Droit du logiciel : 23 mars 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/00105

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Droit du logiciel : 23 mars 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/00105

7ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°110/2023

N° RG 21/00105 – N° Portalis DBVL-V-B7F-RHGH

S.A.R.L. AIRMAIN

C/

Mme [E] [Z]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 23 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 17 Janvier 2023 devant Monsieur Hervé BALLEREAU, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 23 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.R.L. AIRMAIN agissant poursuites et diligences de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me CASATI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Madame [E] [Z]

née le 19 Juin 1964 à [Localité 6]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Mathieu BRULE de la SARL OCTOGONE AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

INTERVENANTE :

Etablissement Public POLE EMPLOI BRETAGNE

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Mélanie VOISINE de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [E] [Z] a été embauchée en qualité de responsable administrative et comptable par la société Aéro4M, filiale de la société Regourd Aviation, selon un contrat à durée indéterminée en date du 06 janvier 2014. Son contrat de travail a été transféré avec reprise d’ancienneté le 1er mai 2015 à la SARL Airmain, également filiale de la société Regourd Aviation, qui a pour activité la maintenance d’avions.

Suite à un audit réalisé au mois de novembre 2018, le 22 novembre 2018, la société Airmain convoquait Mme [Z] à un entretien préalable au licenciement fixé au 29 novembre suivant.

Par courrier remis en mains propres le 06 décembre 2018, Mme [Z] se voyait son licenciement pour faute professionnelle aux motifs suivants :

– Manque de contrôle de la formation des intérimaires

– Mauvaise gestion des effectifs

– Dysfonctionnements de traitement des congés, heures supplémentaires, absences et remboursements des notes de frais des salariés

– Mauvaise tenue du registre d’entrée et de sortie des personnes entrant dans le hangar

– Absence de badge pour le personnel et les visiteurs.

Par courrier recommandé en date du 02 mai 2019, le conseil de Mme [Z] a vainement contesté son licenciement et dénoncé une rupture d’égalité en matière salariale.

 ***

Mme [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Brieuc par requête en date du 11 septembre 2019 afin de voir :

– Dire et juger que son licenciement est intervenu dans des conditions brutales et vexatoires,

– En conséquence, condamner la société Airmain à lui payer la somme de 10 500 euros à titre de dommages et intérêts visant à indemniser le caractère brutal et vexatoire du licenciement,

– Dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

– En conséquence, condamner la société Airmain à lui payer la somme de 32 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Dire et juger qu’elle a été victime d’une rupture d’égalité en matière salariale,

– En conséquence, condamner la société Airmain à lui payer la somme de 9 547,54 euros à titre de rappels de salaire, outre 954,75 euros au titre des congés payés afférents,

– Condamner la société Airmain à verser à lui payer la somme de 3 000 Euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Prononcer l’exécution provisoire,

– Dire et juger que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil.

– Condamner la société Airmain aux entiers dépens.

Par jugement en date du 03 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Saint-Brieuc a :

– Dit que le licenciement de Madame [Z] est intervenu dans des conditions brutales et vexatoires;

– Condamné la société Airmain à verser à Madame [Z] la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour le caractère brutal et vexatoire du licenciement ;

– Dit que le licenciement est infondé et dénué de cause réelle et sérieuse;

– Condamné la société Airmain à verser à Madame [E] [Z] la somme de 21 318 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

les dites sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement.

– Condamné la société Airmain à payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Ordonné l’exécution provisoire du jugement pour la totalité des sommes allouées ;

– Débouté Madame [E] [Z] du surplus de ses demandes ;

– Débouté la société Airmain de ses demandes reconventionnelles ;

– Condamné la société Airmain aux dépens ;

– Condamné en outre d’office la société Airmain à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à Madame [E] [Z] dans la limite de six mois d’indemnités.

***

La SARL Airmain a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 05 janvier 2021.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 04 janvier 2022, la SARL Airmain demande à la cour d’appel de:

– Réformer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement de Madame [Z] est intervenu dans des conditions brutales et vexatoires, en ce qu’il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné la société Airmain sur les chefs de demande évoqués dans les motifs et au remboursement des indemnités de chômage

– Le confirmer en ce qu’il a débouté Madame [Z] de ses demandes relatives à une prétendue rupture d’égalité

– Débouter Madame [E] [Z] de ses demandes, en toutes les fins qu’elles comportent.

– Déclarer irrecevable l’intervention volontaire de Pôle Emploi Bretagne et le déclarer en toute hypothèse mal fondé en ses demandes.

– Condamner Madame [E] [Z] à payer à la société Airmain une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamner Pôle Emploi Bretagne à payer à la société Airmain une indemnité de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamner Madame [E] [Z] aux dépens de première instance et d’appel, in solidum avec Pôle Emploi Bretagne en ce qui concerne les dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Alexandre Tessier de la SELARL Bazille, Tessier, Preneux, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Airmain fait valoir en substance que:

– Le courriel qui a été adressé à Mme [Z] est une réponse à un courriel de cette dernière qui manifestait son souhait de rester dans l’entreprise ; il est postérieur à l’envoi de la lettre de licenciement et les termes employés sont très corrects ; le licenciement ne présente aucun caractère brutal et vexatoire ;

– L’audit OSAC du 12 avril 2018 a relevé un écart de niveau 2 pour absence d’identification des personnels de soutien B1/B2 ; un nouvel audit réalisé en novembre 2018 a de nouveau constaté que les formations initiales et continues des techniciens n’étaient pas réalisées dans les délais impartis et que les certificats de formations obligatoires n’étaient pas demandés / collectés par le responsable des embauches avant la prise de fonction des personnels concernés; cette collecte était de la seule responsabilité de Mme [Z] en qualité de responsable administrative chargée des embauches ; le respect du MOE est essentiel pour un atelier de maintenance aéronautique ; il en va de la sécurité des passagers du transport aérien ;

