EP/KG
MINUTE N° 23/313
Copie exécutoire
aux avocats
Le 5 avril 2023
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
ARRET DU 24 MARS 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/03537
N° Portalis DBVW-V-B7F-HUUS
Décision déférée à la Cour : 08 Juillet 2021 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE STRASBOURG
APPELANTE :
S.A.S.U. CAPSUGEL FRANCE
prise en la personne de ses représentants légaux audit siège et
en son établissement sis [Adresse 6] à
[Localité 4]
N° SIRET : 612 050 518
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Guillaume HARTER, Avocat à la Cour
INTIMÉE :
Madame [M] [S]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Noémie BRUNNER, Avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 13 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. PALLIERES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre, et Mme ARMSPACH-SENGLE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
La Société Capsugel France SAS (ci-après la » Société « ) appartient au groupe Lonza, fournisseur mondial de services et de produits destinés au marché pharmaceutique (médicaments avec ou sans prescription, brevetés ou génériques) et celui des compléments alimentaires.
Elle employait plus de 11 salariés.
Madame [M] [S], née le 10 août 1976, a été embauchée par la société Capsugel France, selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 avril 2008 en qualité de Spécialiste Formulation, catégorie 4, coefficient 460, statut cadre, conformément à la convention collective nationale des industries chimiques.
En dernier lieu, Madame [M] [S] occupait le poste de Spécialiste Formulation confirmée.
Au cours de l’année 2015, la société Capsugel décidait de mettre en oeuvre une réorganisation de son activité de développement des produits pharmaceutiques impliquant la centralisation de cette activité sur le site de la société Capsugel Ploermel Sas.
A l’issue de la réunion du 2 avril 2015, le Comité d’entreprise rendait un avis défavorable sur les raisons économiques invoquées.
Néanmoins, lors de la réunion en date du 7 mai 2015, le Comité d »entreprise rendait un avis favorable sur les mesures sociales d’accompagnement proposées par la société.
Par lettre recommandée du 25 juin 2015, la société Capsugel France a proposé à Madame [M] [S] le transfert de son contrat de travail au sein de la société Capsugel Ploermel.
Par lettre, remise en mains propres le 6 août 2015, la société Capsugel France a convoqué Madame [M] [S] à un entretien préalable à une mesure de licenciement économique, avec également un questionnaire relatif à un éventuel reclassement à l’étranger.
Madame [S] a indiqué à l’employeur le 12 août 2015 qu’elle accepterait le principe d’un reclassement dans certains pays.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 août 2015, la société Capsugel France a notifié à Madame [M] [S] son licenciement pour motif économique à savoir réorganisation de l’activité de développement des produits pharmaceutiques (Dfs) afin de développer et renforcer cette activité dans le but de sauvegarder sa compétitivité.
Par requête du 25 août 2016, Madame [S] a saisi le Conseil de prud’hommes de Strasbourg, section encadrement, aux fins de contestation de son licenciement et d’indemnisations à ce titre, outre de paiement d’une indemnité de congé de reclassement, d’un rappel de salaires pour heures supplémentaires, d’indemnisation pour travail dissimulé, de paiement d’indemnités de non concurrence, et d’indemnité pour inexécution de la clause contractuelle à ce titre.
Après radiation de l’affaire du rôle et reprise d’instance, elle a sollicité, en outre, la rémunération de 2 puis 3 brevets.
Par jugement du 8 juillet 2021, ledit Conseil, en sa formation de départage, a :
– dit et jugé que le licenciement de Madame [M] [S] est dénué de cause réelle et sérieuse ;
-condamné la société Capsugel France à payer à Madame [M] [S], sur la base d’un salaire mensuel moyen de 4 662,62 euros bruts y incluses les heures supplémentaires les sommes de :
* 46 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 1 440,06 euros au titre du rappel d’indemnité de licenciement
* 4 403,09 euros au titre du rappel d’indemnité de congé de reclassement
* 1 000 euros au titre du rappel de prime de Noël
* 19 894,40 euros d’heures supplémentaires et 1 989,43 euros de congés payés y afférents
* 27 998,52 euros à titre d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé
* 19 663,48 euros au titre de rappel d’indemnisation de la clause de non-concurrence
* 75 000 euros au titre de rémunération complémentaire de 3 brevets dont elle est l’auteur
* 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamné la société Capsugel France aux dépens,
– ordonné l’exécution provisoire,
– débouté les parties pour le surplus.
