Droit du logiciel : 24 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/03806

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Droit du logiciel : 24 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/03806

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 24 FEVRIER 2023

N°2023/ 047

Rôle N° RG 19/03806 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BD45C

SA ORPEA

C/

[E] [P]

Copie exécutoire délivrée

le :24/02/2023

à :

Me Cédric PORTERON de la SELARL B.P.C.M, avocat au barreau de NICE

Me Stéphanie ROYERE, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 30 Janvier 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00523.

APPELANTE

SA ORPEA, [Adresse 1], prise en son établissement secondaire la Résidence L'[3], sise [Adresse 4],

représentée par Me Cédric PORTERON de la SELARL B.P.C.M, avocat au barreau de NICE substituée à l’audience par Me Audrey MALKA, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Madame [E] [P], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Stéphanie ROYERE, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Décembre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre chargé du rapport, et Madame Estelle DE REVEL, Conseiller.

M. Philippe SILVAN a fait un rapport oral avant les plaidoiries

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Février 2023..

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Février 2023.

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Selon contrat à durée indéterminée du 14 juin 1996, Mme [P] a été recrutée par la société l'[3], aux droits de laquelle vient la SAS Orpéa, qui gérait une maison de retraite médicalisée. Au dernier état de la relation de travail, elle exerçait les fonctions de directrice d’exploitation.

A l’issue d’une visite médicale obligatoire du 9 avril 2014, le médecin du travail l’a déclarée inapte.

Le 10 avril 2014, Mme [P] a été placée en arrêt de travail pour le tableau burnout avec épuisement physique, insomnie, anticipation anxieuse, perte de l’estime de soi, troubles cognitifs et troubles du sommeil.

Par jugement du 31 mai 2016, le tribunal du contentieux de l’incapacité de Marseille a dit que le taux d’incapacité en relation avec la maladie professionnelle de Mme [P] était de 25’%.

Le 22 décembre 2016 la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) a reconnu le caractère professionnel de la maladie de Mme [P].

A l’issue d’une visite médicale de reprise du 28 février 2017, le médecin du travail a déclaré Mme [P] inapte à son poste de directrice et estimé que tout maintien dans un emploi dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé en application de l’article R4’1624’42 du code du travail et que l’état de santé de Mme [P] faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi de l’entreprise.

Le 2 mars 2017, Mme [P] a été convoquée à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement prévu le 16 mars 2017. Le 12 avril 2017, elle a été licenciée pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement.

Le 26 juillet 2017, Mme [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon d’une demande en nullité de son licenciement pour harcèlement moral et en réparation du préjudice subi.

Par ailleurs, le 5 septembre 2017, Mme [P] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Toulon d’une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de la SAS Orpéa. Par jugement définitif du 10 octobre 2019, le tribunal judiciaire de Toulon a estimé que la maladie professionnelle de Mme [P] était due à la faute inexcusable commise par la SAS Orpéa.

Par jugement du 30 janvier 2019, le conseil de prud’hommes de Toulon a’:

 »Jugé qu’il y a eu harcèlement moral et que le licenciement pour inaptitude est nul’;

 »condamné la SAS Orpéa à verser à Mme [P] les sommes de’:

– 105.000’€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul’;

– 3.500’€ bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis’;

– 350’€ à titre de l’indemnité de congés payés sur préavis’;

– 25.602’€ à titre d’indemnité spéciale de licenciement (rappel)’;

– 42.000’€ à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral’;

– 1.275,25’€ à titre d’indemnité compensatrice de congés payés (rappel 9 jours)’;

– 467’€ à titre d’indemnité de RTT (4 jours)’;

– 2.000’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu »aux entiers dépens,

 »condamné Mme [P] à la remise de l’attestation Pôle Emploi rectifiée, du bulletin de salaire d’avril 2017 et du certificat de travail rectifié’;

 »débouté les deux parties de toutes autres demandes tant principales que reconventionnelles’;

 »condamné Mme [P] aux entiers dépens de l’instance.

Le 6 mars 2019, la SAS Orpéa a fait appel de ce jugement.

