Droit du logiciel : 21 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 23/00351

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Droit du logiciel : 21 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 23/00351

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Rétention Administrative

CHAMBRE 1-11 RA

ORDONNANCE

DU 21 MARS 2023

N° 2023/ 0351

Rôle N° RG 23/00351 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BK7KH

Copie conforme

délivrée le 20 Mars 2023

Par courriel

-au MP

– l’avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

Signature,

le greffier

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 19 mars 2023 à 11h31.

APPELANT

Madame [Y] [O]

née le 02 Février 2002 à [Localité 1]

de nationalité Comorienne

comparante en personne, assistée de Me Saïd LARIFOU, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS substituant Me Roger BISALU, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS.

INTIME

Monsieur le Directeur de la Police Nationale aux Frontières

Représenté par Monsieur [J] [X], brigadier chef

MINISTÈRE PUBLIC :

Avisé et non représenté

DÉBATS

L’affaire a été débattue en audience publique le 21 mars 2023 devant, Monsieur Nicolas ERNST, Vice-Président placé près le premier président à la cour d’appel délégué par le premier président, assisté de Madame Michèle LELONG, greffière.

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2023 à 15h30

Signée par Monsieur Nicolas ERNST, Vice-Président placé près le premier président et Madame Michèle LELONG, greffière.

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L.341-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu l’ordonnance du 19 mars 2023 rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE décidant le maintien de Madame [Y] [O] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire et constituant une zone d’attente;

Vu l’appel interjeté le 20 mars 2023 par Madame [Y] [O] ;

Madame [Y] [O] a comparu et a été entendu en ses explications ;

Je suis venue en France pour me marier avec mon fiancé. Nous sommes étudiants. Il a tout préparé. J’ai un visa normal. Je veux repartir après mon mariage car je dois finir mes études. Je rentrerai aux [Localité 1] si mon mariage n’a pas lieu, s’il a lieu également. Ma belle-mère a tout organisé, pour mon hébergement et ma subsistance.

Je vous prie de me laisser me marier avec mon fiancé. Je suis étudiante. Ma belle-mère et mon oncle m’envoient de l’argent pour pouvoir vivre aux [Localité 1].

Son avocat est entendu :

– je maintiens les exceptions présentées dans mon mémoire d’appel : l’agent ayant procédé à l’examen VISABIO n’était pas habilité, du moins on ne peut s’en assurer. La procédure est donc nulle.

– la requête n’est pas recevable du fait de l’absence de cette pièce.

Nous maintenons nos prétentions bien que l’habilitation me soit désormais produite pour la première fois en cause d’appel. Cette communication est tardive.

– subsidiairement, au fond, c’est un dossier spécial. Elle a respecté surpuleusement les textes pour venir en France. Un projet est mis en place depuis 2017. Le visa a été délivré, c’était un visa touristique. Elle a dit qu’elle n’avait pas la preuve de moyens de subsistance car c’est sa famille qui a ces moyens. La décision de non admission a dès lors été prise.

Nous avons produit les justificatifs de la réalité de ses moyens de subsistance. Un engagement est réitéré et porte sur son retour aux [Localité 1] dès que son mariage sera célébré.

– très subsidiairement, le droit au mariage est un droit fondamental stipula dans la CEDH. Le projet de mariage est publié à la mairie du XIIe arrondissement. Si elle devait vouloir rester en France, il y a les mécanismes utiles pour qu’elle soit éloignée.

Le représentant de la police nationale aux frontières :

– sur l’habilitation, c’est un logiciel métier et nous avons l’article 15-5 du cpp qui dit que la non présentation de l’habilitation ne vaut pas nullité. Tout fonctionnaire est habilité à utiliser le logiciel VISABIO. Je ne conteste pas que l’habilitation, dont je justifie aujourd’hui, n’était pas jointe à la requête.

– sur la non admissibilité : un visa court séjour a été présenté. Elle avait un billet retour pour le 3 juin. L’attestation d’hébergement expirait quelques jours après son arrivée. De fait elle n’avait pas de moyen de subsistance pour se maintenir sur le territoire. Nous l’avons placée en zone d’attente le temps qu’elle justifie de ses moyens de subsitance. Entre-temps, une demande d’asile a été faite : il n’est dès lors plus question de court séjour. Donc nous avons fait une demande de prolongation. Son visa n’est pas annulé : elle peut repartir et revenir avec les pièces justificatives.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.

Sur l’exception de nullité tirée des conditions de consultation du fichier VISABIO

Le fichier VISABIO, qui est l’équivalent français du système d’information sur les visas (VIS) , base de données biométriques à l’échelle européenne sur les demandeurs de visas, a été créé par le décret n° 2006-1378 du 14 novembre 2006, en application de l’article L 611-6 du CESEDA. La base de données Visabio stocke les données alphanumériques de l’état civil des demandeurs de visas délivrés par la France, Schengen, long séjour, en particulier, les données biométriques (photographies, empreintes,) et les données relatives à la vignette visa. La base des données biométriques est exploitée par un système automatique d’identification par les empreintes digitales (AFIS). L’accès à ce fichier et la prise de connaissance de ces données sont réservés certaines catégories de personnes énumérées aux articles R 142-4 à R 142-6 du CESEDA.

Par arrêt en date du 14 octobre 2021, la première chambre civile de la Cour de Cassation a jugé que, s’il ne résulte pas des pièces du dossier que l’agent ayant consulté les fichiers était expressément habilité à cet effet, la procédure se trouve entachée d’une nullité d’ordre public, sans que l’étranger qui l’invoque ait à démontrer l’existence d’une atteinte portée à ses intérêts.

Toutefois, aux termes de l’article 15-5 du code de procédure pénale issu de la Loi du 24 janvier 2023, ‘Seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d’une enquête ou d’une instruction.

La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d’une personne intéressée. L’absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n’emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure.’

Le second alinéa de ces dispositions a été jugé conforme à la Constitution selon décision du 19 janvier 2023.

En l’espèce, est versé à la procédure l’extrait de consultation du fichier VISABIO, relatif à l’identité de Mme [O]. L’expéditeur de cet extrait est M. [D] [H], gardien de la paix (SPAFA [Localité 2]).

La fiche d’habilitation d’accès aux fichiers de M. [D] [H], datant du 4 janvier 2022, n’a été versée à la procédure que le jour de l’audience prévue afin d’examiner l’appel interjeté contre la décision déférée.

Aussi, si l’absence de mention de l’habilitation de M. [D] [H] sur les pièces de procédure résultant de la consultation du fichier VISABIO n’emporte pas la nullité de la procédure, cette habilitation a été contestée par Mme [O] devant le premier juge.

Pourtant, celui-ci n’a pas été mis en mesure de contrôler l’existence de la dite habilitation, en ce que le service de la police nationale aux frontière n’a justifié de l’habilitation de M. [D] [H] qu’une fois la déclaration d’appel formalisée.

Il s’en déduit que les dispositions légales, ci-dessus rappelée, selon lesquelles la réalité de l’habilitation spéciale doit pouvoir être contrôlée à tout moment par un magistrat, ont été méconnues. La procédure se trouve entachée d’une nullité d’ordre public, sans que l’étranger ait à démontrer l’existence d’un grief.

Dès lors, la décision déférée sera infirmée et la mainlevé de la mesure ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Infirmons l’ordonnance du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 19 Mars 2023 ;

Statuant à nouveau,

Ordonnons la mainlevée de la mesure maintenant Madame [Y] [O] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire et constituant une zone d’attente

Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.

La greffière Le président,

 


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