Droit du logiciel : 22 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/06612

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Droit du logiciel : 22 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/06612

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1ère chambre sociale

ARRET DU 22 MARS 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/06612 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OLGD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 02 SEPTEMBRE 2019

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER – n° RG 17/00985

APPELANT :

Monsieur [S] [T]

né le 04 Mai 1972 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Maître Christel DAUDE de la SCP SCP D’AVOCATS COSTE, DAUDE, VALLET, LAMBERT, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

UGAP agissant en la personne de son représentant légal domicilié

en cette qualité au siège social sis

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Maître Fanny LAPORTE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, substituée par Maître Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER et Maître Olivier PERRIN, avocat plaidant au barreau de PARIS, substituant Maître Patricia GOMEZ-TALIMI de la SCP PDGB, avocat au barreau de PARIS

Ordonnance de clôture du 03 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 JANVIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Madame Isabelle CONSTANT, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

[S] [T] a été engagé à compter du 1er août 2006 par l’Union des groupements d’achats publics (ci-après l’Ugap) en qualité d’ingénieur système exploitation, classe 6, statut cadre.

Le 17 novembre 2015, le médecin du travail a reçu le salarié à la demande de l’employeur et délivré un avis d’aptitude avec réserve en préconisant un changement de bureau.

Le salarié a été placé en arrêt de travail à compter du 27 novembre 2015.

Le 2 décembre 2015, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour cause réelle et sérieuse fixé au 14 décembre 2015.

[S] [T] a été hospitalisé en psychiatrie entre le 11 et le 31 décembre 2015.

Le 5 avril 2016, le médecin du travail l’a déclaré apte à son poste sous réserve d’un poste de travail dans un bureau séparé avec changement de service souhaitable.

Le 26 septembre 2016, l’employeur a proposé au salarié, à compter du 1er octobre 2016, un poste ‘d’administrateur gestion des demandes’, statut cadre, dépendant d’un autre service et avec une classification inférieure à la sienne, ce que [S] [T] a accepté le 30 septembre 2016.

Par courrier du 24 mai 2017, [S] [T] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 6 juin 2017 avec ‘dispense d’activité rémunérée pendant toute la durée de la procédure’.

Il a été licencié pour cause réelle et sérieuse par un courrier du 12 juin 2017 avec dispense d’accomplir son préavis de 6 mois expirant le 12 décembre 2017.

Le 14 septembre 2017, [S] [T] a saisi le conseil des prud’hommes de [Localité 5] pour voir juger l’employeur responsable d’agissements répétés de harcèlement moral à son encontre, voir annuler le licenciement et obtenir la réparation de ses préjudices ainsi que l’application de ses droits.

Par jugement du 2 septembre 2019, ce conseil a :

– dit que le licenciement est un licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

– débouté [S] [T] de ses demandes tant à titre principal qu’à titre subsidiaire et de toutes ses autres demandes ;

– débouté l’Ugap de ses demandes ;

– dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Le 4 octobre 2019, [S] [T] a relevé appel de tous les chefs du jugement l’ayant débouté de ses prétentions.

Vu les conclusions n°2 de [S] [T] remises au greffe le 25 novembre 2022 ;

Vu les conclusions n°4 de l’Ugap remises au greffe le 16 décembre 2022 ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 3 janvier 2023 ;

MOTIFS :

Sur la demande indemnitaire au titre du harcèlement moral :

[S] [T] conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande indemnitaire de 50.000 € pour harcèlement moral outre 30.000 € pour préjudice moral distinct et demande à la cour de faire droit à ses prétentions.

L’Ugap conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

L’article L. 1152-1 du code du travail énonce : ‘Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.’

Aux termes de l’article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable au litige : ‘Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit ( ou ‘présente’ depuis la loi du 8 août 2016) des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.’

Il résulte des dispositions des articles qui précèdent que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, l’appelant invoque, au soutien de sa demande,

– des propos brutaux, agressifs, discourtois et rabaissants tenus à son encontre le 24 juillet 2015, en présence d’un prestataire extérieur, par son nouveau responsable hiérarchique direct avec lequel il partageait le même bureau depuis l’arrivée de ce dernier courant juillet 2015 (1),

– l’évaluation très négative d’octobre 2015 devenue un prétexte pour invoquer de prétendus problèmes de compétences et qui a été centrée sur le relationnel (2),

– placardisation en étant écarté de toutes les réunions et de tous les projets (3),

– rejet de sa candidature en interne pour changer de service en octobre 2015 (4),

– recadrage violent et humiliant le 4 novembre 2015 (5),

– perte d’autonomie avec une litanie de consignes à respecter, de justifications à produire et de comptes à rendre (6),