Selon ses conclusions du 6 juillet 2022, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la SAS Orpéa demande de’:

 »Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulon le 30 janvier 2019 en ce qu’il a’:

– Jugé qu’il y a eu harcèlement moral et que le licenciement pour inaptitude est nul’;

– l’a condamnée à verser à Mme [P] les sommes de’:

– 105.000’€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul’;

– 3.500’€ bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis’;

– 350’€ à titre de l’indemnité de congés payés sur préavis’;

– 25.602’€ à titre d’indemnité spéciale de licenciement (rappel)’;

– 42.000’€ à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral’;

– 1.275,25’€ à titre d’indemnité compensatrice de congés payés (rappel 9 jours)’;

– 467’€ à titre d’indemnité de RTT (4 jours)’;

– 2.000’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu »aux entiers dépens,

– l’a condamnée à la remise de l’attestation Pôle Emploi rectifiée, du bulletin de salaire d’avril 2017 et du certificat de travail rectifié’;

Débouté les deux parties de toutes autres demandes tant principales que reconventionnelles’;

– l’a condamnée aux entiers dépens de l’instance’;

Statuant à nouveau’;

Sur le bien fondé du licenciement pour inaptitude’;

 »Juger que le licenciement pour inaptitude était justifié en l’absence de possibilité de reclassement’;

 »Juger que l’employeur a respecté l’ensemble de ses obligations’;

Sur le prétendu harcèlement moral intervenu’;

 »Juger que Mme [P] ne présente pas d’éléments permettant de supposer l’existence d’un harcèlement’;

 »Juger qu’aucun harcèlement moral n’a eu lieu dans l’entreprise’;

 »Juger que Mme [P] ne s’en est jamais plainte auprès de quiconque avant l’introduction de la procédure prud’homale’;

 »Débouter Mme [P] de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 42’000’€ en tenant compte de l’indemnisation perçue par-devant le pôle social’;

Si par extraordinaire il y était fait droit’;

 »Réduire la demande de dommages-intérêts formulés à de plus justes proportions en tenant compte des explications de l’employeur’;

Sur l’absence de nullité du licenciement’;

 »Débouter Mme [P] de sa demande au titre du licenciement nul en l’absence de démonstration de harcèlement moral’;

 »Débouter Mme [P] de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 105’000’euros’;

Si par extraordinaire il était fait droit à cette demande’;

 »La réduire à de plus justes proportions en tenant compte du fait qu’elle ne justifie aucunement de la matérialité d’un préjudice lui permettant de solliciter d’avantage que les 6 mois de salaires prévus par l’article L1235-3-1 du Code du travail’;

sur le rejet des autres demandes, financières’;

 »Débouter Mme [P] de ses demandes financières (préavis 3.500’€ outre 350’€ congés payés sur préavis, 3.706’€ au titre du rappel sur l’indemnité spéciale de licenciement)’;

 »Juger que l’employeur a déjà procédé au règlement de ces sommes tel qu’il en justifir’;

 »Rejeter ses demandes’;

 »Débouter Mme [P] au titre de sa demande de congés payés (rappel 9 jours), et d’indemnité de RTT (4 jours)’;

 »Juger que l’employeur a déjà réglé ces sommes tel qu’il en a été justifié’;

quoi qu’il en soit rejeter l’intégralité des demandes formulées par Mme [P]’;

 »Condamner Mme [P] à payer la somme de 1.500’€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

A l’issue de ses conclusions du 25 mars 2022, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, Mme [P] demande de’:

 »confirmer partiellement le jugement déféré’;

en conséquence’;

 »dire et juger l’existence de harcèlement moral subi par elle’;

 »dire et juger le licenciement pour inaptitude nul’;

 »condamner la SAS Orpéa à lui payer la somme de 105’000’€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul’;

 »condamner la SAS Orpéa à lui payer la somme de 3500’€ bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis’;

 »condamner la SAS Orpéa à lui payer la somme de 350’€ à titre de d’indemnité de congés payés sur préavis’;

 »condamner la SAS Orpéa à lui payer la somme de 42’000’€ à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral’;

 »condamner la SAS Orpéa à lui payer la somme de 1275,25’€ à titre d’indemnité compensatrice de congés payés(rappel 9jours)’;

 »condamner la SAS Orpéa à lui payer la somme de 467’€ à titre d’indemnité de RTT (4 jours)’;

 »condamner la SAS Orpéa à lui payer la somme de 2000’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens’;

 »ordonner la remise de l’attestation Pôle emploi rectifiée, du bulletin de salaire d’avril 2017 et du Certificat de travail rectifié’;

 »réformer la décision pour le surplus’;

et statuant à nouveau’:

 »condamner la SAS Orpéa à lui payer la somme de 3706’€ à titre d’indemnité spéciale de licenciement (rappel)’;

 »condamner la SAS Orpéa au paiement de la somme de 3000’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens

La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 novembre 2022. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.

