Droit du logiciel : 22 mars 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/00901

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Droit du logiciel : 22 mars 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/00901

22/03/2023

ARRÊT N°118

N° RG 21/00901 – N° Portalis DBVI-V-B7F-N764

VS/CO

Décision déférée du 12 Janvier 2021 – Tribunal de Commerce de TOULOUSE – 2019J00212

M.STEIN

S.A.S. TEKNOBAT

C/

S.A.S. ACTIF CONSEIL [Localité 4]

Société LA SELARL BDR & ASSOCIES

infirmation

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A.S. TEKNOBAT Prise en la personne de son représentant légal, domicilié es qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Laurie DELAS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEES

S.A.S. ACTIF CONSEIL [Localité 4] S.A.S,

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Damien DE LAFORCADE de la SELARL CLF, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me COULOMB DIVISIA, avocat au barreau de NIMES

PARTIE INTERVENANTE

Société LA SELARL BDR & ASSOCIES prise en la personne de Maitre [L] [Z], agissant ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS TEKNOBAT

[Adresse 2]

[Localité 5]

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant V.SALMERON, présidente, chargée du rapport, P.BALISTA ,conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

P. BALISTA, conseiller

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, présidente, et par C. OULIE, greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure :

Par lettre de mission du 7 juillet 2011, la société Teknobat a confié à la Sarl Actif Conseil [Localité 4], cabinet d’expertise comptable, une mission d’assistance comptable et fiscale relative notamment aux déclarations de TVA.

Par courrier recommandé du 15 décembre 2017, la société Teknobat a dénoncé la lettre de mission.

Par proposition de rectification en date du 5 avril 2018, l’administration fiscale a relevé diverses irrégularités relatives à la TVA et mis à la charge de la société Teknobat des rappels de TVA, pénalités et amendes fiscales après contrôle fiscal sur les exercices 2015 à 2017.

Par avis de recouvrement du 29 juin 2018 corrigé par un avis de dégrèvement du 19 juillet 2018, l’administration fiscale a demandé à la société Teknobat le paiement d’un montant total de 446.792 € portant essentiellement sur une mauvaise application de la règle de la TVA auto-liquidée ainsi que sur la déduction de la TVA sur les encaissements .

Par acte d’huissier de justice du 13 mars 2019, la société Teknobat a assigné la Sarl Actif Conseil [Localité 4] devant le tribunal de commerce de Toulouse aux fins de dire que cette dernière a commis des erreurs dans le cadre de sa mission d’expert-comptable et de la condamner à lui verser les sommes de 62.179 € € outre intérêts, 136.895 € en réparation de la perte de chance de recouvrer la TVA auprès des sous-traitants, et 40.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique.

La société Actif Conseil a demandé au tribunal de débouter la demanderesse, subsidiairement d’ordonner une expertise, et en tout état de cause de condamner la société Teknobat à lui verser la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire.

Par jugement du 12 janvier 2021, le tribunal de commerce de Toulouse a :

débouté la société Teknobat de l’ensemble de ses demandes ;

débouté la Sarl Actif Conseil [Localité 4] de sa demande au titre de la procédure abusive et vexatoire ,

condamné la société Teknobat à payer à la Sarl Actif Conseil [Localité 4] la somme de 2.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

ordonné l’exécution provisoire de la décision ;

condamné la société Teknobat aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 25 février 2021, la société Teknobat a relevé appel du jugement. La portée de l’appel est l’infirmation des chefs du jugement qui ont :

débouté la société Teknobat de l’ensemble de ses demandes ;

condamné la société Teknobat à payer à la Sarl Actif Conseil [Localité 4] la somme de 2.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

ordonné l’exécution provisoire de la décision ;

condamné la société Teknobat aux entiers dépens.

Le 16 août 2021, la société Actif Conseil a notifié des conclusions d’appel incident.

Par jugement du 11 juillet 2022, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert une procédure de liquidation judiciaire au bénéfice de la Sas Teknobat, et nommé la Selarl Bdr et Associés en qualité de liquidateur.

Le 5 septembre 2022, la Selarl Bdr et Associés es-qualités a notifié des conclusions d’intervention volontaire.

La clôture est intervenue le 19 septembre 2022.

Le 20 septembre 2022, la Sarl Actif Conseil a notifié des conclusions par lesquelles elle demandait notamment la révocation de l’ordonnance de clôture.