– Mme [Z] a omis de faire signer le règlement intérieur aux employés de l’entreprise ; cette responsabilité n’incombait pas aux responsables qualité ; Mme [Z] avait de surcroît une large autonomie et le dirigeant du groupe, géographiquement éloigné, lui faisait entière confiance ; elle disposait d’importantes prérogatives telles que négocier les embauches ou les augmentations du personnel ; la négligence dans la délivrance des badges qui donnaient accès à la piste de l’aérodrome posait également un problème de sécurité, l’accès aux pistes étant strictement interdit aux personnes non habilitées ;

– L’audit réalisé en novembre 2018 a souligné la mauvaise gestion des effectifs; Mme [Z] a refusé d’utiliser le logiciel de gestion du personnel Manatime, mis en place dans le groupe ; elle n’a pas alerté sa hiérarchie sur des anomalies dans le remboursement de notes de frais injustifiées ;

– Les fonctions de Mme [Z] ne sont pas comparables à celles d’un technicien de maintenance ; il n’est justifié d’aucune inégalité de traitement ;

– Pôle emploi Bretagne ne justifie pas de l’habilitation de son directeur régional à agir en justice ; en outre, les conditions d’application de l’article L1235-4 du code du travail ne sont pas réunies.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 07 octobre 2022, Mme [Z] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de rappel de salaire formulée en raison de la rupture d’égalité dont elle a été victime et en ce qu’il a limité à 2 500 euros la condamnation de la Société Airmain prononcée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de:

– Dire et juger qu’elle a été victime d’une rupture d’égalité en matière salariale,

– En conséquence, condamner la société Airmain à lui payer la somme de 9 547,54 euros à titre de rappels de salaire, outre 954,75 euros au titre des congés payés afférents,

Elle demande pour le surplus la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société Airmain à lui payer la somme de 6 000 Euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [Z] fait valoir en substance que:

– Elle a toujours bénéficié d’appréciations très positives dans son travail et n’a jamais été sanctionnée ;

– Lorsqu’elle a reçu un mail l’informant qu’elle était licenciée, elle n’avait pas reçu la lettre de licenciement; il lui a été demandé devant le personnel de quitter l’entreprise lorsqu’elle s’est présentée au travail le 6 décembre 2018, n’ayant toujours pas reçu de lettre de licenciement ; ce procédé est vexatoire ; son état de santé s’est dégradé du fait des agissements de l’employeur ;

– Aucun défaut de contrôle de la formation des intérimaires n’a été pointé dans le rapport d’audit du 2 août 2018 ; ces opérations de contrôle ne relevaient pas de la seule responsabilité de Mme [Z] mais étaient effectuées en coordination avec les managers et l’équipe qualité ; plusieurs documents en attestent ; elle ne procédait pas aux embauches d’intérimaires, dont la responsabilité revenait au responsable entretien ; le rapport d’audit du 15 novembre 2018 ne vise aucune perte de certification Part 145 et aucune réserve sur l’obtention de la certification IOSA ; il n’était pas relevé de risque pour la sécurité des passagers ;

– Le 14 août 2018, elle a attiré l’attention du dirigeant de l’entreprise sur l’importance de faire lire à tout nouveau salarié embauché le règlement intérieur, de remettre un livret d’accueil, de faire signer un registre d’entrée et de sortie et de remettre des badges au personnel et aux visiteurs ; elle n’a commis aucune faute sur ces différents points ;

– L’employeur ne démontre aucun manquement sur le traitement des congés, des absences et des heures supplémentaires ; aucune pièce n’est produite ; elle était toujours vigilante sur tous ces points et n’a jamais reçu de rappel à l’ordre ou d’avertissement ; elle échangeait régulièrement avec la direction sur tous ces points;

– Elle n’a jamais refusé d’utiliser le logiciel Manatime ; elle avait seulement, avant son achat par l’entreprise, émis des doutes sur l’intérêt que cela représenterait ; aucune mauvaise gestion des effectifs ne peut lui être reprochée;

– Toutes les notes de frais comptabilisées faisaient l’objet d’une double validation par la direction, avant comptabilisation et règlement ; elle n’a jamais reçu la moindre observation avant le licenciement sur une mauvaise gestion des notes de frais ; une discussion juridique était encore en cours, quelques jours avant le licenciement, sur la question d’une éventuelle incompatibilité entre les per diem et les notes de frais ;

– Elle a subi une différence de traitement par rapport aux autres cadres de la société, alors qu’elle n’a cessé de voir son champ d’intervention augmenter depuis son embauche (gestion du magasin, gestion des problématiques douanières, organisation des voyages) ; son salaire mensuel était inférieur de plus de 1.820 euros brut au salaire moyen des autres cadres de sa catégorie (IIIA), de plus de 510 euros au salaire moyen de l’ensemble des cadres et de plus de 180 euros au salaire moyen des cadres classés dans la catégorie inférieure ; cette rupture d’égalité est injustifiée et justifie l’attribution d’un rappel de salaire.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 06 octobre 2021, auxquelles il est ici expressément fait référence pour un plus ample exposé des moyens développés, le Pôle Emploi, intervenant volontaire, demande à la cour de :

– Condamner la Société Airmain à rembourser auprès du Pôle Emploi les indemnités versées à Madame [Z], dans la limite de 6 mois d’allocations, soit 12 262,28 euros.

– Condamner la Société Airmain à verser à Pôle Emploi la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamner la même aux entiers dépens.