SUR CE’:

Sur le harcèlement moral’:

moyens des parties’:

La SAS Orpéa conteste les faits de harcèlement moral invoqués par Mme [P] aux motifs’:

1°/ concernant la surcharge de travail’: que Mme [P] avait accepté ses fonctions de directrice d’exploitation, sans réserves et en toute connaissance de cause du fait qu’elle occupait des fonctions d’assistante de direction de longue date et que cette expérience lui avait permis de connaître l’étendue des tâches à accomplir, qu’antérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes, elle ne s’était jamais plainte de ses conditions de travail, que la réduction du personnel administratif a été conditionnée par l’installation d’un backoffice permettant de réaliser les tâches administratives quotidiennes de façon optimiser rendant inutile la présence de 4 salariés, qu’elle n’était aucunement opposée à des recrutements dès lors que la demande lui en était faite et que cela était justifié par les besoins organisationnels de la structure, qu’il n’a jamais été demandé à Mme [P] de remplacer le personnel technique ou d’animation pendant les absences de ceux-ci, que Mme [P] ne peut soutenir qu’elle était contrainte d’assumer deux postes’: le sien et celui d’assistante de direction, qu’en effet, la mise en place du backoffice devait permettre d’optimiser le travail administratif ainsi que d’améliorer le travail et la gestion du temps du personnel administratif, que Mme [P] ne s’est jamais plainte, avant la saisine du conseil de prud’hommes, de son amplitude horaire et que, par leur nature, les missions de directeur d’exploitation imposent de nombreuses remontées de chiffres et tableaux de bord à la direction dans des délais relativement très courts qui ne peuvent être réalisées dans la journée et qu’elle n’a demandé qu’à une reprise à certains directeurs de venir travailler un weekend, du fait que le taux d’occupation prévu n’était pas atteint,

2°/ concernant les menaces indirectes de M. [O], directeur régional du groupe’: que selon les développements de Mme [P], elle n’aurait pas été personnellement visée par les menaces qu’elle invoque et que Mme [P] ne rapporte pas la preuve de la formulation par ce directeur de menaces insidueuses,

3°/ concernant l’absence de soutien hiérarchique de Mme [P] et d’autonomie dans ses décisions’: que les demandes de remplacement de salariés absents étaient formalisées par le directeur d’établissement par le biais du logiciel intranet auprès de son directeur régional, que la décision, d’autoriser ou pas le remplacement sollicité, était ensuite prise par ce dernier en fonction du respect du budget alloué, que Mme [P] n’était pas la seule directrice et qu’il est acquis que si le budget de la résidence était respecté, la validation de l’embauche était automatique, que le refus du directeur régional était donc justifié par le fait que le budget n’était pas respecté, que chaque directeur d’exploitation devait impérativement composer avec ce type de difficultés qu’il connaissait parfaitement et que le refus du directeur régional, quant au remplacement sollicité, était lui-même dicté par ses obligations propres de contrôle du budget des résidences dont il avait la responsabilité.

La SAS Orpéa soutient en outre qu’il n’est pas établi que la dégradation de l’état de santé de Mme [P] est imputable aux faits de harcèlement moral invoqués par celle-ci aux motifs que le rapport d’expertise psychiatrique du 13 janvier 2016 qu’elle invoque ne fait que reprendre ses dires, que l’enquête de la CPAM est principalement fondée sur les déclarations de Mme [P] et d’une salariée qui n’a été en poste que sur une courte période, que Mme [P] n’a émis aucune doléance avant la saisine du conseil de prud’hommes et que Mme [P], qui soutient avoir fait l’objet d’un stress long et insidieux et de frustrations qu’elle qualifie d’injustices permanentes, ne vise aucune date ni aucun fait concret.

La SAS Orpéa conteste le caractère probant des témoignages produits aux débats par Mme [P] aux motifs qu’ils ont été rédigés tardivement pour les besoins de la cause, qu’ils sont imprécis, qu’ils ne sont pas conformes aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile et qu’ils relatent des faits dont les témoins ne peuvent avoir eu connaissance.

Concernant le procès-verbal de constat d’huissier versé à l’instance par Mme [P], elle indique que ce procès-verbal ne concerne qu’une seule journée et ne peut donc démontrer que la résidence fonctionnait en sous-effectif de façon habituelle.

Mme [P] soutient qu’elle a fait l’objet de la part de la SAS Orpéa de faits de harcèlement moral managérial caractérisés par’:

1°/ une surcharge de travail, dont elle estime rapporter la preuve par le listing qu’elle a remis à la CPAM dans le cadre de l’instruction de sa demande en reconnaissance de l’origine professionnelle de son arrêt de travail et le compte-rendu d’enquête de la CPAM, que cette surcharge de travail est imputable à la réduction du personnel administratif entraînant la nécessité pour elle, depuis janvier 2013, d’assurer les fonctions de directrice d’exploitation et d’assistante de direction sans pouvoir se décharger de certaines tâches sur la secrétaire, la mise en place par la SAS Orpéa de nouvelles procédures internes de contrôle, de suivi et de plans d’action correctifs, une large amplitude de travail quotidien,

2°/ les menaces régulières du directeur régional du groupe tant dans les réunions ordinaires organisationnelles régionales que dans les messages diffusés par ce derniers,

3°/ l’absence de soutien hiérarchique et d’autonomie dans ses décisions en raison de l’absence de validation des demandes de remplacement pour les postes administratif, d’animation ou d’agent technique.