L’ordonnance de clôture a été rabattue et la clôture définitive est intervenue le 3 octobre 2022.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions n°2 notifiées le 5 septembre 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Selarl Bdr et Asssociés en qualité de liquidateur de la Sas Teknobat demandant, au visa des articles 1147 ancien et 1315 du code civil, et L641-9 du code de commerce de :

recevoir l’intervention volontaire de la Selarl Bdr et Associés, prise en la personne de Maître [L] [Z], en qualité de liquidateur judiciaire de la Sas Teknobat, désignée en cette qualité par un jugement rendu le 11 juillet 2022 par le tribunal de commerce de Toulouse

juger que la Selarl Bdr et Associés es-qualités est recevable et bien fondée en son appel,

infirmer le jugement rendu le 12 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Toulouse en ce qu’il a :

débouté la société Teknobat de l’ensemble de ses demandes,

condamné la société Teknobat à payer à la Sarl Actif Conseil [Localité 4] la somme de 2.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Teknobat aux entiers dépens

juger que la société Actif Conseil [Localité 4] a manqué à ses obligations contractuelles à l’égard de la société Teknobat,

condamner en conséquence la Sarl Actif Conseil [Localité 4] à payer à la Selarl Bdr et Associés es-qualités la somme de 62.179 €, outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation signifiée le 13 mars 2019,

condamner la société Actif Conseil [Localité 4] à payer à la Selarl Bdr et Associés es-qualités la somme de 136.895 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de recouvrer la TVA auprès de ses sous-traitants, outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation signifiée le 13 mars 2019,

condamner la société Actif Conseil [Localité 4] à payer à la Selarl Bdr et Associés es-qualités la somme de 40.000 € en réparation du préjudice économique,

confirmer le jugement rendu le 12 janvier 2021 en ce qu’il a débouté la société Actif Conseil [Localité 4] de sa demande au titre de la procédure abusive et vexatoire,

condamner la société Actif Conseil [Localité 4] à payer à la Selarl Bdr et Associés es-qualités la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la société Actif Conseil [Localité 4] au paiement des entiers dépens.

Vu les conclusions n°3 notifiées le 20 septembre 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Sarl Actif Conseil [Localité 4] demandant de :

confirmer le jugement du tribunal de commerce de Toulouse en date du 12 janvier 2021 en ce qu’il a débouté la société Teknobat de toutes ses demandes,

recevant la concluante en son appel incident du jugement du tribunal de commerce de toulouse en date du 12 janvier 2021, en ce qu’il l’a débouté de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire,

réformant ledit jugement sur ce seul point,

condamner la Selarl Bdr et Associés es-qualités à payer la société Actif Conseil une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;

subsidiairement,

juger que la société Actif Conseil n’a commis aucune faute dans l’exercice de sa mission ;

juger qu’aucun lien de causalité entre la faute reprochée et les préjudices allégués n’est démontré ;

débouter la Selarl Bdr et Associés es-qualités de toutes ses demandes, fins et conclusions,

très subsidiairement, en cas de réformation du jugement du tribunal de commerce de Toulouse le 12 janvier 2021,

ordonner une expertise judiciaire confiée à un expert-comptable qu’il plaira à la cour de désigner avec pour mission de vérifier :

le mécanisme d’autoliquidation de la TVA dans les contrats de sous-traitance du bâtiment appliqué par la société Teknobat,

les déclarations de TVA effectuées par la société Teknobat à compter du mois de septembre 2017,

la conduite du contrôle fiscal et l’analyse des réponses apportées à l’Administration fiscale par la société Teknobat,

les raisons pour lesquelles toutes les voies de recours et notamment la commission des impôts n’a pas été saisie par la société Teknobat,

l’analyse du contenu du courrier de [P] [S] et des réponses qui ont été apportées par la société Teknobat à l’administration fiscale,

débouter la Selarl Bdr et Associés es-qualités de toutes ses demandes, fins et conclusions,

en tout état de cause,

condamner la Selarl Bdr et Associés es-qualités à payer la société Actif Conseil une somme de 3.600 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner la Selarl Bdr et Associés es-qualités aux entiers dépens.

Motifs de la décision :

– s’agissant de la clôture des débats, les parties ont précisé à l’audience du 18 octobre 2022, à l’ouverture des débats, que n’étaient plus en débat ni la clôture après sa fixation au 3 octobre 2022, ni la recevabilité des dernières conclusions des parties avant le 3 octobre 2022.

