Droit du logiciel : 24 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/00367

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Droit du logiciel : 24 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/00367

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/00367 – N° Portalis DBVX-V-B7E-MZYN

SARL LUXUANT SECURITY GRAND SUD

C/

[B]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LYON

du 17 Décembre 2019

RG : 17/00942

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 24 MARS 2023

APPELANTE :

SARL LUXUANT SECURITY GRAND SUD

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Nadia BOUMEDIENE de la SELAS NB CONSEILS, avocat postulant inscrit au barreau de LYON, et représentée par Me Stéphane JANICKI, avocat plaidant inscrit au barreau de LILLE

INTIMÉ :

[N] [B]

né le 14 Janvier 1966 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me Stéphane TEYSSIER de la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Erika COUDOUR, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Janvier 2023

Présidée par Catherine CHANEZ, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Béatrice REGNIER, président

– Catherine CHANEZ, conseiller

– Régis DEVAUX, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 24 Mars 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

La société Luxant Security Grand Sud (ci-après, la société), a pour activité principale la prévention et la sécurité. Elle applique la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.

Elle employait au moins 11 salariés au moment du licenciement.

Elle a recruté M. [N] [B] à compter du 25 mai 2013, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, en qualité d’agent arrière caisse.

Le 28 mars 2014, le salarié a été victime d’un accident du travail sur le site de Castorama à [Localité 5].

En mai 2016, M. [B] a été placé en arrêt maladie jusqu’au 2 août 2016. A son retour, il a été affecté sur le site Boulanger de [Localité 4], la société ayant perdu le marché de Castorama.

M. [B] a fait l’objet de plusieurs sanctions disciplinaires :

-le 24 février 2014, un avertissement pour une absence injustifiée le 15 février 2014 ;

-le 17 avril 2014, un avertissement pour n’avoir adressé son justificatif d’arrêt pour accident de travail survenu le 2 avril 2014, que le 11 avril suivant ;

-le 18 novembre 2014, un rappel à l’ordre pour défaut de port de badge de façon visible lors de sa vacation du 15 novembre 2014 ;

-le 4 mars 2015, un avertissement pour ne pas avoir apporté la tenue adéquate ;

-le 30 août 2016, 2 avertissements pour des absences injustifiées les 20 et 25 août 2016 sur le site de Boulanger à [Localité 4].

Par courrier du 27 octobre 2016, la société lui a demandé de justifier de 11 absences sur le site de Boulanger à [Localité 4], durant le mois en cours.

Par courrier du 20 septembre 2016, la société a convoqué M. [B] à un entretien préalable à un licenciement disciplinaire fixé au 30 septembre 2016.

Par courrier du 31 octobre suivant, elle l’a convoqué à un nouvel entretien préalable, fixé au 14 novembre, auquel il ne s’est pas présenté.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 novembre 2016, la société lui a notifié son licenciement pour faute grave, dans les termes suivants :

« ‘nous constatons que vous n’avez pas pris les postes, ne respectant pas la planification établie par le Service exploitation de LUXANT SECURITY. Vos plannings de travail vous ayant été remis par email et par le biais de notre outil extranet, conformément à l’article 7 de votre contrat de travail.

En effet sur les mois d’Octobre 2016 et de Novembre2016, vous n’avez pas assuré les vacations suivantes :

-Le 08 Octobre 2016 de 13h45 à 19h45 sur le site de BOULANGER [Localité 4].

-Le 11 Octobre 2016 de 13h45 à 19h45 sur le site de BOULANGER [Localité 4].

-Le 12 Octobre 2016 de 13h45 à 19h45 sur le site de BOULANGER [Localité 4].

-Le 13 Octobre 2016 de 13h45 à 19h45 sur le site de BOULANGER [Localité 4].

-Le 15 Octobre 2016 de 13h45 à 19h45 sur le site de BOULANGER [Localité 4].

-Le 17 Octobre 2016 de 13h45 à 19h45 sur le site de BOULANGER [Localité 4].

-Le 19 Octobre 2016 de 13h45 à 19h45 sur le site de BOULANGER [Localité 4].

-Le 20 Octobre 2016 de 13h45 à 19h45 sur le site de BOULANGER [Localité 4].