Par déclaration du 27 juillet 2021, la Sasu Capsugel France a interjeté appel de cette décision limité.
Par écritures transmises par voie électronique le 8 juillet 2022, la Sasu Capsugel France sollicite l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à payer à Madame [M] [S], sur la base d’un salaire moyen de 4 662,62 euros bruts y inclus les heures supplémentaires, les sommes de :
* 1 440,06 euros au titre du rappel d’indemnité de licenciement,
* 4 403,09 euros au titre du rappel d’indemnité de congé de reclassement,
* 1 000 euros au titre du rappel de prime de Noël,
* 19 894,40 euros d’heures supplémentaires et 1 989,43 euros de congés payés y afférents
* 27 998,52 euros à titre d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé
* 75 000 euros au titre de rémunération complémentaire de 3 brevets dont elle est l’auteur,
et que la Cour statuant, à nouveau,
– juge la demande, relative à la rémunération supplémentaire relative à 3 brevets déposés, irrecevable, subsidiairement prescrite, et, à titre encore plus subsidiaire, infondée,
– déboute Madame [S] de l’ensemble de ses demandes,
Subsidiairement,
– juge la demande de rappel d’heures supplémentaires prescrite à compter de septembre 2013 et, en conséquence, limite la demande à une somme de 11 253,03 euros bruts (outre les congés payés y afférents, soit 1 125,30 euros),
– fixe à 4 356 euros au plus, le montant de la rémunération supplémentaire au titre des 3 brevets,
et par ailleurs, déboute Madame [S] de son appel incident et condamne cette dernière à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens des 2 instances.
Par écritures transmises par voie électronique le 16 septembre 2022, Madame [M] [S], qui a formé un appel incident, sollicite l’infirmation du jugement entrepris sur le montant de l’indemnité allouée au titre du travail dissimulé, et que la Cour statuant à nouveau, condamne la société CAPSUGEL à lui verser la somme de 30 489,66 euros à titre d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé.
Elle demande, par ailleurs, la confirmation du jugement pour le surplus et la condamnation de la société Capsugel France à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens de l’appelant.
Une ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 13 décembre 2022.
MOTIFS
I. Sur les heures supplémentaires
A. Sur la prescription
Selon l’article L 3245-1, en sa version antérieure à la loi du 14 juin 2013, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par 5 ans conformément à l’article 2224 du code civil.
En application de l’article 2224 précité, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Il résulte des articles L 3245-1, en sa version antérieure à la loi du 14 juin 2013, L 3242-1 et L 3141-22 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible, que pour les salariés payés au mois, la date d’exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l’entreprise et concerne
l’intégralité du salaire afférent au mois considéré et que, s’agissant de l’indemnité de congés payés, le point de départ du délai de la prescription doit être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris (notamment, Cass. Soc. 14 novembre 2013, 12-17.409).
A compter du 17 juin 2013, date d’entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013, l’article L 3245-1 du code du travail édicte que l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par 3 ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Selon l’article 21 V de la loi du 14 juin 2013, les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
En l’espèce, Madame [M] [S] a sollicité paiement d’heures supplémentaires pour la période du 1er août 2012 jusqu’au mois de juin 2015 inclus.
La Sasu Capsugel France soulève l’irrecevabilité de la demande de paiement pour les montants de nature salariale antérieurs au 3 septembre 2013 au motif que le contrat de travail a pris fin le 3 septembre 2016.
Toutefois, comme invoqué par Madame [M] [S], la date de la rupture du contrat est la date à laquelle l’employeur a manifesté sa volonté de rompre le contrat de travail, soit la date d’envoi de la lettre de licenciement, en l’espèce, le 25 août 2015.
En conséquence, ayant agi dans les 3 ans de la rupture du contrat, la salariée est recevable à solliciter paiement de sommes de nature salariale dues à compter du 1er août 2012, le salaire étant exigible et payable mensuellement en fin de mois.
L’employeur n’ayant pas soulevé la fin de non recevoir de prescription, devant les premiers juges, la Cour, ajoutant au jugement, déclarera recevable l’action, en paiement d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires, pour la période du 1er août 2012 au 2 septembre 2013.
