COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 26 JANVIER 2023
N° 2023/
GM
Rôle N° RG 20/04949 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BF3AU
S.A.R.L. LA QUINTA
C/
[V] [Y]
Copie exécutoire délivrée
le : 26/01/23
à :
– Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
– Me Sandrine COHEN-SCALI, avocat au barreau de GRASSE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRASSE en date du 20 Avril 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00411.
APPELANTE
S.A.R.L. LA QUINTA, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
et Me Edwige HARDOUIN, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIME
Monsieur [V] [Y], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Sandrine COHEN-SCALI, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2023.
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
M. [V] [Y] a été engagé par la société Philaunat, exploitant un restaurant, en qualité de chef cuisinier, à compter du 6 mai 2013, par contrat à durée déterminée.
A compter du 1er novembre 2013, il était embauché sous la forme d’un un contrat à durée indéterminée, en qualité de cuisinier.
Le contrat prévoyait une durée hebdomadaire de travail de 39 heures.
Le 1er juillet 2016, la société Philaunat cédait son fonds de commerce de restaurant à la société La Quinta.
Le contrat de travail du salarié était transféré à la société La Quinta.
L’établissement, qui était un restaurant, est devenu une boulangerie.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants.
Au moment du licenciement, l’employeur employait habituellement au moins onze salariés.
A la date de fin des relations contractuelles, le salaire mensuel brut de M. [V] [Y] était de 2.884,21 euros pour 169 heures de travail par mois
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 14 juin 2017, la société La Quinta convoquait M. [V] [Y] à un entretien préalable à son licenciement.
M. [V] [Y] était mis à pied à titre conservatoire à compter du 27 juin 2017 jour de l’entretien préalable.
Par courrier en date du 3 juillet 2017, dont le salarié a accusé réception le lendemain la société La Quinta licenciait ce dernier pour faute grave en particulier pour des manquements répétés mettant en danger la santé des clients. La lettre précisait que le licenciement était immédiat, sans préavis, ni indemnités de rupture.
Le 14 juin 2018, M. [V] [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Grasse en contestation de la cause réelle et sérieuse de son licenciement.
Par jugement rendu le 20 avril 2020, le conseil de prud’hommes de Cannes a :
– dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
– annulé les avertissements des 25 avril 2017 et 31 mai 2017,
– condamné la société La Quinta à payer à M. [V] [Y] :
– 17.306, 51 euros de dommages et intérêts pour Licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5.768,42 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 576,84 euros an titre des congés payés afférents,
– 2403,50 euros an titre de l’indemnité de licenciement,
– 709,52 euros au titre de la mise à pied conservatoire du 25 juin 2017 an 4 juillet 2017,
– 70,95 euros an titre des congés payés afférents,
– 962,92 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires sur la période du 12 septembre 2016 au 21 janvier 2017,
– 96,29 euros an titre des congés payés y afférents,
– 746,950 euros au titre des heures supplémentaires du 17 avril 2017au 25 juin 2017,
– 74,69 euros an titre des congés payés y afférents,
– 1527,45 euros au titre du rappel de congés payés sur la période du 28 janvier 2017 au 15 février 2017,
– 2483,25 euros à titre de rappel des jours fériés sur la période du 4 juillet 2014 au 4 juillet 2017,
– 248,32 euros au titre des congés payés y afférents,
– 100 euros de dommages et intérêts pour préjudice occasionné dans la délivrance tardive de l’attestation pôle emploi,
– 100 euros au titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la portabilité de la prévoyance,
– 271,04 euros à titre de rappel d’avantage en nature sur la période du 14 mars 2017 au 4 juillet 2017,
-354,75 euros à titre de compensation financière aux temps d’habillage et de déshabillage sur la période du 4 juillet 2014 au 4 juillet 2017,
– 252 euros an titre des cotisations de mutuelle indûment prélevées du 1°’ janvier 2016 au 30 juin 2017.
– 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné à Ia société La Quinta de lui délivrer un bulletin de salaire récapitulatif et une attestation du Pôle Emploi rectifiée, conformes au présent jugement, sous astreinte de 30 euros par jour de retard s compter du 30ème jour suivant la notification du jugement, Liquidée provisoirement à 30 jours. Le conseil se réserve le droit de liquider définitivement la dite astreinte.
– ordonné l’exécution provisoire de droit sur les salaires et éléments de salaire, soit 16.676,91 euros,
– fixé la moyenne de la rémunération mensuelle brute sur les 3 derniers mois de salaire à 2.884,21 euros,
– déboute la société La Quinta de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne la société La Quinta aux entiers dépens de l’instance.
La société La Quinta a interjeté appel dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.
L’appel tend à la nullité, l’annulation et la réformation de la décision en ce qu’elle a :
– dit que le licenciement de M. [V] [Y] est sans cause réelle et sérieuse,
– condamné, en conséquence, la Société La Quinta, à verser à M. [V] [Y] les sommes suivantes :
– 17.306 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle sérieuse
– 5 768,42 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 576,84 euros au titre des congés payés sur préavis,
– 2 403,50 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– 709,52 euros au titre de la mise à pied conservatoire sur la période du 25 juin 2017 au 4 juillet 2017, outre 70,95 euros de congés payés y afférents.
– 70,95 euros au titre des congés payés y afférents,
– 962,92 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires sur la période du 12 septembre 2016 au 21 janvier 2017,
– 96,29 euros au titre des congés payés y afférents,
– 746,90 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires sur la période du 17 avril 2017 au 25 juin 2017,
– 74,69 euros au titre des congés payés y afférents,
– 1.527,45 euros à titre de rappel de congés payés sur la période du 28 janvier 2017 au 15 février 2017,
– 2.483,25 euros à titre de rappel des jours fériés sur la période du 4 juillet 2014 au 4 juillet 2017,
– 248,32 euros au titre des congés payés y afférents,
– 100 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice occasionné de la délivrance tardive de l’attestation pôle emploi,
– 100 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la portabilité de la prévoyance
– condamné la société La Quinta à verser à M. [V] [Y]’:
– 271,04 euros à titre de rappel d’avantage en nature sur la période du 14 mars 2017 au 4 juillet 2017,
– 354,75 euros à titre de compensation financière aux temps d’habillage et de déshabillage
– 252 euros au titre des cotisations de mutuelle indûment prélevées sur la période du 1er janvier 2016 au 30 juin 2017,
– 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– ordonné à la Société La Quinta de délivrer à M. [V] [Y] un bulletin de salaire récapitulatif et une attestation Pôle Emploi rectifiée, conformes au jugement, sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du jugement, liquidée provisoirement à 30 jours.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 17 novembre 2022.
PRETENTIONS ET MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 novembre 2022, M. [V] [Y] demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
– annulé les avertissements des 25 avril 2017 et 31 mai 2017
– dit et jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamné l’employeur à lui payer :
– 5.768,42 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 576,84 euros au titre des congés payés afférents
– 2.403,50 euros au titre de l’indemnité de licenciement
– 962,92 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires sur la période du 12 septembre 2016 au 21 janvier 2017,
– 96,29 euros au titre des congés payés y afférents
– 746,90 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires sur la période du 17 avril 2017 au 25
juin 2017,
– 74,69 euros au titre des congés payés y afférents
– 1.527,45 euros à titre de rappel de congés payés sur la période du 28 janvier 2017 au 15
février 2017
– 2.483,25 euros à titre de rappel des jours fériés sur la période du 4 juillet 2014 au 4 juillet
2017,
– 248,32 euros au titre des congés payés y afférents.