Elle indique que ces faits ont porté atteinte à sa dignité et altéré sa santé mentale aux motifs que pour la première fois en 18 ans d’activité, elle a été placée en arrêt de travail à compter du 10 avril 2014 jusqu’au 27 février 2017 inclus, que les certificats médicaux décrivent un syndrome de burnout avec épuisement physique, insomnie, anticipation anxieuse, anhédonie, pessimisme et perte de l’estime de soi, que le psychiatre désigné pour évaluer son taux d’incapacité a expressément qualifié un trouble de l’adaptation à une situation professionnelle difficile qui peut qualifier de burn out avec troubles dépressifs majeurs et charge anxieuse importante, que l’enquête de la CPAM a établi que ses conditions de travail étaient anormales et que l’arrêt de travail a été pris en charge au titre d’une maladie professionnelle et que, dans ce cadre, le directeur régional du groupe n’a pas donné suite aux demandes de rendez-vous pour connaître sa version des faits mais que l’audition de la nouvelle directrice adjointe a permis de vérifier, en partie, ses conditions de travail.

réponse de la cour’:

L’article L.’1152-1 du code du travail prévoit qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Par ailleurs, l’article L’1154-1 du même code, dans sa rédaction en vigueur pendant l’exécution du contrat de travail de Mme [P], édicte que lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L’1152-1 à L’1152-3 et L’1153-1 à L’1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, le 16 juin 1996, Mme [P] a été recrutée par la société l'[3], qui gérait une seule maison de retraite, en qualité de secrétaire administrative. Elle est devenue secrétaire animatrice en 1999, secrétaire de direction en 2003 puis assistante de direction en 2006.

L’établissement de la société [3] a été racheté en 2010 par la SAS Orpéa qui exploite plusieurs maisons de retraite. A compter du 1er janvier 2013, Mme [P] a été nommée directrice d’exploitation. Elle était placée sous l’autorité directe de M. [O], directeur régional.

Au terme de l’avenant à son contrat de travail elle était responsable’:

– de la bonne organisation du séjour des résidents et de la bonne exécution des obligations contractées à leur égard,

– de la mise en ‘uvre de la politique commerciale et économique définie par la direction régionale,

– du contrôle des coûts de fonctionnement de la résidence,

– de la bonne application des règles d’hygiène et de sécurité,

– de l’encadrement des salariés de la résidence et du respect de la réglementation en vigueur en matière de gestion du personnel, notamment pour le fonctionnement des organisations représentatives du personnel, en relation étroite avec la direction des ressources humaines.

Il n’est pas contesté que l’équipe administrative de la maison de retraite a été réduite suite à son rachat par la SAS Orpéa, passant de 4 agents à temps plein en 2009 à 3 agents à temps plein en 2011 et 2,5 agents à temps plein en 2014.

Dans le cadre de l’enquête administrative diligentée par la CPAM, Mme [P] a décrit très précisément le périmètre de ses attributions et la modification de ses conditions de travail suite au rachat de la maison de retraite par la SAS Orpéa. Elle a ainsi indiqué qu’il avait fallu mettre en ‘uvre les nouvelles procédures du groupe, que des réductions de personnel administratif avaient eu lieu, que son assistante de direction n’avait pas été remplacée, qu’elle devait en conséquence assurer les tâches de cette dernière, qu’à plusieurs reprises des embauches de personnel lui avaient été refusés, qu’elle avait une large amplitude quotidienne de travail, et ne disposait d’aucune autonomie en ce qui concerne les ressources humaines ni d’aucun soutien en cas de carence d’effectifs, qu’elle subissait les menaces insidieuses de son directeur d’exploitation en cas de dysfonctionnement au sein de la maison de retraite et que la situation s’était progressivement dégradée en raison d’un manque de personnel et de négligence ainsi que d’une forme de maltraitance à l’égard des résidents.

