal correctionnel du 21 avril 2016, la période d’infraction de travail dissimulé portait a minima jusqu’en mars 2014.
L’URSSAF verse aux débats la lettre d’observations du 19 novembre 2015. La société [4] a ainsi fait l’objet d’un contrôle qui a pris fin le 22 septembre 2015. Il est noté expressément au titre de la période vérifiée :
« bulletins de salaire du 01/12/2013 au 31/12/2013
synthèse des temps du 01/10/2013 au 31/10 2013 ».
Il en a résulté un constat de travail dissimulé par dissimulation des heures de travail. Il est ainsi reproché à l’employeur d’avoir fait figurer au titre du temps de travail du mois d’octobre 2013, sur les bulletins de salaire du mois de décembre 2013, un temps de travail inférieur au temps de travail réel : « il ressort que les temps de travail relevés et analysés sur les disques chronotachygraphes et données numériques du mois d’octobre 2013 pour l’ensemble des conducteurs émanant de logiciels informatiques ‘S.O.L.I.D.’ sont supérieurs au temps de travail rémunérés par l’employeur sur les bulletins de salaire du mois de décembre 2013 ».
Par jugement du tribunal correctionnel du 21 avril 2016, Mme [H] [X] gérante de la société [4] a été condamnée pour avoir mentionné sur le bulletin de paye un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué entre le 1er octobre 2013 et le 25 mars 2014.
En premier lieu, la cour souligne qu’elle n’est pas saisie du redressement opéré par lettre d’observations en date du 19 novembre 2015.
En second lieu, il convient néanmoins de relever que la société [4] ne verse aux débats aucun élément de nature à mélanger les différentes périodes de redressement opéré à la suite de deux contrôles successifs.
La lettre d’observations du 19 novembre 2015 est parfaitement claire quant à la période vérifiée lors de ce contrôle, à partir de l’examen des bulletins de salaire d’octobre et décembre 2013. Le fait que la prévention retenue devant le tribunal correctionnel évoque une période comprise jusqu’au 25 mars 2014 est sans effet sur la période de redressement opéré par l’URSSAF et ne permet en aucune manière d’affirmer que l’année 2014 a été vérifiée par l’organisme social. Il n’y a de plus aucun élément dans le dossier qui permet de considérer que les années 2015, 2016 et 2017 seraient impactées par le contrôle effectué sur la période d’octobre et décembre 2013.
Enfin et à l’évidence, l’URSSAF a opéré précédemment un contrôle très partiel de la situation sociale de la société [4] et il n’est nullement démontré qu’à cette occasion l’URSSAF aurait validé une pratique de l’employeur, alors que précisément ce contrôle a abouti à la découverte d’une situation de travail dissimulé qui a conduit à la condamnation de la gérante à la peine de 2 mois d’emprisonnement délictuel avec sursis et à une amende de 3000 euros.
Au surplus, l’examen des 2 lettres d’observations permet de constater que la liste des documents consultés lors de ces deux contrôles n’est pas identique et que l’URSSAF a consulté bien plus de documents lors du 2e contrôle ayant donné lieu à la lettre d’observations du 17 septembre 2018.
Le moyen tiré du bénéfice de la garantie d’antériorité doit donc être rejeté.
Sur le travail dissimulé
À titre liminaire, il convient de rappeler que l’absence de toute plainte des salariés quant aux modalités de leur rémunération devant les instances prud’homales n’est pas de nature à valider une pratique non conforme de l’employeur au regard de ses obligations de paiement des cotisations de sécurité sociale.
De la même manière, ce n’est pas parce que le procès-verbal de travail dissimulé établi par l’URSSAF n’a pas donné lieu à des poursuites pénales devant le tribunal correctionnel que le redressement n’est pas justifié au regard du recouvrement des cotisations obligatoires de sécurité sociale.
En somme, il est reproché à la société [4] d’avoir noté sur les bulletins de salaire un nombre d’heures de travail effectuées inférieur à celui constaté à partir de l’examen des disques chronotachygraphes, des cartes numériques des chauffeurs et des cartes numériques des véhicules.