– 271,04 euros à titre de rappel d’avantage en nature sur la période du 14 mars 2017 au 4
juillet 2017
– 354,75 euros à titre de compensation financière aux temps d’habillage et de déshabillage sur
la période du 4 juillet 2014 au 4 juillet 2017
– 252 euros au titre des cotisations de mutuelle indûment prélevées sur la période du 1 er janvier 2016 au 30 juin 2017
-infirmer le jugement en ce qu’il a limité le quantum des dommages et intérêts à 17.306 euros, en ce qu’il a limité le quantum du rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire à la somme de 709,52 euros et les congés payés afférents à la somme de 70,95 euros, en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct et harcèlement moral, en ce qu’il a limité le quantum des dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la portabilité de la prévoyance à la somme de 100 euros et en ce qu’il a limité le quantum des dommages et intérêts pour délivrance tardive et erronée de l’attestation du Pôle Emploi à la somme de 100 euros.
Statuant à nouveau,
– condamné l’employeur à régler au salarié:
– 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
– 827,76 euros au titre de la mise à pied conservatoire sur la période du 27 juin 2017 au 4
juillet 2017
– 82,78 euros au titre des congés payés y afférents
– 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct de celui résultant de la
rupture du contrat de travail et harcèlement moral
– 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour délivrance tardive d’une attestation Pôle
Emploi
– 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la
portabilité de la prévoyance
– ordonner à la société La Quinta de délivrer au salarié une attestation Pôle Emploi rectifiée et conforme à la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard
à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir,
– condamner la société La Quinta à verser à M. [V] [Y] 5.000 euros au titre
des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner la société La Quinta aux entiers dépens
– débouter la société La Quinta de l’ensemble de ses demandes,
Sur sa demande tendant à voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié fait valoir que la société La Quinta lui reproche des négligences graves et répétées en termes de normes d’hygiène, les griefs évoqués dans la lettre de licenciement ne sont cependant ni réels ni sérieux.
La société La Quinta voudrait faire croire que M. [V] [Y] serait devenu, en l’espace de 3 mois (du 14 mars 2017, date d’ouverture de la boulangerie, au 27 juin 2017, date de sa mise à pied) un salarié négligeant, sale et non respectueux des normes d’hygiène. Durant les 3 années passées au service de la société Philaunat, M. [V] [Y] ne s’est jamais vu reprocher le moindre manquement aux règles d’hygiène.
En outre, il justifie de trente ans d’expérience dans la restauration et est le seul salarié de l’entreprise à avoir suivi une formation en hygiène alimentaire, laquelle lui a été dispensée les 29 février 2016 et 1 er mars 2016, alors qu’il était salarié de la société Philaunat.
S’agissant du défaut de rangement de l’espace poubelle le 27 mai 2017, non seulement il ne travaillait pas ce jour là, mais encore trois autres salariés étaient employés au sein de l’espace snacking de la boulangerie.
En tout état de cause, la société La Quinta ne saurait valablement reprocher à Monsieur
[Y] le moindre manquement relatif à l’espace poubelles dès lors qu’il a été dûment constaté
par les services d’hygiène de la ville d'[Localité 3], le 14 avril 2017, « la non-conformité des poubelles de la cuisine ». L’espace de rangement des poubelles étant non conforme aux règles d’hygiène de base, il appartenait d’ores et déjà à l’employeur de mettre en conformité les poubelles de la cuisine. Aucun fait fautif ne saurait dès lors être valablement reproché à M. [V] [Y].
Sur le reproche fait à M. [V] [Y] d’être entré en contact avec des denrées sans s’être lavé les mains après manipulation des poubelles, l’attestation de Mme [W], indique, sous la dictée de la société appelante que : « Monsieur [Y] [V] ne se lavait pas les mains après être allé aux toilettes ».
Les faits attestés sont cependant sans rapport avec les motifs de la lettre de licenciement.
La société La Quinta ne saurait valablement reprocher à M. [V] [Y] le moindre manquement relatif à son lavage de mains dès lors qu’il a été dûment constaté par les services d’hygiène de la ville d'[Localité 3], le 14 avril 2017, « l’absence de lave mains réglementaire en cuisine ».
La société La Quinta lui reproche de ne pas faire la rotation des produits dans le frigo.
A l’appui de ses allégations, la société La Quinta cite le témoignage de la responsable de la boulangerie. Cependant, à aucun moment la responsable de la boulangerie ne parle d’absence de rotation de produits dans le frigo. Les autres attestations produites sont des attestations de complaisance.
La société La Quinta reproche à M. [V] [Y] un manquement à son devoir d’alerte au motif que le salarié aurait laissé pourrir une caisse d’orange pleine de moucherons, ainsi que du jambon et du bacon à l’air libre. Le salarié conteste les faits reprochés et rappelle qu’il n’était pas le seul salarié en cuisine.
Bien plus, la Cour gardera en mémoire que depuis le 17 mars 2017, la société La Quinta a recruté Madame [T] [Z] au poste de responsable, autrement dénommée dans les conclusions adverses « chef cuisinier », et qu’en cette qualité, la salariée était contractuellement chargée de « faire respecter les procédures d’hygiène et de sécurité ».
La société La Quinta reproche à M. [V] [Y] d’avoir, le 11 juin 2017, « mis des
légumes non lavés sur des pizzas » et d’avoir rangé dans l’espace vaisselle des « moules à tarte non lavés ». M. [I], ancienne responsable du restaurant et présente dans la boulangerie
jusqu’au 6 juillet 2017, affirme cependant que, le 11 juin 2017, date des faits litigieux, M. [V] [Y] ne travaillait pas et n’était pas présent dans la boulangerie.
La société La Quinta reproche à M. [V] [Y] « en date du 17 juin 2017, vous persistiez à ne pas filmer systématiquement les aliments utilisés que vous souhaitez stocker dans les frigos. » M. [V] [Y] produit cependant aux débats des photographies datées des 17 juin 2017 et 18 juin 2017 sur lesquelles il apparaît clairement que le salarié filmait les aliments.
Il est encore fait reproche à M. [V] [Y] de laisser « son poste de travail dans un état non conforme ». M. [V] [Y] produit cependant aux débats une photographie datée du 18 juin 2017 sur laquelle il apparaît clairement que le poste de travail était propre et rangé.
Sur sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, le salarié fait valoir qu’il a été harcelé moralement par la direction. Il a subi une dégradation préalable de ses conditions de travail dès la transformation du restaurant en boulangerie. Il s’est vu cantonner à des fonctions de simple commis de cuisine, dans le dessein manifeste de le pousser vers la porte de sortie par la voie de démission, à l’instar de nombreux autres collègues de travail dont le contrat de travail a été transféré.
Sur sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la portabilité de la prévoyance, le salarié rappelle qu’il a été licencié le 4 juillet 2017. Comptant plus d’un an d’ancienneté dans l’entreprise, il aurait dû bénéficier, par application de l’article L 911-8 du code de la sécurité sociale, de la portabilité de la prévoyance applicable au sein de l’entreprise, sur la période du 4 juillet 2017 au 4 juillet 2018.
M. [V] [Y] a cependant appris le 27 novembre 2017 par la société de gestion de la prévoyance que son dossier avait été clôturé au 30/09/2017 au motif suivant : « nous n’avons pas reçu l’affiliation de votre nouvel employeur. »
Il a ainsi perdu une chance de bénéficier de la portabilité de la prévoyance jusqu’au 4 juillet 2018. Il en est résulté pour M. [V] [Y] un préjudice moral et financier qu’il échet de réparer.
Sur sa demande de dommages et intérêts suite à la suppression abusive de l’avantage en nature repas, le salarié soutient que si l’employeur ne nourrit pas son personnel, il doit verser à ses salariés une indemnité de repas dont la valeur correspond à la valeur de l’avantage nourriture.
Dans les entreprises relevant de la convention collective hôtels, cafés, restaurants, l’avantage en nature nourriture est évalué en référence au minimum garanti. Au 1 er janvier 2016, l’évaluation forfaitaire de l’avantage en nature nourriture était fixée à la somme de 3,52 euros par repas.