***

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 13 décembre 2022 avec fixation de la présente affaire à l’audience du 17 janvier 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur la contestation du licenciement:

L’article L 1232-1 du Code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l’existence d’une cause réelle et sérieuse.

En application de l’article L1232-6 du même code, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.

Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.

La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

La faute disciplinaire est constituée par la violation des règles de discipline de l’entreprise. Le licenciement peut être la sanction ultime des agissements fautifs du salarié.

Il convient d’apprécier la légitimité du licenciement au regard de l’existence de la faute invoquée et de l’éventuelle disproportion entre la sanction et la faute.

En l’espèce, la lettre de licenciement qui apparaît avoir été reçue par la salariée postérieurement à un courriel de l’employeur lui annonçant son licenciement, sans que cette question ne soit toutefois invoquée sur le terrain de la contestation de la cause réelle et sérieuse de rupture, est ainsi rédigée:

‘(…) Nous avons été avisés le 4 juillet dernier que l’OSAC procéderait à un audit de contrôle d’AIRMAIN le 2 août 2018.

Bien que l’auditeur n’ait pas relevé à ce stade d’écart justifiant la mention d’une non-conformité sur son compte-rendu, il a émis une remarque sur l’absence de contrôle des personnels intérimaires.

Cela a fait l’objet, le 7 août, d’une note interne rappelant la procédure inscrite dans le MOE, à savoir:

-Avant toute embauche de personnel intérimaire sur un chantier AIRMAIN on s’assurera que le technicien sous contrat intérim aura présenté les documents à jour listés ci-dessous:

– Formation PART 145

– Formation Facteurs Humains de moins de 02 ans

– Formation Système Gestion de la Sécurité de moins de 02 ans

– Formation EWIS de moins de 02 ans

– Formation FTS/CDCCL de moins de 02 ans

– Formation MOE/TPM AIRMAIN de moins de 02 ans

– Licence PART 66 valide

– Relevé d’expérience dans mes derniers 6 mois

Il vous appartenait, en votre qualité de Responsable Administrative, de vous en assurer.

Or, lors d’un second audit, commandé par nous et réalisé les 6, 7 et 8 novembre, l’auditeur a relevé à nouveau que les formations initiales et continues des techniciens n’étaient pas réalisées dans les délais impartis et que les certificats de formations obligatoires n’étaient pas systématiquement demandés lors de l’embauche de personnels sous-traitants ou intérimaires ni collectés sur la base de données LEON, servant notamment à enregistrer les dates et certificats de formation des techniciens AIRMAIN.

Nous considérons que cette situation est totalement anormale, en ce qu’elle met en cause la sécurité et engage la responsabilité de l’entreprise en cas d’incident mais aussi en ce qu’elle met en danger la certification Part 145 d’Airmain et compromet le projet de certification IOSA de son client AERO4M, qui nous est indispensable pour maintenir nos activités et poursuivre notre développement.

Cela constitue une faute professionnelle et à tout le moins une négligence que nous ne pouvons accepter, d’autant que nous avons pu constater d’autres manquements à vos obligations professionnelles, révélant une attitude incompatible avec les charges de votre fonction:

Le 12 octobre dernier, la responsable qualité vous a rappelé que vous deviez faire signer le règlement intérieur à tous les employés. Votre réponse à cette dernière: ‘Pas encore le réflexe…Je vais tenter d’y penser’ démontre votre manque d’intérêt et de motivation et surtout le peu de cas que vous faites d’obligations pourtant importantes pour le personnel et la société.

Le traitement des congés, absences, missions et heures supplémentaires est assuré de façon très peu satisfaisante. Vous comptabilisez sur papier les demandes d’absence et sur Excel les heures supplémentaires, à la demande des employés eux-mêmes, sans l’accord préalable du chef d’équipe et du Maintenance Manager.

La direction, qui n’a donc pas de vision globale des absents et, par conséquent, a des difficultés à gérer le personnel sur les chantiers, vous a demandé d’utiliser le logiciel de gestion MANATIME de traitement des congés, absences, missions et heures supplémentaires en vigueur dans le groupe, ce à quoi vous avez répondu que ‘vous n’en voyiez pas l’intérêt’.

Or l’audit du mois de novembre souligne que la mauvaise gestion des effectifs est un problème majeur pour la société.

Nous avons également noté que certains salariés se font rembourser des notes de frais pour des frais de repas lorsqu’ils sont hors [Localité 8] alors même qu’ils perçoivent un per diem de 80 € pour frais de déplacement.

Cet état de fait est anormal et aurait dû être signalé puisqu’il est incompatible avec la perception d’un forfait.

Le manque de suivi administratif, dont vous avez la charge, est également pointé par l’audit de novembre: mauvaise tenue du registre d’entrée/sortie des personnes entrant dans le hangar, absence de badge pour le personnel, absence de badge ‘visiteurs’ (point 10 du rapport d’audit interne), ce qui là encore, compromet tant notre certification Part 45 que l’obtention pour le groupe de la certification IOSA.

Pour ces raisons, nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement (…)’.

Au soutien de son argumentation, la société Airmain verse aux débats les pièces suivantes:

– Manuel de surveillance des organismes de maintenance part 145 de la DGAC

– MOE d’Airmain

– Label IOSA (Source ministère de la transition écologique et solidaire)

– Certification IOSA AERO 4M (source IATA)

– Description logiciel Manatime

– Courriel de Mme [Z] du 10 octobre 2018

– Courriel de M. [I] du 19 novembre 2018.

