Droit du logiciel : 21 février 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00036

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Droit du logiciel : 21 février 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00036

ARRÊT DU

21 FEVRIER 2023

PF/CO*

———————–

N° RG 22/00036 –

N° Portalis DBVO-V-B7G-C6WJ

———————–

[E] [K]

C/

Association SOLINCITE

———————–

Grosse délivrée

le :

à

ARRÊT n° 37 /2023

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d’appel d’Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le vingt et un février deux mille vingt trois par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre assistée de Chloé ORRIERE, greffier

La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire

ENTRE :

[E] [K]

née le 10 octobre 1968 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Camille GAGNE, avocat inscrit au barreau d’AGEN

APPELANTE d’un jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARMANDE en date du 06 décembre 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 20/00018

d’une part,

ET :

L’ASSOCIATION SOLINCITE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Hélène GUILHOT substituant à l’audience Me Valérie LACOMBE, avocat postulant inscrit au barreau d’AGEN et par Me Elisa GILLET, avocat plaidant inscrit au barreau d’ALBI

INTIMÉE

d’autre part,

A rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 13 décembre 2022 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Pascale FOUQUET, conseiller, assistés de Nathalie CAILHETON, greffier. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l’arrêt serait rendu.

* *

*

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [E] [K] a été recrutée par l’association Solincité qui exerçait son activité à [Localité 3] (47) suivant contrat de travail à durée indéterminée du 6 avril 2018 en qualité de chef de service logement, statut cadre. La salariée a travaillé en partie sur le poste de responsable de service logement en assurant le remplacement de Mme [U] [F] du 6 avril 2018 au 30 novembre 2019 et en partie sur son service au Centre d’Accueil et d’Orientation – Intermédiation Locative (CAO-IML Réfugiés).

Le 5 septembre 2018, M. [M] a été embauché comme animateur sur le service CAE puis référent plateforme spécialisée à compter du 1er juillet 2019 avec Mme [K].

Par lettre remise en main propre le 19 septembre 2019, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement fixé au 4 octobre 2019 avec mise à pied conservatoire dans l’attente des conclusions d’une enquête interne. Elle était assistée d’un membre du Conseil social et Economique lors de cet entretien.

Par courrier du 9 octobre 2019, la salariée a été licenciée pour faute grave avec mise à pied conservatoire.

La lettre est ainsi rédigée :

‘ Le 17 septembre 2019 en fin de journée, certains salariés de votre service ont dénoncé aux membres du Comité social et économique’une situation’professionnelle’ qui leur était devenue insupportable, imputée à vous-même et au coordinateur.

Nous avons’immédiatement diligenté’une’enquête’interne, en’parallèle’des’actions’ que pourraient mener les’élus, afin’de’faire la’lumière sur’ces’faits.’Les premières’ remontées d’informations ont’confirmé’cette’alerte,’et nous avons pris la décision de’ vous’écarter provisoirement’du service’le’temps’de l’enquête,’par’mise à pied’ conservatoire du’20 septembre 2019.

Nous avons auditionné 15 salariés du dispositif logement travaillant directement avec vous.

Tous vous mettent en cause, de manière unanime, objective et concordante. Rien ne nous permet de douter de ces témoignages.

Il’en résulte’que,’vous avez cherché’à’isoler au sein de l’association, d’une part en interdisant tout’contact’direct’de’la’part des salariés du’service,’en filtrant’chaque communication, et d’autre part, en dénigrant publiquement votre hiérarchie.

Les salariés dénoncent la tenue de’propos agressifs’et’autoritaires,’de dénigrement’ et d’infantilisation, d’hyper-contrôle, de comportements déplacés à l’égard des usagers.

Plus grave’encore,’vous cautionnez publiquement’les’agissements’du’Coordinateur Monsieur'[M],’qui’s’est’attribué’avec votre assentiment des’responsabilités’de direction’d’équipe’nullement prévues dans ses’fonctions. Vous n’avez notamment’ jamais remis en cause,’ni même signalé à’votre hiérarchie,’ses’violences verbales,’ ses agissements’sexistes, ou son comportement’inapproprié’à’l’égard des’ bénévoles et’des usagers.