– refus de prendre en compte l’avis du médecin du travail du 17 novembre 2015 préconisant un changement de bureau qui n’est intervenu qu’en avril 2016 (7)

– convocation à un entretien préalable à son éventuel licenciement du 14 décembre 2015 restée sans suite (8),

– changement de bureau à deux reprises en 15 jours, ‘comme un pion’, après sa reprise d’avril 2016 sans explication (9),

– proposition d’un emploi en déclassement (classe 5 au lieu de sa classe 6) avec baisse de rémunération fin septembre 2016 (10),

– répercussions sur ses conditions de travail, sa dignité et son état de santé qui s’est dégradé de manière très importante à compter de décembre 2015 (11).

(1) Pour établir la matérialité des propos dénoncés, l’appelant produit un courrier dactylographié d’un prestataire extérieur (expert informatique) non daté, sur lequel est apposée une signature qui paraît scannée et auquel n’est pas joint la copie de la carte d’identité de son auteur de sorte que, ainsi que le fait justement valoir l’intimée, la cour, qui ne peut vérifier la date et l’identité de l’auteur de ce témoignage, ne peut y accorder aucune force probante. La matérialité de ces faits n’est donc pas établie.

(2) Alors que l’employeur estimait, en avril 2014, que les compétences professionnelles de [S] [T] étaient ‘au-delà des attentes’ en soulignant ‘le respect des engagements’, ‘la qualité du travail d’administrateur SAP’ ainsi que ‘la pertinence des diagnostics et des recommandations’ du salarié, ce qui lui a permis de bénéficier d’augmentations individuelles mensuelles en août 2013 et août 2014 pour ‘récompenser sa contribution’ (pièce 4 et 5 de l’appelant) et de nombreux mails de remerciements et de félicitations de son responsable hiérarchique de janvier 2014 à juin 2015 (pièce 8 de l’appelant), avec comme seule réserve une critique très mesurée sur ses capacités à ‘informer/expliquer’ et à ‘travailler en équipe’ assortie d’une proposition de formation sur ce point en juin 2014, l’employeur a considéré soudainement, en octobre 2015, soit postérieurement au changement de responsable hiérarchique direct de juillet 2015, que 16 des 20 compétences notées comme des ‘points forts’ chez [S] [T] n’étaient plus que des points ‘satisfaisants’ voire ‘partiellement satisfaisants’, que ses compétences étaient ‘en-deçà des attentes’ en relevant des insuffisances graves en terme de travail en équipe et en matière de communication et de rapport avec la hiérarchie. Ce fait, consistant en une évaluation soudainement très négative et centrée sur le relationnel, est donc matériellement établi.

(3) Aucune des pièces produites ne permet d’établir la matérialité de ce fait qui sera par conséquent rejeté.

(4) Le rejet par l’employeur de la candidature de [S] [T] d’octobre 2015 pour occuper les fonctions de responsable application SAP au sein d’un autre service n’est pas discuté et ce fait est matériellement établi.

(5) Il résulte du compte-rendu de la réunion ayant eu lieu le 4 novembre 2015 entre [S] [T], [H] [C] (chef du département) et [V] [E] (nouveau responsable hiérarchique direct de [S] [T] depuis juillet 2015 partageant le même bureau que le salarié), rédigé et signé par ce dernier, que celle-ci poursuivait l’objectif de recadrer très fortement le salarié en lui rappelant les ‘attendus’ de base liés à ses fonctions, en pointant une liste d’oublis ou d’erreurs relevées depuis juillet 2015 (que [S] [T] a toutes justifiées ou contestées, sauf une, par mail du 9 novembre 2015), en dénonçant ses ‘prises à partie du supérieur hiérarchique’ (également contestées par le salarié dans le mail du 9 novembre 2015) et en le convoquant d’ores et déjà pour un nouveau point de suivi le 8 décembre 2015. [S] [T], qui avait 9 ans d’ancienneté dans l’entreprise à cette époque et dont le parcours professionnel au sein de la structure lui avait valu des éloges et des remerciements jusqu’en juin 2015, est sorti de cette réunion bouleversé et secoué de sanglots ainsi qu’en témoigne le délégué du personnel de l’entreprise, dont rien ne permet de douter de la sincérité, qui se souvient l’avoir accueilli dans son bureau et l’avoir réconforté. Le caractère infantilisant et vexatoire de ce recadrage est donc matériellement établi.