À l’occasion de cette enquête, Mme [U], directrice adjointe de la maison de retraite l'[3], a exposé que Mme [P] pouvait rester dans l’établissement jusqu’à très tard le soir, voire la nuit, afin de pouvoir finir le travail qui n’avait pu être accompli dans la journée, que le métier de directeur d’exploitation nécessitait de faire de nombreuses remontées de chiffres et tableaux de bord à la direction dans des délais relativement très courts, qu’il fallait être réactif alors que le poste ne le permettait pas toujours puisque le directeur exploitation, recevant des familles de résidents la journée, ne pouvait s’occuper de ses fonctions administratives et prenait ainsi du retard dans la journée.

En revanche, la SAS Orpéa n’a pas répondu aux nombreuses sollicitations de la CPAM aux fins de faire valoir ses observations dans le cadre de l’instruction de la demande de reconnaissance de Mme [P].

Mme [P] verse en outre aux débats deux courriels du 19 mars 2014 de M. [O], directeur régional, dont il ressort que Mme [P], faute d’avoir respecté l’objectif TO (taux d’occupation) a été informée qu’elle serait d’astreinte sur son site et par lequel le directeur régional a rappelé l’objectif du directeur de faire en sorte que le taux d’occupation de son site soit égal à sa capacité autorisée. Par ailleurs, elle fait état d’un courriel du même directeur d’exploitation du 4 avril 2014 refusant une demande de remplacement AS de nuit, la titulaire étant en accident du travail, au motif qu’une telle demande ne respectait pas les objectifs.

De surcroît, elle produit à l’instance le témoignage de Mme [K], secrétaire de l’établissement, qui relate, à compter du rachat de la maison de retraite par la SAS Orpéa, l’adoption de nouvelles dispositions économiques’: réduction du personnel administratif et mise en place d’un back office censé réaliser des tâches administratives de l’établissement mais qui se bornait essentiellement à centraliser et collecter des informations relatives au suivi de l’activité de l’établissement, un manque de personnel à tous les niveaux entraînant des problématiques de remplacement pour les soins et l’entretien des locaux, les refus de demandes de remplacement, les réorganisations constantes, l’épuisement de tous (directeur, infirmière coordinatrice, aide-soignante,’), la nécessité de faire l’impasse sur l’achat de certaines formes de fournitures, une perte de temps importante à réaliser des activités de remontée d’information, un sentiment d’abandon. Ce témoin précise en outre qu’aucun moyen n’était alloué au remplacement des personnels technique, animation et administratif, que Mme [P] avait pour instructions de ne pas effectuer de demande de remplacement pour ces postes, qu’il était interdit de recruter des intérimaires pour remplacer les absences de personnel soignant et que Mme [P] ne prenait que de courtes périodes de congés en restant à proximité de l’établissement.

Mme [P] verse enfin aux débats les témoignages de Mmes [R], ancienne salariée de l’établissement, et [W], parente d’une résidente, et de M. [T], médecin, qui attestent de manière concordante de la dégradation de la maison de retraite l'[3] à compter de son rachat par la SAS Orpéa’: 3 burnout à la direction, pression sur le personnel, arrets maladie, renouvellement du personnel, stress,’

Il n’est pas contesté que la date du témoignage de Mmes [K] et [R] ainsi que la copie de la pièce d’identité de Mme [R] sont peu lisibles. Cependant, il est de principe que la violation des dispositions de l’article 202 du code de procédure civile n’est pas prescrite à peine de nullité et qu’il appartient au juge d’apprécier souverainement si une attestation non-conforme à ces dispositions présente ou non des garanties suffisantes pour emporter sa conviction et ne pas l’écarter des débats. Les griefs soulevés par la SAS Orpéa, qui ne porte sur le formalisme de ces attestations, n’apparaît pas de nature à les prive de force probante. De même, il en ressort clairement des témoignages précités que les témoins relatent, de manière précise et détaillée, des faits auxquels ils ont personnellement assistés.

Il ressort de ce qui précède que, à compter du rachat de la maison de retraite l'[3] par la SAS Orpéa, les conditions de travail de Mme [P] ont été modifiées en ce que l’équipe administrative nécessaire à la gestion de l’établissement a été réduite de moitié, qu’en raison de la nouvelle organisation mise en place, Mme [P] a été contrainte d’assurer de manière régulière et urgente la remontée d’informations au niveau de la direction de l’entreprise, qu’elle a dû faire face a une surcharge de travail avec une grande amplitude quotidienne de travail, voire du travail de nuit, pour assurer l’intégralité de ses fonctions, qu’elle a rencontré de grandes difficultés pour assurer le remplacement du personnel absent puisque, pour des raisons uniquement budgétaires, sans considération pour les besoins humains de la maison de retraite, celles-ci étaient rejetées et a été soumise à une politique du chiffre concernant le taux d’occupation de son établissement entraînant, en cas de non-respect des objectifs assignés, une forme de punition caractérisée par un service d’astreinte le week-end.