Pour’ne reprendre que’les’faits’les plus’récents,’vous’avez’tenus’des propos’ agressifs, dénigrants et humiliants les 13 et 17 septembre à l’égard d’une salariée, Madame [Y],’qui revenait’d’arrêt de travail et’qui’posait’des questions pour’ comprendre’le fonctionnement’du service. Vous et le coordinateur l’avait exclue de’ la conversation en lui criant dessus et en lui disant qu’elle n’était jamais en phase avec le service.

Lors de la reprise de son travail le 25 juillet 2019, cette salariée a vécu du dénigrement et de l’humiliation de votre part en lui reprochant de poser sans cesse des questions en réunions alors qu’elle ne cherchait qu’à en comprendre les problématiques.

Le’ 14′ août,’ Madame’ [W]’ [J],’ salariée’ administrative,’ voulait’ obtenir’ des justificatifs de dépenses et vous a relancé à ce sujet. Vous lui avez répondu qu’elle était trop stressée et tendue et que ce comportement serait signalé à la direction.

A’plusieurs’reprises’et’dernièrement’en réunion d’équipe’le’13’septembre,’vous’avez rappelé votre interdiction auprès des salariés de donner des réponses au téléphone ou aux mails, tout devant passer par vous.

Autre exemple, vous avez tenu des propos dénigrants à l’égard de la nouvelle directrice du dispositif,’Madame [H] [F],’ accusé’ de’ ne’ pas »être à la’ hauteur’des’enjeux’ ni ‘compétente’ lors d’un temps de travail le mercredi 18 septembre.

Lors de l’entretien préalable du 4 octobre 2019, vous avez nié tout comportement ou propos déplacés du coordinateur, préférant’parler’de ‘difficultés’de’communication’ et d’expression’ abrupte mais non volontaire ni malveillante’.

Vous estimez que l’équipe pourrait nourrir à son égard de la jalousie ce qui expliquerait les animosités’ dénoncées,’ une’ explication’ intenable’ au’ regard’ de’ la quasi-unanimité des témoignages des quinze salariés du dispositif logement.

Vous avez également réfuté avoir tenue devant l’équipe des propos dénigrant à l’égard de votre hiérarchie directe et de la direction générale, malgré les témoignages concordants en ce sens.

Vous avez évoqué une possible maladresse à l’annonce de la mise en ‘uvre début 2019 des coordinateurs et’du’caractère’expérimental’de celle-ci, sans’que’cela’ne’ puisse expliquer le comportement de Monsieur [M].

Quant à l’isolement de votre service, il ne s’agissait que d’une proposition avancée par écrit en août de constituer une direction à part entière, dont vous auriez pris la tête, mais non une remise en cause de votre hiérarchie.

Autrement dit, vous restez dans le déni total de la gravité de votre comportement, ce qui ne nous permet pas de considérer une autre possibilité que votre départ. »

Le 18 mars 2020, Mme [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Marmande afin de contester son licenciement.

Par jugement du 6 décembre 2021, le conseil de prud’hommes a débouté Mme [K] de l’intégralité de ses demandes, l’a condamnée à payer la somme de 400 euros à l’association Solincité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par déclaration du 13 janvier 2022 , Mme [K]’ a régulièrement déclaré former appel du jugement en visant les chefs de jugement critiqués qu’elle cite dans sa déclaration d’appel.’

La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 17 novembre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

I. Moyens et prétentions de Mme [K] appelante principale

Selon dernières conclusions enregistrées au greffe de la cour le 26 octobre 2022 expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’appelant, Mme [K] demande à la cour de :

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Marmande du 6 décembre 2021 en ce qu’il :

L’a déboutée de l’intégralité de ses demandes

L’a condamnée à payer à l’association Solincité la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

L’a condamnée aux entiers dépens.

Statuant à nouveau :’

Sur le licenciement,’

‘A titre principal :

‘- Juger’ que’ le’ licenciement’ notifié’ le’ 9′ octobre’ 2019′ est’ dépourvu’ de’ cause’ réelle’ et sérieuse.