(6) Le courriel d’alerte à l’employeur (DRH) du délégué syndical, [B] [X], du 19 novembre 2015, l’attestation très précise et circonstanciée de [L] [J], collègue de travail de [S] [T] ayant travaillé de juillet 2015 à août 2017 sous la direction de [V] [E], et le compte rendu du CHSCT du 21 avril 2016 font ressortir que [S] [T] a été l’objet de la part de son responsable hiérarchique avec lequel il partageait le même bureau d’un degré d’exigence professionnelle toujours plus grand malgré l’absence de communication verbale entre eux et de ‘permanentes demandes de justifications’, qu’il a été relégué par ce dernier à des tâches de fond ‘sans valeur ajoutée et pas vraiment indispensables’ et que son travail a soudainement été contrôlé au moyen de réunions hebdomadaires et bi-hebdomadaires avec mise en place d’un pointage de ses heures de travail, ce dont il s’est plaint auprès du médecin du travail dans un courriel du 16 août 2016 ; le délégué syndical soulignant dans son courriel à l’employeur du 19 novembre 2015 que ‘compte tenu de son passé à l’Ugap et des travaux qu’il a réalisés pour la plus grande satisfaction de l’établissement (salués par deux séniorités qui sont les distinctions dont use l’Ugap à l’égard de ses collaborateurs particulièrement investis), compte tenu de l’âge du collaborateur, lui imposer cela est une forme de maltraitance et le caractère continu et répété de ces agissements de la part de sa hiérarchie sont constitutifs de manoeuvre de harcèlement’. Par ailleurs, le projet de médiation du 5 septembre 2016 mis en place par l’employeur relève un ‘changement stratégique de culture managériale et d’organisation du travail au sein du département des infractrusctures métiers’ dont dépendait [S] [T] avec le passage d’un management délégatif (qui ‘convient aux collaborateurs très motivés et très compétents’) de 2007 à juin 2015 à un ‘management directif (peu d’autonomie)’ à compter de juillet 2015 avec l’arrivée de D. [E] ne permettant pas l’épanouissement professionnel de [S] [T] ni le rétablissement de son équilibre émotionnel (cf conclusions du projet). La perte d’autonomie à compter de juillet 2015 est donc matériellement établie.

(7) Alors que le médecin du travail préconisait dans son avis du 17 novembre 2015 un changement de bureau, préconisation relayée par le délégué syndical auprès de l’employeur (DRH) le 19 novembre 2015 (‘vous avez reçu sa fiche d’aptitude délivré par la médecin du travail faisant mention du fait qu’il importe de le changer de bureau. En tout état de cause, nous sommes convenus que c’est la cohabitation avec M.[E] qu’il faut faire cesser’), ce dernier n’a pas cru devoir y déférer immédiatement et a attendu le 12 avril 2016, soit quelques jours après le retour de congé maladie du salarié, arrêté depuis le 27 novembre 2015, pour organiser ce déplacement ainsi que cela résulte du compte rendu de réunion du CHSCT du 21 avril 2016. L’absence de prise en compte de l’avis du médecin du travail est donc matériellement établie.

(8) L’employeur a convoqué [S] [T], pendant son arrêt maladie et par courrier du 2 décembre 2015, à un entretien préalable en vue de son ‘éventuel licenciement pour cause réelle et sérieuse’ fixé au 14 décembre 2015 en lui reprochant par écrit son ‘comportement défaillant et préjudiciable’ à l’égard de ses collègues et de sa hiérarchie ainsi que son attitude de contestation à l’égard des remarques restées sans effet. Cette convocation restera pourtant sans suite. Ce fait est donc matériellement établi.

(9) Ce fait ne résulte d’aucune des pièces produites et sera rejeté.

(10) L’employeur a proposé à [S] [T] en septembre 2016 un poste aux classification et rémunération inférieures (classe 5 au lieu de classe 6) et ce fait est matériellement établi.

