Droit du logiciel : 23 mars 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 21/00276

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Droit du logiciel : 23 mars 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 21/00276

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00276 – N° Portalis DBVP-V-B7F-E2NB.

Jugement Au fond, origine Pole social du TJ de DU MANS, décision attaquée en date du 14 Avril 2021, enregistrée sous le n° 19/00470

ARRÊT DU 23 Mars 2023

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA MAYENNE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Madame [D], munie d’un pouvoir

INTIMEE :

S.A.S. [4]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Anne-laure DENIZE de la SELEURL Anne-Laure Denize, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Elisabeth POUPEAU, avocat au barreau d’ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Janvier 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, Monsieur Yoann WOLFFchargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Mme Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Madame Estelle GENET

Conseiller : M. Yoann WOLFF

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 23 Mars 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Yoann WOLFF, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 25 janvier 2017, M. [V] [W], alors salarié de la société [4] (la société), a souscrit une déclaration de maladie professionnelle pour une pathologie décrite comme une ‘ tendinopathie, rupture de la coiffe des rotateurs épaule gauche  . Cette déclaration faisait suite à un certificat médical initial du 30 décembre 2016 qui avait constaté : ‘ Tendinopathie. Rupture de la coiffe de l’épaule G  .

Après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) des Pays-de-la-Loire du 26 octobre 2017, la caisse primaire d’assurance maladie de la Mayenne (la caisse) a décidé de prendre en charge la maladie sur le fondement du tableau n° 57 des maladies professionnelles, en tant que ‘ rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche  . Elle a notifié sa décision à la société par une lettre recommandée reçue le 20 novembre 2017.

La société a alors contesté cette décision devant la commission de recours amiable, et ce, par lettre recommandée datée du 3 janvier 2018. La commission n’ayant pas statué, la société a ensuite saisi le pôle social du tribunal de grande instance du Mans.

Par jugement du 31 juillet 2020, le tribunal judiciaire du Mans, succédant au tribunal de grande instance, a :

– rejeté le premier moyen d’inopposabilité tiré du non-respect du principe du contradictoire ;

– désigné le CRRMP de Bretagne pour un nouvel avis ;

– sursis à statuer sur les autres demandes.

Le CRRMP de Bretagne a donné son avis le 29 janvier 2021, puis, par jugement du 14 avril 2021, le tribunal a finalement déclaré la décision de prise en charge inopposable à la société, et condamné la caisse aux dépens.

Le tribunal a considéré que la caisse ne démontrait pas qu’elle avait sollicité l’avis motivé du médecin du travail que, selon l’article D. 461-29 du code du travail, le dossier constitué à l’attention du CRRMP devait comprendre.

Par déclaration faite par lettre recommandée expédiée le 28 avril 2021, la caisse a relevé appel de ce dernier jugement.

Les débats ont eu lieu devant le magistrat chargé d’instruire l’affaire, à l’audience du 10 janvier 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions reçues au greffe le 10 novembre 2022 et auxquelles elle s’est référée à l’audience du 10 janvier 2023, la caisse demande à la cour :

– d’infirmer le jugement ;

– de déclarer opposable à la société la prise en charge litigieuse et l’ensemble des lésions, soins et arrêts de travail ;

– de rejeter toutes les demandes de la société.

La caisse soutient que :

– Par une lettre recommandée du 16 février 2017 reçue le 20 février suivant, elle a transmis à la société la déclaration de maladie professionnelle ainsi qu’une lettre à l’attention du médecin du travail. Puis, par une autre lettre du 30 mai 2017, elle a sollicité l’avis de ce médecin, comme en atteste une capture d’écran. Celui-ci n’a néanmoins pas donné suite. Elle s’est trouvée ainsi dans l’impossibilité matérielle de communiquer l’avis du médecin du travail au CRRMP.

– L’absence de cette pièce médicale n’entache pas l’avis du CRRMP d’irrégularité, lequel n’a pas usé de la possibilité de solliciter des informations complémentaires, et considérait donc que celles qui lui étaient communiquées étaient suffisantes.

– Si l’impossibilité matérielle d’obtenir l’avis du médecin du travail n’était pas retenue par la cour, la sanction ne pourrait pas être l’inopposabilité de la décision litigieuse, mais seulement la nullité de l’avis du CRRMP et la saisine d’un second comité.