– Ecarter’ le’ montant’ maximal’ d’indemnisation’ prévu’ par’ l’article’ L.’1235-3′ du’ code’ du travail’ en’ raison’ de’ son’ inconventionnalité,’ ce’ plafonnement’ violant’ les’ dispositions’ de l’article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT et le droit au procès équitable, ou à défaut faire une appréciation ‘in concreto’ du préjudice subi par la salariée.

– Condamner, en conséquence l’association Solincité à lui verser la’ somme’ nette’ de’ 24 425.22 euros,’ correspondant à 6’mois’de’salaire, en réparation’de l’ensemble des préjudices professionnels, financiers et moraux subis dans le cadre de son licenciement.’

A titre subsidiaire, si la cour ne retenait pas l’inopposabilité du plafonnement :

‘- Condamner l’association Solincité à lui verser la somme nette de’8 141.94 euros,’ correspondant à 2’mois de salaire à’titre’de’dommages et’intérêts’pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L.1235-3

A titre infiniment subsidiaire,

– Requalifier son licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse’

En tout état de cause,

– Condamner’ l’association’ Solincité’ à’ lui verser’ les’ sommes suivantes :’

-‘4 070.87 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,’

– 407.09 euros au titre des congés payés afférents,’

– 1 526.58 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 2 462,47 euros au titre des salaires sur mise à pied conservatoire’outre’la’ somme 246,25 euros au titre des congés payés afférents »

– Condamner’ l’association’ Solincité’ à’ lui verser’ la’ somme de’ 7 500 euros au titre du manquement à l’obligation de sécurité

‘- Ordonner la’remise’des’documents’de’fin’de contrat’ainsi’que’d’un bulletin de’ salaire mentionnant les sommes versées au titre des condamnations prononcées’

– Condamner l’association’Solincité’au’paiement’de’la’somme’de 4 000 euros’sur’le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.’

A l’appui de ses prétentions, Mme [K] fait valoir que :

La plateforme spécialisée a été mise en place le 1er mai 2019. Mais des difficultés sont très rapidement apparues, avant sa mise place officielle dans le cadre expérimental, et ce, dès le mois de février, en raison de l’absence de réelle formation du personnel pour la prise en charge de population en situation d’extrême précarité.

I- Sur le licenciement infondé

1/ Sur la dégradation des conditions de travail et les difficultés inhérentes à la sécurité du personnel

– l’ambiance était délétère et l’audit prévu n’a pas été réalisé

– le service était sinistré dès son arrivée, elle n’en est pas à l’origine : l’équipe devait réaliser elle-même l’analyse de ses besoins

– elle a alerté à de nombreuses reprises sa hiérarchie en vain sur les problèmes en ressources humaines : contrats précaires, absence de formation et des graves problèmes de sécurité ce qui n’est pas contesté par l’employeur

– au mois de février 2019, un usager s’est suicidé ce qui a fortement impacté le service

– la réorganisation du service a entraîné le déménagement du CAO dans les nouveaux locaux du Groupe d’Entraide Mutuel (GEM) situé à [Localité 7] accueillant des jeunes atteints de troubles psychiques

– la cohabitation avec les usagers de la plateforme était totalement inappropriée et aucune installation n’était conforme aux normes de sécurité

– au mois de juillet, au sein du service plateforme, les difficultés se sont aggravées : le 8 juillet, elle-même et son collègue M. [M] ont fait l’objet de menaces de mort de la part de deux usagers et ont déposé plainte

– le 3 septembre 2019, un nouvel épisode de violences a eu lieu

– elle a demandé une consultation avec le médecin du travail qui l’a orientée vers une psychologue

– elle a averti la directrice adjointe et a demandé un entretien avec le président afin d’évoquer les graves problèmes de sécurité encourus par le service

– elle a été mise à pied dès le lendemain

– aucun entretien professionnel n’a été organisé pendant le temps de la relation professionnelle

– elle a toujours été à l’écoute de son équipe comme en atteste Mme [G], déléguée du personnel’et faisait preuve d’un grand professionnalisme comme en atteste Mme [P], éducatrice spécialisée

