Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 8
ARRET DU 23 FEVRIER 2023
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04741 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCEKL
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mai 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/09248
APPELANTE
Madame [H] [I] épouse [T]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Nicole BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0868
INTIMÉE
S.A.S. BUTARD ENESCOT
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Elvire DE FRONDEVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : B1185
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Nathalie FRENOY, présidente
Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère, rédactrice
Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée
Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [H] [I] a été engagée par la société Score Gestion dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée du 3 juillet 1989 en qualité d’aide comptable. Elle a ensuite exercé les fonctions de comptable fournisseurs et clients, puis de responsable comptabilité.
Le 1er septembre 1999, le contrat de travail a été transféré à la société Butard Enescot.
Le 5 juillet 2018, Mme [I] a été placée en arrêt de travail jusqu’au 20 août suivant.
Le 21 mars 2019, la société Butard Enescot l’a convoquée à un entretien préalable fixé au 29 mars suivant.
Le 9 avril 2019, elle a accepté le contrat de sécurisation professionnelle.
Par courrier du 16 avril suivant, la société Butard Enescot lui a notifié son licenciement pour motif économique.
Le 15 octobre 2019, Mme [I] a demandé à bénéficier de la priorité de réembauchage.
Contestant son licenciement pour motif économique, elle a, par acte du 15 octobre 2019, saisi le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 29 mai 2020, notifié aux parties par lettre du 2 juillet 2020, a :
– dit bien fondé le licenciement pour motif économique,
– débouté Mme [I] de l’intégralité de ses demandes,
– condamné Mme [I] à payer à la société Butard Enescot la somme de 100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [I] au paiement des dépens.
Mme [I] a interjeté appel de cette décision le 17 juillet 2020.
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 28 novembre 2022, Mme [I] demande à la cour d’infirmer le jugement et
statuant à nouveau de :
– condamner la société Butard Enescot à lui payer les sommes suivantes, pour la période non couverte par la prescription :
au titre de l’exécution du contrat de travail :
*9 336 euros au titre des heures supplémentaires,
*934 euros au titre des congés payés afférents,
*3 528 euros à titre de rappels de salaire,
*353 euros au titre des congés payés afférents,
*10 000 euros au titre des manquements à l’obligation de formation et d’adaptation,
*5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de l’obligation de suivi médical,
*3 000 euros au titre de l’incidence sur les rappels de salaire, sur les indemnités de rupture et/ou de la participation/intéressement,
au titre de la rupture du contrat de travail de :
– juger que la procédure suivie n’est pas régulière,
– juger que la société Butard Enescot n’a pas respecté son obligation de reclassement,
– constater que les critères d’ordre n’ont pas été établis ni été respectés,
– juger que la rupture intervenue s’analyse en licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamner la société Butard Enescot à payer à Mme [I] les sommes suivantes :
*5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du délai de réponse de 10 jours suivant la demande des critères d’ordre,
*75 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle ni sérieuse et, à titre subsidiaire, pour non respect des critères d’ordre,
*5 000 euros au titre du préjudice moral,
*5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la priorité de réembauchage,
– juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l’introduction de l’instance,
– ordonner la capitalisation des intérêts,
– débouter la société Butard Enescot de toutes ses demandes,
– ordonner la remise des documents sociaux conformes (attestation Pôle Emploi, bulletins de salaire) sous astreinte définitive de 30 euros par jour et par document,
– condamner la société Butard Enescot au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 21 novembre 2022, la société Butard Enescot demande à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en toutes ses dispositions, de débouter Mme [I] de l’intégralité de ses demandes et de la condamner au paiement de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 décembre 2022 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 16 décembre 2022.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu’aux écritures susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour;
SUR QUOI
Sur la rémunération variable
Mme [I] sollicite le paiement de la rémunération variable contractuellement prévue en ce qu’elle constitue un élément de salaire obligatoire puisque l’avenant à son contrat de travail n’a prévu aucune exception à son paiement.
La société Butard Enescot rappelle que la rémunération variable est subordonnée au temps de travail effectif réalisé, de sorte que les périodes d’absence de la salariée ne peuvent être comptabilisées à ce titre.