(11) Le certificat médical du 16 août 2016 du docteur [K], médecin généraliste, atteste que l’état de santé de [S] [T] a nécessité des arrêts de travail pour syndrome anxiodépressif réactionnel faisant suite, selon le patient, à des problèmes relationnels au sein de l’entreprise, du 28 juillet au 31 juillet 2015, du 3 septembre au 4 septembre 2015 et du 27 novembre 2015 au 10 décembre 2015. Il a été hospitalisé en psychiatrie du 11 au 31 décembre 2015, ainsi que cela résulte du bulletin de situation communiqué, et a repris le travail le 1er avril 2016. Il a de nouveau été placé en arrêt de travail du 6 octobre 2016 à fin novembre 2016. Le 13 décembre 2016, un certificat médical pour maladie professionnelle a été établi par le docteur [O], médecin coordonnateur santé au travail de l’hôpital Lapeyronie de [Localité 5] pour un syndrome anxiodépressif majeur. Après un rejet initial, la CPAM, suivant l’avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles saisi d’une contestation par [S] [T], a pris une décision, non contredite à ce jour, de reconnaissance du caractère professionnel de ce syndrome anxiodépressif majeur ayant entraîné, par ailleurs, un taux d’IPP de 20% avec le versement d’une rente annuelle à compter du 9 octobre 2017. Il s’évince de ce qui précède que [S] [T] justifie d’une dégradation de son état de santé dès l’arrivée de son nouveau responsable en juillet 2015 avec une aggravation à compter de novembre 2015 qui est arrivée à des points paroxystiques en décembre 2015 et en décembre 2016. Cette dégradation a nécessité de multiples arrêts de travail entre juillet 2015 et la date du licenciement, une hospitalisation psychiatrique de trois semaines en décembre 2015 et une nouvelle prise en charge hospitalière en décembre 2016, la déclaration d’une maladie professionnelle en décembre 2016 et la mise en place d’un traitement antidépresseur et anxiolytique lourd de fin 2015 à 2017. L’expertise sur pièces, en date du 20 septembre 2017, produite par l’employeur ne peut remettre en cause les éléments précités puisque l’expert d’une part, déplore lui-même, l’absence de certaines pièces importantes à consulter et d’autre part, conclut en des termes hypothétiques (‘le syndrome anxiodépressif apparaît dépendre d’une personnalité névrotique qui ne maîtrise pas ses pulsions…’). Le retentissement des événements professionnels sur l’état de santé du salarié est donc matériellement établi.

L’évaluation professionnelle très négative du mois d’octobre 2015, en contradiction quasi-totale avec les appréciations élogieuses et les gratifications financières des années précédentes, le rejet de la candidature interne d’octobre 2015 de [S] [T] qui cherchait à changer de service afin d’échapper aux mauvaises relations avec son nouveau responsable hiérarchique, le recadrage infantilisant et vexatoire du 4 novembre 2015 dont le salarié est sorti bouleversé et en pleurs, la perte d’autonomie matérialisée par des tâches sans initiative, le contrôle hebdomadaire et bi-hebdomadaire de ses missions et le pointage de son temps de travail, l’absence de prise en compte de l’avis du médecin du travail du 17 novembre 2015 préconisant un changement de bureau, la convocation préalable à un éventuel licenciement faisant état, notamment, d’un ‘comportement défaillant et préjudiciable’ à l’égard de ses collègues et de sa hiérarchie envoyée par l’employeur pendant l’arrêt maladie du salarié puis restée sans suite, la proposition d’un poste en déclassement professionnel en septembre 2016 et l’importante dégradation de l’état de santé du salarié dont le syndrome anxiodépressif réactionnel, apparu en novembre 2015 et devenu majeur en décembre 2016, a été reconnu comme maladie professionnelle, sont des faits qui, pris ensemble, font présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Il appartient par conséquent à l’employeur de démontrer que ces agissements sont étrangers à tout harcèlement.

L’employeur ne démontre pas comment les très grandes compétences et qualités professionnelles de [S] [T] reconnues en avril 2014, et qui lui ont valu des augmentations de salaire en 2013 et 2014 et de nombreux messages de remerciements et félicitations jusqu’en juin 2015, ont pu se dégrader en quelques mois au point de devenir, dès octobre 2015, partiellement satisfaisantes et ‘en-deçà des attentes’ et ce, d’autant que son responsable hiérarchique de novembre 2006 à novembre 2012 puis d’octobre 2016 à mai 2017 (et salarié de l’Ugap de 1981 jusqu’à sa retraite en 2020) le décrit comme un salarié, certes silencieux ou réservé ce qui pouvait parfois créer quelques malentendus dans l’équipe qui étaient rapidement dissipés par des réunions au cours desquelles il était souvent fait un constat de torts partagés, mais extrêmement travailleur et compétent et toujours soucieux de documenter son travail et que les très nombreuses attestations de collègues de travail ou de prestataires le décrivent, toutes, comme un salarié compétent, travailleur, impliqué, courtois, cordial, loyal et que ces témoins attestent n’avoir jamais eu de problèmes relationnels avec lui, contrairement à ce qui est extrapolé dans son évaluation.