‘- l’employeur ne démontre pas qu’une formation adaptée a été dispensée pour approcher les usagers et leurs difficultés

– le sentiment d’insécurité était partagé par l’ensemble du service

– le médecin du travail a alerté l’association le 27 septembre 2019 sur le risque psychosocial existant’dans le service logement et d’accueil des demandeurs d’asile (plateforme spécialisée)

– aucune problématique la concernant n’a été soulevée par le médecin du travail à cette occasion

– la dégradation des relations de travail est imputable à la seule hiérarchie qui n’a pas pris de mesures suffisantes malgré ses alertes et celle du médecin du travail

– le document d’évaluation des risques profesionnels, qui est obligatoire, daté du 31 mars 2021 soit 18 mois après son licenciement, lui a été finalement communiqué après deux sommations interpellatives et confirme les problèmes de sécurité rencontrés au CAO qu’elle avait dénoncés

2/ Sur la dégradation des conditions de travail du service dont elle avait la charge

– elle ignore les conditions de réalisation de l’enquête interne à charge » » » » » » » »’

– l’employeur ne peut pas lui imputer les difficultés du service alors que les conditions de travail étaient délétères comme cela ressort de l’enquête et alors que la direction ne réagissait pas »

– en réalité aucune enquête sérieuse n’a été réalisée

– aux lieu et place d’une enquête, est versé le témoignage de Mme [L] qui a averti le président de l’association en un moment inapproprié, s’agissant d’une soirée, des plaintes émises par certains salariés

– ces plaintes auraient été recueillies en premier par les délégués du personnel qui n’ont pas attesté

– les éléments produits par l’employeur sont une compilation de témoignages tous réalisés après son départ et le dépôt de sa requête

– les attestations ne sont pas objectives ‘

-‘elles contiennent des contradictions comme celle de Mme [R] qui indique avoir changé de service après lui en avoir fait la demande alors que l’employeur prétend qu’elle isolait les salariés de son équipe

– ses prétendus ordres de ne pas communiquer avec les autres services ni avec la direction ne sont pas datés dans l’attestation de Mme [L]

– la souffrance des salariés ne peut lui être imputée sur la seule base d’attestations contradictoires et imprécises

– les neuf salariés de la plateforme disposaient tous d’un logiciel pour communiquer leurs besoins et la directrice ou la directrice adjointe décidait des tâches à accomplir

– les violences verbales, dont Mme [R] fait état et qui seraient de son fait, ne sont pas corroborées’

– elle n’est pas responsable du manque de formation et avait alerté sa hiérarchie de cette nécessité

– Mme [S] ne décrit aucun fait précis et l’employeur ne produit aucun courriel resté sans réponse

– elle répondait en premier aux instructions de sa hiérarchie du fait de sa fonction avant de répondre à ses collaborateurs

– l’attestation de Mme [T] au sujet de la présence fréquente de M. [M] sur le site de la maison relais lors de la pause déjeuner ne fait état d’aucun harcèlement

– au contraire, Mme [L] relate sa surcharge de travail qui générait un stress pouvant conduire de sa part à un certain agacement mais aucune parole inappropriée n’a été prononcée

– Mme [F] n’a pas été témoin des faits pour lesquels elle atteste et aucun élément ne démontre qu’elle a été informée du comportement de son collègue

– les attestations de Mme [B] et de Mme [Z] sont imprécises

– les attestations produites ne sont corroborées par aucun élément précis

3/ Dénigrement de la hiérarchie

– le courrier de licenciement manque de précision

– elle dément les propos tenus vis à vis de Mme [F]

– M.[O], qui a attesté, ne faisait plus partie de son équipe et son attestation ne peut être valablement retenue sur le fond. Il ne donne aucun exemple précis de critiques émises vis à vis de sa hiérarchie

– elle bénéficiait d’excellents rapports avec sa hiérarchie’ ‘

4/ validation du comportement inapproprié du coordinateur sans signalement à la hiérarchie

– M. [M] a été licencié pour faute ‘

– les faits qu’on impute à son collaborateur n’ont jamais été portés à sa connaissance

