CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 juin 2023
Rejet
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 670 F-D
Pourvoi n° J 21-23.322
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2023
La caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-23.322 contre l’arrêt rendu le 31 août 2021 par la cour d’appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l’opposant à la société [4], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 3], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [4], et l’avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 16 mai 2023 où étaient présentes Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Nancy, 31 août 2021), par décision du 26 juillet 2019, la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 3] (la caisse) a pris en charge au titre du tableau n° 57A des maladies professionnelles, après enquête, l’affection de l’épaule droite déclarée le 24 octobre 2018 par l’un des salariés de la société [4] (l’employeur). L’employeur a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d’un recours aux fins d’inopposabilité de cette décision à son égard.
Examen du moyen
Sur le moyen
Enoncé du moyen
2. La caisse fait grief à l’arrêt de faire droit au recours, alors :
« 1°/ que le juge ne peut pas méconnaître les termes du litige, tels qu’ils s’évincent des conclusions des parties ; qu’en l’espèce, aucune des parties ne prétendait que le sinistre référencé sous le numéro n°181023672 ne correspondait pas à la maladie déclarée le 24 octobre 2018, ayant fait l’objet d’une décision de prise en charge le 26 juillet 2019 portant le n°180928673 ; qu’en jugeant pourtant que, du fait de cette différence de numéro de référence, les éléments produits par la caisse pour démontrer l’instruction contradictoire du dossier portaient sur un dossier différent de celui objet du litige, la cour d’appel a violé l’article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu’à tout le moins, le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu’en l’espèce, aucune des parties ne prétendait que le sinistre référencé sous le numéro n°181023672 ne correspondait pas à la maladie déclarée le 24 octobre 2018 ayant fait l’objet d’une décision de prise en charge le 26 juillet 2019 portant le n°180928673, ni que du fait de cette différence de numéro, les éléments produits par la caisse pour démontrer l’instruction contradictoire du dossier portaient sur un dossier différent de celui objet du litige ; qu’en relevant ce moyen d’office, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;
3°/ qu’en tout état de cause, une simple différence de numéro de référence entre le dossier d’instruction et la décision de prise en charge ne suffit pas à caractériser que sont concernés des dossiers différents ; qu’en l’espèce, pour justifier que le questionnaire avait été adressé à l’employeur dans le cadre de la maladie objet du litige, la caisse produisait une copie d’écran du logiciel QRP qui indiquait qu’un questionnaire avait été généré le 9 mai 2019 et précisait « l’employeur [4] a créé un compte QRP et il a vu le questionnaire », ainsi qu’un document intitulé « Historique Questionnaire » qui confirmait l’envoi du mail adressé à l’employeur le 9 mai 2019 à 10h03 ; que ces deux documents, qui établissaient encore que le même questionnaire adressé au salarié avait été rempli par ce dernier le 19 mai 2019, se référaient bien au sinistre survenu le 23 octobre 2018, concernant le salarié, c’est-à-dire au sinistre ayant fait l’objet de la déclaration de maladie professionnelle du 24 octobre 2018, à savoir une « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite » qui avait fait l’objet de la décision de prise en charge du 26 juillet 2019 ; que la cour d’appel a enfin expressément relevé que les pièces adressées à l’employeur par la caisse se rapportaient au même dossier ; qu’en se fondant pourtant sur la simple différence des numéros portés sur les pièces du dossier d’instruction et sur la décision de prise en charge, la cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que seraient effectivement concernés des dossiers différents, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
3. Selon l’article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, en cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés.
4. L’arrêt relève qu’il existe une différence dans les numéros de dossier figurant sur la décision en cause et sur les pièces produites par la caisse pour justifier de la transmission à l’employeur d’un questionnaire. Il en déduit que la caisse a pris sa décision sur la base des seules informations recueillies auprès du salarié sans avoir sollicité l’employeur d’une demande de renseignement.
5. De ces énonciations et constatations, procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, faisant ressortir que la procédure contradictoire n’avait pas été respectée à l’égard de l’employeur, lequel avait invoqué dans ses conclusions la confusion des dossiers, la cour d’appel, qui n’a ni méconnu les termes du litige, ni violé le principe de la contradiction, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.
6. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 3] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 3] et la condamne à payer à la société [4] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-trois.
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