Selon avenant au contrat de travail de Mme [I] du 30 janvier 2009, la rémunération globale annuelle était composée :
– d’une partie fixe (1900 €) augmentée des majorations de la 36ème à la 39ème heures (l9.48),
– d’une prime d’objectif mensuel (270 €) selon objectifs fixés mensuellement par le supérieur hiérarchique,
– d’une prime de fin d’année (1900€),
– ‘IMR’ net mensuel (150€) (pièce 2. I- avenant du 30 janvier 2009 du dossier de l’appelante).
Les parties s’accordent pour reconnaître qu’au cours de la période non prescrite, la rémunération fixe mensuelle était de 2 200 euros et la prime sur objectifs de 300 euros, soit, en moyenne mensuelle, une rémunération variable de 692 euros.
Il résulte de l’article 29 de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants que « la rémunération qui doit être prise en considération pour le calcul de la garantie de rémunération est celle qui correspond à l’horaire pratiqué pendant l’absence de l’intéressé dans l’entreprise. »
S’agissant de la rémunération variable, ce texte précise :
– d’une part, que « dans ce cas, le salaire qui aurait été gagné pendant les diverses périodes d’absence donnant lieu à indemnisation, notamment lorsqu’elles sont de longue durée, doit être significatif au regard de l’absence indemnisée », ce qui peut conduire à retenir soit celui de la période de paie précédant cette absence, soit un salaire moyen perçu au cours d’une période plus longue, le trimestre par exemple,
– d’autre part, que « le complément de rémunération dû par l’employeur s’entend déduction faite des indemnités que l’intéressé perçoit de la sécurité sociale et, le cas échéant, des régimes complémentaires de prévoyance. »
L’employeur établit au vu de son décompte (pièce n° 3 du dossier de Mme [I] ) qu’au titre de l’année 2018, il a été retenu un salaire de référence de 2 522,56 euros, soit le salaire de base de 2 200 euros brut prévu à l’avenant, outre une prime mensuelle de 300 euros brut ainsi que 22,56 euros brut au titre de la majoration de la 36ème à la 39ème heure.
Les bulletins de paie de Mme [I] attestent qu’elle a perçu ses primes semestrielles en sus de son indemnisation, soit :
– 486 € bruts en juin 2018,
– 950 € bruts en juin 2018,
– 684 € bruts en novembre 2018.
Comme le soutient à juste titre la société Butard Enescot, il n’y avait pas lieu de les inclure une seconde fois au titre de l’indemnisation des arrêts de travail.
Si Mme [I] fait valoir désormais que cette prime devait être maintenue durant ses congés payés, ses bulletins de paie montrent que la prime de 300 euros brut a été maintenue durant les congés payés ainsi que pendant ses jours de RTT.
Il convient en conséquence, par confirmation du jugement déféré, de débouter Mme [I] de la demande présentée à titre de rappel de salaire variable.
Sur la majoration au titre des heures supplémentaires
Mme [I] fait valoir que ses heures supplémentaires n’auraient pas été correctement majorées.
La société Butard Enescot répond avoir appliqué le taux de majoration, conformément aux dispositions de la convention collective.
Il est constant que la durée du travail de Mme [I] était fixée à 169 heures par mois.
Dès lors, en application de l’avenant n°2 du 5 février 2007 à la convention collective nationale applicable en son article 4, le taux de majoration des heures effectuées entre la 36ème et la 39ème heure est de 10% .
Or, il résulte des bulletins de paie de Mme [I] que celle-ci percevait un salaire de base de 2 200 euros correspondant à 169 heures non majorées, soit un taux horaire non majoré de 13,01€ brut.
Ainsi, selon le calcul effectué, la salariée percevait 169-151,67 = 17,33 heures supplémentaires par mois et il résulte des bulletins de salaire que la majoration de 10% (22,54 euros soit 17,33 X 13,01euros X 10%) a bien été payée.
Le moyen de Mme [I], tiré de l’accord d’entreprise sur la durée du travail de 2000, qui ne fixe pas le taux de majoration des heures supplémentaires est inopérant.
Il convient dès lors de confirmer le jugement déféré qui a rejeté la demande en paiement présentée par la salariée au titre d’un rappel de majoration sur heures supplémentaires.
Sur l’obligation de formation
Mme [I] soutient que la société Butard Enescot a manqué à son obligation de formation et d’adaptation en ne lui faisant quasiment pas bénéficier de formation de nature à faire évoluer son poste ou à lui permettre de se maintenir dans les effectifs.
La société Butard Enescot conteste ce point et indique que Mme [I] a bénéficié de plusieurs formations assurant son adaptation à son poste de travail.