– l’intervention volontaire de la sarl Bdr et associés, prise en la personne de [L] [Z] en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Teknobat depuis le jugement du 11 juillet 2022, est recevable en cause d’appel.

Il ressort des conclusions de l’intimée et du jugement que sa forme sociale est une société à responsabilité et non une société par actions simplifiée comme mentionné par erreur dans la déclaration d’appel.

Les débats se présentent comme en première instance, la SAS Teknobat sollicitant la réparation de trois préjudices : le remboursement de pénalités fiscales, la perte de chance de recouvrer la TVA auprès des sous-traitants et son préjudice économique en lien direct avec la faute de son expert comptable qui a manqué à ses obligations contractuelles.

A titre reconventionnel, la sarl Actif Conseil [Localité 4] estime n’avoir commis aucune faute au préjudice de sa cliente et sollicite des dommages-intérêts pour procédure abusive.

-sur la faute alléguée de la sarl Actif Conseil [Localité 4] :

La responsabilité d’un expert comptable ne peut être engagée qu’en établissant qu’il a commis une faute dans l’accomplissement de la mission qui lui a été confiée par son client, que ce dernier a subi un préjudice indemnisable et qu’il existe un lien de causalité direct entre la faute alléguée et le préjudice invoqué.

Par conséquent, il appartient préalablement à la société Teknobat de prouver la faute alléguée.

Elle considère que la sarl Actif conseil [Localité 4] a manqué à son obligation d’information et de mise en garde concernant les règles d’auto liquidation en matière de TVA et à son devoir d’assistance et de conseil dans les déclarations de TVA, manquements à l’origine des redressements et pénalités fiscales subis par la société Teknobat ainsi qu’ à un préjudice économique.

La sarl Actif Conseil [Localité 4] conteste avoir commis une quelconque faute contractuelle et rappelle qu’elle n’a jamais tenu la comptabilité de la SAS Teknobat et n’a jamais eu de mission comptable complète. Elle précise avoir mis en garde la SAS Teknobat sur le mécanisme de la TVA auto-liquidée à deux reprises en 2014 et 2016 en précisant les dangers à éviter. Enfin, elle indique que les retards dans la saisie comptable a rendu difficile la souscription des bordereaux mensuels de TVA et l’établissement des comptes annuels dans les délais légaux et a refusé de répondre à des demandes de décalage de TVA suggéré par sa cliente ; et surtout, elle rappelle qu’elle n’a effectué les déclarations de TVA que jusqu’en fin août 2017.

L’expert comptable est tenu d’un devoir de conseil à l’égard de son client quelles que soient les compétences de son client en matière comptable et doit le mettre en garde contre les risques découlant d’insuffisances ou d’anomalies. En revanche, il n’est soumis qu’à une obligation de moyens quant à l’établissement des déclarations fiscales en fonction des déclarations de son client et des pièces justificatives fournies.

La SAS Teknobat qui précise n’avoir aucun comptable dans ses effectifs, avait confié à la sarl Actif Conseil [Localité 4] la mission suivante  : la surveillance des enregistrements, l’établissement d’une situation trimestrielle, l’assistance aux souscriptions de l’ensemble des déclarations fiscales concernant la société et notamment la TVA et l’établissement des comptes annuels de la société.

Elle expose qu’ayant constaté beaucoup d’incohérences dans les travaux réalisés par la sarl Actif Conseil [Localité 4] notamment dans l’exercice des rapprochements entre les pièces justificatives et les enregistrements comptables et dans l’établissement des déclarations mensuelles de TVA, collectée et déduite, révélant un calcul approximatif de leurs montants, elle a décidé fin 2017 de mettre fin à la mission comptable et fiscale de la société d’expertise comptable. Et forte des redressements fiscaux subis et découlant de la vérification de comptabilité de la société entre 2015 et 2017, elle a dénoncé un manquement de la société d’expertise comptable à son devoir de conseil notamment concernant la procédure d’auto-liquidation sur les factures de sous-traitance et un manquement à son devoir de mise en garde.