Force est en premier lieu de constater que ne figurent dans les pièces de l’employeur, ni les audits sur la base desquels il affirme avoir découvert les manquements reprochés à Mme [Z], ni la note de service ‘du 7 août’ rappelant ‘la procédure inscrite dans le MOE’, pas plus qu’aucun autre élément objectif distinct des documentations à caractère général et impersonnel versées aux débats.

Les audits et la note de service sont toutefois versés aux débats par la salariée et il convient donc de les examiner pour opérer un contrôle du caractère réel et sérieux des motifs disciplinaires de rupture tels qu’ils résultent de la lettre de licenciement.

Le compte-rendu d’intervention de surveillance signé de M. [P], responsable de l’audit OSAC effectué le 2 août 2018, indique:

‘(…)- Exigences en matière de personnel: conforme

– Personnels de certification et personnels de soutien: conforme (…).

Plus généralement, tous les thèmes audités relatifs à l’entretien de l’appareil ATR72 sont déclarés conformes par l’auditeur et l’on ne trouve dans le compte-rendu produit en pièce n°19 par la salariée, aucune remarque relative à un défaut de contrôle des personnels intérimaires.

Il apparaît en outre qu’à la suite de ce rapport, le président du groupe Regourd Aviation adressait le 12 août 2018 à l’ensemble des collaborateurs de la société Airmain, dont faisait partie Mme [Z], un courriel dont l’objet était ‘compte rendu de l’audit de surveillance’, rédigé en ces termes: ‘Félicitations à tous les acteurs’.

S’agissant du rapport d’audit du 15 novembre 2018, il est relevé par l’auditeur 8 écarts qualifiés de ‘significatifs’ et ‘importants’, le rédacteur ajoutant: ‘Ces écarts cependant, ne sont sanctionnés ni par un niveau 1, 2 ou 3, ni par une échéance de mise en conformité dans la mesure où ils induisent plus un impact économique sur l’organisme d’entretien (…)’.

Ainsi que le relève la salariée, le rapport stigmatise principalement un désordre existant dans le hangar où sont stationnés les aéronefs.

Il indique cependant à la rubrique ‘Référence MOE 3.8 que ‘(…) Les certificats de formation obligatoires ne sont pas systématiquement demandés/collectés par le responsable des embauches lors de l’introduction de personnel sous-traitant ou intérimaire dans le hangar’.

Il ajoute que ‘le registre d’entrée /sortie des personnes entrant dans le hangar n’est pas renseigné correctement ou a posteriori. Le personnel AIRMAIN ne possède pas de badges. Aucun badge Visiteur n’est disponible’.

Toutefois, aucune mention de ce rapport d’audit ni aucune des pièces versées aux débats ne permet de vérifier la pertinence de l’affirmation de l’employeur contenue dans la lettre de licenciement, selon laquelle la conclusion de l’auditeur ‘met en cause la sécurité et engage la responsabilité de l’entreprise en cas d’incident mais aussi (…) met en danger la certification Part 145 d’Airmain et compromet le projet de certification IOSA de son client AERO4M’.

La seule observation faite par la société AOC, chargée de la réalisation de l’audit, est d’ordre économique et pointe non pas un risque relatif à la sécurité et à un défaut ou à une perte de certification, mais un risque de surcoût des visites programmées et de non tenue des délais de maintenance.

Surtout, on cherchera en vain le moindre élément de nature à relier les conclusions de l’auditeur à un manquement fautif imputable à Mme [Z].

Il doit être ici observé qu’il n’est produit par l’employeur aucune fiche de poste décrivant précisément les missions et responsabilités de Mme [Z], tandis que le Manuel de Spécification de l’Organisme d’Entretien (MOE) réserve non pas à la secrétaire administrative de l’entreprise mais au Responsable qualité et Système de Gestion de la Sécurité (SGS), entre autres, les tâches suivantes:

– Gestion, contrôle des dossiers du personnel autorisé à l’APRS

– Organisation de plans de formation du personnel.

L’organigramme figurant en page 25 du MOE ne situe Mme [Z] qu’au poste ‘Administration’, alors que le Responsable qualité travaille en collaboration avec trois auditeurs qualité et un assistant QHSE.

La note du 7 août 2017 à laquelle se réfère la lettre de licenciement était destinée au personnel ‘Airmain maintenance engineers and managers’ et si elle précise que les documents relatifs à la formation des personnels intérimaires sont ‘collectés par le Responsable administratif Airmain et transmis au Responsable Qualité Airmain et au Responsable Entretien (…)’, l’ensemble des courriels versés aux débats par la salariée démontre que les questions relatives à la formation des intérimaires relevaient du service qualité, le courriel du 16 octobre 2018 permettant en outre de constater que Mme [Z] n’était pas systématiquement informée de l’identité des personnes auxquelles il était fait appel pour renforcer les équipes, ce qui faisait précisément l’objet d’un rappel à l’ordre de Mme [V], ‘Quality/SMS Manager’.

Par ailleurs, il est justifié par la salariée de ce qu’elle s’est montrée vigilante sur ce dernier point, ce qui avait justement motivé la diffusion de la note du 7 août 2017 après un échange de courriels intervenu ce même jour au sujet d’un salarié intérimaire pour lequel Mme [Z] s’inquiétait de n’avoir pas de certificats de formation, ce qui la conduisait à écrire à son collègue, M. [C], auditeur qualité: ‘(…) Bon, il n’y a plus qu’à attendre qu’il dépose ses documents chez Planète – société d’intérim – …mais il ne sera pas à jour.

A l’avenir, ce serait bien que je sois dans la boucle quand il y a des formations qui concernent le personnel Airmain, ça me permettrait de:

– de relancer les techniciens pour qu’ils fassent les formations

– de demander aux boîtes d’intérim de prendre les formations en charge (Planète le fait)

– de demander à notre Opca de prendre en charge.