Mme [P] a été placée en arrêt de travail à compter du 10 avril 2014 en raison d’un burnout avec épuisement physique, insomnie, anticipation anxieuse, pessimisme et perte de l’estime de soi. Cet arrêt de travail s’est poursuivi sans discontinuer jusqu’au 27 février 2017, date à laquelle elle a fait l’objet d’un avis d’inaptitude par la médecine du travail. Elle produit aux débats un certificat médical du docteur [F], psychiatre, dont il ressort notamment qu’elle n’avait pas d’antécédents médicaux, chirurgicaux ou encore psychiatriques avant cet épisode dépressif, que sa situation est précaire, qu’elle ne sort quasiment plus de chez elle, elle souffre de troubles de l’attention et présente des accès de panique et, qu’à l’exception de sa famille, elle fuit les relations sociales.

La dégradation de l’état de santé de Mme [P], qui ne présentait pas d’état antérieur, à l’issue de plusieurs années de dégradation de ses conditions de travail suite au rachat de la maison de retraite l'[3] par la SAS Orpéa permet de présumer l’existence de faits de harcèlement moral à son encontre.

La SAS Orpéa ne peut sérieusement soutenir que Mme [P] avait accepté ses nouvelles fonctions de directrice d’exploitation en connaissance de cause et que, par leur nature, ces fonctions impliquaient une remontée d’information dans des délais relativement courts en dehors des heures de journée. En effet, les conditions de travail imposées à Mme [P] ne résulte pas de l’essence des fonctions de directeur d’exploitation mais de l’organisation mise en place par la SAS Orpéa, caractérisée par une réduction drastique des charges de personnel, notamment sur le plan administratif. Par ailleurs, il n’est nullement démontré par la SAS Orpéa que la mise en place d’un back office a permis de compenser la réduction du personnel administratif de la maison de retraite.

Il n’est donc pas établi par la SAS Orpéa que les agissements susvisés étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le jugement déféré, qui a retenu que Mme [P] avait été victime de harcèlement moral, sera donc confirmé.

Sur la nullité du licenciement’:

moyens des parties’:

La SAS Orpéa soutient que Mme [P] ne peut prétendre à la nullité de son licenciement pour harcèlement moral aux motifs qu’elle ne rapporte pas la preuve qu’elle a fait l’objet d’un harcèlement moral, que l’employeur considère que la résidence bénéficiait du personnel nécessaire à son bon fonctionnement, que l’exploitation d’une résidence médicalisée est sous la surveillance de l’Agence régionale de santé (ARS) mais aussi du conseil départemental dans le cadre d’une convention tripartite par laquelle l’employeur s’engage à respecter un certain nombre d’obligations relatives à l’hygiène et à la sécurité des résidents mais également du personnel et que son autorisation d’exploitation a toujours été renouvelée, démontrant ainsi le respect des obligations mises à sa charge.

Concernant les demandes indemnitaires de Mme [P], elle expose que celle-ci a majoré, en cause d’appel, sa demande en dommages-intérêts pour nullité du licenciement sans apporter la moindre justification à cette augmentation et sans s’expliquer sur le préjudice subi, que, à l’appui de sa demande au titre de son préjudice moral, elle ne rapporte pas la preuve d’une attitude blessante ou vexatoire de son employeur à son égard et que Mme [P], qui évoque des consultations psychiatriques en octobre 2018, ne rapporte pas la preuve d’un suivi régulier.

La SAS Orpéa précise que Mme [P] a déjà été indemnisée par le pôle social pour compenser son déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 4.238,66’€ outre sur les souffrances endurées à hauteur de 3.500’€ procédant ainsi à l’indemnisation des souffrances physiques ou morales avant consolidation, qu’il sera tenu compte de cette décision pour rejeter et à tout le moins déduire la demande indemnitaire formulée en application du principe selon lequel nul ne saurait être doublement indemnisé d’un même préjudice.

Mme [P] soutient que son licenciement est nul dès lors qu’il est démontré que le harcèlement moral qu’elle a subi est à l’origine de son inaptitude.

A l’appui de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice moral, elle expose que, au-delà de l’aspect financier relatif à la perte de revenu consécutif à son licenciement, il convient de prendre en considération son préjudice moral puisqu’elle se retrouve totalement «’démolie’» moralement, et subit toujours les séquelles de ces années de pressions, compromettant ainsi sa réinsertion professionnelle, dans la mesure où, actuellement, elle est toujours sous traitement médicamenteux et suivi psychiatrique et s’avère psychologiquement trop fébrile pour reprendre le travail.

réponse de la cour’:

Il est de jurisprudence constante qu’est nul le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement lorsque cette inaptitude trouve dans sa cause dans des faits de harcèlement moral subi par le salarié.