Dans le courrier adressé par la société en date du 26 décembre 2018 de saisine de la commission de recours amiable, Mme [X] ne conteste pas les écarts constatés lors des opérations de contrôle mais les explique par la nécessité de procéder à des corrections en raison des erreurs de manipulation des disques ou simplement de son mode normal de fonctionnement. Elle précise ainsi que « les chronotachygraphes numériques se mettent par défaut en mode «travail» lorsque le conducteur arrête le moteur, contrairement l’ancien système pour lesquels c’était le mode «repos». » Elle ajoute qu’elle applique une garantie de salaire mensuel, qui est basé sur un nombre d’heures pour chaque salarié, généralement toujours plus favorable. Elle reproche au contrôleur de ne pas avoir pris en compte ces heures indemnisées. Elle conteste également la revalorisation de toutes ces heures « non rémunérées » comme des heures supplémentaires à 50 % alors qu’elles n’auraient dû être valorisées qu’à hauteur de 25 %.
Comme le fait justement remarquer l’URSSAF, la société [4] reconnaît avoir procédé à des rectifications sur les heures réellement effectuées lorsque le moteur du camion était arrêté. Cependant, toute situation de moteur à l’arrêt ne signifie pas que le salarié n’est plus à la disposition de l’employeur et peut vaquer librement à ses occupations personnelles. Le moteur est notamment arrêté en cas de chargement et de déchargement du camion, alors que cette situation est bien considérée comme un travail effectif pour le chauffeur. Dans ce cas de figure, l’employeur n’est pas légitime à procéder à la moindre rectification sur les heures réellement effectuées et un tel procédé relève de la manipulation arbitraire des heures de travail.
D’ailleurs, dans ses dernières conclusions, la société indique à titre subsidiaire « accepter le redressement » pour les années 2015, 2016 et 2017, « hors toute majoration pour travail dissimulé, avec les simples assiettes de calcul réintégrées, hors annulation des allégements Fillon ».
Sur ce point, la cour s’est déjà prononcée sur la période vérifiée dans le cadre de ce contrôle et dans la mesure, où il peut être constaté l’existence d’une minoration des heures de travail effectuées, de tels agissements doivent être qualifiés de travail dissimulé avec toutes les conséquences juridiques et financières qui lui sont attachées, notamment l’application d’un délai de prescription de 5 ans.
De plus, dans la lettre d’observations du 12 septembre 2018, les inspectrices du recouvrement ont parfaitement analysé le mécanisme de l’indemnité de sauvegarde qui ne vient pas compenser, comme le prétend l’employeur, les « corrections » réalisées par ce dernier sur le temps de travail effectif des chauffeurs, dans la mesure où elle n’est rattachée dans le bulletin de salaire à aucun taux horaire et à aucune quantification des heures supplémentaires effectuées. Il est d’ailleurs surprenant qu’une somme en plus sur un bulletin de salaire puisse servir à corriger des heures de travail comptées en plus à tort par le système de contrôle. Dans le bulletin de paye versé aux débats par l’URSSAF, elle est d’un montant de 28,10 euros brut alors que les heures supplémentaires effectuées par le salarié sont supérieures à 700 euros brut.
La cour relève enfin que la minoration des heures de travail réellement effectuées par les chauffeurs n’apparaît pas être une pratique isolée pour la société, notamment à la lecture du procès-verbal de travail dissimulé du 12 septembre 2018 et compte tenu du montant du redressement opéré hors annulation de l’allégement Fillon.
Sans être contredite, l’URSSAF souligne que la minoration des heures de travail par la société [4] a déjà été constatée à 3 reprises par le passé (2006, 2014 et 2015), notamment par la DIRECCTE sans que la société ne modifie sa pratique.
Par ailleurs, la société [4] prétend qu’elle peut bénéficier d’une minoration du redressement pour la prise en considération des heures supplémentaires à 25 %.