– elle ne pouvait pas valider un comportement dont elle n’avait pas été témoin

II- Sur les conséquences financières

– elle demande d’écarter le barême de l’article L.1235-3

– elle subit une perte financière importante immédiate

– ses droits futurs à la retraite sont impactés

– sa perte financière mensuelle est de 1330 euros

– elle a perdu ses avantages sociaux ainsi qu’une perte de niveau de vie

– l’humiliation du chômage lui a créé un’préjudice moral

III- Sur le manquement à l’obligation de sécurité L.4121-1

– le manquement de l’employeur à son devoir de vigilance du fait de ses alertes s’est doublé d’un manquement aux règles légales en matière de sécurité

– il n’existait aucune norme de sécurité dans les nouveaux locaux

– après les violences et les menaces de mort proférées contre elle et le coordinateur, l’employeur n’a pas réagi ni même après le suicide d’un usager

– aucun suivi psychologique n’a été prévu ni aucune formation mise en place

– l’employeur justifie uniquement de deux heures de formation dispensées par une psychologue et après des événements particulièrement violents sur la plateforme ‘

– le document unique d’évaluation des risques professionnels est daté du 31 mars 2021 soit 18 mois après son départ » »’

– le procès-verbal de Conseil Social et Economique du 22 octobre 2019 confirme les risques psychosociaux et les dysfobnctionnements qu’elle avait précédemment dénoncés’

II. Moyens et prétentions de l’association Solincité intimée sur appel principal

Selon dernières conclusions enregistrées au greffe de la cour le 10 juin 2022 expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’intimé, l’association Solincité demande à la cour de’ :

Confirmer le jugement en ce qu’il a :’

-‘débouté Madame [K] de l’intégralité de ses demandes’

– condamné Madame [K] à lui payer la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile »

– condamné Madame [K] aux entiers dépens »’

– Condamner Madame [K] à lui verser la somme de 3900 euros au titre de’ l’article’700 du’code’de procédure civile

‘ A l’appui de ses prétentions, l’association Solincité fait valoir que :

I- Sur le licenciement

‘ A- Sur son bienfondé’

1/ sur la tentative d’isolement par des méthodes d’intimidation et de dénigrement :

– Mme [L] atteste de l’isolement et de la peur de représailles de ses collègues du fait des Mme [K] et de M. [M]

– le directeur général l’a appris le 2 septemebre 2019′ ‘

– les temoignages qu’elle produit sont tous concordants : Mme [F], Mme [S] Mmes [B] et [Z], Mme [R], Mme [C] et M. [O]

2/ sur le cautionnement des agissements de M. [M] par Mme [K] :

– Mme [T] et Mme [Z] en attestent

– Mme [K] n’a pas fait preuve de neutralité et d’écoute à l’égard des salariés qu’elle encadrait et n’en a pas référé à sa hiérarchie

3/ sur les moyens de défense de la salariée :

– celle-ci se limite à démentir les griefs

– il a mis en place une enquête interne conformément à l’article L.1152-4 dès qu’il a été au courant des plaintes des salariés

– la communication du compte rendu de l’enquête interne n’est pas obligatoire et il n’a pas à justifier des conditions dans lesquelles elle a été menée

B- Sur les conséquences financières

1/ sur les préjudices allégués :

– la salariée a créé une association dénommée ‘Migration et Inclusion Professionnelle’ avec M. [M] en janvier 2020 et a donc retrouvé un emploi plus tôt que ce qu’elle affirme

– la salariée a logiquement perdu ses avantages sociaux en étant licenciée

– la salariée ne justifie pas d’un préjudice résultant de la perte de son emploi et de l’humiliation du chômage et ne justifie pas davantage de sa situation financière actuelle

2/ sur le plafonnnement :

– son applicabilité a été confirmée par la Cour de cassation le 11 mai 2022. Il est donc impossible de l’écarter

II- Sur le non respect de l’obligation de sécurité

1/ sur les mesures nécessaires :

– il a demandé lui-même l’exclusion du résident violent suite à la rixe du 25 juin

– M. [M] a été agressé par cet individu en lui apportant la décision de l’OFII

– un rapport sur ces faits a été établi par la salariée dans lequel elle indique avoir informé sa direction’