B. Sur le bien fondé
En application de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être
tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant (Cass. Soc. 21 octobre 2020 n°19-15.453).
En l’espèce, Madame [M] [S] produit :
– ses relevés de badgeage ou feuilles de présence, avec un détail précis, notamment, des temps de présence par jour, et du temps retenu par l’employeur, et les temps cumulés par semaine,
– des courriels avec la date et l’heure d’émission,
– un décompte récapitulatif chiffré par mois avec les majorations à 25 % et 50 %.
Ces éléments apparaissent suffisamment précis afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement.
L’employeur ne produit, en l’espèce, aucun élément, et se contente de soutenir que :
– Madame [M] [S] était libre de s’organiser, et de fixer, elle-même, ses heures d’arrivée et de départ de l’entreprise,
– une procédure interne d’autorisation préalable des heures supplémentaires consistant en un formulaire à faire valider par le supérieur hiérarchique existait et Madame [M] [S] n’a jamais usé de cette procédure,
– il n’a jamais été demandé à Madame [M] [S] de réaliser des heures supplémentaires.
La Cour, relève que l’employeur a mis en place un système de badgeage et ne peut, dès lors, prétendre qu’il ignorait que la salariée avait un temps de présence, dans l’entreprise, supérieur à la durée de 35 H 47 par semaine, stipulée au contrat de travail.
Bien mieux, lesdites feuilles de présence, ou relevés de badgeage, qui comportent les heures d’arrivée et de départ, permettent de relever que l’employeur ne comptabilisait pas comme du temps de travail l’intégralité du temps de présence, déduction faite du temps de pause journalier de 40 mns (exemple : le lundi 6 août 2012, temps de présence : 10 H 07, temps retenu : 8 H 19), procédant, ainsi, à un écrêtage.
L’accord de l’employeur, sur la réalisation d’heures supplémentaires, peut être implicite.
Le paiement des heures supplémentaires est dû lorsque la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui ont été confiées au salarié.
Enfin, l’employeur donne son accord implicite lorsqu’il constate la réalisation d’heures supplémentaires enregistrées par le salarié dans le logiciel de pointage, et qu’il ne réagit pas laissant ainsi perdurer la réalisation desdites heures.
Or, en l’espèce, l’employeur, qui avait connaissance, par son système de pointage,de la réalisation d’heures supplémentaires de travail, ne justifie d’aucune alerte, ni d’aucune remarque effectuée à la salariée relative à son temps de travail.
D’autre part, comme retenu par les premiers juges, la Sasu Capsugel France ne justifie pas que, pendant son temps de présence dans l’entreprise, Madame [M] [S] pouvait librement vaquer à ses activités, et ne se tenait pas constamment à la disposition de l’employeur.
En conséquence, au regard des pièces précitées, les premiers juges ont justement retenu l’existence d’heures supplémentaires et fait une juste évaluation de la contrepartie financière en chiffrant cette dernière à la somme de 19 894, 40 euros, outre la somme de 1 989, 43 euros au titre des congés payés y afférents.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ces chefs.
II. Sur les rappels d’indemnité conventionnelle de licenciement ou indemnité de congédiement, et d’indemnité de congé de reclassement
A. Sur l’indemnité de congédiement
Selon l’article R 1234-4 du code du travail, en sa version applicable avant le 28 septembre 2017, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.
Selon Madame [M] [S], ces rappels sont la conséquence de la réintégration de la contrepartie des heures supplémentaires sur le salaire mensuel pour le calcul du salaire mensuel bruts de référence, outre la proratisation de la moitié restante du treizième mois.
Au regard du calcul en page 27 des écritures de Madame [M] [S], et de l’article R 1234-4 précité, les premiers juges ont fait une juste évaluation du salaire brut mensuel de référence en retenant la somme de 4 666, 42 euros (sur la base des 3 derniers mois, à savoir mai à juillet inclus 2015).
Toutefois, comme invoqué par la Sasu Capsugel France, selon l’article 14 de l’avenant n°3 (et non l’annexe) à la convention collective, relative aux ingénieurs et cadres, la base de calcul de l’indemnité de congédiement est la rémunération totale mensuelle gagnée par le cadre pendant le mois précédant le préavis de congédiement ; elle ne saurait être inférieure à la moyenne des rémunérations mensuelles des 12 mois précédant le préavis de congédiement.