A mon sens [X] a trop de travail, il ne peut pas tout suivre (…)’.

Plusieurs autres échanges de mails produits par la salariée en pièces n°31 à 49 de son bordereau confirment la réalité de cette vigilance dont elle faisait preuve quant aux justificatifs de formation des intérimaires.

Ces échanges confirment également que le contrôle des formations nécessaires concernait le service qualité, ainsi lorsque Mme [Z] écrit le 12 octobre 2018 à la Responsable qualité Mme [V]: ‘Ci-joint certificats et documents de [U] [A]. Il manque la formation Part 145. J’ai demandé à [B] de la prendre en charge. J’attends leur retour.

Je ne suis pas spécialisée en qualité, mais il me semble que les chaudronniers n’ont pas besoin de licence Part 66, ni de livrets d’expérience, mais peut-être que je me trompe  ».

Dans un autre message du 29 novembre 2018, Mme [Z] s’adressant toujours à sa collègue en charge du service qualité, demandait: ‘(…) As-tu passé commande pour les autres formations de [O] [L]  » et recevait une réponse plutôt imprécise, dans laquelle il était indiqué: ‘[O] [L] doit remplacer [Y] [G] (si j’ai bien compris). Le dossier de [Y] est vide (aucune formation à ma connaissance). Donc pour [O], sur avis de [F], on peut ajouter FTS (…)’.

Enfin, la mention par Mme [Z] dans le message adressé à son employeur le 4 décembre 2018, après l’entretien préalable auquel elle avait été convoqué, de ce que ‘certes, je n’ai sûrement pas fait tout ce que j’aurais dû concernant les certificats des techniciens. Certes, j’ai râlé au sujet de Manatime (…)’ ne saurait s’analyser, ni comme une reconnaissance par l’intéressée du bien fondé de la rupture, ni comme un substitutif à l’exigence d’un motif de rupture présentant les conditions cumulatives de réalité et de sérieux exigées par la loi.

La lecture de l’intégralité du message met en revanche en relief le désarroi de la salariée qui évoque un ‘coup de massue’ à l’annonce de ce que son licenciement était envisagé par l’employeur, eu égard à son ancienneté et à la qualité qu’elle percevait de ses relations avec l’équipe de travail.

Au résultat de ces différents éléments, le grief tiré de l’existence d’une faute professionnelle caractérisée par un défaut de suivi des certificats de formation des salariés intérimaires n’est pas établi.

S’agissant du second grief relatif à un défaut de signature du règlement intérieur par tous les employés, il doit être relevé que là-encore la société Airmain ne produit pas le moindre élément au soutien de ce reproche adressé à Mme [Z], laquelle produit en revanche un courriel daté du 14 août 2018, dans lequel elle attirait l’attention du dirigeant de la société sur la nécessité de faire signer différents documents sociaux dans les termes suivants:

‘[F], Suite à la lecture du document ci-joint, voici ce que je peux relever à mon niveau.

Je te joins pour information le règlement intérieur et le livret d’accueil.

Il faut:

– Qu’on fasse lire le règlement intérieur à tout nouvel embauché ou intérimaire: Ci-joint

– Qu’on lui remette un livret d’accueil: Ci-joint

– Qu’on fasse signer un registre d’entrée et de sortie à toute personne qui entre dans l’entreprise: jamais mis en place car jamais demandé mais ci-joint un exemple.

– Que le personnel et les visiteurs aient des badges Airmain: jamais demandé jusqu’à présent – Il va falloir faire fabriquer ces badges (…)’.

Le même jour, le dirigeant de la société Airmain diffusait à l’ensemble du personnel les recommandations préconisées par Mme [Z], y ajoutant la nécessité d’une signature du règlement intérieur.

Il est pour le moins paradoxal de venir reprocher à la salariée sur la seule base d’une remarque isolée adressée le 12 octobre 2018 en réponse à un mail de Mme [V] relatif à l’intégration dans une base informatique des signatures de l’ensemble du personnel, un ‘manque d’intérêt et de motivation’ et ‘le peu de cas que vous faites d’obligations pourtant importantes pour le personnel et la société’, alors que l’intéressée s’était elle-même préoccupée en amont, de l’importance d’une information donnée aux nouveaux embauchés des dispositions du règlement intérieur.

Au demeurant, les échanges de courriels postérieurs au 12 octobre 2018 entre Mme [Z] et Mme [V] mettent en évidence l’attention portée par la salariée à la signature du règlement intérieur par les membres du personnel et contredisent formellement l’affirmation d’une négligence fautive de sa part à ce sujet, de nature à justifier la rupture du contrat de travail.

S’agissant du troisième grief relatif au traitement des congés, absences, missions et heures supplémentaires,la société Airmain ne produit aucun élément justificatif des reproches précis articulés contre Mme [Z], si ce n’est un mail en date du 10 octobre 2018, dans lequel la salariée indique ne pas voir l’intérêt du logiciel Manatime, ajoutant: ‘(…) Je suis les absences et les congés via un fichier excel et nos demandes d’absence papier. Nous ne sommes pas 50 dans l’entreprise et ce n’est pas compliqué’.

Il ne ressort des termes de cette réponse que l’expression d’un avis de la salariée sur un investissement d’une valeur d’environ 2.000 euros, qui a toutefois été réalisé, ce qui a conduit la salariée à appliquer les directives de l’employeur sur la mise en place du nouveau logiciel, ainsi qu’elle en justifie pas la production d’échanges de courriels avec le fournisseur Manasoft en date du mois de novembre 2018.