-Le 22 Octobre 2016 de 13h45 à 19h45 sur le site de BOULANGER [Localité 4].

-Le 24 Octobre 2016 de 13h45 à 19h45 sur le site de BOULANGER [Localité 4].

-Le 26 Octobre 2016 de 13h45 à 19h45 sur le site de BOULANGER [Localité 4].

-Le 27 Octobre 2016 de 13h45 à 19h45 sur le site de BOULANGER [Localité 4].

-Le 28 Octobre 2016 de 13h45 à 19h45 sur le site de BOULANGER [Localité 4].

-Le 29 Octobre 2016 de 13h45 à 19h45 sur le site de BOULANGER [Localité 4].

-Le 31 Octobre 2016 de 13h45 à 19h45 sur le site de BOULANGER [Localité 4].

-Le 01 Novembre 2016 de 08h00 à 11h00 sur le site de BOULANGER [Localité 6].

-Le 02 Novembre 2016 de 08h00 à 11h00 sur le site de BOULANGER [Localité 6].

-Le 03 Novembre 2016 de 08h00 à 11h00 sur le site de BOULANGER [Localité 6].

-Le 04 Novembre 2016 de 08h00 à 11h00 sur le site de BOULANGER [Localité 6].

-Le 05 Novembre 2016 de 12h00 à 20h00 sur le site de BOULANGER [Localité 6].

-Le 07 Novembre 2016 de 08h00 à 11h00 sur le site de BOULANGER [Localité 6].

-Le 08 Novembre 2016 de 08h00 à 11h00 sur le site de BOULANGER [Localité 6].

-Le 09 Novembre 2016 de 08h00 à 11h00 sur le site de BOULANGER [Localité 6].

-Le 10 Novembre 2016 de 08h00 à 11h00 sur le site de BOULANGER [Localité 6].

-Le 11 Novembre 2016 de 08h00 à 11h00 sur le site de BOULANGER [Localité 6].

– Le 12 Novembre 2016 de 12h00 à 20h00 sur le site de BOULANGER [Localité 6].

Pourtant il vous a été envoyé par lettre recommandée n° 1A 125 714 1788 0 en date du 27 Octobre 2016, une demande de justification d’absence concernant vos absences du mois d’Octobre 2016, qui reste à ce jour infructueuse.

A toutes fins, vous disposez déjà d’un dossier disciplinaire puisque nous avons été contraints de vous notifier six avertissements :

un premier avertissement en date du 24 Février 2014 par lettre recommandée n° 1A 093 762 5417 8 concernant une absence injustifiée du mois de Février 2014. Avertissement que vous n’avez jamais contesté.

Un deuxième avertissement en date du 16 Avril 2014 par lettre recommandée n° 1A 095 663 0888 9 concernant la communication tardive d’un arrêt de travail. Avertissement que vous n’avez jamais contesté.

Un troisième avertissement en date du 04 Mars 2015 par lettre recommandée n°1A 105 936 4055 2 pour non port de la tenue Luxant. Avertissement que vous n’avez jamais contesté.

Un quatrième avertissement en date du 30 Août 2016 par lettre recommandée n°1A

133 844 5699 8 pour un abandon de poste. Avertissement que vous n’avez jamais contesté.

Un cinquième avertissement en date du 30 Août 2016 par lettre recommandée no IA 133 844 5698 1 pour une absence injustifiée du mois d’Août 2016. Avertissement que vous n ‘avez jamais contesté.

Un sixième avertissement en date du 01 Septembre 2016 par lettre recommandée n°1A 133 844 5148 1 concernant un abandon de poste. Avertissement que vous n’avez jamais contesté.

Nous avons donc été contraints de vous convoquer, par lettre recommandée n°1A 125 714 1794 1, à un entretien préalable le 14 Novembre 2016 à 10h00, afin de recueillir des explications sur vos absences.

Malheureusement vous ne vous êtes pas présenté à votre entretien et nous n’avons donc pas pu recueillir vos arguments.

Malgré votre convocation préalable, vous persistez à ne pas prendre vos postes, vous étiez absent pendant les vacations suivantes :

Le 15 Novembre 2016 de 08h00 à 11h00 sur le site de BOULANGER [Localité 6].