A l’examen des pièces produites aux débats et sans tenir compte des pièces 9 et 28 de la SAS Teknobat qui ne sont pas déterminantes pour trancher le litige, la cour d’appel constate qu’en effet, la mission de la sarl Actif Conseil [Localité 4] auprès de la SAS Teknobat depuis 2011 était une mission partielle et non complète de tenue de la comptabilité mais comportait l’établissement des déclarations mensuelles de TVA à l’aide d’un logiciel de téléchargement des pièces justificatives des déclarations à effectuer.

Dès lors, les déclarations de TVA devaient nécessairement correspondre aux pièces produites.

Par ailleurs, la sarl Actif Conseil [Localité 4] expose qu’elle n’avait pas déclaré de TVA avant la cessation de sa mission fin août 2017, qu’elle n’avait pas à déclarer la TVA pour les redressements visés en 2017 notamment concernant la TVA de l’escompte redressé sur le plan fiscal et qui arrivait à échéance au 15 septembre 2017, après la fin de sa mission.

Enfin, la sarl Actif Conseil [Localité 4] produit plusieurs échanges de courriels entre parties, courant 2017, attestant de la nécessité d’exiger les données comptables avant l’expiration de délais pour déclarer la TVA et d’un désaccord en septembre 2016 avec le client sur la régularisation de la TVA reprochée au cabinet comptable pour éviter des difficultés de trésorerie liées à des escomptes en cours importants et nécessitant un décalage de déclaration de la TVA dans le temps.

Ces difficultés manifestes demeurent toutefois ponctuelles et n’expliquent pas les redressements fiscaux à l’origine du litige alors que la période vérifiée du 1er janvier 2015 au 1er novembre 2017 correspond essentiellement à une période d’exécution contractuelle de la mission comptable confiée à la sarl Actif Conseil [Localité 4], au moins de façon non contestée jusqu’à fin août 2017.

Pour le mois de septembre 2017, les pièces produites établissent que la mission de la sarl Actif Conseil [Localité 4] concernant les déclarations de TVA est intervenue le 5 octobre 2017 et non fin Août 2017 comme cette dernière l’expose et alors que l’avenant à la lettre de mission datée du 12 octobre 2017 précise « vous nous avez informé vouloir prendre en charge les travaux afférents à la TVA. Le présent courrier a pour objet de définir les nouvelles conditions de notre collaboration » (cf pièce 1 de la société Actif Conseil [Localité 4]). Il se déduit de ce courrier que la sarl Actif Conseil [Localité 4] était bien chargée de l’assistance du cabinet dans la déclaration de TVA du mois de septembre 2017.

Si en effet, dans les échanges de courriels entre le cabinet d’expertise comptable et sa cliente relatifs à des difficultés de TVA, le gérant de la SAS Teknobat a mis fin à la mission comptable en exposant le 12 octobre 2017 : « je souhaite uniquement simplifier notre gestion comptable en intégrant un sujet que je maîtrise depuis longtemps afin notamment d’optimiser nos coûts », il est manifeste que certaines déclarations de TVA ont été établies de façon erronée sur la période antérieure et que la sarl Actif Conseil [Localité 4] n’a pas alerté la SAS Teknobat sur les insuffisances de ses déclarations de TVA en 2015, en 2016 et voire des ¿ de l’année 2017.

S’agissant de la TVA auto liquidée, la sarl Actif Conseil [Localité 4] justifie qu’elle a informé la SAS Teknobat du mécanisme de la TVA auto liquidée et l’a mise en garde sur les dangers de mal enregistrer les factures des sous traitants, tant en 2014 qu’en 2016, en insistant sur la nécessité d’exiger des sous traitants d’établir des factures conformes à ce mécanisme.

Elle n’a donc pas manqué à son devoir de mise en garde de ce chef. En revanche, alors qu’elle avait une mission d’assistance dans l’établissement des déclarations mensuelles de TVA, il est établi qu’elle n’a pas vérifié si sa cliente avait respecté les principes à appliquer; or, elle recevait les factures pour justifier de la TVA à collecter et à déduire en adéquation avec les inscriptions comptables et notamment la ligne comptable du chiffre d’affaire réalisé par les sous traitants sans TVA.

De surcroît, aucun courrier ni courriel n’est produit pour attester du fait que le cabinet d’expertise comptable avait rappelé à l’ordre sa cliente dans l’établissement des déclarations mensuelles de TVA en matière d’auto liquidation de TVA alors que pour l’essentiel, les redressements fiscaux ont porté sur cette défaillance.