L’article L6321-l du code du travail prévoit que ‘l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.
Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l’article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l’acquisition d’un bloc de compétences’.
En l’espèce, pour démontrer le respect de son obligation, la société Butard Enescot produit aux débats deux documents, sa pièce 18 concernant une formation en gestion de stocks, clôture, intégration comptable, programmée le 7 avril 2016 et sa pièce 20 consistant en un courriel pour une formation aux outils utilisés par l’entreprise (interface Hennès du logiciel Gedid Compta) de 3h30 programmée le 30 avril 2014.
Elle se réfère en outre à deux pièces adverses:
– la pièce 17 de la salariée : concernant un transfert d’informations effectué en interne par Madame M. M., directrice de clientèle, programmé les 20 et 21 septembre 2018 ;
– la pièce adverse 21 : concernant une formation nécessaire pour utiliser les nouveaux outils de l’entreprise (logiciel CeGid Manufacturing) de 1h30 programmée le 26 octobre 2012.
Ces documents n’établissent pas cependant que l’employeur a respecté son obligation de formation dès lors que :
– le simple ‘transfert d’information’ d’une durée de 1h45 des 20 et 21 septembre 2018 ne peut être considéré comme une « formation »,
– la société Butard Enescot ne justifie pas que Mme [I] a suivi la formation programmée le 7 avril 2016 de 2 heures alors que l’appelante affirme, sans être contredite, qu’elle n’a jamais été organisée et en tout état de cause qu’elle ne la concernait pas,
-l’employeur n’établit que Mme [I] ait été destinataire du courriel relatif à une formation aux outils utilisés par l’entreprise du 30 avril 2014, alors au demeurant, que la salariée indique que le logiciel en question n’a pas été retenu par la société Butard Enescot et donc n’a jamais été utilisé.
Dès lors, la seule formation réalisée par Mme [I] est celle du 26 octobre 2012 relative à l’utilisation des outils de l’entreprise (logiciel CeGid Manufacturing), d’une durée de 1h30.
Si la société Butard Enescot ne démontre donc pas avoir formé et adapté à son poste la salariée, cette dernière qui a retrouvé un emploi le 26 septembre 2019, ne donne cependant pas d’éléments sur les difficultés qu’elle aurait rencontrées, ni sur le préjudice se déduisant d’une formation insuffisante.
Il convient en conséquence, par substitution de moyens, de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [I] de sa demande de dommages et intérêts.
Sur l’absence de suivi médical
Mme [I] fait valoir que la société Butard Enescot n’a jamais organisé de visite de reprise après son arrêt de travail du 5 juillet au 20 août 2018, pas plus qu’une visite périodique.
Même si l’employeur ne conteste pas le fait de ne pas avoir fait bénéficier la salariée d’un suivi médical régulier, celle-ci ne justifie d’aucun préjudice en relation avec ce manquement.
La demande indemnitaire doit donc être rejetée et le jugement confirmé sur ce point.
Sur la procédure de licenciement
Mme [I] soutient que la société Butard Enescot n’a pas communiqué dans les délais et dans leur intégralité les documents fournis aux représentants du personnel relatifs aux licenciements pour motif économique.
La société Butard Enescot soutient avoir respecté l’ensemble des exigences procédurales lui incombant dans le cadre du licenciement et indique que tant les représentants du personnel que l’inspecteur du travail ont autorisé le licenciement économique de Mme [I].
Il résulte du dossier que la société Butard Enescot a informé et consulté les représentants du personnel et qu’une note explicative aux fins de consultation sur le licenciement collectif de moins de 10 salariés pour motif économique leur a été transmise le 14 mars 2019 ( pièce 11) ; lors de la réunion plénière du CE du 20 mars 2019, les représentants du personnel ont été informés et consultés sur le projet de licenciement économique et ont rendu un ‘AVIS FAVORABLE’ sans contester la nature et la date de communication des éléments qu’ils ont appréciés pour justifier de leur avis ( pièce 10).
Mme [I] est en conséquence mal fondée à se prévaloir de ‘la tardiveté’ de la communication avec les représentants du personnel, ni du manque d’information.
Le jugement déféré est en conséquence également confirmé en ce qu’il a débouté Mme [I] de sa demande de dommages et intérêts.
