Droit du logiciel : 25 janvier 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/02871

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Droit du logiciel : 25 janvier 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 22/02871

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

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ARRÊT DU : 25 JANVIER 2023

PRUD’HOMMES

N° RG 22/02871 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MX6A

Madame [B] [O]

c/

S.A.S. POMME D’HAPPY

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 19 mai 2022 (R.G. n°2022-1755) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Référé, suivant déclaration d’appel du 14 juin 2022,

APPELANTE :

Madame [B] [O]

née le 30 Novembre 1983 à [Localité 4] de nationalité Française demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée de Me Jean-François DACHARRY substituant Me Claire MORIN de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SAS Pomme d’Happy, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 2]

N° SIRET : 814 250 957

représentée par Me Laurence TASTE-DENISE de la SCP RMC & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 novembre 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Madame [B] [O], née en 1983, exerce en qualité de psychologue sous la forme d’une entreprise individuelle depuis le 3 février 2014.

Dans le courant de l’année 2015, Mme [O] et Mme [F] [X], amies d’enfance, ont formé le projet de créer et développer une activité de micro-crèche.

Elles ont constitué ensemble une SCI dénommée Django en vue d’acquérir l’immeuble dans lequel l’activité envisagée serait exercée, dans laquelle elles sont associées à 50% chacune et dont elles sont toutes deux cogérantes.

Elles ont part la suite constitué ensemble une SAS dénommée Pomme d’Happy dont le capital est détenu à hauteur de 51% par Mme [X] et à hauteur de 49% par Mme [O]. Les deux associées se sont portées cautions solidaires à hauteur de 30% chacune du prêt professionnel souscrit.

La société a été immatriculée le 23 octobre 2015 et a débuté son activité un an plus tard en 2016.

En septembre 2021, un second établissement a été ouvert après la création par les deux associées d’une deuxième SCI dénommée Amica propriétaire d’un second immeuble et dans laquelle elles sont associées à 50% chacune et dont elles sont toutes deux cogérantes.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [O] s’élevait à la somme de 1.519,17 euros.

Par courrier en date du 23 février 2022, Mme [O] a pris acte de la rupture de son contrat de travail et a sollicité la remise des documents de fin de contrat. Par courrier en date du 1er mars 2022, Mme [X] a informé Mme [O] qu’elle considérait qu’il n’existait pas de relations contractuelles de travail entre les parties faute de contrat de travail et qu’elle s’opposait à la remise des documents sollicités.

Demandant la remise de son certificat de travail, de son attestation de travail, de son solde de tout compte et le règlement de celui-ci à défaut sous peine d’astreinte, Mme [O] a saisi le 21 mars 2022 le conseil de prud’hommes de Bordeaux en sa formation de référé, qui, par ordonnance rendue le 19 mai 2022, a :

– constaté une contestation sérieuse,

– dit qu’il n’y a pas lieu à référé et a invité Mme [O] à mieux se pourvoir au fond,

– débouté Mme [O] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé à chacune des parties la charge de ses dépens.

Par déclaration du 14 juin 2022, Mme [O] a relevé appel de cette décision, notifiée le 2 juin 2022.

Le 27 juin 2022, le président de la chambre sociale section A de la cour d’appel de Bordeaux a rendu une ordonnance et un avis de fixation de l’affaire à bref délai.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 5 juillet 2022, Mme [O] demande à la cour d’infirmer l’ordonnance rendue par le conseil de prud’hommes de Bordeaux le 19 mai 2022,

Et statuant à nouveau, de :

– condamner la société Pomme d’Happy à lui remettre, sous les trois jours de la notification de la décision à intervenir :

* son certificat de travail,

* son attestation Pôle Emploi,

*son solde de tout compte et le règlement de celui-ci,

– dire qu’à défaut pour la société Pomme d’Happy d’avoir transmis ces documents dans ce délai, elle y sera contrainte par le paiement d’une astreinte définitive de 500 euros par jour de retard pendant une durée d’un mois au-delà de laquelle il sera fait droit à nouveau,

– condamner la société Pomme d’Happy à lui payer une somme de 1.500 euros d’indemnités sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux dépens de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 juillet 2022, la société Pomme d’Happy demande à la cour de’:

– juger recevable mais mal fondé l’appel interjeté par Mme [O] à l’encontre de l’ordonnance de référé du 19 mai 2022 rendue par le conseil de prud’hommes de Bordeaux,

En conséquence,

– confirmer l’ordonnance du 19 mai 2022 en ce qu’elle a renvoyé Mme [O] à mieux se pourvoir devant le juge du fond,

– la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamner Mme [O] à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [O] aux entiers dépens de première instance et d’ appel.

La clôture de la procédure a été fixée 15 jours avant la date de l’audience.

L’affaire a été fixée à l’audience du 28 novembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour voir condamner la SAS Pomme d’Happy à lui verser les documents de fin de contrat, Mme [O] fait valoir l’existence d’un contrat de travail la liant à la société et la plaçant sous la subordination de sa directrice, Mme [X].

Au contraire, la SAS Pomme d’Happy soulève l’existence d’une contestation sérieuse, soutenant l’absence de lien de subordination de Mme [O] à son égard. Faisant état de ce que Mme [O] exerce une activité professionnelle libérale de psychologue, la société fait valoir la qualité de dirigeante de fait de Mme [O], laquelle ne justifie pas avoir exercer une fonction technique distincte de la gestion de la société Pomme d’Happy dont elle était associée et co-gérante.