– c’est ainsi, en suivant, qu’il a alerté les autorités compétentes et que l’incident a été suivi par Mme [F]

– il a rempli son obligation de sécurité afin de protéger ses salariés

2/ sur les actions de formation :

– les formations ont eu lieu en octobre 2019 à une époque où la salariée ne faisait plus partie du personnel

– il ne pouvait pas mettre en place des formations avant l’émergence des difficultés

MOTIFS

A titre liminaire la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les ‘dire et juger’ et les ‘constater’ ne sont pas des prétentions, mais des rappels des moyens invoqués à l’appui des demandes, ne conférant pas – hormis les cas prévus par la loi – de droit à la partie qui les énonce.

I- Sur le licenciement :

Par courrier du 9 octobre 2019, qui fixe les limites du litige, Mme [K]’a été licenciée pour faute grave.

Il résulte des dispositions des articles L.1232-1 et’ L.1235-1 du code du travail, que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et qu’en cas de litige relatif au licenciement, le juge auquel il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Toutefois, s’il invoque une faute grave pour justifier le licenciement, l’employeur doit en rapporter la preuve, étant rappelé que la faute grave, privative de préavis et d’indemnité de licenciement, est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pour la durée limitée du délai-congé.

Il ressort de la lettre de licenciemment trois griefs, à savoir :

– la dégradation des conditions de travail des salariés de son service

– le dénigrement en public de sa hiérarchie

– la validation d’un comportement inapproprié d’un coordinateur de son service

L’employeur verse à l’appui de ces griefs plusieurs attestations de salariés (Mme [L], Mme [F], Mme [R], Mme [B], Mme [Z], M. [O]) travaillant quotidiennement avec Mme [K], dont les attestations sont postérieures à la date de son départ ce qui n’est pas de nature à remettre en question leur force probante.

La salariée produit quant à elle deux attestations émanant de Mme [G] et de Mme [P].

D’une part, comme l’ont relevé les premiers juges, les déclarations contenues dans les attestations produites par l’employeur sont concordantes.

Le climat oppressant dû à un isolement entretenu par Mme [K] au sein du service CAO ne ressort pas seulement de l’attestation de Mme [L], mais également de celle de Mme [F], directrice du SLIS. Celle-ci indique ‘avoir commencé, au cours de l’été 2019, à percevoir le mal être de quelques professionnels’ et que, dès avant la soirée du 16 septembre, un premier entretien avait eu lieu avec la salariée en présence de Mme [I], directrice du pôle social, sans remise en cause de son positionnement et précise qu’un prochain entretien était envisagé avec l’ensemble des salariés de la PLS. Le 12 septembre, trois salariées, parmi lesquelles Mme [S] et Mme [Z], sont venues les informer de leur rendez-vous avec les délégués du personnel. Ces derniers ont ensuite transmis leurs plaintes à la direction générale, remettant en cause le management de Mme [K]. ‘

Ces méthodes de management, qui sont critiquables et critiquées, ressortent des attestations et constituent le principal grief soulevé par l’employeur.

Elles consistent en :

– un isolement du service au sein de la structure par des méthodes d’intimidation :

Mme [S] indique avoir entendus plusieurs fois des propos tels que ‘s’il y en a qui doivent être virés d’ici, c’est sûrement pas nous, alors fais attention’. Mme [L] atteste : ‘Puis elle a dit : quand je dis quelque chose, on m’obéit, c’est moi la cheffe de service’

Mme [S] atteste de l’interdiction de communiquer directement avec la direction : ‘nous avons l’interdiction de la part de Mme [K] et M. [M] de répondre ou d’entrer en contact avec la direction tout devait passer par eux’, et Mme [B] le confirme : ‘Des interdictions sont apparues comme celle d’échanger directement avec la directrice. Les fois où je ne l’ai pas respecté, j’ai été convoquée dans le bureau et confrontée à des paroles virulentes’.