Le rapport d’audit invoqué dans la lettre de licenciement n’établit aucun lien entre les fonctions de Mme [Z] et ‘une mauvaise gestion des effectifs’.

Les échanges de courriels produits par l’intimée ne mettent en évidence aucune négligence dans la gestion des congés, absences, missions et heures supplémentaires du personnel, mais révèlent au contraire un suivi rigoureux avec des relances adressées régulièrement aux salariés sur les dates limites de formulation des demandes de congés, la mise en place de fiches émargées par les salariés indiquant le nombre d’heures de travail effectuées et leur récapitulation dans un fichier de type Excel ainsi que des échanges réguliers avec la direction sur la gestion, le suivi et le paiement des heures supplémentaires du personnel, ce dernier point contredisant d’ailleurs l’affirmation de l’employeur sur le fait que Mme [Z] ait agi ‘en totale autonomie’, puisque la direction en la personne de M. [K] était amenée à valider les questions relatives à la gestion des heures supplémentaires.

Le grief n’est pas établi.

S’agissant du quatrième grief relatif au traitement des notes de frais, l’employeur ne produit là-encore pas d’autre élément justificatif de l’imputabilité d’une faute de Mme [Z] dans la gestion des remboursements de frais du personnel, qu’un courriel du dirigeant, M. [I], adressé à M. [C], le 19 novembre 2018, sur le fait que ‘les employés Airmain touchent 80 euros par jour de déplacement pendant les 07 premiers jours et ensuite la somme de 60 euros quand ils sont ‘hors SBK’ (…) Les employés Airmain font également des notes expensya pour remboursement des frais de repas lorsqu’ils sont hors SBK’, ajoutant: ‘Lorsque je demande à [E] – [Z] – de ou sort ceci (item 1 et 2 me paraissent incompatibles) on me dit que cela date de l’époque d’Aero4M. Je ne peux me fier à cela. Merci de m’indiquer les us et coutumes du groupe à ce sujet et faire circuler la note (…)’.

Il résulte des termes de ce courriel qu’il existait manifestement un doute de la direction sur la façon de gérer le remboursement des notes de frais au regard des ‘us et coutumes du groupe’.

Pour autant on recherchera en vain un quelconque élément permettant de faire peser sur Mme [Z] la charge d’une faute de gestion dans le remboursement des notes de frais, ce d’autant plus que l’intéressée produit une note de service de M. [I] en date du 5 septembre 2018 qui évoque le paiement des indemnités de déplacement et le fait que ‘les per diem sont donnés par la filiale’, sans citer une quelconque incompatibilité.

Il résulte également des termes d’un courriel de M. [I] à M. [C] du 26 novembre 2018, date à laquelle la lettre de convocation à un entretien préalable au licenciement avait été notifiée, que la problématique des remboursements de frais n’était pas clairement définie auparavant, puisqu’il était indiqué: ‘(…) De plus, il va falloir également changer le mode de remboursement car à cette date, les remboursements se font sur expensia. Si les primes doivent être déclarées, elles doivent passer sur les bulletins de salaire’.

M. [C] interrogeait précédemment le dirigeant en ces termes: ‘(…) Ne faut-il pas distinguer le personnel cadre (qui ne doit pas avoir de prime de déplacement car fait partie de ses fonctions de travailler/être en mission) du personnel non cadre (avec prime) dans la notice to Staff ‘ (…)’.

Les questionnements de nature juridique existant au sein de l’entreprise à l’époque du licenciement de Mme [Z] sur les frais de déplacement du personnel et l’assiette de cotisations Urssaf, ne sauraient dans de telles conditions justifier le grief formé à l’encontre de la salariée, secrétaire administrative et comptable et non juriste d’entreprise, pour des manquements dans la gestion du remboursement des frais de déplacement, grief d’ailleurs formulé de façon particulièrement vague, sans aucun chiffrage ni exemple précis.

S’agissant du dernier grief relatif à un manque de suivi administratif du fait d’une mauvaise tenue du registre d’entrées et de sorties des personnes entrant dans le hangar et d’une absence de badges, la société Airmain ne produit pas plus d’éléments pertinents à l’appui de son argumentaire, tandis que Mme [Z] justifie de la tenue d’un ‘registre entrée/sorties visiteurs’ couvrant la période du 30 octobre au 15 novembre 2018, qu’elle produit une attestation de Mme [H], collègue de travail, certifiant que jusqu’à la mise en place de ce registre, toutes les personnes extérieures à l’entreprise étaient systématiquement accompagnées d’un membre du personnel et qu’il n’avait pas été défini par la direction une procédure autre que la remise de simples ‘badges papier’.

Les échanges de courriels produits par Mme [Z] démontrent que la mise en place de badges magnétiques était en cours depuis peu avant son licenciement et que le 8 octobre 2018, elle demandait que lui soient transmises des photographies des personnes accréditées pour finaliser la commande de badges d’accès, certaines photos lui ayant été adressées par son collègue, M. [D], du service qualité, le 31 octobre 2018.

Mme [Z] demandait finalement le 8 novembre 2018 à toutes les personnes concernées de formuler d’éventuelles observations avant que ne soit lancé le bon à tirer.

Le grief n’est pas établi.

En considération de l’ensemble de ces éléments et alors qu’il n’est pas justifié du moindre rappel à l’ordre, ni a fortiori de la moindre sanction disciplinaire notifiés à Mme [Z], employée par l’entreprise depuis près de cinq ans et dont les entretiens annuels mettent en évidence des qualificatifs élogieux, avant que ne soit engagée à son encontre une procédure de licenciement disciplinaire, les conditions cumulatives de réalité et de sérieux devant présider à la décision de rupture unilatérale du contrat de travail par l’employeur ne sont nullement réunies, de telle sorte que le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé de ce chef ainsi qu’en ce qu’il a fait une juste appréciation de l’indemnisation allouée à la salariée en application des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail.

2- Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire:

La notification du licenciement par lettre recommandée avec avis de réception n’est qu’un moyen légal de prévenir toute contestation sur la date de notification du licenciement, de telle sorte que l’employeur qui utilise une autre forme de notification ne commet pas d’irrégularité de procédure.

En l’espèce, aucun élément de preuve concernant la date d’envoi de la lettre de licenciement n’est produit par l’employeur, tandis qu’il résulte de l’attestation de Mme [R] que la date de première présentation de la dite lettre est le 6 décembre 2018, date à laquelle la salariée s’est également vue remettre en main propre cette lettre du rupture.

Or, la veille, mercredi 5 décembre 2018 à 13h35, Mme [Z] était rendue destinataire d’un mail de son employeur, en réponse à un message qu’elle lui avait adressé le 4 décembre 2018, en réaction aux faits évoqués lors de l’entretien préalable.

Ce mail de l’employeur était ainsi libellé: ‘Bonjour [E], J’ai le regret de vous informer que ma décision de procéder à votre licenciement est prise. Notre métier engendre de lourdes responsabilités car nous transportons des biens et des personnes.

Tout dysfonctionnement identifié serait une faute lourde et nous serions pénalement responsables. En effet, les fautes qui vous sont reprochées peuvent être de nature à remettre directement ou indirectement la sécurité des vols en cause (…)’.

L’envoi de ce courriel, alors que Mme [Z] n’avait toujours pas reçu notification de la lettre de licenciement, ainsi que les conditions dans lesquelles la rupture est intervenue, le choix d’une procédure disciplinaire apparaissant non seulement infondé mais vexatoire eu égard à l’investissement manifeste dans son travail d’une salariée qui comptait près de cinq ans d’ancienneté sans avoir reçu le moindre rappel à l’ordre avant l’engagement de la dite procédure, caractérisent une faute de l’employeur qui a été la source d’un préjudice clairement décrit dans les témoignages versés aux débats par la salariée, ses collègues de travail décrivant le choc causé par l’annonce et les conditions de la rupture du contrat de travail, majoré par les suspicions formées à son endroit sur la destruction de dossiers internes à l’entreprise.

Dans ces conditions, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Airmain à payer à Mme [Z] la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le caractère brutal et vexatoire du licenciement.

3- Sur la demande au titre d’une rupture d’égalité salariale:

L’article L 3221-2 du code du travail dispose: ‘Tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes’.

Ainsi et en vertu du principe ‘A travail égal, salaire égal’, dès lors que des salariés font un travail identique ou équivalent, ils doivent bénéficier de la même rémunération sauf si l’employeur peut justifier une différence de traitement par des raisons objectives, vérifiables et pertinentes.

Cette règle s’applique entre salariés à temps plein et salariés à temps partiel, à qualification et ancienneté égales.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération. Il incombe, ensuite à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence.

A défaut de rapporter cette preuve, l’employeur est condamné au paiement d’un rappel de salaire destiné à compenser la différence de rémunération.

En l’espèce, le contrat de travail de Mme [Z] en date du 1er mai 2015 mentionne la qualification de Responsable administrative et comptable, statut cadre, position I – coefficient 86, moyennant un salaire brut mensuel de 2.600 euros brut.

Il résulte des bulletins de paie versés aux débats par la salariée que celle-ci a connu une évolution de son coefficient hiérarchique et qu’au mois d’avril 2018, elle était classée en position III-A coefficient 135 avec un salaire de base de 3.553,32 euros. Ce salaire de base était inchangé en octobre 2018.

Mme [Z] présente dans ses conclusions des tableaux comparatifs qui font apparaître une différence sensible de rémunération avec les autres cadres de l’entreprise disposant du même niveau hiérarchique, ces tableaux étant étayés par la production de bulletins de paie anonymisés de salariés cadres pour la même période d’emploi, ce dont il ressort une différence moyenne de rémunération sur un panel de 11 cadres de l’entreprise, au mois d’octobre 2018, de 513,69 euros en défaveur de la salariée.

A l’intérieur de ce panel, figurent 8 cadres de niveau II et 3 cadres de niveau III, dont Mme [Z].

Alors que le salaire de Mme [Z] est de 3.553,32 euros, les deux autres cadres de niveau III-A (Directeur technique et chef de visite) perçoivent respectivement 5.821,25 euros et 4.943,33 euros, soit une différence moyenne de rémunération de 1.828,97 euros en défaveur de Mme [Z].

Une telle différence de traitement se retrouve sur toute la période allant du 1er juillet 2017 au 31 mars 2019.

Mme [Z] justifie donc d’éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération.

Pour toute explication d’une telle différence de traitement, l’employeur qui s’affranchit de la production d’un quelconque élément justificatif, affirme que les fonctions de la salariée ‘ne sont nullement comparables à celles des techniciens de maintenance, eux-aussi d’autant mieux rémunérés qu’ils exercent des fonctions de haute technicité et que ce marché du travail connaît une pénurie de main d’oeuvre’.

La convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie définit comme suit, en son article 21, les cadres relevant de la position III-A: ‘Position repère III A :

Ingénieur ou cadre exerçant des fonctions dans lesquelles il met en ‘uvre non seulement des connaissances équivalentes à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances fondamentales et une expérience étendue dans une spécialité.

Ses activités sont généralement définies par son chef qui, dans certaines entreprises, peut être le chef d’entreprise lui-même.