Depuis la reprise d’activité le 14 mars 2017, la société La Quinta ne permettait plus à M. [V] [Y] d’être nourri sur place déjeuner sur place. Ce faisant, la société La Quinta a retiré abusivement l’avantage en nature dont bénéficiait jusqu’alors M. [V] [Y]. L’avantage en nature a ainsi été supprimé des bulletins de salaire de M. [V] [Y] à compter du mois de mars 2017.
Sur sa demande de compensation au titre des temps d’habillage, M. [Y] soutient que le porte d’une tenue réglementaire lui était imposée et qu’il n’a jamais vu son temps d’habillage et de déshabillage lui être compensé, que ce soit sous forme de repos, ou au moyen d’une compensation financière. La société La Quinta ne conteste pas ce manquement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 octobre 2020, la société La Quinta demande à la cour de :
-infirmer le jugement en ce qu’il a :
– dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la société La Quinta à verser au salarié
5.768,42 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
576,84 euros au titre des congés payés sur préavis,
17.306 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
2.403,50 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
709,52 euros au titre de la mise à pied conservatoire sur la période du 25 juin au 4
juillet 2017,
70,95 euros au titre des congés payés afférents,
en conséquence,
– dire que le licenciement pour faute grave est fondé
– débouter l’intimé de toutes ses demandes indemnitaires afférentes à son licenciement.
– débouter M. [V] [Y] de sa demande de dommages et intérêts complémentaires pour préjudice distinct résultant de la rupture du contrat de travail et du harcèlement moral.
en outre,
– constater que la société La Quinta entend s’acquitter du paiement des sommes suivantes :
962,92 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires sur la période du 12 septembre
2016 au 21 janvier 2017
96,29 euros au titre des congés payés afférents
746,90 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires sur la période du 17 avril au 25 juin 2017
74,69 euros au titre des congés payés afférents
1.527,45 euros à titre de rappel de congés payés sur la période du 28 janvier au 15 février 2017
2.483,25 euros à titre de rappel des jours fériés sur la période du 4 juillet 2014 au 4 juillet 2017
248,32 euros au titre de congés payés afférents
100 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice occasionné par la délivrance tardive de l’attestation pôle emploi
100 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la
portabilité de la prévoyance.
en conséquence,
confirmer le e jugement ce qu’il a condamné la société La Quinta à verser à Monsieur [Y] :
962,92 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires sur la période du 12 septembre
2016 au 21 janvier 2017
96,29 euros au titre des congés payés afférents
746,90 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires sur la période du 17 avril au 25
juin 2017
74,69 euros au titre des congés payés afférents
1.527,45 euros à titre de rappel de congés payés sur la période du 28 janvier au 15 février 2017
2.483,25 euros à titre de rappel des jours fériés sur la période du 4 juillet 2014 au 4 juillet 2017
248,32 euros au titre de congés payés afférents
100 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice occasionné par la délivrance tardive de l’attestation pôle emploi
100 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la portabilité de la prévoyance.
en outre,
– constater que la société La Quinta s’est d’ores et déjà acquittée du paiement de certaines sommes au cours de la procédure de première instance, à savoir :
271,04 euros à titre de rappel d’avantage en nature sur la période du 14 mars au 4 juillet 2017,
354,75 euros à tire de compensation financière aux temps d’habillage et de déshabillage sur la période du 4 juillet 2014 au 4 juillet 2017
252 euros au titre des cotisations de mutuelle indûment prélevées sur la période du 1er janvier 2016 au 30 juin 2017.
en conséquence,
infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société La Quinta à verser à l’intimé :
271,04 euros à titre de rappel d’avantage en nature sur la période du 14 mars au 4 juillet 2017
354,75 euros à tire de compensation financière aux temps d’habillage et de déshabillage sur la période du 4 juillet 2014 au 4 juillet 2017
252 euros au titre des cotisations de mutuelle indûment prélevées sur la période du 1er janvier 2016 au 30 juin 2017
en outre,
– débouter le salarié de toutes ses demandes reconventionnelles et/ou contraires.
– condamner le salarié à verser à la société La Quinta 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, ceux d’appel distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval-Gedj, sur son offre de droit.
Sur sa demande tendant à l’infirmation du jugement en ce qu’il a dit que le licenciement du salarié était sans cause réelle et sérieuse, la société La Quinta prétend que M. [V] [Y] a sciemment contrevenu aux règles d’hygiène pourtant élémentaires en considération de sa profession. Il a fait preuve d’une insubordination certaine, justifiant, de ce fait, son licenciement pour faute grave.
Il convient, en pareil cas, d’apprécier la gravité de la faute de la salariée au regard de l’exécution de son contrat de travail et suivant les critères posés par la Cour de cassation :
– l’ancienneté dans l’entreprise : le contrat de travail de M. [V] [Y] avait fait l’objet d’un transfert depuis moins d’un an (10 mois)
– le caractère répétitif de la faute : Il ne fait nul doute que c’est le caractère répétitif des agissements fautifs qui justifie le licenciement pour faute grave en l’espèce. M. [V] [Y] a reçu divers rappels à l’ordre et s’est vu notifier deux avertissements en mois d’un an par la société. Pourtant, M. [V] [Y] n’a pas cru bon de modifier son attitude. Bien au contraire, ce dernier a fait preuve d’une insubordination manifeste.
– le préjudice subi par la société : le comportement du salarié a causé un préjudice à la société au regard de l’atteinte portée à sa réputation. En outre, de tels agissements ont mis en danger la santé des clients, ce qui aurait pu avoir de grave conséquence en cas d’incident.
Sur la demande du salarié de dommages et intérêts pour procédure vexatoire et harcèlement moral, le salarié n’apporte aucun élément.
Pour ce qui est des demandes de dommages et intérêts pour la remise tardive des documents de fin de contrat et le non-respect des dispositions en matière de portabilité de la prévoyance, le salarié sollicite l’infirmation du jugement quant au quantum des sommes octroyées.
Or, pour ce qui est des documents de fin de contrat, la société La Quinta les a bien tenus à disposition de son salarié. En effet, la lettre de licenciement précise que ces documents de fin de contrat sont quérables : « Nous tenons à votre disposition un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle emploi, ainsi que les salaires et indemnité de rupture ».
Il ne fait nul doute que la société invitait le salarié à venir récupérer ses documents de fin de contrat et que ce dernier devait donc se déplacer auprès de son ancien employeur. Il convient de rappeler que la délivrance des documents de fin de contrat se doit d’être transmise dans un délai raisonnable.
En l’espèce, les documents sociaux n’ont aucunement été adressés avec un retard excessif puisque le salarié les a récupérés dès le 1er août, en pleine période de congé estival et alors que le service comptabilité de l’entreprise était fermé une partie du mois de juillet.
Il convient de préciser, que M. [V] [Y] a saisi la section des référés dès le 1er août 2017, sans attendre la réponse de son employeur. Or, les documents de fin de contrat lui avaient été déjà transmis. Dans ce contexte, Monsieur [Y] n’a eu d’autres choix que de se désister de sa demande. Par ailleurs, force est de constater que M. [V] [Y] a bien bénéficié des allocations de retour à l’emploi. En conséquence, la cour limitera l’indemnisation de M. [V] [Y] à 100 euros, comme cela a été jugé.
Sur la demande du salarié en paiement de la somme de 271,04 euros correspondant à des avantages en nature dont il aurait été privé, la société Le Quinta, n’ayant pas été en mesure de vérifier la véracité des allégations du salarié, a d’ores et déjà procédé au paiement de ladite somme.