C’est sans aucune offre de preuve que l’employeur affirme que le poste de responsable application SAP auquel [S] [T] avait postulé en octobre 2015 ne pouvait pas lui correspondre puisqu’il se borne à indiquer qu’il s’agissait d’un emploi différent du poste d’ingénieur système applicatif qu’il occupait depuis octobre 2014 ce qui justifiait de privilégier l’autre candidature interne, alors qu’il résulte du témoignage du responsable hiérarchique de [S] [T] de 2006 à 2012 et de 2016 à 2017 que ce dernier avait le potentiel pour occuper un tel emploi et que cette solution aurait permis de remédier de manière pérenne, par un changement de service, à la situation de souffrance au travail dénoncée à l’employeur par le délégué syndical dès le 19 novembre 2015.

S’agissant de la proposition d’un poste en déclassement professionnel, l’employeur invoque, à juste titre, pour justifier son attitude, l’avis d’aptitude avec réserve du médecin du travail du 4 avril 2016 qui préconisait un changement de service ; le salarié a d’ailleurs accepté et signé ce contrat et ce fait est justifié par des considérations étrangères à tout harcèlement.

Pour le surplus, l’employeur se borne à contester la matérialité des faits, pourtant établie dans les motifs qui précèdent, et ne justifie pas en quoi ses agissements étaient étrangers à tout harcèlement.

Le harcèlement moral est donc établi.

Compte tenu du retentissement majeur que ces agissements répétés de harcèlement moral ont eu sur les conditions de travail, la dignité et la santé de [S] [T] entre novembre 2015 et mai 2017, l’Ugap sera condamnée à lui payer la somme de 25.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur le bien fondé du licenciement :

[S] [T] conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande d’annulation du licenciement et demande à la cour de faire droit à sa demande de nullité à titre principal ou, subsidiairement, de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner, dans tous les cas, l’employeur à lui payer la somme de 107.000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ainsi que celle de 30.000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct.

L’Ugap conclut au rejet de ces demandes et à la confirmation du jugement sur ces points.

Le harcèlement moral n’entraîne la nullité du licenciement que si celui qui l’invoque démontre que cette sanction s’est inscrite dans le cadre des agissements répétés prohibés.

Or, [S] [T] n’allègue ni ne développe, à titre principal, aucun moyen de droit ou de fait tendant à démontrer que le licenciement prononcé contre lui le 12 juin 2017 s’inscrivait dans le cadre des agissements répétés de harcèlement moral et sa demande de nullité ne peut qu’être rejetée.

S’agissant de la demande visant à voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour rappelle que l’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige. Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motif. Le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c’est-à-dire être fondé sur des faits exacts, précis, objectifs et revêtant une certaine gravité.

En cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce, [S] [T] a été licencié ces termes :

« Monsieur,

Nous faisons suite, parla présente, à l’entretien préalable à un éventuel licenciement qui s’est tenu le 6 juin 2017 en nos locaux et auquel vous vous êtes présenté assisté de Monsieur [X], délégué syndical FO de l’établissement.

Vous avez été embauché au sein de I’UGAP le 1′ août 2006 en qualité d’Ingénieur système SAP au sein de la Direction des systèmes informatisés (DSI). Vous aviez, dans le cadre de ces fonctions, la charge du suivi de différents projets impliquant un travail en équipe. Il vous était en outre demandé, lorsque vous corrigiez des anomalies système, de documenter et d’expliquer à vos collègues de travail les motifs de ces corrections. D’une façon générale, et à l’instar des autres ingénieurs de la DSI, la communication avec le reste de l’équipe et la transmission systématique d’information était une caractéristique cardinale de votre emploi.

Pourtant dès 2011, et de façon plus préoccupante au cours des trois dernières années, votre hiérarchie a constaté que vos méthodes de travail et de communication étaient inadaptées à un travail collectif serein et productif.

Ce faisant, et afin d’améliorer votre capacité de travail en équipe avec les autres membres du département des Infrastructures métiers (AIM) au sein duquel vous étiez affecté, vous avez été inscrit à la formation « Mieux communiquer pour mieux coopérer  » en juin 2014. Malgré cette formation, dont vous avouez vous-même en avoir oublié le détail et ce qu’elle aurait dû vous apporter, votre hiérarchie a constaté que votre attitude demeurait préjudiciable à la bonne réalisation de vos missions. Nous avons ainsi eu des retours négatifs sur les explications fournies concernant les corrections d’incidents

À titre d’exemple, et comme vous l’aviez vous-même indiqué, vous avez pu corriger certains incidents en répondant « C’est fait », prétextant qu’il s’agissait d’incidents dont la résolution était déjà connue de l’ensemble des collaborateurs. Une telle posture traduit votre absence de prise de conscience de la nécessité pour vos collègues ou votre manager d’obtenir une documentation précise sur ces incidents pour en comprendre les problématiques et éviter, par conséquent, leur répétition.