Sur le bien fondé du licenciement
Au soutien de son appel, Mme [I] fait valoir que :
– les éléments produits dans la lettre de licenciement ne respectent pas les exigences de l’article L 1233-3 du code du travail,
– la société Butard Enescot entretient « une opacité certaine sur sa situation financière » au motif qu’elle ne produit qu’un « rapport partiel du commissaire aux comptes » qui ne serait pas certifié,
– les comptes de la société intimée ne seraient pas ‘nécessairement’ le reflet de sa situation économique,
– la société Butard Enescot ne justifie pas de la réalité de la suppression de son poste,
– l’employeur a méconnu son obligation de reclassement ainsi que les critères d’ordre et la priorité de réembauchage.
La société Butard Enescot soutient que la réalité des motifs économiques est établie. Elle précise que les représentants du personnel et l’inspection du travail ont contrôlé le motif économique et l’ont validé alors que le poste de Mme [I] a bien été supprimé et l’obligation de reclassement respectée, ainsi que les critères d’ordre et la priorité de réembauchage.
Par application de l’article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification refusée par le salarié d’un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l’entreprise ou à une cessation d’activité.
La réorganisation de l’entreprise, si elle n’est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité ou de celle du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient.
De plus, par application de l’article L.1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, ‘ le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel.
Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.
Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.
L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.’
Il incombe à l’employeur de prouver qu’il n’a pas pu reclasser le salarié.
Il est établi par les pièces versées au dossier que, comme l’a souligné l’inspection du travail dans sa décision du 24 avril 2019 autorisant le licenciement économique de Mme [I], la société Butard Enescot a connu une baisse significative de son chiffre d’affaires :
11 014 201 euros en 2016, puis 9 821 876 euros en 2017 et 9 254 724 euros en 2018 (pièce 8 du dossier de la société Butard Enescot).
De même, l’employeur justifie avoir eu un résultat d’exploitation négatif d’environ un million d’euros à fin décembre 2018, de – 718 261 euros fin 2017.
Enfin, l’exercice est déficitaire de – 924 000 euros au 31/12/2018 contre -793 000 euros au 31/12/2017 alors que les prévisions commerciales qui étaient disponibles pour 2019 étaient insuffisantes puisque seuls 656 287 euros de chiffre d’affaires sont enregistrés dans le carnet de commandes pour mars 2019 contre 910 000 euros prévus au budget.
Dans ces circonstances, à l’issue de la réunion du 20 mars 2019, la délégation unique du personnel a rendu un avis favorable à la majorité sur le projet de licenciement économique collectif ( pièce 10 du dossier de l’employeur) après avoir communiqué les informations nécessaires ( pièce 11 du même dossier).
Il est en effet établi que la société Raynier Marchetti du groupe Butard se trouvait à l’époque dans une situation délicate en raison des pertes importantes enregistrées au cours des trois dernières années et qu’il en était de même des autres sociétés du groupe.
A ce titre, la société Butard Enescot verse aux débats les comptes consolidés du groupe, les bilans certifiés par l’expert-comptable de ces 3 entités que sont Butard Enescot, SPP et Butard Enescot France Amériques, qui attestent des difficultés économiques de ces sociétés (pièces 22 à 24, 44).
Par ailleurs, le service Facturation (Facturation / ADV (administration des ventes)) a été supprimé et il n’est pas contestable que le poste de responsable comptabilité que l’appelante était la seule à occuper a été supprimé (pièces 12 et 56) ; l’employeur justifie également de ce que la deuxième salariée qui faisait partie de ce service, Madame A. C., (assistante administratrice des ventes) a également été licenciée.
Enfin, s’agissant du reclassement qui devait être recherché à l’intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel, il est établi en l’espèce par l’examen des registres du personnel des sociétés du groupe et au vu des autres documents produits, qu’aucun poste de même catégorie n’était disponible, ni aucun recrutement effectué (pièces 27 à 30).
L’employeur a ainsi loyalement et sérieusement respecté son obligation de reclassement.
Il ressort de tout ce qui précède que le licenciement économique de Mme [I] repose sur une cause réelle et sérieuse et qu’il convient par confirmation du jugement déféré de la débouter de l’ensemble de ses demandes à ce titre.
Sur les critères d’ordre
L’article R 1233-1 du code du travail dispose : ‘le salarié qui souhaite connaître les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements adresse sa demande à l’employeur, en application des articles L. 1233-17 et L. 1233-43, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, avant l’expiration d’un délai de dix jours à compter de la date à laquelle il quitte effectivement son emploi.