Sur la demande en paiement de M. [V] [Y] à hauteur de 354,75 euros car il n’aurait pas bénéficié d’une compensation financière au titre de l’habillage et du déshabillage de 2014 à 2017, l’employeur répond que n’ayant pas été en mesure de vérifier la véracité des allégations du salarié, il lui a d’ores et déjà alloué ladite somme au mois d’octobre 2019.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail
1-Sur la demande de dommages et intérêts pour remise tardive et erronée de l’attestation du Pôle Emploi ainsi que certificat de travail
Selon l’article R1234-9 al 1 du code du travail, dans sa version en vigueur du 25 mai 2014 au 2 janvier 2020, modifiée par décret du 22 mai 2014 :L’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.
Les employeurs de dix salariés et plus effectuent cette transmission à Pôle emploi par voie électronique, sauf impossibilité pour une cause qui leur est étrangère, selon des modalités précisées par un arrêté du ministre chargé de l’emploi.
L’effectif des salariés est celui de l’établissement au 31 décembre de l’année précédant l’expiration ou la rupture du contrat de travail. Pour les établissements créés en cours d’année, l’effectif est apprécié à la date de leur création.
L’article L 1234-19 du code du travail ajoute : A l’expiration du contrat de travail, l’employeur délivre au salarié un certificat dont le contenu est déterminé par voie réglementaire.
L’attestation Pôle emploi et le certificat de travail sont des documents quérables et non portables.
Il n’est pas contesté que M. [V] [Y], qui avait été licencié le 4 juillet 2017, s’est vainement présenté à la boulangerie 4 fois, les 8 juillet 2017, 10 juillet 2017, 11 juillet 2017 et 12 juillet 2017 pour venir chercher son attestation du Pôle Emploi et son certificat de travail. Ce n’est que le 5 août 2017 que l’employeur lui a adressé les documents. En raison de cette délivrance tardive, M. [V] [Y] n’a commencé à percevoir ses allocations d’aide au retour à l’emploi qu’à compter du 6 septembre 2017, selon le courrier du Pôle Emploi du 28 novembre 2017.
L’employeur a donc commis des fautes ayant généré un préjudice tant moral que financier pour le salarié.
Une indemnisation à hauteur de 500 euros compensera intégralement le préjudice subi. Infirmant le jugement, la cour condamne la société La Quinta à payer à M. [V] [Y] des dommages et intérêts à hauteur de 500 euros.
2-Sur la demande de dommages et intérêts pour non respect des dispositions relatives à la portabilité de la prévoyance
L’article L 911-8 du code des assurances dispose :
Les salariés garantis collectivement, dans les conditions prévues à l’article L. 911-1, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d’incapacité de travail ou d’invalidité bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d’assurance chômage, selon les conditions suivantes :
1° Le maintien des garanties est applicable à compter de la date de cessation du contrat de travail et pendant une durée égale à la période d’indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail ou, le cas échéant, des derniers contrats de travail lorsqu’ils sont consécutifs chez le même employeur. Cette durée est appréciée en mois, le cas échéant arrondie au nombre supérieur, sans pouvoir excéder douze mois,
2° Le bénéfice du maintien des garanties est subordonné à la condition que les droits à remboursements complémentaires aient été ouverts chez le dernier employeur,
3° Les garanties maintenues au bénéfice de l’ancien salarié sont celles en vigueur dans l’entreprise,
4° Le maintien des garanties ne peut conduire l’ancien salarié à percevoir des indemnités d’un montant supérieur à celui des allocations chômage qu’il aurait perçues au titre de la même période,
5° L’ancien salarié justifie auprès de son organisme assureur, à l’ouverture et au cours de la période de maintien des garanties, des conditions prévues au présent article,
6° L’employeur signale le maintien de ces garanties dans le certificat de travail et informe l’organisme assureur de la cessation du contrat de travail mentionnée au premier alinéa.
Le présent article est applicable dans les mêmes conditions aux ayants droit du salarié qui bénéficient effectivement des garanties mentionnées au premier alinéa à la date de la cessation du contrat de travail.
Comptant plus d’un an d’ancienneté dans l’entreprise, M. [V] [Y] aurait dû bénéficier, par application de l’article L 911-8 du code de la sécurité sociale, de la portabilité de la prévoyance applicable au sein de l’entreprise, sur la période du 4 juillet 2017 (jour de notification du licenciement) au 4 juillet 2018.
En application de l’article L 91-8 du code des assurances, l’employeur aurait dû informer l’organisme assureur de la cessation du contrat de travail.
Cependant, tel n’a pas été le cas puisque par courriel du 27 novembre 2017, la société de gestion de la prévoyance a informé le salarié que son dossier avait été clôturé au 30/09/2017 au motif suivant : « nous n’avons pas reçu l’affiliation de votre nouvel employeur. »
L’employeur, qui n’a pas assuré la portabilité de la prévoyance du salarié a commis une faute. Cependant, le salarié ne détaille pas précisément son préjudice, ni ne produit aucune pièces pour l’étayer.
Par ailleurs, l’appelante demande la confirmation du jugement en ce qu’il l’a condamnée à régler la somme de 100 euros au salarié à titre de dommages et intérêts.
Le jugement est confirmé en ce qu’il condamne la société La Quinta à régler au salarié la somme de 100 euros de dommages et intérêts.
3-Sur la demande en paiement à hauteur de 271,04 euros à titre de rappel d’avantage en nature (repas) sur la période du 14 mars au 4 juillet 2017
L’employeur ne conteste pas qu’il était redevable envers le salarié de la somme de 271,04 euros au titre de l’avantage en nature repas dû sur la période du 14 mars 2017 au 4 juillet 2017.
L’employeur reconnaît avoir dû devoir cette somme au salarié et il lui appartient de démontrer qu’il s’est en est libéré entre les mains du salarié, conformément à ce qu’il soutient.
Toutefois, contrairement à ce qu’il affirme, il ne démontre pas avoir réglé ladite somme salarié en octobre 2019. En effet, les bulletins de paie d’octobre 2019 et de novembre 2019 produits aux débats par l’employeur sont très ambiguës. Ils indiquent au contraire que l’avantage en nature à hauteur de 271,04 euros constitue un ‘trop versé’. Ils mentionnent que la somme est déduire de la rémunération du salarié.
Confirmant le jugement, il y a lieu à condamnation de la société La Quinta à régler à M. [Y] la somme de 271, 04 euros.
4-Sur la demande en paiement de 354,75 euros à titre de compensation financière aux temps d’habillage et de déshabillage sur la période du 4 juillet 2014 au 4 juillet 2017
L’employeur ne conteste pas qu’il a été redevable envers le salarié de la somme de 354,75 euros, au titre de l’absence de compensation financière pour les temps l’habillage et du déshabillage de 2014 à 2017.
L’employeur reconnaît, sur le principe, qu’il a dû cette somme et il lui appartient de démontrer qu’il s’est en est libéré entre les mains du salarié, conformément à ce qu’il prétend. Toutefois, contrairement à ce qu’il affirme, il ne démontre pas avoir réglé ladite somme salarié en octobre 2019. En effet, s’il produit les bulletins de salaires de mois d’octobre et de novembre 2019 qui mentionnent le versement d’indemnités d’habillage et de déshabillage, rien ne permet de dire que cette somme couvrait les temps d’habillage et de déshabillage réclamés par le salarié de 2014 à 2017. L’employeur n’explique pas comment il parvient à cette somme mentionnée sur les bulletins de paie produits.
Confirmant le jugement, Il y a lieu de condamner la société La Quinta à régler à M. [V] [Y] la somme de 354, 75 euros.
5-Sur la demande en paiement de 252 euros au titre des cotisations de mutuelle indûment prélevées sur la période du 1 er janvier 2016 au 30 juin 2017
L’employeur ne conteste pas qu’il était redevable de la somme de 252 euros au bénéfice du salarié, lui ayant à tort prélevé chaque mois à compter du mois de janvier 2016, la somme de 14 euros au titre de frais de mutuelle forfaitaire.