Votre attitude n’a pas été sans conséquence sur l’activité du service. Votre hiérarchie a en effet déploré différents incidents sur le logiciel de gestion de la relation clients dus à des modifications de paramètres que vous avez réalisées et dont personne n’était informé. Votre manque de communication manifeste s’est également traduit lors de votre initiative de migrer sur un nouvel outil de monitoring des serveurs sans en informer quiconque au préalable.

Nous avons également dû faire le constat d’un comportement inapproprié avec votre hiérarchie, se traduisant notamment par de nombreuses contestations. Les conclusions de vos deux derniers entretiens annuels d’évaluation en sont des exemples criants et traduisent votre absence de toute volonté d’évolution.

Ainsi, plutôt que de prendre en compte les différentes remarques de votre hiérarchie quant à vos difficultés, afin de tenter de les corriger, vous avez persisté dans votre attitude en cherchant systématiquement à justifier vos actes, sans jamais vous remettre en cause.

Votre attitude et vos méthodes de communication sont également défaillantes avec de nombreux autres collègues de travail, engendrant des conflits dans lesquels vous êtes systématiquement impliqué. Ces difficultés ont en effet persisté en dépit du soutien et de l’accompagnement de votre hiérarchie.

La Direction de l’UGAP n’a d’ailleurs pas manqué de mettre à votre disposition l’ensemble des moyens nécessaires pour vous permettre de vous ressaisir et s’est efforcée d’adapter un cadre de travail approprié.

Elle a notamment respecté strictement les préconisations médicales formulées par la médecine du travail au cours de l’année 2016 (changement de service, mise à disposition d’un bureau isolé, médiation pour le collectif de travail…) en vous proposant le poste d’Administrateur gestion des demandes au sein du département service client que vous avez accepté et occupez toujours actuellement.

L ‘établissement vous a également fait profiter des conseils de l’expert du cabinet AXESSIO auquel a été confié l’accompagnement collectif et individuel du service SAP du département AIM auquel vous apparteniez alors.

Votre hiérarchie a toutefois eu le regret de constater que vous n’avez pas su tirer avantage de cette opportunité en persistant dans votre comportement qui s’est avéré dommageable pour chacun des services auxquels vous avez été successivement rattaché.

Au-delà de vos problèmes de communication en interne, préjudiciable à votre activité professionnelle, votre attitude délibérée est également source de souffrance psychologique pour plusieurs de nos collaborateurs, ce qui est d’autant plus grave.

Nous pouvons ainsi citer comme exemples les situations de Messieurs [I] ou [G], travaillant un temps au sein de votre service, et dont certains ont demandé, à un moment ou à un autre, à être reçus parla médecine du travail compte tenu des relations délétères que vous entreteniez avec elle, en finissant par demander à être changés de service.

Plus récemment encore, le 24 avril 2017, la prise à partie violente et parfaitement injustifiée de Monsieur [I] a profondément choqué ce collaborateur. ll a dû être arrêté et, craignant pour sa sécurité physique, est allé déposer une main courante auprès du commissariat de Police. Votre attitude menaçante l’a tellement ébranlé que la médecine du travail nous a alertée sur son état de souffrance au travail de votre fait.

En dernier lieu, à réception de la convocation à entretien préalable du 6 juin 2017, vous vous en êtes pris à trois reprises, le 30 mai 201 7, directement au Directeur des Systèmes d’information de l’UGAP, Monsieur [Y] [D], représentant légal de l’UGAP, en l’invectivant et en le traitant de « menteur  » devant des témoins et des tiers.

Du reste, si nombre de collaborateurs ne souhaitaient pas auparavant partager votre bureau, compte tenu du climat de tension systématique que vous entreteniez, la situation dont vous êtes à l’origine est devenue à ce point inextricable que certains d’entre eux ont fait connaître leur souhait de quitter l’UC-IAP pour ne plus travailler avec vous, situation que nous ne pouvons tolérer.

Ainsi, malgré les alertes de votre hiérarchie polir vous faire prendre conscience de vos carences comportementales, votre comportement ne semble pouvoir être modifié. Lorsque vous êtes interrogé sur vos difficultés relationnelles, vous vous contentez en effet de les justifier en invoquant un problème de personnes ou en rejetant la responsabilité sur les autres. ll n ‘en demeure pas moins que ces difficultés ont perduré en dépit de votre changement de poste et d’équipe (exigence à ce que votre ancien manager ne vous salue plus, intervention de votre nouveau manager auprès de celui-ci pour qu’il ne vienne plus saluer les autres personnes partageant votre bureau lorsque vous êtes présent). Une telle explication ne saurait dès lors justifier agissements.