A l’examen notamment des pièces 8, 10 et 12 de la SAS Teknobat, les redressements fiscaux ont porté après réclamations de la société sur des insuffisances de TVA collectée pour 9.483 euros au titre de l’exercice clos au 31 décembre 2016 et 50.475 euros au 30 novembre 2017 et sur la TVA déductible essentiellement sur le mécanisme de l’auto liquidation, concernant les contrats Bastide du 11 juillet 2014, Mizar Microtec du 15 juin 2016 et SVD du 4 août 2014, et après réclamation ne sont retenus au titre de redressements que 174.346 euros en 2015, 132.265 euros en 2016 et le rappel de 2017 est abandonné (cf pièce 10).

Sur le redressement de 2017, en pièce 19, la sarl Actif Conseil [Localité 4] expose que pour 28.525 euros de TVA redressé, elle devait être déclarée en septembre 2017 s’agissant d’un effet arrivant à échéance le 15 septembre 2017 et pour 21.950 euros, elle correspondait à de la TVA collectée sur le mécanisme de l’auto liquidation applicable à cette opération, ce que le cabinet comptable, qui lui a succédé, aurait dû, selon elle, exposer au contrôleur fiscal.

La cour constate qu’après la fin de la mission de la sarl Actif Conseil [Localité 4] sur l’établissement des déclarations mensuelles et annuelles de TVA dès octobre 2017, la SAS Teknobat pouvait régulariser, avant la fin de l’année ces dernières insuffisances de déclaration de TVA notamment celle de septembre, puisqu’elle affirmait « maîtriser le sujet », et elle ne l’a pas fait.

Sur la TVA déductible et notamment pour le mécanisme d’auto liquidation dont les redressements sont maintenus pour 2015 et 2016 pour des montants significatifs, il est manifeste que la sarl Actif Conseil [Localité 4] aurait dû veiller à la bonne application des principes qu’elle avait signalés dans ses lettres de mise en garde adressées à ses clients en 2014 et 2016 et exiger de sa cliente, la SAS Teknobat, qu’elle fournisse des factures de sous traitants correctes et conformes aux déclarations de TVA à effectuer, ce qu’elle n’a pas fait, faisant perdre à la SAS Teknobat une chance de régulariser ses déclarations de TVA en 2015 et 2016.

La faute de la SAS Actif Conseil [Localité 4] est donc établie et le jugement doit être infirmé de ce chef.

-sur le préjudice subi par la SAS Teknobat :

la SAS Teknobat demande le remboursement de 62.179 euros correspondant à 15.331 euros d’amendes fiscales, 26.658 euros d’intérêts de retard et 20.190 euros de majorations, la réparation de la perte de chance de recouvrer la TVA auprès des sous traitants soit 136.895 euros pour défaut d’auto liquidation de la TVA sur les factures de sous traitance et 40.000 euros en réparation du préjudice économique lié à la perte de financement, essentiellement par le Crédit agricole, sur un projet immobilier en cours.

La faute de la sarl Actif Conseil [Localité 4] se limite d’une part à ne pas avoir rectifié des déclarations de TVA collectée pour 9.483 euros au titre de l’exercice clos au 31 décembre 2016, alors que les 50.475 euros de redressement au 30 novembre 2017 aurait dû l’être par la SAS Teknobat dès octobre 2017, et d’autre part, pour ne pas avoir alerté cette dernière sur l’insuffisance de son contrôle de factures de sous-traitants en 2015 et 2016 de TVA à déduire en dépit du mécanisme expliqué par deux fois en 2014 et 2016 à sa cliente.

Curieusement, la SAS Teknobat a pratiqué correctement le mécanisme pour certains dossiers, comme l’a relevé le contrôleur fiscal pour les entreprises Clauger et Dagrad (cf page 7 de la proposition de vérification des la DGI pièce 8 de la SAS Teknobat).

Il est ainsi établi que la SAS Teknobat a contribué à la survenance de son propre préjudice en matière de déduction de TVA auto liquidée puisqu’elle avait été mise en garde sur la nécessité de demander à ses sous traitants de lui adresser des factures spécifiques, ce qu’elle n’a pas fait intégralement pour chacun d’eux.