Cependant, l’employeur démontre s’être libéré de cette dette de 252 euros, en produisant aux débats les bulletins de salaire d’octobre et de novembre 2019. On peut en effet lire que la somme de 252 euros au titre d’un ‘remboursement mutuelle’ a été réglée au salarié en même temps que ses salaires.
Il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il condamne la société La Quinta à régler à M. [Y] la somme de 252 euros au titre des cotisations de mutuelle indûment prélevées sur la période du 1 er janvier 2016 au 30 juin 2017.
La cour, statuant à nouveau, rejette cette demande.
6-Sur les avertissements des 25 avril 2017 et 31 mai 2017
Le salarié demande la confirmation du jugement en ce qu’il a annulé les avertissements notifiés les 25 avril et 31 mai 2017. L’employeur ne s’y oppose pas.
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a annulé les avertissements notifiés par la société La Quinta à M. [V] [Y] les 25 avril 2017 et 31 mai 2017.
7-Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral
Selon l’article L. 1152-1 du code du travail « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
En application du même texte et de l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En l’espèce, M. [V] [Y] présente les éléments de fait suivants :
– outre le désaveu manifeste de la nouvelle direction de la société La Quinta, d’un salarié au passé disciplinaire vierge, M. [V] [Y] a subi une dégradation préalable de ses conditions de travail dès la transformation du restaurant en boulangerie.
– M. [V] [Y] s’est vu cantonner à des fonctions de simple commis de cuisine, dans le
dessein manifeste de pousser le salarié vers la porte de sortie par la voie de démission, à l’instar de nombreux autres collègues de travail dont le contrat de travail a été transféré,
– avant le rachat du fonds de commerce de la société Philaunat, il était employé aux fonctions de chef cuisinier, catégorie agent de maîtrise, niveau 4 échelon 2 de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants
– le niveau de classification et l’échelon de M. [V] [Y] (niveau IV, échelon 2) ont purement et simplement disparu de ses bulletins de salaire à compter du début de l’année 2017,
– M. [V] [Y] a été arbitrairement déclassé par la société La Quinta, laquelle a abusivement retiré à M. [V] [Y] ses fonctions et ses responsabilités de chef cuisinier, afin de les attribuer à la nouvelle responsable de la cuisine, Mme [T] [Z],
– la société La Quinta reconnaît d’ailleurs expressément, dans ses écritures, aux termes d’un aveu judiciaire, que Mme [T] [Z] a été recrutée aux fonctions de chef cuisinier, au lieu et place de M. [V] [Y],
– En outre, M. [V] [Y] a vu ses jours et horaires de travail être modifiés du jour au lendemain, sans aucune information ni concertation préalable,
– M. [V] [Y] est, qui plus est, passé en horaires cycliques.
– M. [V] [Y] qui ne travaillait jamais les samedi et dimanche du temps où le fonds de commerce était exploité par la société Philaunat s’est ainsi vu imposer de travailler les week-end,
– M. [V] [Y] s’est même vu refuser le droit de passer les commandes auprès des fournisseurs, responsabilité qui lui était pourtant dévolue jusqu’alors,
– M. [V] [Y] était en outre sous une surveillance accrue et constante : ainsi, entre les mois de mai et juin 2017, la société La Quinta relèvera prétendument 16 dates différentes au cours desquelles il aurait été constaté des manquements du salarié,
– La nouvelle responsable de la cuisine, Mme [T] [Z] aurait même reçu pour consigne de prendre des photos du salarié.
Au soutien de son allégation d’un harcèlement moral, M. [V] [Y] produit en particulier les pièces suivantes :
– ses bulletins de salaires laissant apparaître qu’il était classé au niveau IV échelon 2 par la société Philaunat et qu’à compter de janvier 2017, son niveau de classification a disparu de ses bulletins de salaires,
– un extrait de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997 précisant que la classification au niveau IV échelon 2 relève de la maîtrise et est le niveau de qualification le plus élevé,
– un courriel du 5 septembre 2016 de ses anciens employeurs, par lequel ces derniers lui indiquent que, selon le nouvel employeur, ‘une nouvelle organisation va être nécessaire en cuisine’. Ce courriel contient un planning des jours de travail du salarié (mais également de deux autres salariés), qui laisse apparaître que ce dernier est passé en horaires cycliques,
– les feuilles d’heures effectuées par le salarié pour les mois de mai, juin, juillet 2017 qui montrent que celui-ci travaillait le samedi et parfois le dimanche,
– les deux courriers d’avertissements des 25 avril 2017 et 31 mai 2017 notamment pour défaut de respect des règles d’hygiène,
– le courrier 3 mai 2017, adressé à son employeur, dans lequel le salarié écrit : ‘ Or, je m’inscris en faux contre cette sanction disciplinaire que je juge injustifiée et vous demande par la présente de l’annuler : concernant les reproches au niveau de l’hygiène alimentaire, je tiens à vous informer que j’ai reçu une formation en HACCP, qui vous êtes sans ignorer est obligatoire pour le personnel de cuisine et dont je suis le seul à l’acte actuelle sur l’établissement Le Quinta à l’avoir faite (…) AU sujet du reproche selon lequel je ne me serai pas lavé les mains après être allé aux toilettes, je tiens à vous signaler que cela est faux d’autant plus que le lave-main se situe à l’intérieur des toilettes du personnel et par conséquent son utilisation est invisible à un observateur extérieur’,
– le courrier du 16 juin 2017 adressé à l’employeur par le salarié : ‘Or, je m’inscris en faux contre cette sanction disciplinaire que je juge injustifiée et vous demande par la présente de l’annuler (…) Vous me reprochez de ne pas suivre le plan de nettoyage et de désinfection, or celui-ci n’existe pas (se référer au courrier risque sanitaire majeur du 9 mai 2017, article 4, que je vous ai fait parvenir) et j’en profite pour vous signaler le manque de produits d’entretien adaptés à la mise en place d’un protocole de nettoyage digne de ce nom (…) Le plan de lutte contre les nuisibles n’existe pas (…) ‘
– un extrait du compte rendu d’entretien préalable au licenciement dans lequel le conseiller du salarié relève : « Je souligne que l’énumération à l’heure et à la minute près de l’ensemble des griefs reprochés à M [Y] ressemble à une forme de harcèlement’,
– un certificat médical du 30 juillet 2019 d’un médecin généraliste indiquant au sujet du salarié : ‘il est suivi pour troubles du sommeil’,
– une ordonnance du 30 juillet 2019 du médecin généraliste prescrivant un traitement médicamenteux au salarié,
L’ensemble des éléments ainsi produits, appréhendés dans leur ensemble, laisse supposer l’existence d’un harcèlement moral, auquel il appartient à l’employeur de répondre.
L’employeur soutient que :
– M. [V] [Y] a fait l’objet, préalablement à son licenciement, de deux avertissements au titre de son comportement mais également au titre de ses manquements aux règles d’hygiène,
– compte tenu de ses fonctions, le salarié avait en charge la responsabilité de l’organisation du travail et du contrôle du respect des règles d’hygiène, essentielles dans ce domaine d’activité,
– malgré son expérience et sa connaissance des règles applicables, n’en avait que faire des injonctions de son employeur,
– ne supportant pas le transfert de son contrat et de l’activité, M. [V] [Y] ne cherchait en réalité qu’à nuire à son employeur. Cette attitude a donc obligé la société La Quinta non pas à « épier » son salarié et donc de le « harceler » comme en atteste faussement le conseiller du salarié, mais à consigner les agissements fautifs, son employeur devant sans cesse le rappeler à l’ordre,
– contrairement à ce qu’il soutient, M. [V] [Y] n’a aucunement été déclassé au profit de Mme [T] [Z] qui exerçait un poste avec une classification supérieure, puisqu’elle était responsable snacking, coefficient 185. Mme [T] [Z] a été recrutée pour renforcer l’équipe en place en prenant le management de la cuisine,
-la disparition de la classification de M. [V] [Y] est uniquement liée à une simple erreur matérielle du fait du changement du logiciel de paie. Preuve en est, les bulletins de paie de juillet 2016 à décembre 2016 font apparaître une classification inchangée,
– M. [V] [Y] prétend également avoir été contraint d’être suivi médicalement, produisant une attestation du Docteur [G] [H] et une ordonnance respectivement datées du 30 juillet 2019. Or, l’attestation est datée du 30 juillet 2019, soit plus de deux ans après le licenciement de M. [V] [Y] si bien qu’il ne peut être fait aucun lien entre les conditions de travail du salarié et son état de santé actuel.