Dans ses conclusions reçues au greffe le 27 décembre 2022 et auxquelles elle s’est référée à l’audience du 10 janvier 2023, la société demande à la cour :

– à titre principal, de confirmer le jugement ;

– subsidiairement, d’ordonner une expertise médicale judiciaire ;

– en toute hypothèse, de mettre les dépens à la charge de la caisse.

La société soutient que :

– La lettre qui lui a été adressée par la caisse lors de l’ouverture de l’instruction et à laquelle une lettre à l’attention du médecin du travail était jointe ne saurait être analysée comme étant de nature à recueillir l’avis du médecin du travail dans la perspective de la transmission du dossier au CRRMP. Quant à la capture d’écran qui est invoquée par la caisse, elle ne démontre nullement qu’une lettre a été éditée et adressée au médecin du travail, et que celui-ci l’a reçue. Ainsi, la caisse échoue à rapporter la preuve qu’elle a entrepris des diligences pour recueillir l’avis du médecin du travail et qu’elle s’est heurtée à une impossibilité matérielle de l’obtenir.

– La décision doit être déclarée inopposable sans qu’il y ait lieu de saisir un second CRRMP.

MOTIVATION

Selon l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, lorsqu’une ou plusieurs conditions de prise en charge d’une maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles ne sont pas remplies, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Il résulte des articles D. 461-29, dans sa version issue du décret n° 2016-756 du 7 juin 2016, applicable au litige, et D. 461-30 du même code que la caisse saisit le comité après avoir recueilli et instruit les éléments nécessaires du dossier, parmi lesquels figure un avis motivé du médecin du travail de l’entreprise où la victime a été employée.

Le comité peut valablement exprimer l’avis servant à fonder la décision de la caisse en cas d’impossibilité matérielle d’obtenir cet élément.

C’est à la caisse qu’il revient de justifier de cette impossibilité.

Dans le cas contraire, la décision de reconnaissance du caractère professionnel de l’affection déclarée par la victime est inopposable à l’employeur (2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-17.553).

En l’espèce, il est constant que l’avis motivé du médecin du travail ne figurait pas parmi les pièces du dossier que la caisse a adressé aux CRRMP.

Pour justifier de l’impossibilité d’obtenir cet avis, la caisse, qui prétend qu’elle l’a sollicité mais que le médecin ne lui a pas répondu, produit tout d’abord une copie de la lettre du 16 février 2017 par laquelle elle a communiqué la déclaration de maladie professionnelle litigieuse à la société, et lui a demandé de la transmettre, avec une lettre jointe, au médecin du travail. Cela ne permet pas néanmoins d’établir qu’elle a satisfait aux dispositions précitées du code de la sécurité sociale, dès lors que :

– la lettre jointe se contentait d’informer le médecin de la déclaration de maladie professionnelle, sans lui demander le moindre avis ;

– il est constant que c’est à la caisse qu’il appartient de réclamer au médecin du travail son avis motivé dans le cadre de l’instruction du dossier de la victime (2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-17.553).

La caisse produit ensuite une capture d’écran de son logiciel de gestion du risque professionnel, mentionnant, dans la liste des actes de gestion, ‘ Demander Avis M.P. Médecin du Travail  , avec comme date d’exécution le 30 mai 2017. Là encore, cette seule mention d’une tâche à accomplir et de sa date dans un logiciel dont le fonctionnement est pour le reste totalement inconnu ne suffit pas à prouver, vis-à-vis de la société qui le conteste, non seulement que cette tâche a bien été accomplie, mais encore qu’elle l’a été d’une manière qui permettait effectivement d’obtenir l’avis du médecin du travail.

Dans ces conditions, la caisse ne justifie pas qu’elle était dans l’impossibilité matérielle d’obtenir cet avis, faute de justifier d’abord qu’elle a tenté de le faire.

C’est donc à bon droit que le jugement entrepris a déclaré la décision de prise en charge litigieuse inopposable à la société, et il sera confirmé.

Perdant le procès, la caisse sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant :

Condamne la caisse primaire d’assurance maladie de la Mayenne aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Viviane BODIN Yoann WOLFF

 


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