Il est indifférent de rechercher si la SAS Orpéa a respecté les obligations lui incombant en vertu de la convention tripartite passée entre elle, l’ARS et le conseil départemental. En effet, le respect de telles obligations, en vertu du principe de relativité des conventions, est sans effet sur la nullité du licenciement.

Il a été retenu que Mme [P] avait fait l’objet de faits de harcèlement moral par la SAS Orpéa, qu’elle n’avait aucun antécédent psychiatrique avant son arrêt de travail du 10 avril 2014 pour tableau de burnout avec épuisement physique, insomnie, anticipation anxieuse, pessimisme, et perte de l’estime de soi.

Elle a été placée en arrêt de travail sans discontinuer jusqu’au 27 février 2017.

Au terme d’une visite médicale de reprise du 28 février 2017, le médecin du travail l’a déclarée inapte à son poste de directrice et a estimé que tout maintien dans un emploi dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé et que l’état de santé de Mme [P] faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi de l’entreprise.

Le motif médical de l’arrêt de travail de Mme [P], l’évolution défavorable de son état psychiatrique et les conclusions du médecin du travail démontrent que l’inaptitude de Mme [P] trouve entièrement sa cause dans les faits de harcèlement moral subis. Le jugement déféré, qui a dit que son licenciement était nul, sera donc confirmé.

Compte tenu de l’ancienneté de Mme [P] lors de son licenciement, soit 20 ans et presque 10 mois, et de sa rémunération, soit 3’500’euros, et des difficultés à retrouver un emploi en raison des conséquences psychiques du harcèlement moral dont elle a fait l’objet, le préjudice subi par Mme [P] en raison de la rupture de son contrat de travail a été justement apprécié à 105’000’euros par le conseil de prud’hommes.

L’octroi de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne saurait faire obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Les sommes allouées à Mme [P] par le Pôle social à Mme [P] au titre du préjudice fonctionnel temporaire portent sur la période courant du 10 avril 2014 au 31 janvier 2016. De même, les sommes allouées à Mme [P] au titre des souffrances endurées sont dues au titre de la maladie professionnelle qu’elle a développée à compter du 10 avril 2014. Mme [P] n’a donc pas été indemnisée du préjudice subi pendant la relation de travail.

Compte tenu de la durée de la période considérée et de la nature des faits subis par Mme [P], commis dans un contexte de choix assumé par la SAS Orpéa de faire supporter la pénurie de personnel sur ses responsables locaux et de l’ampleur des souffrances psychiques de Mme [P], le préjudice de cette salariée a été justement apprécié à la somme de 42’000’euros par le conseil de prud’hommes.

Sur le surplus des demandes’:

moyens des parties’:

La SAS Orpéa soutient que Mme [P], qui réclame une indemnité compensatrice de préavis de trois mois en qualité de cadre a perçu ce à quoi elle avait droit, que le conseil de prud’hommes n’a pas tenu compte de ses explications et calculs dont il ressortait que Mme [P] avait été remplie de ses droits concernant le montant de son indemnité légale de licenciement et qu’il ne ressort pas de son bulletin de paie du mois d’avril 2017 que les jours RTT et jours de congés dont elle réclame le paiement sont dus.

Mme [P] expose que, licenciée le 14 avril 2017, elle a été contrainte de réclamer les documents légaux de fin de contrat (certificat travail, attestation Pôle emploi, solde de tout compte détaillant les sommes versées) par lettre recommandée en date du 19 mai 2017, soit plus d’un mois après le prononcé du licenciement, que le montant de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents qui lui a été réglé est erroné dans la mesure où, selon la convention collective applicable, la durée du préavis est de trois mois pour les cadres, que l’indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude doit être calculée en considération d’un salaire moyen de 3792’€ bruts et d’une ancienneté prenant en compte le préavis, que l’indemnité légale de licenciement payée par la SAS Orpéa n’est pas calculée sur son salaire exact et ne prend pas en compte son ancienneté, que son bulletin de salaire d’avril 2017 mentionne un solde de 95 jours de congés payés alors que, au jour de son arrêt de travail d’avril 2014, ce solde était de 104 jours et qu’elle est donc en droit de réclamer paiement du solde restant dû, que son bulletin de paie d’avril 2014 fait état d’un solde de 4 jours de RTT à devoir, que la seconde attestation Pôle Emploi que la SAS Orpéa lui a adressée, suite à ses observations, est erronée, que le certificat de travail, dans le détail des postes occupés, mentionne une date d’entrée dans l’entreprise au 16 avril 1996 au lieu du 16 juin 1996 et que son bulletin de paie du mois d’avril 2017 mentionne une date d’entrée dans l’entreprise au 1er janvier 1992 et non au 16 juin 1996.

réponse de la cour’:

Selon l’article 45 de la convention collective nationale de l’hospitalisation privée du 18 avril 2002, la durée du préavis des cadres en cas de licenciement est de trois mois. Mme [P] percevait un salaire de 3’500’euros. Elle n’a perçu de Mme [P] qu’une somme de 7’000’euros bruts, soit deux mois de préavis. Le jugement déféré, qui a fait droit à sa demande en rappel de ce chef, outre les congés payés afférents, sera donc confirmé.