L’employeur verse en particulier aux débats les pièces suivantes :
– les bulletins de paie de juin 2016 à décembre 2016 faisant apparaître une classification inchangée,
– le contrat de travail de Mme [T] [Z] faisant apparaître que cette dernière a été engagée le 17 mars 2017 en qualité de responsable snackings, la qualification retenue correspondant au coefficient 185, soit une classification supérieure à celle du salarié.
Il résulte de ce qui précède que la disparition de la classification du salarié sur les bulletins de salaires à compter de janvier 2017 ne s’est pas traduite par une diminution de la rémunération de M. [V] [Y]. Le certificat médical produit aux débats par le salarié, faisant état de simples troubles du sommeil sans davantage de précisions, date de plus de deux années après le En outre, les relations entre le salarié et son nouvel employeur étaient conflictuelles et tendues. Il y avait des reproches réciproques et un conflit alimenté par les deux parties. Enfin, rien ne permet de dire que les attributions du salarié ont radicalement changé et ont correspondu à un niveau de responsabilités inférieur à celui auquel il pouvait prétendre.
Le harcèlement moral n’est pas caractérisé. Confirmant le jugement, il y a lieu de rejeter la demande de M. [Y] [V] de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
Ceux-ci constituent des agissements répétés de harcèlement moral ayant eu pour effet d’altérer la santé physique et mentale de M. [V] [Y] de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, et de compromettre son avenir professionnel.
Le harcèlement moral ainsi caractérisé ouvre droit à indemnisation du préjudice moral occasionné qui sera intégralement réparé par l’allocation de dommages-intérêts à hauteur de la somme de 2000 euros à laquelle il convient de condamner la société La Quinta par voie d’infirmation du jugement déféré.
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
1-Sur la demande tendant à voir dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse
La faute grave est définie comme la faute qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
Il appartient à l’employeur qui entend se prévaloir de la faute grave de l’autre partie d’en apporter seul la preuve.
La gravité de la faute s’apprécie en tenant compte :
– du contexte des faits
– de l’ancienneté du salarié
– des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié de l’existence ou de l’absence de précédents disciplinaires.
La lettre de licenciement du 3 juillet 2017 est ainsi rédigée’:
«'(‘) en date du 27 mai 2017, vous n’avez pas rangé convenablement l’espace poubelle comme cela vous a pourtant été demandé par votre responsable hiérarchique (cartons jetés en vrac alors que la copropriété exige une rigueur concernant le rangement du local poubelle). En outre, vous n’avez pas fermé correctement les boîtes contenant des produits alimentaires secs (ex’: sel), ce qui a eu pour conséquence l’intrusion d’insectes. Nous vous avons déjà averti pour des faits similaires par LRAR en date du 31 mai 2017.
En date du 6 juin 2107, vous vous êtes permis de travailler des produits alimentaires (retartiner les bagels) après avoir manipulé les poubelles sans vous être préalablement lavé les mains, augmentant ainsi considérablement le risque d’infection bactériologique (‘)
Le jour même, nous avons malheureusement constaté que vous persistiez à ne pas effectuer la rotation des produits dans le frigo comme cela vous a pourtant été demandé et ce à plusieurs reprises, par votre responsable hiérarchique (présence de fruits pourris) (…)
Pire Encore’: Lorsqu’on vous a demandé de bien vouloir ranger l’espace fruit au sein des frigos, vous vous êtes permis de laisser une caisse d’orange pourrie pleine de moucherons, sans prévenir votre responsable hiérarchique, contrevenant ainsi à votre devoir d’alerte que vous prétendez pourtant assurer par vos LRAR, en date des 09 mai 2017 et 19 juin 2017, qui sont bien entendu établis uniquement pour les besoins de la cause (en effet, les conclusions du contrôle hygiène effectué dans nos locaux, en date du 14 avril 2017, par le Service Environnement Urbain de la Direction Santé Environnement Développement Durable, réfute vos accusations sans aucun fondements).
Enfin, vous persistez à ne pas appliquer correctement le plan de nettoyage qui, contrairement à vos dires, existe bien dans notre établissement. (‘)
En date du 07 juin 2017, Vous vous êtes permis de laisser du jambon ainsi que du bacon à température ambiante, après utilisation, et ce durant plus d’une heure. (‘) Au surplus, vous avez omis de finir d’emballer certains sandwichs que vous aviez préalablement préparés et vous les avez laissés également à l’air libre durant plus de 45 minutes.
Une fois de plus, force a été malheureusement de constater que vous n’emballiez pas et ne protégiez pas systématiquement les produits alimentaires non utilisés que vous souhaitiez stocker. (‘)
En date du 11 juin 2017, nous avons eu à déplorer de votre part un manque d’implication et de professionnalisme indéniable. En effet, vous avez mis des légumes non-lavés sur les pizzas. En outre, vous avez rangé dans l’espace de stockage de la vaisselle propre des moules à tarte non lavés.
En date du 13 juin 2017, vous avez fait cuire des filets de poulet pour la fabrication de sandwichs. Ce n’est qu’à la fin de votre service, soit après que lesdits sandwichs aient été vendus et consommés par nos clients, que vous avez daigné informer votre hiérarchie sur la mauvaise odeur des filets de poulet que vous avez pourtant cuisiné en toute connaissance de cause.
(‘) Le jour même, vous avez une fois encore laissé votre poste de travail dans un état non conforme aux dispositions pourtant clairement indiqué sur le plan de nettoyage, dont vous niez volontairement l’existence, et qui est pourtant affiché aux vues de tous dans le laboratoire de production.
En date du 19 juin 2017, votre responsable hiérarchique découvrait dans les frigos un paquet de gruyère râpé avec une DLC au 12 juin 2017, soit dépassée de 7 jours. Or, ce fromage râpé est exclusivement utilisé dans la confection des pizzas dont vous êtes le seul à en avoir la charge !
En date du 22 juin 2017, vous vous êtes permis de nettoyer vos outils de travail, ainsi que la lavette au-dessus de la passoire vide où une collègue de travail s’apprêtait à égoutter du riz. Non seulement, vous n’avez pas nettoyé ladite passoire, mais vous vous êtes bien gardé d’en informer vos collègues. Le jour même, vous avez été surpris en train de vous gratter le visage avec vos mains très curieusement gantées depuis votre première lettre d’avertissement, en date du 25 avril 2017. Vous n’avez pas hésité à reprendre votre activité sans changer de gants’
En date du 26 juin 2017, vous avez laissé sur votre plan de travail des paquets d’oignons surgelés à température ambiante.
Enfin, en date du 27 juin 2017, le jour de l’entretien préalable, force a été de constater que nous nous sommes trouvés en rupture de stock de bagels dont vous aviez en charge la fabrication. Vous n’avez pas jugé utile, ni de le signaler, ni d’anticiper pour éviter ladite rupture.
(‘) Nous considérons que l’ensemble des faits susmentionnés constituent une faute grave rendant impossible votre maintien temporaire même dans entreprise. Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture.’»
La cour ayant annulé les avertissements notifiés au salarié les 25 avril 2017 et 31 mai 2017, l’employeur ne saurait se prévaloir desdits avertissements pour justifier la faute grave invoquée.