Le mois précédent le préavis n’est pas le mois d’août, comme invoqué par l’employeur, mais le mois de juillet, le préavis commençant le 27 août.
La moyenne des 12 derniers mois, soit du mois d’août 2014 au mois de juillet 2015, représente la somme de :
48 135, 40 (selon bulletins de paie) + 4 011, 04 euros (13ème mois) + 4 011, 96 (heures supplémentaires sur cette période) = 56 158, 40/12 = 4 679, 67 euros bruts.
En application des dispositions relatives aux mesures sociales d’accompagnement d’aide à l’emploi relatives au projet de réorganisation des activités de développement de produits pharmaceutiques de la société Capsugel France, une indemnité de licenciement de 6/10ème de mois a été retenue.
Madame [M] [S] a été embauchée le 7 avril 2008 et la société Capsugel a mis fin à son contrat par courrier daté du 25 août 2015 avec un préavis de 3 mois.
L’ancienneté à retenir est donc de 7 ans et 8 mois.
La société Capsugel a versé une indemnité de 20 034,80 euros.
L’indemnité conventionnelle de congédiement a été arrêtée par les premiers juges en fonction du calcul suivant: 4 666,42 * 6/10 * 7,67 = 21.474,86 euros nets.
Or, en application de l’article 14 de l’avenant précité à la convention collective, c’est une somme mensuelle brut de 4 679, 87 euros qu’il y aurait eu lieu de retenir comme base de calcul, de telle sorte que le solde dû était supérieur à la somme accordée de 1 440, 06 euros bruts qui était la somme demandée par la salariée.
Les premiers juges et la Cour ne pouvant statuer ultra petita, le jugement entrepris sera confirmé sur le solde d’indemnité de congédiement, appelée également indemnité conventionnelle de licenciement.
B. Sur l’indemnité de congé de reclassement
Selon l’accord intitulé » Mesures sociales d’accompagnement d’aide à l’emploi relatives au projet de réorganisation des activités de développement de produits pharmarceutiques de la société Capsugel France Sas « , en sa partie III-A-4 a : pendant la période de préavis, le salarié perçoit 100% de son salaire mensuel brut, soumis aux charges sociales habituelles. Pour la période du congé de reclassement excédant la période de préavis et jusqu’à l’issue de cette période de 6 mois, soit durant 3 ou 4 mois, le salarié perçoit une allocation de congé de reclassement représentant 75% de son salaire mensuel brut (base plus ancienneté) non soumise aux cotisations de sécurité sociale (mais assujettie à CSG et CRDS) et d’assurance chômage.
Selon l’article R 1233-32 du code du travail, en sa version antérieure au 2 juillet 2021, la rémunération mensuelle brute moyenne, comme base de calcul, est celle soumise aux contributions mentionnées à l’article L 5422-9 au titre des 12 derniers mois précédant la notification du licenciement.
Il résulte des motifs supra que la rémunération mensuelle brute moyenne des 12 derniers mois précédant la notification du licenciement s’élève à la somme de
4 679, 87 euros, la salariée et le Conseil de prud’hommes ayant retenu une somme de 4 635, 63 euros bruts, et donc une indemnité mensuelle de congé de reclassement de 3 476, 72 euros nets.
La Sasu Capsugel France a versé une somme mensuelle de 2 987, 49 euros bruts.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à verser, à ce titre, un solde de 4 403, 09 euros nets.
III. Sur le rappel au titre d’une prime de Noël
La Sasu Capsugel France s’oppose au versement d’une prime de Noël de 1 000 euros bruts, au motif que cette prime n’existe pas au sein de l’entreprise, et qu’il existe une prime de fin d’année, d’un montant fixe de 1 000 euros, qui a bien été payée et qui figure sur le bulletin de paie du mois de novembre 2015.
Le bulletin de paie du mois de décembre 2014 fait apparaître le versement d’une prime de fin d’année de 1 000 euros bruts.
Cette prime du même montant figure sur le bulletin de paie du mois de novembre 2015.
Aucun des documents, produits par les parties, ne mentionne l’existence d’une » prime de Noël « , l’attestation destinée à Pôle Emploi répertoriant effectivement pour les années 2014 et 2015 une prime, par année, de 1 000 euros, sans détail.