Le 16 Novembre 2016 de 08h00 à 11h00 sur le site de BOULANGER [Localité 6].

Le 17 Novembre 2016 de 08h00 à 11h00 sur le site de BOULANGER [Localité 6].

Le 18 Novembre 2016 de 08h00 à 11h00 sur le site de BOULANGER [Localité 6].

Le 19 Novembre 2016 de 12h00 à 20h00 sur le site de BOULANGER [Localité 6].

Attendu que la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, dans un arrêt en date du 23 janvier 2008 pourvoi n° 06-41671 a estimé que constitue une faute grave l’absence injustifiée, et prolongée d’un salarié malgré plusieurs relances de son employeur.

Que plus précisément la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, dans un arrêt en date du 17 avril 2013 pourvoi n° 12-14635 a indiqué que le manquement du salarié à son obligation d’assiduité « rendait impossible son maintien dans l’entreprise et constituait une faute grave ».

La cour de cassation en sa chambre sociale rappelle également, dans un arrêt du 12 janvier 2015 n° 14-23.290 que : « Commet une faute gave le salarié qui refuse, sans justification légitime, de rejoindre successivement deux nouvelles affectations, en violation de sa clause de mobilité. Peu importe qu’il ait fini par reprendre le travail après avoir été convoqué à I ‘entretien préalable au licenciement ».

Votre comportement contrevient à vos engagements contractuels et entrainent un préjudice réel et objectif pour l’entreprise. Votre comportement a engagé sérieusement notre responsabilité à l’égard de nos clients.

Ainsi, et pour l’ensemble des raisons indiquées ci-avant, nous avons décidé de prononcer votre licenciement pour faute grave’ »

Par courrier du 28 novembre 2016, M. [B] a contesté son licenciement.

Par ordonnance du 19 mai 2017, le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes a ordonné à la société de communiquer l’ensemble des éléments justifiant la faute grave à M. [B], sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 21e jour suivant la notification de la décision.

Par requête du 7 avril 2017, M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon aux fins de contester son licenciement, de demander la requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein et de présenter des demandes à titre indemnitaire et salarial.

Par jugement de départage du 17 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Lyon a notamment :

Condamné la société à payer à M. [B] la somme de 300 euros nets au titre de la liquidation de l’astreinte prononcée le 19 mai 2017 ;

Condamné la société à payer à M. [B] les sommes suivantes, outre intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2017, date de réception de la convocation par l’employeur devant le bureau de conciliation et d’orientation valant mise en demeure :

3 020 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 302 euros au titre des congés payés afférents ;

1 906 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, outre intérêts à compter du présent jugement ;

Condamné la société à payer à M. [B] la somme de 7 000 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts légaux à compter du jugement ;

Dit qu’il serait fait application des dispositions de l’article 1154 du code civil relatives à la capitalisation des intérêts échus ;

Ordonné à la société de délivrer à M. [B] l’ensemble des documents de travail et de rupture rectifiés conformes à la décision sans que l’astreinte soit nécessaire :

Ordonné le remboursement par la société aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [B], à concurrence de trois mois ;

Débouté la société de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamné la société à payer à M. [B] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la société aux dépens.

Par déclaration du 15 janvier 2020, la société a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe le 21 septembre 2020, la société demande à la cour de :

Réformer la décision déférée sauf en ce qu’elle a débouté M. [B] de ses demandes de rappel de salaire pour absence de fourniture de travail, de rappel de salaire au titre de la prévoyance, de rappel de salaire sur la base d’un temps plein, de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

Débouter M. [B] de ses demandes ;

Condamner M. [B] à lui payer la somme de 2 000 euros pour la première instance et de 2 000 euros pour l’appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [B] à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Laisser les dépens à la charge de M. [B].