La société La Quinta reproche tout d’abord au salarié de ne pas avoir rangé correctement l’espace poubelle et de n’avoir pas fermé correctement les boites contenant des produits alimentaires, et ce le 27 mai 2017.
Cependant, le salarié produit un planning de travail mentionnant qu’il ne travaillait pas ce jour là. Le propre planning de l’employeur, censé établir au contraire que le salarié était présent le 27 mai 2017, comporte seulement une signature dont on ignore qui en est l’auteur. En outre, la mention suivante est apposée sur ce planning : ‘Pas d’accord’. L’employeur verse encore aux débats un autre planning intitulé ‘planning snacking’ mais qui ne comporte pas la signature du salarié.
Ainsi, il n’est pas suffisamment établi que le salarié travaillait le jour des faits reprochés. En outre, le planning versé aux débats par l’employeur mentionne que trois autres salariés travaillaient le jour des faits reprochés, dont Mme [Z], qui était responsable snacking. Enfin, le salarié relève à juste titre qu’il travaillait comme cuisinier et que rien ne permet de dire qu’il entrait dans ses attributions de ranger l’espace poubelles.
Ce grief est insuffisamment établi.
La lettre de licenciement relève ensuite que le 6 juin 2017, le salarié s’est permis de ‘travailler des produits alimentaires (re-tartiner les bagels) après avoir manipulé les poubelles sous vous être, préalablement lavé les mains, augmentant ainsi considérablement le risque d’infection bactériologique’.
L’attestation produite aux débats par l’employeur, censée démontrer la réalité de ce manquement, est sans rapport avec ce dernier. En effet, Mme [C] [W], responsable de magasin atteste seulement :’Etant responsable de magasin Le Duplex à [Localité 3], j’ai pu constater à plusieurs reprises que (…) M. [Y] [V] ne se lavait pas les mains après être allé aux toilettes.’
Il en est de même s’agissant de l’attestation de Mme [T] [Z], laquelle dit en effet seulement que :’A plusieurs reprises, je l’ai vu s’essuyer le visage, se moucher, sans se laver les mains ensuite.’
Ce grief est insuffisamment établi.
La lettre de licenciement reproche encore au salarié d’autres faits commis le 6 juin 2017 également :’ le jour même, nous avons malheureusement constaté que vous persistiez à ne pas effectuer la rotation des produits dans les frigos comme cela vous a pourtant été demandé, et ce à plusieurs reprises, par votre responsable hiérarchique (présence de fruits pourris).’
En application de l’article 2 de son contrat de travail, il entrait dans les missions du salarié d’ :’assurer la responsabilité de l’hygiène alimentaire et la qualité des produits avant et après la préparation’ et de ‘respecter les normes d’hygiène’.
Or, deux salariés attestent précisément de la réalité de ce grief.
Mme [D] [A], cuisinière, affirme’: «’il ne trie pas et ne range pas les frigo lors de la livraison de légumes et matériaux’».
Mme [P] [O], cuisinière également, indique’: «’il laisse la nourriture pourrir dans le frigo’».
Ces attestations sont précises et concordantes. Quand bien même ces deux témoins auraient été engagés nouvellement au moment de l’ouverture de la boulangerie, cela ne signifie pas qu’elles n’ont pas directement vu ce dont elles attestent.
Le salarié verse de son côté une attestation de Mme [I], son ancienne responsable, affirmant que le 6 juin 2017, la rotation des produits alimentaires a été effectuée par M. [V] [Y]. Cette attestation n’est pas de nature à créer le doute quant au grief reproché, dés lors qu’elle est contredite par deux attestations concordantes.
Ce grief est suffisamment établi.
La lettre de licenciement reproche au salarié : ‘Lorsqu’on vous a demandé de bien vouloir ranger l’espace fruit au sein des frigos, vous vous êtes permis de laisser une caisse d’orange pourrie pleine de moucherons, sans prévenir votre responsable hiérarchique, contrevenant ainsi à votre devoir d’alerte’.
Les deux attestations produites, émanant de Mme [O] et de Mme [A], sont rédigées en termes très généralistes et elles n’évoquent pas précisément ce grief en particulier. Il en est de même pour ce qui est du jambon et bacon à température ambiante après utilisation le 7 juin 2017.
Les photographies produites aux débats par l’employeur ne permettent pas d’avoir des certitudes sur le contexte, la date, le lieu. Elles ne permettent pas d’établir ce grief en particulier.
La lettre de licenciement indique :’En date du 11 juin 2017, nous avons eu à déplorer de votre part un manque d’implication et de professionnalisme indéniable. En effet, vous avez mis des légumes non-lavés sur les pizzas. En outre, vous avez rangé dans l’espace de stockage de la vaisselle propre des moules à tartes non lavés’.
M. [V] [Y] affirme qu’il ne travaillait pas le 11 juin 2017 et il soutient que Mme [C] [I] en atteste. Cependant, l’attestation de Mme [I] indique seulement «’Le 11 juin 2017, M. [Y] ne s’est pas occupé de légumes, pizzas, ni de la vaisselle’». Ainsi, Mme [I] n’atteste pas que le salarié ne travaillait pas le 11 juin 2017. Les termes utilisés par ce témoin démontrent au contraire que le salarié travaillait au contraire ce jour du 11 juin 2017.
Si la carte électorale du salarié comporte un tampon du bureau de vote le 11 juin 2017, cela signifie seulement que M. [V] [Y] a exercé son droit de vote à un moment donné dans la journée. L’employeur affirme que M. [V] [Y] a travaillé la matinée seulement, ce qui lui laissait le temps d’aller voter ensuite.
Le texto prétendument envoyé par le salarié à sa mère le 11 juin 2017 à 11H28 et qui le montre en train de lire un journal dans un lieu privé ne permet pas non plus d’établir qu’il n’a pas du tout travaillé la journée du 11 juin 2017. En effet, le salarié a très bien pu envoyer, depuis son lieu de travail, une photographie prise à un autre moment. En outre, il est possible, par beaucoup de moyens, de modifier les réglages du téléphone ou les indications sur une prétendue impression d’un texto.
Concernant la matérialité du grief, Mme [P] [O] affirme ceci’dans son attestation : «’il ne lave pas les légumes pour pizza’».L’attestation de Mme [I] indique’:«’Le 11 juin 2017, M. [Y] ne s’est pas occupé de légumes, pizzas, ni de la vaisselle’».Cette attestation ne saurait emporter la conviction de la cour, sur ce grief celle-ci n’étant pas assez circonstanciée.
Ce grief est suffisamment établi.
La lettre de licenciement mentionne : ‘En date du 17 juin 2017, vous persistiez à ne pas filmer systématiquement les aliments utilisés que vous souhaitez stocker dans les frigos.’
Ce grief est établi par une attestation précise et circonstanciée sur ce point, corroborée par une deuxième attestation. Mme [O] indique en effet :’Il laisse les poulets très longtemps dehors après la cuisson et il les mets dans frigo sans filmer’.Mme [Z] ajoute ‘il ne range rien correctement dans les frigos : aliments non filmés’.
Les photographies produites aux débats par le salarié ne sont que l’image d’un moment précis dans la journée et ne sauraient dédouaner le salarié de tout manquement pendant toute la durée de la journée du 17 juin 2017.
La lettre de licenciement impute au salarié : ‘en date du 19 juin 2017, votre responsable hiérarchie découvrait dans les frigos un paquet de gruyère râpé avec une DLC au 12 juin 2017, soit dépassée de 7 jours. Or, ce fromage râpé est exclusivement utilisé dans la confection des pizzas dont vous êtes le seule à en avoir la charge’.
L’employeur ne produit aucune pièce attestant de la réalité de ce grief à la date indiquée dans la lettre de licenciement et selon les circonstances décrites.
Ce grief est insuffisamment établi.