Il n’existe, dès lors, aucun doute que la prétendue » prime de Noël » est, en réalité, la prime de fin d’année pour laquelle il n’est pas soutenu qu’elle n’aurait pas été payée.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à payer la somme de 1 000 euros bruts, au titre d’une prime de Noël.
IV. Sur l’indemnité pour travail dissimulé
Selon l’article L 8221-5 du code du travail, en sa version antérieure au 10 août 2016, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Selon l’article L 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Au regard des feuilles de badgeage ou de présence précitées, émanant de l’employeur et justifiant de la mise en place d’un système d’écrêtage des heures de travail réalisées, l’intention frauduleuse de l’employeur, de ne pas faire figurer sur les bulletins de paie, le nombre d’heures réel de travail, est établie.
En outre, comme relevé par les premiers juges, la demanderesse justifie qu’à plusieurs reprises pendant ses congés maladie ou ses week-end (de novembre 2013 à janvier 2014), la société Capsugel France lui a envoyé des courriels exigeant une réponse ou sollicitant de pouvoir la contacter, que Madame [M] [S] était contrainte de travailler pendant ses périodes de repos, et que la persistance de ce comportement caractérise la volonté délibérée de I’employeur de se soustraire au respect des dispositions légales en matière de temps de travail.
Madame [M] [S] sollicite une somme de 30 489, 66 euros en multipliant le salaire mensuel de référence, qu’elle avait invoqué, par 6 et en ajoutant les heures supplémentaires sur les 6 derniers mois.
Toutefois, ce faisant, la salariée met en compte 2 fois, pour partie, les heures supplémentaires, car la somme de 4 666, 42 euros, est la moyenne des 3 derniers mois auxquels a été déjà intégrée la contre valeur des heures supplémentaires effectuées sur la même période.
En l’espèce, la rémunération mensuelle moyenne des 6 derniers mois de salaires s’élève à la somme de 24 068, 33 + 2 005, 52 (1/2 du treizième mois) + 2 491, 14 (heures supplémentaires) = 28 564, 99/ 6 = 4 760, 83 euros bruts, soit une indemnité de 28 564, 99 euros nets.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé sur le quantum au titre de cette indemnité, et l’employeur sera condamné au montant précité.
V. Sur la rémunération complémentaire, ou supplémentaire, de l’inventeur de brevets
A. Sur la recevabilité des demandes additionnelles
Selon l’article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
La Sasu Capsugel France soutient, comme en premier ressort, que la demande (en réalité, les demandes, car les écritures du 28 février 2019 ne concernent que 2 brevets, la demande au titre des autres brevets ayant fait l’objet d’écritures du 19 novembre 2020) serait irrecevable comme ayant été formée, pour la première fois, dans l’acte de reprise d’instance.
Les demandes de rémunération complémentaire, ou supplémentaire, au titre des brevets, se rattachent par un lien suffisant aux prétentions originaires, constituées pour partie par des rappels de salaire au titre d’heures supplémentaires, d’une prime de fin d’année, dès lors qu’il s’agit également d’une action en paiement d’un rappel de sommes à caractère salariale en exécution du même contrat de travail.
La Cour relève, néanmoins, que les premiers juges ont omis de statuer au dispositif du jugement sur la recevabilité, de telle sorte qu’il y a lieu d’ajouter au jugement.
B. Sur la prescription
Vu les motifs supra relatif aux dispositions de l’article L 3245-1 du code du travail, antérieures et postérieures à la loi du 14 juin 2013,
en application de l’article L 3245-1 du code du travail, la Sasu Capsugel France invoque l’irrecevabilité de l’action en paiement de rémunérations au titre des brevets, ces derniers ayant été déposés les 9 novembre 2009, 11 janvier 2012 et 15 mars 2013.
Selon l’article 17-2ème de l’avenant n°3 relatif aux ingénieurs et cadres, à la convention collective nationale des industries chimiques (version étendue de 1955 invoquée par la salariée), si, dans un délai de 5 ans consécutif à la prise du brevet, celui-ci a donné lieu à une exploitation commerciale, le cadre dont le nom est mentionné sur le brevet à droit à une gratification en rapport avec la valeur de l’invention, et ceci même dans le cas où le cadre serait à la retraite ou ne serait plus au service de l’employeur. Cette disposition s’applique également à tout procédé breveté nouveau de fabrication qui, notoirement appliqué, accroît la productivité de la fabrication à laquelle il s’applique.