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe le 21 novembre 2022, M. [B] demande pour sa part à la cour de :

Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a condamné la société à lui payer les sommes de 300 euros au titre de la liquidation de l’astreinte, 3 020 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 302 euros au titre des congés payés afférents, 1 906 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, outre intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2017, avec application des dispositions de l’article 1154 du code civil relatives à la capitalisation des intérêts échus, ordonné à la société de lui délivrer l’ensemble des documents de travail et de rupture rectifiés conformes à la décision, ordonné le remboursement par la société aux organismes concernés des indemnités de chômage, à concurrence de trois mois, débouté la société de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamné la société a lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société aux dépens ;

Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a limité les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 7 000 euros nets, ordonné la délivrance de l’ensemble des documents de travail et de rupture rectifiés conformes au jugement sans l’assortir d’une astreinte, en ce qu’il a débouté de ses demandes de requalification à temps plein, de rappel de salaires pour absence de fourniture du travail, de rappel de salaires au titre de la requalification à temps plein, de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

Statuant à nouveau sur ces chefs de jugement,

Condamner la société à lui payer les sommes suivantes, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes :

22 183 euros bruts de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

4 530 euros bruts à titre de rappel de salaire pour absence de fourniture de travail, outre 453 euros au titre des congés payés afférents ;

14 782 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la base d’un temps plein ou subsidiairement 1 736 euros bruts de rappel de salaire sur la base d’un temps de 24 heures hebdomadaires ;

1 478 euros au titre des congés payés afférents ou subsidiairement 173 euros au titre des congés payés afférents ;

10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

Ordonner la capitalisation des intérêts ;

Condamner la société à lui remettre des documents de rupture et des bulletins de salaire rectifies conformes à la décision, dans les 15 jours du prononcé de l’arrêt et passé ce délai sous astreinte de 150 euros par jour de retard et se réserver le contentieux de la liquidation de l’astreinte ;

Y ajoutant, rejeter les demandes formulées à titre reconventionnel par la société, la condamner à lui payer une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel et la condamner aux dépens.

La clôture est intervenue le 13 décembre 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques ou qu’elles constituent en réalité des moyens.

1-Sur la liquidation de l’astreinte

Selon l’article L. 131-2 du code des procédures civiles d’exécution, l’astreinte prononcée est provisoire lorsque le juge n’a pas précisé son caractère définitif.

Par ailleurs, selon l’article L. 131-4 du même code, le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution provient en tout ou partie d’une cause étrangère.

En l’espèce, le bureau de conciliation a, par ordonnance du 19 mai 2017, ordonné à la société de communiquer l’ensemble des éléments justifiant la faute grave à M. [B], sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 21e jour suivant la notification de la décision et s’est réservé le droit de liquider l’astreinte.

M. [B] affirme que la société aurait dû exécuter l’ordonnance avant le 8 juin 2017, ce qu’elle n’a fait que le 19 juin suivant, soit avec 10 jours de retard.

La société ne conteste pas ce délai et n’évoque aucune difficulté particulière dans l’exécution de son obligation. C’est donc à bon droit le conseil de prud’hommes a liquidé l’astreinte à hauteur de 300 euros.

2-Sur la demande de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein

Le contrat de travail prévoit en son article 12 une rémunération sur la base de 95 heures par mois, les horaires étant répartis de la manière suivante :

-du lundi au vendredi : de 5h45 à 8h45;

-le samedi : de 13h45 à 20h45.

Il est précisé qu’une « modification de la répartition pourra être décidée en cas de commande exceptionnelle du client ou en cas de remplacement d’un salarié momentanément absent » et que le salarié peut « la refuser en justifiant d’un des motifs légitimes suivants : obligations familiales impérieuses, suivi d’un enseignement scolaire ou supérieur, activité salariée dans une autre entreprise ou activité professionnelle non salariée ».

Des heures complémentaires sont également prévues dans la limite du tiers de la durée contractuelle, la rémunération étant « lissée ».

M. [B] ne conteste pas qu’il travaillait à temps partiel, mais sollicite la requalification de son contrat pour plusieurs motifs :

le non-respect de la durée minimale de 24 heures hebdomadaires imposée par l’article L.3121-14-1 du code du travail ;

le non-respect des horaires et des jours mentionnés au contrat ;

le non-respect du délai de prévenance de 7 jours imposé par l’article L.3123-21 en cas de modification de la répartition de la durée du travail et du délai de 7 jours imposé pour l’envoi du planning en application de l’article 2 de l’accord du 18 mai 1993 ;

la variabilité de la durée du travail, ce qui le contraignait à rester en permanence à la disposition de son employeur.