Sur ce point, la cour adopte le raisonnement des premiers juges auquel elle renvoie expressément. Ces derniers ont à juste titre relevé dans la lettre d’observations du 17 septembre 2018 que les inspectrices du recouvrement avaient procédé à une ventilation du taux horaire majoré entre 25 % et 50 % en considération de la qualité des chauffeurs « longue distance » ou « courte distance ». En même temps, il convient de rappeler que les inspectrices du recouvrement se sont retrouvées face à une situation de minoration par l’employeur des heures de travail effectuées par les salariés, situation en somme non véritablement contestée, et qu’elles ont reconstitué le temps de travail à partir des documents recueillis. Le tout a été porté en annexes sous la forme de tableaux récapitulatifs avec le détail des calculs par année et par conducteur, les temps de service relevés au moyen du logiciel, des disques et des données numériques, les temps de service portés sur les bulletins de salaire par l’employeur et en tenant compte bien évidemment de la différence entre ces deux temps.
La société [4] peut bien verser aux débats depuis la première instance des tableaux rectificatifs qu’elle présente comme reflétant l’activité réelle de ses chauffeurs, il n’est pas certain que ces tableaux ait une réelle valeur probante. Elle reconnaît ainsi avoir tenu compte des corrections à apporter sur les valeurs brutes retenues par l’URSSAF, au motif qu’elle verse aux débats 3 attestations de ses chauffeurs admettant chaque mois des erreurs dans la manipulation des disques chronotachygraphes et faisant part de leur accord quant aux heures payées, ou que l’URSSAF n’a pas tenu compte des rapports journaliers rédigés par les chauffeurs.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il convient donc de considérer que le redressement opéré par l’URSSAF à l’encontre de la société [4] est justifié dans son principe et dans son montant.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la perte de l’allégement Fillon
Pour contester la perte de l’allégement Fillon, la société [4] invoque l’application d’un décret du 11 octobre 2019 qui est donc entré en vigueur bien après le contrôle opéré par l’URSSAF.
En outre, selon l’article L. 133 ‘ 4 ‘ 2 du code de la sécurité sociale, le bénéfice de toute mesure de réduction et d’exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale ou de contributions dues aux organismes de sécurité sociale, appliqué par un employeur ou un travailleur indépendant, est supprimé en cas de constat de travail dissimulé.
Ce moyen doit donc être rejeté.
Sur la mise en jeu de la responsabilité de l’URSSAF
Enfin, aucun élément dans le dossier ne permet de mettre en jeu la responsabilité de l’URSSAF pour défaut de conseil, dès lors que le redressement est parfaitement justifié, que la procédure est régulière et que les arguments invoqués par la société ont tous été rejetés.
De plus, c’est à juste titre que le pôle social a retenu qu’il ne pouvait être discuté devant lui de la contestation des mesures d’exécution prises par l’URSSAF des Pays de la Loire, notamment au titre de l’immobilisation des certificats d’immatriculation des ensembles routiers.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement est confirmé s’agissant des dépens.
La société [4] est condamnée au paiement des dépens d’appel.
La demande qu’elle a présentée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile est rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant dans les limites de l’appel publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
REJETTE le moyen tiré de la déloyauté du contrôle ;
REJETTE le moyen tiré du défaut de ventilation annuelle finale des sommes dues et de la mise en oeuvre de la solidarité financière ;
REJETTE le moyen tiré du caractère « incompréhensible » des annexes et de l’existence de « calculs peu clairs » ;
REJETTE le moyen tiré du défaut de signature de la lettre d’observations par le supérieur hiérarchique des inspectrices du recouvrement ;
REJETTE le moyen tiré du chiffrage erroné du crédit ;
REJETTE le moyen tiré du défaut de production du rapport de contrôle ;
REJETTE le moyen tiré de la mention erronée d’un délai de règlement d’un mois ;
REJETTE le moyen tiré du chiffrage irrégulier de la mise en demeure ;
REJETTE le moyen tiré de la datation erronnée de la mise en demeure ;
REJETTE le moyen tiré du bénéfice de la garantie d’antériorité ;
REJETTE le moyen tiré de la perte injustifiée de l’allégement Fillon ;
CONFIRME le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Laval du 2 septembre 2020 ;
Y AJOUTANT ;
REJETTE la demande présentée par la société [4] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société [4] au paiement des dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Viviane BODIN Estelle GENET
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