Le montant de cette gratification sera établi forfaitairement en tenant compte du cadre général de recherche dans lequel s’est placée l’invention, des difficultés de la mise au point pratique, de la contribution personnelle originale de l’intéressé dans l’individualisation de l’invention elle-même et de l’intérêt commercial de celle-ci. L’intéressé sera tenu informé de ces différents éléments.
Il convient de rechercher la date à laquelle la salariée a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action en paiement de rémunération supplémentaire.
Celui qui invoque la prescription, doit rapporter la preuve des faits qui permettent de retenir cette dernière.
L’exigibilité de la rémunération supplémentaire nait avec l’exploitation commerciale du brevet, et non avec le dépôt du brevet, de telle sorte qu’il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la date ou période de connaissance, par la salariée, de cette commercialisation.
En l’espèce, la Sasu Capsugel France soutient que les brevets, dont Madame [M] [S] est co-inventrice n’ont » donné lieu à aucun produit commercialisé par Capsugel ou le groupe Lonza jusqu’à mars 2021, et qu’en mars 2021, ils ont été assignés ou une licence a été accordée à la société Nextpharma lors de la vente des activités de capsules molles et Licaps pharmaceutiques’ « .
Il résulte de ces déclarations, que l’action en paiement de rémunération supplémentaire, au titre des brevets, n’est pas prescrite, dès lors que les demandes de paiement ont été formalisées par écritures, concernant 2 brevets, du 28 février 2019, et, pour les autres brevets, par écritures du 19 novembre 2020.
En conséquence, cette action est recevable.
C. Sur le bien fondé des demandes de rémunération supplémentaire de l’inventeur
La » prise du brevet » doit s’interpréter comme la date de dépôt du brevet.
La Cour relève que Madame [M] [S] ne rapporte pas la preuve de l’exploitation commerciale des brevets, dont elle est la co-inventrice, dans le délai de 5 ans de la prise desdits brevets, tous antérieurs de plus de 5 ans du mois de mars 2021, de telle sorte que sa demande de paiement de rémunération supplémentaire de l’inventeur apparaît mal fondée.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné la Sasu Capsugel France à payer une somme de 75 000 euros, à ce titre.
VI. Sur les demandes annexes
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la Sasu Capsugel France sera condamnée aux dépens d’appel.
Chaque partie succombant partiellement, l’équité commande qu’il n’y ait pas condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aucune des parties n’a interjeté appel des dispositions du jugement entrepris sur les dépens, qui sont donc définitives, de telle sorte que la Cour n’a pas à statuer sur ces derniers, malgré les écritures de la Sasu Capsugel France.
PAR CES MOTIFS
La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
DIT que les dispositions sur les dépens du jugement du 8 juillet 2021 du Conseil de prud’hommes de Strasbourg sont définitives ;
CONFIRME le jugement du 8 juillet 2021 du Conseil de prud’hommes de Strasbourg SAUF en ses dispositions relatives :
– à la condamnation au paiement d’une prime de Noël ;
– à la condamnation au titre de l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé ;
– à la condamnation au titre d’un rappel de rémunération supplémentaire de l’inventeur au titre de 3 brevets ;
Statuant, dans les limites de l’appel, sur ces chefs infirmés et y ajoutant,
DECLARE recevable l’action, en paiement d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période du 1er août 2012 au 2 septembre 2013 ;
CONDAMNE la Sasu Capsugel France à payer à Madame [M] [S] la somme de 28 564, 99 euros nets (vingt-huit mille cinq cent soixante-quatre euros et quatre-vingt-dix-neuf centimes) à titre d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé ;
DEBOUTE Madame [M] [S] de sa demande de paiement d’une prime de Noël ;
DECLARE recevables les demandes de rémunération supplémentaire de l’inventeur de brevets ;
DEBOUTE Madame [M] [S] de sa demande de rémunération supplémentaire de l’inventeur de brevets ;
DEBOUTE la Sasu Capsugel France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE Madame [M] [S] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Sasu Capsugel France aux dépens d’appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 24 mars 2023, et signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre, et Madame Corinne Armspach-Sengle, Greffier.
Le Greffier, Le Président,
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