Force est de constater que M. [B], sur qui repose la charge de la preuve du non-respect des délais de prévenance, n’apporte aux débats aucun élément en ce sens et que les extraits du logiciel communiqués par l’employeur montrent des envois 7 jours avant le service.

La société verse d’ailleurs aux débats le rapport des conseillers prud’hommes dans une précédente affaire jugée par le conseil de prud’hommes de Lille le 10 septembre 2015. Le fonctionnement du logiciel Comète System utilisé par elle pour établir les plannings et les transmettre aux salariés a été exposé aux conseillers de façon interactive et il ressort de leurs constatations que les plannings étaient bien envoyés sur l’adresse de messagerie enregistrée au nom du salarié concerné et qu’une erreur commise par l’agent assurant la démonstration de façon volontaire générait un message d’alerte. Les conseillers rapporteurs en ont conclu que l’organisation en place était « sans faille et rigoureuse avec une traçabilité parfaite des plannings et de leurs envois ».

M. [B] ne justifie pas d’avantage avoir refusé les modifications horaires décidées par l’employeur.

Il s’en suit que dans la mesure où il avait connaissance de ses plannings de travail au moins 7 jours avant la réalisation de la prestation, il ne se tenait pas en permanence à la disposition de l’employeur.

Quant à l’article L.3121-14-1 du code du travail, il n’est pas applicable aux contrats conclus avant le 1er janvier 2014.

La cour confirmera en conséquence le jugement en ce qu’il a débouté M. [B] de sa demande de requalification et de rappel de salaire subséquent.

3-Sur le licenciement

3-1-Sur le délai de l’article L.1332-2 du code du travail

Dans un premier moyen, M. [B] fait valoir que l’employeur n’ayant pas envoyé la lettre de licenciement dans le mois suivant l’entretien préalable, conformément à l’article L 1332-2 du code du travail, le licenciement serait sans cause réelle et sérieuse.

Il apparaît cependant que la société a convoqué son salarié par lettre du 20 septembre 2016 à un entretien préalable qui s’est tenu le 30 septembre, puis qu’elle l’a convoqué, par courrier du 31 octobre, à un second entretien, fixé au 14 novembre, auquel il ne s’est pas présenté.

Elle a donc initié successivement deux procédures de licenciement, avec deux entretiens préalables, le premier n’ayant pas fait l’objet d’un report. Seule la dernière procédure a débouché sur le licenciement de M. [B], pour des faits postérieurs au premier entretien exclusivement.

Contrairement à ce qu’a jugé le conseil de prud’hommes, le licenciement ne peut être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse sur ce fondement.

3-2-Sur les motifs énoncés par la lettre de licenciement

Aux termes de l’article L.1235-1 du code du travail, le juge doit apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur.

En application de l’article L.1232-6 du même code, la lettre de licenciement fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement. Ils doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n’est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits reprochés au salarié et de les qualifier, puis de dire s’ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l’article L.1232-1 du code du travail, l’employeur devant fournir au juge les éléments lui permettant de constater le caractère réel et sérieux du licenciement.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

En l’espèce, la lettre de licenciement se fonde sur les absences du salarié à son poste de travail, les 8,11, 12,13,15,17,19,20,22,24,26,27,28,29 et 31 octobre et les 1,2,3,4,5,7,8,9,10,11,12,15,16,17,18 et 19 novembre 2016 et sur l’absence de réponse à la demande de justification de ses absences du mois d’octobre.

La société justifie des absences récurrentes de son salarié en dépit des courriers qu’elle lui a adressés afin d’obtenir des justificatifs et de l’entretien préalable qui s’est tenu le 30 septembre 2016 pour des absences similaires.

Elle justifie que les plannings étaient adressés au salarié par courriel, comme prévu au contrat, et à l’adresse de messagerie qu’il avait communiquée et qui figure au contrat.