Les conséquences qui en résultent sont pourtant très graves, votre attitude entraînant le mal-être de nombreux collaborateurs.

Votre perpétuelle remise en cause des remarques de votre hiérarchie et votre défiance à leur encontre traduisent le fait que vous ne daignez prendre conscience des conséquences préjudiciables de votre comportement.

Les explications que vous avez formulées lors de l’entretien préalable ont malheureusement confirmé cette posture et votre refus catégorique de toute remise en cause de votre attitude. Toutefois, sans doute conscient du caractère répréhensible de vos actes, le délégué syndical qui vous assistait n’a pas manqué de solliciter en cours d’entretien l’étude d’une solution alternative à la présente procédure.

Vous apparaissez donc incapable de redresser la situation.

Vos carences professionnelles mais également, et surtout, votre comportement inadapté, lorsqu’il n ‘est pas ouvertement violent avec vos collègues de travail et/ou votre hiérarchie, font peser un risque important sur le service, la DSI et sur l’Etablissement.

Nous vous rappelons qu’en tant qu’employeur, nous sommes tenus à une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité de nos salariés en vertu des contrats de travail qui nous lient à eux. Le respect de cette dernière nous oblige à prévenir tout comportement susceptible de créer ou de développer des facteurs de risques psycho-sociaux au sein de l’UGAP.

L’ensemble de ces considérations nous contraignent, faute de ne pouvoir discerner serait-ce que les prémisses d’une prise de conscience de votre part, à vous notifier, parla présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. […]  »

S’agissant de l’absence de documentation concernant la correction d’incidents, tous les messages lapidaires et non documentés reprochés par l’employeur au salarié remontent à la période comprise entre octobre 2014 et le 27 juillet 2015 (pièces 75, 76 et 77 citées par l’intimée dans ses écritures) ; les faits reprochés étaient donc prescrits à la date du 12 juin 2017, ainsi que le soutient justement l’appelant, et ce grief doit être écarté.

S’agissant du défaut de communication, il a été vu, dans les motifs qui précèdent, que ce point faible de [S] [T], énoncé de manière mesurée jusqu’en 2014 compte tenu des appréciations très élogieuses portées sur ses grandes compétences et qualités professionnelles, lesquelles étaient assorties de gratifications financières et de nombreux messages de remerciements et de félicitations de sa hiérarchie jusqu’en juin 2015, a été mis soudainement en exergue après le changement de responsable hiérarchique en juillet 2015 au point de contaminer quasiment toute l’évaluation professionnelle et de faire de [S] [T] un salarié aux compétences ‘en deçà des attentes’ et à l’attitude ingérable, alors qu’il résulte du témoignage précis et circonstancié du responsable hiérarchique de [S] [T] de 2006 à 2012 et d’octobre 2016 à juin 2017 (lequel a été salarié dans l’entreprise de 1981 jusqu’à son départ en retraite en 2020) que le caractère silencieux et réservé de l’intéressé n’avait qu’un impact relatif sur le travail d’équipe et n’avait jamais empêché l’intéressé ni l’équipe, en 9 ans de travail, d’obtenir d’excellents résultats ainsi que le démontre les appréciations littérales figurant dans son évaluation d’avril 2014. Ce grief, qui résulte principalement des appréciations subjectives du nouveau responsable hiérarchique arrivé en juillet 2015, entré en conflit avec [S] [T] aussitôt après son arrivée et mis en cause dans la plupart des faits de harcèlement moral précités, sera par conséquent écarté.

S’agissant de ses comportements à l’égard de sa hiérarchie, les paroles et attitudes de défense et de contestation du salarié survenues à compter de novembre 2015 à l’égard des deux responsables hiérarchiques à l’origine des faits de harcèlement moral retenus précédemment (D. [E] et M.[C]) sont toutes prescrites, ainsi que le soutient justement l’appelant, s’agissant de faits antérieurs au 12 avril 2017. En tout état de cause, compte tenu des agissements répétés de harcèlement moral subis par l’intéressé de la part de ses deux responsables hiérarchiques depuis octobre 2015, ces faits fautifs ne pourraient pas être retenus.