Sa place dans la hiérarchie le situe au-dessus des agents de maîtrise et des ingénieurs et cadres placés éventuellement sous son autorité ou bien comporte dans les domaines scientifique, technique, administratif, commercial ou de gestion des responsabilités exigeant une large autonomie de jugement et d’initiative dans le cadre de ses attributions’.

Il doit être relevé qu’aucun critère objectif ne permet d’expliquer des différences salariales telles que celles qui résultent des tableaux comparatifs produits par la salariée, étant ici observé qu’outre la position II-A, les coefficients hiérarchiques sont identiques, à titre d’exemple entre Mme [Z] (III-A coefficient 135) et l’adjoint directeur technique ou le chef de visite.

L’article 24 de la convention collective dispose: ‘Les ingénieurs et cadres sont le plus souvent rémunérés selon un forfait déterminé en fonction de leurs responsabilités. Le forfait global inclut notamment les variations dues à des heures supplémentaires effectuées par leur service.

En raison des conditions particulières dans lesquelles s’exerce leur activité professionnelle, les appointements des ingénieurs et cadres sont fonction de leur niveau de responsabilité plus que de leur temps de présence à l’intérieur des entreprises ; c’est ainsi qu’est apparue la notion de forfait.

Le forfait devra être calculé de façon à ne pas être inférieur à la rémunération normale que devrait percevoir l’intéressé en fonction de ses obligations habituelles de présence’.

S’il peut se concevoir que la Responsable administrative et comptable de l’entreprise, n’ait pas le même niveau de responsabilité que l’adjoint directeur technique ou le chef de visite, une différence de salaire brut de base de plus de 1.800 euros implique, pour être fondée, que soient produites toutes pièces utiles permettant de façon précise et objective de justifier une telle différence de rémunération pour des cadres de même niveau conventionnel.

Tel n’est pas le cas en l’espèce.

Le raisonnement de Mme [Z] pour fonder sa réclamation au titre d’un manque à gagner tient précisément compte de la différence entre son salaire et le salaire moyen des cadres de niveau II et III, ce qui inclut par conséquent une nécessaire pondération prenant en compte la différence de niveau des responsabilités dans le domaine spécifique de la maintenance aéronautique, entre un cadre technique de niveau III-A et un cadre administratif de même niveau.

Au résultat de ces développements, il est justifié, par voie d’infirmation sur ce point du jugement entrepris, de faire droit à la demande de rappel de salaire formée par Mme [Z] pour la période allant du 1er juillet 2017 au 31 mars 2019, selon le calcul figurant dans ses écritures, non utilement contesté par l’employeur, d’un montant de 9.547,54 euros outre 954,75 euros au titre des congés payés y afférents.

4- Sur la demande de Pôle emploi Bretagne:

L’article L1235-4 du code du travail dispose: ‘Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Pour le remboursement prévu au premier alinéa, le directeur général de Pôle emploi ou la personne qu’il désigne au sein de Pôle emploi peut, pour le compte de Pôle emploi, de l’organisme chargé de la gestion du régime d’assurance chômage mentionné à l’article L. 5427-1, de l’Etat ou des employeurs mentionnés à l’article L. 5424-1, dans des délais et selon des conditions fixés par décret en Conseil d’Etat, et après mise en demeure, délivrer une contrainte qui, à défaut d’opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d’un jugement et confère le bénéfice de l’hypothèque judiciaire’.

En application de ce dernier texte ainsi que des dispositions combinées des articles 328 et suivants et 554 du code de procédure civile, le Pôle emploi Bretagne a manifestement intérêt à intervenir à la procédure d’appel pour faire valoir les droits qu’il tient de la loi à obtenir le remboursement des allocations de chômage versées à Mme [Z], le dit organisme étant valablement représenté par son directeur régional qui justifie donc d’un intérêt et de sa qualité pour agir, de telle sorte que contrairement à ce que soutient la société Airmain, l’intervention volontaire de Pôle emploi doit être jugée recevable.

Sur le fond, c’est en faisant une exacte application de l’article L 1235-4 du code du travail que les premiers juges ont condamné la société Airmain à rembourser à l’organisme gestionnaire de l’assurance chômage les allocations servies à Mme [Z] dans la limite de six mois, le licenciement de la salariée étant jugé sans cause réelle et sérieuse au sens des dispositions de l’article L1235-3 du même code.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

5- Sur les dépens et frais irrépétibles:

En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société Airmain, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.

Elle sera donc déboutée de ses demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile dirigées à l’encontre de Mme [Z] et de Pôle emploi Bretagne.

L’équité commande en revanche de condamner la société Airmain à payer à Mme [Z] sur ce même fondement juridique, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel, une indemnité d’un montant de 2.500 euros.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a justement évalué l’indemnité allouée de ce chef au titre des frais irrépétibles de première instance, à la somme de 2.500 euros.

Il n’est pas inéquitable de laisser le Pôle emploi Bretagne supporter la charge de ses frais irrépétibles et il convient donc de le débouter de sa demande formée au titre du même article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’intervention volontaire de Pôle emploi Bretagne;

Déclare recevable la dite intervention volontaire ;

Infirme le jugement entrepris mais uniquement en ce qu’il a débouté Mme [Z] de sa demande de rappel de salaire formée au titre d’une rupture d’égalité en matière salariale ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société Airmain à payer à Mme [Z] les sommes suivantes:

– 9.547,54 euros brut à titre de rappel de salaire

– 954,75 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

Confirme pour le surplus le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Condamne la société Airmain à payer à Mme [Z] la somme de 2.500 euros à titre d’indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Airmain et Pôle emploi Bretagne de leurs demandes respectives fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Airmain aux dépens d’appel.

Le Greffier Le Président

 


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