Selon l’article L.’1226-14 du code du travail,la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article l’article L.’1234-5 ainsi qu’à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité prévue par l’article L.’1234-9.

Les articles R.’1234-1, R.’1234-2 et R.’1234-4 du code du travail, dans leur version en vigueur à l’époque du licenciement de Mme [P] prévoient que’:

– L’indemnité de licenciement prévue à l’article L.’1234-9 ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l’entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines,

– L’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, auquel s’ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d’ancienneté.

– Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.

Par ailleurs, il est de principe que l’évaluation du montant de l’indemnité est faite en tenant compte de l’ancienneté à l’expiration du contrat c’est-à-dire à l’expiration normale du préavis même s’il y a eu dispense de l’exécuter.

La moyenne des salaires de Mme [P] au cours des douze derniers mois précédant le licenciement, compte tenu d’une prime de 7’000’euros en septembre 2013, mode de calcul le plus favorable à la salariée, est de 3’792’euros.

Compte tenu de son préavis de trois mois, Mme [P] a quitté les effectifs de l’entreprise le 12 juillet 2017. Elle avait donc une ancienneté de 21 ans.

L’indemnité conventionnelle de licenciement à laquelle Mme [P] pouvait prétendre s’élevait à 28’056’euros. Compte tenu de son salaire de référence et de l’ancienneté précitée, le montant de l’indemnité légale était de 21’488’euros. Elle pouvait prétendre, par application de l’article L.’1226-14 du code du travail, à une indemnité doublée de 42’976’euros. Elle a perçu une somme de 39’620’euros. Il subsiste en conséquence un solde en sa faveur de 3’356’euros et non de 25’602’euros. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Mme [P] avait un solde de 104 jours de congés lors de son arrêt de travail du 10 avril 2014. Son bulletin de paie pour le mois d’avril 2014 fait état de 4 jours de RTT. Son bulletin de paie pour le mois d’avril 2017 ne mentionne plus que 94 jours de congés.

Il est de principe que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. Dès lors, la délivrance par la SAS Orpéa d’un bulletin de paie en avril 2017 faisant état du paiement des jours de congés et de RTT ne suffit pas à en rapporter la preuve. Le jugement déféré, qui a fait droit aux demandes de Mme [P] de ce chef, sera donc confirmé.

Le certificat de travail remis à Mme [P] indique à tort qu’elle a exercé les fonctions de secrétaire administrative à compter du 16 avril 1996. De même, le bulletin de paie remis à Mme [P] lors de la rupture du contrat de travail est erroné en ce qu’il mentionne une date d’entrée dans l’entreprise au 1er janvier 1992. Mme [P] est en conséquence fondée à solliciter la rectification de ces documents.

sur les mesures accessoires’:

Enfin la SAS Orpéa, partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, devra payer à Mme [P] la somme de 3’000’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS’;

LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement’;

DECLARE Mme [P] recevable en son appel’;

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Toulon du 30 janvier 2019 en ce qu’il a condamné la SAS Orpéa à verser à Mme [P] la somme de 25.602’€ à titre de rappel sur indemnité spéciale de licenciement’;

LE CONFIRME pour le surplus’;

STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation et y ajoutant’;

CONDAMNE la SAS Orpéa à payer à Mme [P] les sommes suivantes’:

– 3’792’euros à titre de rappel sur indemnité spéciale de licenciement’;

– 3’000’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

CONDAMNE la SAS Orpéa à remettre à Mme [P], dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, sous peine d’une astreinte de 200’euros par jour de retard, une attestation Pôle Emploi conforme aux condamnations prononcées à son encontre au profit de Mme [P], un certificat de travail exact concernant la date de prise d’effet de ses fonctions de secrétaire administrative et un bulletin de paie rectificatif du mois d’avril 2017 mentionnant sa date d’entrée dans l’entreprise’;

SE RESERVE la liquidation de l’astreinte’;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes’;

CONDAMNE la SAS Orpéa aux dépens.

Le Greffier Le Président

 


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