Droit du logiciel : 24 février 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/02128

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Droit du logiciel : 24 février 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/02128

N° RG 20/02128 – N° Portalis DBV2-V-B7E-IQCD

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 24 FEVRIER 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

17/00263

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D’EVREUX du 26 Mars 2020

APPELANTE :

S.A.S. [4]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Emmanuelle DUGUÉ-CHAUVIN de la SCP EMO AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Estelle DHIMOLEA, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’EURE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me François LEGENDRE, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 14 Décembre 2022 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame DE BRIER, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. CABRELLI, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 14 Décembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 24 Février 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 24 Février 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier.

* * *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

[D] [H], qui était salarié de la société [4] (la société) en qualité de responsable de chantier, a été victime d’un malaise et est décédé le 12 août 2016.

La société a adressé à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure (la caisse) une déclaration d’accident du travail.

Le 2 novembre 2016, la caisse a pris en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

La société a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la caisse et, en l’absence de réponse de celle-ci, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Eure.

Le 18 janvier 2018, la commission a confirmé la décision de prise en charge de l’accident. Cette décision a également été contestée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.

L’affaire a été transmise au tribunal de grande instance d’Évreux, devenu tribunal judiciaire.

Par jugement du 26 mars 2020, le tribunal a :

ordonné la jonction des deux recours,

rejeté le recours de la société,

déclaré la décision de prise en charge de l’accident opposable à la société,

dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné la société aux dépens nés après le 1er janvier 2019.

Celle-ci a relevé appel de la décision le 8 juillet 2020.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions remises le 1er juillet 2022, soutenues oralement à l’audience, la société demande à la cour de :

– réformer le jugement en toutes ses dispositions,

– ordonner que la décision de prise en charge du 2 novembre 2016 de l’accident mortel de M. [H] au titre de la législation sur les accidents du travail lui soit déclarée inopposable,

– subsidiairement, ordonner une expertise médicale afin que l’expert décrive les lésions à l’origine de l’accident mortel dont a été victime [D] [H] et dise si cet accident est dû à une cause totalement étrangère au travail et, dans l’affirmative, caractérise cette cause et de surseoir à statuer sur l’inopposabilité de la décision de prise en charge du 2 novembre 2016, dans l’attente du dépôt du rapport de l’expertise,

– condamner la caisse au paiement d’une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 8 décembre 2022, soutenues oralement, la caisse demande à la cour de : 

– juger fondée sa décision de prise en charge de l’accident mortel de [D] [H] ainsi que celle de la commission de recours amiable,

– débouter la société de ses demandes,

– la condamner aux dépens et à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur le respect par la caisse du délai d’instruction

La société fait valoir que la caisse ayant reçu la déclaration d’accident du travail, enregistrée numériquement, le 16 août 2016, elle devait prendre sa décision avant l’expiration du délai de 30 jours, soit avant le 16 septembre ou lui notifier dans ce délai le recours au délai complémentaire d’instruction. Elle considère que la caisse n’a pas respecté ses obligations en envoyant le courrier l’informant du recours au délai complémentaire d’instruction le 28 septembre 2016. Elle ajoute que dans l’enquête administrative il est indiqué que la demande a été reçue le 26 août 2016, cette date de réception concernant nécessairement le certificat médical et en déduit que, dans ces conditions, le recours au délai complémentaire est intervenu tardivement.

La caisse soutient qu’il ressort d’une capture d’écran de son logiciel qu’elle a reçu le certificat médical initial le 21 septembre 2016, de sorte que son courrier du 28 septembre avisant la société du recours à un délai complémentaire d’instruction a été adressée dans le respect des délais légaux.

Sur ce :

En application des articles R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable à la date de la déclaration d’accident du travail, la caisse disposait d’un délai de 30 jours à compter de la date de réception de la déclaration d’accident et du certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident ou pour informer l’employeur de la nécessité d’examen ou d’enquête complémentaire.

La déclaration d’accident du travail a été établie et adressée numériquement à la caisse le 16 août 2016. Le certificat médical initial est daté du jour de l’accident à savoir le 12 août. Si, dans l’enquête de la caisse, il est mentionné qu’elle a reçu un acte de décès le 2 septembre 2016 et ne mentionne pas la date de réception du certificat médical initial, il ressort de la capture d’écran du traitement de l’accident de [D] [H] que la mention suivante : « CM », pièce qui a été réceptionnée le 21 septembre 2016, correspond au certificat médical initial. Il est observé que la caisse a commencé à instruire la demande après réception de l’acte de décès, en envoyant à la société un questionnaire le 19 septembre.