S’agissant de ses attitudes ‘délibérées source de souffrances psychologiques chez ses collègues’, tous les faits dénoncés par [U] [G] et [A] [I], anciens collègues de travail de [S] [T], qui imputent à ce dernier l’échec de leurs relations professionnelles dans le service en raison de son mutisme, de ses critiques infondées et de son dénigrement, remontent à la période comprise entre mars 2010 et fin 2014 et étaient donc prescrits à la date du 12 avril 2017 puisque l’employeur en a eu connaissance dès juillet 2010 pour [U] [G] (cf page 5 de son témoignage où il précise que c’est avec l’aide son management de l’époque qu’il a pu changer de service) et en août 2015 pour [A] [I] (cf entretien d’évaluation).

S’agissant de l’agression verbale contre [Y] [D] (directeur des systèmes d’information) du 30 mai 2017 (jour où [S] [T] est venu avec un huissier de justice faire constater qu’on lui avait interdit l’accès à l’entreprise alors que la lettre de licenciement n’évoquait pas de mise à pied conservatoire), sa matérialité ne peut résulter des seuls témoignages de l’intéressé (pièces 72 et 100 bis) puisque ceux-ci sont rédigés en des termes généraux et imprécis (‘Il m’a insulté et agressé verbalement à plusieurs reprises’ ‘Il m’a à nouveau agressé verbalement devant plusieurs témoins. 3ème fois aujourd’hui’ ), sans décrire les insultes et agressions, qu’ils se contredisent entre eux, puisque dans son courriel à l’employeur, [Y] [D] indique que [S] [T] ‘ a parlé de mensonges’ alors que dans son attestation il écrit que le salarié l’a ‘traité de menteur’, ce qui est très différent, et qu’ils ne sont corroborés par aucun témoignage extérieur alors que [Y] [D] signale la présence de plusieurs témoins. Ce grief sera par conséquent écarté.

S’agissant, enfin, de l’agression verbale contre [A] [I] (ancien collègue de bureau) du 25 avril 2017, sa matérialité (c’est à dire le fait pour [S] [T] de l’avoir invectivé violemment en lui jetant à la figure les feuilles de l’entretien d’évaluation d’août 2015 dans lequel il dénonçait les agissements délétères de son collègue), pas vraiment contestée par [S] [T] qui admet que ‘le ton est monté’, est établie par la main courante déposée par la victime le 26 avril 2017 au commissariat de [Localité 5], son arrêt de travail du même jour, prolongé jusqu’au 1er mai, et le courrier d’alerte du médecin du travail du 27 avril 2017.

Si cette attitude d’emportement verbal et gestuel (sans violence physique) justifiait une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à la mise à pied disciplinaire, elle ne justifie pas, en soi, le licenciement, même pour cause réelle et sérieuse, d’un salarié ayant 10 ans d’ancienneté, sans passé disciplinaire et à la carrière exemplaire jusqu’en juin 2015.

Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse et le jugement sera infirmé sur ce point.

S’agissant du préjudice résultant de la perte de l’emploi, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée (4.404,41 € bruts), de l’âge de l’intéressé (45 ans), de son ancienneté dans l’entreprise (11 ans), de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard tel que cela résulte des pièces communiquées et des explications fournies à la cour (embauche à compter du 9 octobre 2017 et jusqu’au 6 septembre 2019 comme analyste technique au sein du pôle systèmes d’information du GIE Inter mutuelles assistance à [Localité 6] ayant impliqué des trajets et des frais de transport et de double logement puisque sa compagne, ainsi que sa fille dont il avait la garde alternée, ont continué à vivre dans le Sud puis nouvelle embauche à compter du 16 septembre 2019 comme consultant technique (contractuel) au sein du département construction du système d’information de [Localité 5] de l’agence de mutualisation des universités et des établissements d’enseignement supérieur et de recherche moyennant une rémunération brute de 4.001 €), l’Ugap sera condamnée à lui verser la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, et le jugement sera infirmé de ce chef.

[S] [T] ne démontrant pas l’existence d’un préjudice moral distinct, il sera débouté de sa demande indemnitaire complémentaire et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

L’Ugap qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel et à payer à [S] [T] la somme de 3.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en première instance et en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement ;

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté [S] [T] de sa demande indemnitaire pour préjudice moral distinct et débouté l’Ugap de ses prétentions ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;

Dit que l’Ugap a engagé sa responsabilité envers [S] [T] pour harcèlement moral ;

Dit que le licenciement prononcé le 12 juin 2017 à l’encontre de [S] [T] est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne l’Ugap à payer à [S] [T] les sommes suivantes :

> 25.000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

> 50.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute [S] [T] du surplus de ses prétentions ;

Condamne l’Ugap aux entiers dépens de première instance et d’appel, et à payer à [S] [T] la somme de 3.500 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel.

la greffière, le président,

 


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