La lettre de licenciement reproche encore au salarié : des faits du 22 juin 2017 concernant le fait d’avoir sali une passoire et concernant le fait de s’être gratté le visage sans changer de gants, des faits du 26 juin 2017 concernant le fait d’avoir laissé des paquets d’oignons surgelés à température ambiante, des faits du 27 juin 2017 concernant une rupture non anticipée de stocks de bagels.
L’employeur ne produit aucune pièce attestant de la réalité de ces griefs aux dates indiquées dans la lettre de licenciement et selon les circonstances décrites.
Finalement, les griefs de la lettre de licenciement dont la réalité est démontrée par l’employeur sont les suivants’:
– pas de rotation des produits dans les frigos le 6 juin 2017 (faits réitérés)
– le 11 juin 2017, le salarié a mis des légumes non lavés sur les pizzas,
-le 17 juin 2017, le salarié n’a pas filmé les aliments utilisés stockés dans les frigos (faits réitérés).
Le salarié invoque le fait que la ville d'[Localité 3] a relevé, dans un rapport du 18 avril 2017, des non-conformités aux règles d’hygiène. Cependant et d’une part, ce n’est parce que l’employeur a éventuellement lui-même manqué à ses obligations en matière d’hygiène, que cela dispensait le salarié de respecter ses propres obligations contractuelles d’:’assurer la responsabilité de l’hygiène alimentaire et la qualité des produits avant et après la préparation’ et de ‘respecter les normes d’hygiène’. D’autre part, un certain nombre de défauts de conformité relevés concernaient les propres attributions des salariés.
Au regard de l’ancienneté du salarié (engagé le 6 mai 2013 comme cuisinier et licencié le 3 juillet 2017) et du fait que les manquements relevés sont intervenus dans un contexte conflictuel entre les parties, la faute grave ne saurait être retenue.
En revanche, la faute simple constitutive d’une cause réelle et sérieuse de licenciement justifie le licenciement prononcé.
Infirmant le jugement, il y a lieu de dire que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse. Y ajoutant, il y a lieu de dire que le licenciement était fondé sur une faute simple.
2-Sur la demande de rappels de salaires durant la mise à pied conservatoire
Seule une faute grave peut justifier le non-paiement du salaire pendant une mise à pied conservatoire.
Le salarié est en droit de prétendre au paiement des salaires dont il a été à tort privé du 27 juin 2017 (date de sa mise à pied conservatoire) au 4 juillet 2017 (date de notification de son licenciement). Compte tenu du calcul effectué par l’employeur, la créance de salaires est de 827, 76 euros outre 82, 78 euros au titre des congés payés afférents.
Infirmant le jugement sur ce point, la cour condamne la société La Quinta à payer à M. [V] [Y] les sommes de 827,76 euros outre 82,78 euros au titre des congés payés afférents.
3-Sur l’indemnité compensatrice de préavis
Il résulte de l’article 30.2 de la convention collective nationale des hôtels, café et restaurants, qu’en dehors de la période d’essai, en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée, la durée du préavis est fixée en fonction de l’ancienneté continue, sauf faute grave ou faute lourde.
Cette durée est de deux mois pour les salariés comptant plus de deux ans d’ancienneté, de la catégorie du salarié.
La faute grave n’étant pas démontrée et le salarié comptant plus de deux années d’ancienneté au moment de son licenciement, M. [V] [Y] peut prétendre au versement d’une indemnité compensatrice de préavis de deux mois de salaires, soit la somme de 5 768, 42 euros (2884, 21 euros x 2).
Confirmant le jugement sur ce point, la cour condamne la société La Quinta à payer à M. [V] [Y] les sommes de 5768, 42 euros outre 576, 84 euros au titre des congés payés afférents.
4-Sur l’indemnité de licenciement
L’article L1234-9 du code du travail, dans sa version en vigueur du 27 juin 2008 au 24 septembre 2017, dispose : Le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.
La faute grave n’étant pas démontrée et le salarié comptant plus d’une année d’ancienneté au moment de son licenciement, M. [V] [Y] peut prétendre au versement d’une indemnité de licenciement se calculant ainsi : (2884, 21 euros/1/5)x 4 ans et 2 mois, soit la somme de 2403, 50 euros.
Confirmant le jugement sur ce point, la cour condamne la société La Quinta à payer à M. [V] [Y] la somme de 2403, 50 euros au titre de l’indemnité de licenciement.
5-Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le licenciement ayant une cause réelle et sérieuse, le salarié doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé à ce titre.
6-Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct de celui résultant de la rupture de son contrat de travail
Le salarié licencié peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation d’un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi à la condition de justifier d’une faute de l’employeur dans les circonstances entourant le licenciement de nature brutale ou vexatoire.
En l’espèce, le salarié ne démontre pas l’existence de fautes commises par l’employeur dans les circonstances entourant le licenciement. Le salarié invoque aussi un préjudice moral en lien avec un harcèlement moral, harcèlement qui n’a pas été retenu par la cour.
M. [V] [Y] est débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure vexatoire. Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur la remise de documents
La cour ordonne à la société La Quinta de remettre à M. [V] [Y] les documents de fin de contrat rectifiés: l’attestation destinée au Pôle emploi conforme à la présente décision.
Il n’est pas nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte. La demande en ce sens est rejetée.
Sur les frais du procès
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société La Quinta sera condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 2.500 euros.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,
-Infirme le jugement en ce qu’il’:
– dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
– condamne la société La Quinta’à payer à M. [V] [Y]’:
17 306 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
100 euros de dommages et intérêts pour délivrance tardive de l’attestation du Pôle Emploi,
252 euros au titre des cotisations de mutuelle indûment prélevées sur la période du 1 er janvier 2016 au 30 juin 2017,
709,52 euros au titre de la mise à pied conservatoire,
70,95 euros au titre des congés payés afférents,
– Confirme le jugement en ce qu’il condamne la société La Quinta à régler à M. [V] [Y] :
100 euros de dommages et intérêts au titre du non-respect des dispositions relatives à la portabilité de la prévoyance
271,04 euros à titre de rappel d’avantage en nature (repas) sur la période du 14 mars 2017 au 4 juillet 2017
354,75 euros au titre des temps d’habillage et de déshabillage du 4 juillet 2014 au 4 juillet 2017
5.768,42 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis
576,84 euros au titre des congés payés y afférents.
2.403,50 euros à titre d’indemnité de licenciement.
– Confirme le jugement en ce qu’il :
– annule les avertissements notifiés par la société La Quinta à M. [V] [Y] les 25 avril 2017 et 31 mai 2017,
– rejette la demande de M. [V] [Y] de dommages et intérêts pour harcèlement moral
– rejette la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,
– Statuant à nouveau,
– dit que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse,
– rejette la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– rejette les demande de M. [V] [Y] en paiement de :
354,75 euros à titre de compensation financière aux temps d’habillage et de déshabillage sur la période du 4 juillet 2014 au 4 juillet 2017
252 euros au titre des cotisations de mutuelle indûment prélevées sur la période du 1 er janvier 2016 au 30 juin 2017
271,04 euros au titre de l’avantage en nature
de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– Condamne la société La Quinta à payer à M. [V] [Y] :
500 euros de dommages et intérêts pour délivrance tardive de l’attestation du Pôle Emploi
827,76 euros au titre d’un rappel de salaires dus durant la période de mise à pied conservatoire
82,78 euros au titre des congés payés afférents
Y ajoutant,
– Dit que le licenciement était fondé sur une faute simple et non sur une faute grave,
– Ordonne à la société La Quinta de remettre à M. [V] une attestation destinée au Pôle emploi conforme à la présente décision,
– Rejette la demande d’astreinte,
– Condamne la société Quinta aux dépens,
– Condamne la société La Quinta à payer à M. [V] [Y] une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Rejette toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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