M. [B] prétend ne pas avoir eu connaissance des plannings. La société démontre cependant la fiabilité de son logiciel, qui mentionne bien des envois par courriel et non par courrier, et il ne justifie pas avoir avisé son employeur d’obstacles techniques, alors que le contrat de travail, en son article 7, lui impose de l’informer par écrit de « toutes pannes techniques susceptibles d’entraver la bonne transmission des plannings. »

M. [B] verse aux débats le courriel du 21 août 2016 et les courriers recommandés avec avis de réception des 18 octobre et 17 novembre 2016, postérieurs à l’entretien préalable du 30 septembre. Ces deux courriers, rédigés par lui alors que l’employeur envisageait déjà de le licencier, ne constituent que des preuves faites à lui-même et sont donc dépourvus de toute force probante.

Quant au courriel du 21 août 2016, adressé à son employeur pour s’enquérir de son devenir « suite au changement de société », il n’apporte aucun élément intéressant le présent litige, sauf à montrer que l’intéressé utilisait toujours à cette date l’adresse de messagerie sur laquelle il dénie avoir reçu ses plannings de travail.

De même, contrairement à ce qu’il soutient, la cour a relevé précédemment que l’employeur n’avait pas à requérir son accord préalable avant de modifier des horaires prévus au contrat.

Enfin, M. [B] affirme que le directeur du magasin Boulanger lui aurait demandé de rentrer chez lui le 20 août 2016, sans apporter aucune preuve autre que son propre courrier, alors que la société fait valoir que le client ne dispose pas du pouvoir de disposer librement de ses salariés. La cour relève d’ailleurs que M. [B] démontre ainsi qu’il avait bien connaissance de sa réaffectation sur le site du magasin Boulanger suite à la reprise du marché de Castorama par une société concurrente.

M. [B] avait fait l’objet de plusieurs sanctions disciplinaires. Contrairement à ce qu’il soutient, il n’a pas systématiquement contesté les avertissements et en tout état de cause, il n’apporte pas la preuve de la transmission à son employeur des lettres de contestation qu’il verse aux débats (contestations des avertissements du 24 février 2014 et du 30 août 2016).

Une telle succession d’absences sans justification, malgré les divers avertissements et courriers de rappel et malgré un premier entretien préalable n’ayant pas donné lieu à sanction disciplinaire, constitue une faute grave. Le jugement sera réformé et M. [B] sera débouté de l’ensemble de ses demandes relatives au licenciement.

4-Sur la demande de rappel de salaire fondée sur l’obligation de fourniture de travail

C’est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le conseil de prud’hommes a débouté M. [B] de cette demande.

5-Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

En application de l’article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail s’exécute de bonne foi. Cette obligation est réciproque.

M. [B] fonde sa demande de dommages et intérêts sur les moyens suivants : la non fourniture fautive du travail convenu, le non versement de tout ou partie du salaire, le non-respect du délai de prévenance, le non-respect de la durée minimale des vacations dans le secteur de la sécurité, en application de l’accord du 15 juillet 2014.

Les 3 premiers moyens ont été examinés précédemment et la cour a considéré que l’employeur n’avait pas commis les fautes alléguées.

Quant à l’accord du 15 juillet 2014 et à la vacation minimale journalière de 4 heures continues qui l’imposent, il ne s’applique qu’aux salariés de la sûreté aérienne et aéroportuaire.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il l’a débouté de cette demande.

6-Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

La société ne démontre pas que M. [B] a fait un usage abusif de son droit d’agir en justice et sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

7-Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement prononcé par le conseil de prud’hommes de Lyon le 17 décembre 2019 sauf en ce qu’il a condamné la société Luxant Security Grand Sud à verser à M. [N] [B] les sommes de 3 020 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 302 euros au titre des congés payés afférents, 1 906 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, 7 000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ordonné à la société de délivrer à M. [B] l’ensemble des documents de travail et de rupture rectifiés et le remboursement par la société aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [B], à concurrence de trois mois, en ce qu’il a condamné la société Luxant Security Grand Sud à verser à ce dernier la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il a condamné la société Luxant Security Grand Sud aux dépens ;

Statuant à nouveau,

Y ajoutant,

Déboute M. [N] [B] de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d’appel ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et pour la procédure d’appel ;

Le Greffier La Présidente

 


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