Ainsi c’est à juste titre que le tribunal a retenu que la caisse avait informé l’employeur du recours au délai complémentaire avant l’expiration du délai de 30 jours pour rendre sa décision, que le point de départ du délai d’instruction ait d’ailleurs débuté le 2 ou le 21 septembre.

2. Sur le respect par la caisse du principe de la contradiction

La société fait observer que dans le courrier d’information du recours au délai complémentaire la caisse indique qu’elle est dans l’attente de l’avis du médecin-conseil et que cet avis ne figure pas dans les éléments du dossier administratif susceptibles de lui faire grief. Elle considère que cet avis était d’autant plus indispensable qu’elle avait indiqué dans son questionnaire que le salarié revenait d’une longue période de congé, qu’il ne réalisait aucun effort lors de son malaise qui était intervenu sans plainte, dans des conditions de travail sans particularité. Elle ajoute que, dans le cas présent, la manifestation de la vérité imposait une autopsie.

La caisse soutient que son service médical a estimé que le décès était imputable à l’accident du travail et que la société aurait pu en avoir connaissance si elle s’était donnée la peine de consulter le dossier.

Sur ce :

Il résulte effectivement de la copie d’écran intitulé « détail de l’échange historisé » que le service médical de la caisse s’est prononcé en indiquant que le décès était imputable à l’accident du travail.

La société, qui a été informée par courrier du 13 octobre 2016 de la possibilité de consulter les pièces du dossier avant que la caisse ne prenne sa décision, ne conteste pas ne pas avoir usé de cette possibilité, de sorte qu’il n’est pas établi que l’avis du service médical ne figurait pas parmi les pièces faisant grief à l’employeur.

En outre, la caisse ne peut demander au tribunal de faire procéder à une autopsie que lorsque les ayants droit de la victime le sollicitent ou avec leur accord si elle l’estime elle-même utile à la manifestation de la vérité. S’agissant d’une simple possibilité, il ne peut être fait grief à la caisse de ne pas avoir fait procéder à une autopsie.

3. Sur la matérialité d’un accident du travail

La société fait valoir que son salarié a été victime d’un arrêt cardio-respiratoire alors qu’aucun incident ou événement particulier en lien avec le travail n’est apparu, de sorte que la présomption d’imputabilité doit être écartée. Elle fait observer que la preuve d’une cause totalement étrangère au travail est très complexe à apporter, alors que seul l’accès aux éléments du dossier médical du salarié le permet. Elle considère qu’à défaut pour la caisse d’avoir fait procéder à une autopsie ou d’avoir sollicité son service médical afin qu’il prenne connaissance du dossier de [D] [H], elle l’a privée d’une chance de démontrer l’existence de cette cause étrangère.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le malaise, à la suite duquel le salarié est décédé, a eu lieu au temps et au lieu du travail. La présomption d’imputabilité de l’article L. 441-1 du code de la sécurité sociale doit en conséquence s’appliquer.

C’est à juste titre que le tribunal a considéré que l’employeur ne rapportait pas la preuve d’une cause étrangère au travail en se contentant d’indiquer que le salarié revenait de vacances et était reposé. Au surplus, ainsi qu’il a été rappelé précédemment, l’avis du service médical de la caisse a été sollicité, ce dont il résulte qu’un médecin a eu accès au dossier médical de l’intéressé. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de retenir que ce dernier souffrait d’une pathologie qui aurait justifié une recherche des causes de la mort. L’épouse du salarié avait en effet indiqué que son mari n’avait jamais eu de malaises semblables dans le passé et qu’il ne bénéficiait d’aucun traitement médical en cours.

Pour ces mêmes raisons, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande subsidiaire d’expertise.

Le jugement qui a rejeté le recours de la société en inopposabilité de la décision de prise en charge doit en conséquence être confirmé.

4. Sur les frais du procès

La société qui succombe est condamnée aux dépens et déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. Il serait inéquitable de laisser à la charge de la caisse l’intégralité de ses frais non compris dans les dépens. Il lui est alloué une somme de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort :

Confirme le jugement du tribunal judiciaire d’Évreux du 26 mars 2020 ;

Y ajoutant :

Condamne la société [4] aux dépens d’appel ;

La condamne à payer à la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Eure une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

La déboute de sa demande fondée sur les mêmes dispositions.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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