L’article R.1455-5 du code du travail dispose que dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

En vertu de l’article R.1455-6 du même code, même en présence d’une contestation sérieuse, le juge des référés peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Enfin, l’article R.1455-7 du même code dispose que dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il y a contrat de travail lorsqu’une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la subordination d’une autre, moyennant rémunération.

Si le statut de travailleur indépendant crée une présomption d’absence de salariat, cette présomption cède devant la démonstration de ce que le travailleur indépendant est lié au donneur d’ordre dans des conditions telles qu’elles le placent sous la subordination de celui-ci.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Pour voir ordonner la production des documents de fin de contrat et établir l’existence d’un contrat de travail, Mme [O] verse aux débats :

– ses bulletins de paie depuis le septembre 2016 jusqu’à février 2022, établis par la présidente de la société, pour un emploi de « gestionnaire micro-crèche » et faisant référence à la convention collective nationale des acteurs du lien social et familial : centres sociaux et socioculturels;

– le versement d’une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat en janvier 2022 sur décision unilatérale de l’employeur pour l’ensemble des salariés titulaires d’un contrat de travail à la date de versement de la prime et ayant une ancienneté de 2 mois minimum (article 2 de la décision prise par Mme [X] et bulletin de paie de janvier 2022);

– ses avis d’imposition des années 2019, 2020 et 2021 faisant apparaître des bénéfices non commerciaux de 10.650 euros sur 2018, 20.740 euros sur 2019 et 11.840 euros sur 2020 démontrant que son activité de psychologue libérale n’était pas son activité principale;

– les attestations de parents et de salariés de la micro-crèche confirmant sa présence continue sur l’ensemble des créneaux d’ouverture de la structure, et de ce qu’elle était la seule interlocutrice, recevant les familles, gérant les inscriptions, le recrutement du personnel et s’occupant des achats au quotidien;

– des échanges avec Mme [X], qui établissent que la relation de travail était basée sur un lien de salariat, la présidente affirmant avoir créé l’emploi principal de Mme [O], sous contrat à durée indéterminée, souhaiter en novembre 2021 réfléchir à une nouvelle répartition de ses responsabilités, notamment au titre de son contrat de travail, « afin d’encadrer tes fonctions de gestionnaire ». Dans un courriel du 25 janvier 2022, Mme [X] l’invite à ne pas confondre son statut « d’associée avec celui de salariée » et le rapport de gestion pour l’assemblée générale du 3 mars 2022 mentionne explicitement Mme [O] parmi les 10 salariés constituant les employés de la SAS Pomme d’Happy ;

– des échanges qui établissent l’existence d’un lien de subordination de Mme [O] à l’égard de la société, comme indiqué clairement par Mme [X] dans un courriel du 8 novembre 2021 : « en parallèle de cette problématique financière, j’ai pu constater de nombreuses défaillances de ta part, dans le cadre de la relation de travail et du lien de subordination qui te lie à la SAS Pomme d’Happy », la possibilité d’une « sanction disciplinaire » étant évoquée dans un courriel du 26 novembre 2021.

La cour retient de ces éléments produits par Mme [O] la présence d’un contrat de travail apparent exerçant les fonctions de gestionnaire de la micro-crèche sous le nom de la SAS Pomme d’Happy.

La société ne démontre pas quant à elle, le caractère fictif de ce contrat de travail apparent par les seuls éléments produits :

– s’il est reproché à Mme [O] d’utiliser le téléphone portable mis à sa disposition par la société pour son activité professionnelle, la création d’une adresse structurelle n’est pas justifiée, les documents adressés à la CAF portant une adresse « [Courriel 3] » n’étant ni datés ni signés et aucun courriel n’étantproduit attestant de l’utilisation de cette adresse ;

– l’absence d’utilisation du logiciel de gestion pour l’encaissement des frais de garde relevée par la société et constatée par procès verbal d’huissier en date du 5 avril 2022 ne démontre pas l’absence de lien de subordination, ce grief état au contraire soulevé par la société pour dénoncer un comportement fautif de Mme [O]. Dans un courriel du 26 novembre 2021, Mme [X] attire l’attention de Mme [O] sur des comportements qu’elle juge inacceptables et pouvant remettre en cause  » la poursuite d’activité et la pérennité de la société ».

L’existence d’un contrat de travail liant Mme [O] à la SAS Pomme d’Happy n’étant pas contestable, le conseil de prud’hommes sera infirmé en ce qu’il a dit y avoir une contestation sérieuse, a débouté Mme [O] de ses demandes et l’a invitée à mieux se pourvoir.

Suite au courrier de Mme [O] prenant d’acte de la rupture de son contrat de travail, la SAS Pomme d’Happy, employeur de Mme [O], sera condamnée à lui remettre dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision le certificat de travail, l’attestation Pôle Emploi, le solde de tout compte ainsi que le règlement de ce dernier sans que le prononcé d’une astreinte ne soit nécessaire.

Succombant à l’instance, la SAS Pomme d’Happy sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’au paiement à Mme [O] de la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d’appel.

*

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l’ordonnance de référé du conseil de prud’hommes en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

Condamne la SAS Pomme d’Happy à remettre à Mme [O], dans les deux mois à compter de la notification de la présente décision :

– son certificat de travail,

– l’attestation Pôle Emploi,

– le solde de tout compte ainsi que le règlement de ce dernier ;

Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;

Condamne la SAS Pomme d’Happy aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la SAS Pomme d’Happy à verser à Mme [O] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en procédure d’appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard

 


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