Il ne sera donc pas fait droit à la demande de remboursement par l’expert comptable des amendes fiscales, des intérêts de retard et des majorations s’agissant de la dette dont la SAS Teknobat est seule redevable comme contribuable et qui doit assumer les retards de paiement et les pénalités

En revanche, sur la perte de chance de recouvrer la TVA sur les sous traitants, dans la mesure où la mise en garde initiale, effectuée dès 2014, avait été très précise de ce chef et rappelée en 2016 et qu’il apparaît que pour certaines entreprises le mécanisme avait été respecté, la perte de chance alléguée ne correspond qu’à un préjudice très limité au fait de ne pas avoir précisé que le mécanisme d’auto liquidation était, sur certains dossiers, mal appliqués et qu’il fallait

solliciter les sous traitants pour établir des factures rectifiées, ce que la SAS Teknobat a fait à partir de décembre 2018 (pièces 31 et 34) puisque par courrier du 19 juillet 2018, le contrôleur fiscal a demandé la SAS Teknobat de se rapprocher de ses fournisseurs à cette fin (pièce 12).

La SAS Teknobat ne précise pas combien de réponses favorables, elle a reçu des sous traitants ni si les redressements de ce chef ont été en définitive en partie abandonnés. Toutefois en juillet 2022, la dette exigible, au titre de la TVA sur la période du 1er janvier 2015 au 30 novembre 2017 qui était à l’origine de plus de 306.000 euros, n’était plus que de 167.656,78 euros comme cela ressort du jugement prononçant la liquidation judiciaire de la SAS Teknobat qui ne précise pas si elle a réglé une partie de sa dette fiscale, à l’origine du présent litige, avant sa liquidation judiciaire.

La sarl Actif Conseil [Localité 4] reproche à la SAS Teknobat de ne pas avoir saisi la Commission des impôts en septembre 2017 et de ne pas disposer de pièces comptables sur le montant allégué de 136 895 euros de préjudice.

Mais la dette fiscale existe et elle ne précise pas pourquoi elle n’a pas vérifié alors qu’elle établissait les déclarations mensuelles de TVA en 2015 et 2016, le caractère régulier des mentions de TVA déductible en fonction des factures de sous traitants produites alors qu’elle connaissait l’activité de sa cliente et de son recours à la sous-traitance.

Eu égard à l’ensemble de ces éléments et sans qu’il soit utile d’ordonner une expertise judiciaire sur le préjudice subi, la cour alloue à la SAS Teknobat 6.000 euros de dommages-intérêts sur la perte de chance de recouvrer la TVA sur les sous traitants.

Enfin sur le préjudice économique allégué de 40.000 euros, la seule pièce 33 produite pour en justifier est un refus de financement d’un projet par le Crédit agricole par courriel du 9 juillet 2020 qui le justifie ainsi : « compte tenu des difficultés rencontrées suite à votre redressement fiscal ». Cette seule pièce n’établit pas le lien de causalité direct entre la faute retenue à l’encontre de la sarl Actif Conseil [Localité 4] et ce refus de financement sur un projet particulier.

Il convient de débouter la SAS Teknobat de ce chef de préjudice.

-sur la demande de dommages-intérêts de la sarl Actif Conseil [Localité 4] pour procédure abusive :

La sarl Actif Conseil [Localité 4] qui succombe ne peut solliciter des dommages-intérêts pour procédure abusive ; et ce, alors qu’en outre, elle ne produit aucune déclaration de créance au passif de la SAS Teknobat qui est en liquidation judiciaire.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la sarl Actif Conseil [Localité 4] de sa demande.

-sur les demandes accessoires :

la sarl Actif Conseil [Localité 4] qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Elle sera condamnée à 2.000 euros en application de l’article 700 du cpc pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

-déclare recevable l’intervention volontaire de la sarl Bdr et associés, prise en la personne de [L] [Z] en qualité de liquidateur judiciaire de la la SAS Teknobat

-infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté la sarl Actif Conseil [Localité 4] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la procédure abusive et vexatoire

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

-déboute la sarl Actif Conseil [Localité 4] de ses demandes

-condamne la sarl Actif Conseil [Localité 4] à verser 6 000 euros de dommages-intérêts à la sarl Bdr et associés es qualites, au titre du préjudice de perte de chance de recouvrer la TVA sur les sous traitants

-déboute la sarl Bdr es qualites de ses autres demandes

-condamne la sarl Actif Conseil [Localité 4] aux dépens de première instance et d’appel

-condamne la sarl Actif Conseil [Localité 4] à payer à la sarl Bdr et associés es qualites, la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente.

 


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