L’employeur fait connaître les critères qu’il a retenus pour fixer l’ordre des licenciements, en application de l’article L. 1233-5, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, dans les dix jours suivant la présentation ou de la remise de la lettre du salarié.
Ces délais ne sont pas des délais francs. Ils expirent le dernier jour à vingt-quatre heures.’
La société intimée a, par courrier du 29 mars 2019, informé l’appelante qu’il était envisagé de supprimer l’intégralité du service facturation, comprenant notamment son poste de responsable comptabilité et Mme [I] a, par courrier reçu le 3 mai 2019, demandé la communication des critères d’ordre de licenciement (pièce appelante n° 8).
La société Butard Enescot justifie avoir répondu à la salariée dans le délai de 10 jours en lui précisant que dans la mesure où elle était la seule salariée à exercer les fonctions de responsable comptabilité, il n’y avait pas eu lieu à application des critères d’ordre de licenciement (pièce n°6 de l’employeur).
Les développements de l’appelante concernant le fait que ‘le service facturation n’a jamais existé en tant que tel’ et que le découpage est purement artificiel ne sont fondés sur aucun élément objectif.
Le jugement est en conséquence confirmé en ce que les premiers juges ont débouté Mme [I] de sa demande de dommages et intérêts présentée à ce titre.
Sur la priorité de réembauche
Par courrier du 15 octobre 2019, Mme [I] a demandé à bénéficier de la priorité de réembauche (sa pièce n°15).
L’article L 1233-45 du code du travail dispose :« le salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité de réembauche durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de son contrat s’il en fait la demande au cours de ce même délai.
Dans ce cas, l’employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l’employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles.
Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s’il en informe l’employeur. ».
Mme [I] soutient que :
– le registre de la société des Pavillons Parisiens fait apparaître dans certaines de ses mentions des incohérences chronologiques,
– le registre de la société Butard Enescot produit le 6 octobre 2022 fait apparaître :
* l’embauche d’une assistante commerciale le 17 octobre 2019 mais aussi le 3 décembre
2019, postes qui auraient dû être proposés à Madame [I], même s’il s’agit de postes de classification inférieure,
* une embauche de comptable auxiliaire le 3 février 2020, poste qui aurait dû lui être proposé, même s’il s`agit d’un contrat à durée déterminée.
Toutefois, la qualification visée par la loi est :
– soit celle de l’emploi quitté par le salarié lors de la rupture de son contrat,
– soit celle acquise depuis la rupture par le salarié s’il a informé l’employeur de ses nouvelles
compétences.
ll convient par ailleurs de rappeler que la priorité de réembauche s’exerce uniquement auprès de l’entreprise qui a procédé au licenciement et non dans l’ensemble du groupe.
Ainsi, s’agissant des postes d’assistante commerciale, celui ( datant de 2020) de la société des Pavillons Parisiens n’avait pas à être proposé alors qu’en tout état de cause, ceux parus le 17 octobre 2019 et le 3 décembre 2019, de catégorie inférieure, ne correspondaient pas à la qualification et à l’expérience professionnelle de Mme [I].
Par ailleurs, le poste de comptable auxiliaire, pourvu le 3 février 2020, correspondait à un contrat à durée déterminée de 7 jours du 3 au 11 février 2020 pour remplacer un salarié en arrêt de travail pour maladie (pièce 54 du dossier l’employeur) de sorte qu’il ne s’agissait pas d’un emploi disponible, l’employeur n’ayant pas la possibilité de proposer le remplacement temporaire d’un salarié en arrêt de travail aux salariés bénéficiaires de la priorité de réembauche.
Il en résulte que, par confirmation du jugement, Mme [I] doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
Sur le préjudice moral
Mme [I] ne justifie par aucune pièce de son dossier avoir subi ‘ un déclassement’, ‘le
retrait de certaines de ses attributions et prérogatives’, ni un préjudice du fait des circonstances qui ont entouré la rupture du contrat de travail.
Il convient en conséquence de la débouter, par confirmation du jugement entrepris, de la demande de dommages et intérêts présentée à ce titre.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Le jugement déféré est également confirmé en ses dispositions sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant, Mme [I] est condamnée aux dépens d’appel et à payer à la société Butard Enescot la somme de 500 euros, par application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, par arrêt prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 29 mai 2020 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE Mme [I] à payer à la société Butard Enescot la somme de 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [I] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
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