Outre l’attestation de Mme [S] : ‘j’ai pu assister à une ‘crise’ de [E] sur l’animatrice du GEM », le management inapproprié de Mme [K] ressort aussi de paroles et de propos dénigrants comme en témoigne Mme [B] dans son attestation citée supra et Mme [R] : ‘A plusieurs reprises lors d’interventions ou de réunions, Mme [K] et M. [M] se laissaient aller à me ridiculiser, discréditer mon travail, ma personnalité qu’ils qualifiaient de fragile ‘victime d’exclusion’. Le binôme m’accuse régulièrement d’avoir dénoncé les migrants aux gendarmes.’

Mme [L] utilise des termes forts : ‘ils (les salariés) avaient peur de représailles’

De plus, Mme [K] laissait planer la crainte de la fermeture du service par la direction, tel qu’en atteste Mme [S], ce qui constitue une pression supplémentaire.

La cour relève que deux salariées ont demandé à quitter le service au cours de l’été 2019, Mme [L] et Mme [R], ce qui est symptomatique de leur mal être, comme l’avait pressenti Mme [F].

Contrairement à ce qu’affirme Mme [K], les attestations sont particulièrement circonstanciées et les mêmes termes sont redondants, à savoir : ‘pression, dévalorisation, colère, harcèlement ». Elles établissent une réelle souffrance au travail entretenue par Mme [K] et son collègue.

– la validation d’un comportement inapproprié d’un coordinateur de son service :

M. [A] [M], chef du service éducatif, était un relais entre la direction et les équipes éducatives mais se positionnait de plus en plus comme le supérieur hiérarchique des autres salariés.

Mme [L] atteste : ‘Une fois, à l’automne 2018, j’ai dû faire des achats pour le GEM, j’ai demandé un bon à [E] qui m’a renvoyée vers [A]. [A] au CAO avait le carnet de bon de commande. (‘) [E] a donné à [A] un rôle dans l’équipe qui n’était pas le sien’.

Mme [B] atteste : ‘lors d’une réunion, l’une de mes collègues était sans cesse dévalorisée, il (M. [M]) lui reprochait’ de mal exercer son travail ou bien qu’elle n’y comprenait rien. (‘) Mme [K] est donc intervenue durant la réunion pour évoquer son accord avec les dires de M. [M] et ajouter de nouveaux propos à l’encontre de ma collègue avec un ton colérique’, ‘Chaque jour, M. [M] nous appelait, mes collègues et moi même afin de savoir où on en était, ce que l’on faisait, à quelle heure on rentrait au bureau. Il fallait que je justifie mes déplacements, mes accompagnements et en présence de qui. Je me sentais surveillée »

Le cautionnement du positionnement de M. [A] [M] par Mme [K] ainsi décrit traduit un management inadapté de sa part.

De son côté, Mme [K] se limite à mettre l’accent sur les difficultés générées par la réorganisation du service et l’augmentation du nombre d’usagers entre août et décembre 2019 à l’origine d’une surcharge de travail et de stress.

Elle invoque les problèmes de sécurité qui ont donné lieu au suicide d’un usager et aux violences dont elle a été victime, à ses multiples appels auprès de la direction restés sans réponse si bien que, du fait de l’absence de prise en compte de ses nombreuses alertes, l’employeur est seul à l’origne de la dégradation des conditions de travail qui lui est reprochée. Or, elle ne produit aucun justificatif de ce qu’elle allégue.

Si les conditions de travail était indéniablement difficiles, ce qui est inhérent à tout service chargé d’aider les populations en grande précarité, elles ne justifient pas les méthodes employées par Mme [K] pour diriger son service. Les deux attestations qu’elle produit sont totalement inopérantes car elles concernent des’ relations professionnelles anciennes, non contemporaines aux faits et qui émanent de salariées ne faisant plus partie des effectifs de l’association depuis de nombreuses années.

Ces griefs sont donc fondés et l’employeur rapporte la preuve qui lui incombe. ‘

C’est par une très exacte appréciation du droit applicable aux éléments de l’espèce que les premiers juges ont débouté Mme [K] de ses demandes.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera donc confirmé sur ce point.

‘ II- Sur l’obligation de sécurité’ de l’employeur :

Il doit être rappelé qu’en application de l’article L.4121-1 du code du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Pour confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande tenant au non respect de son obligation de sécurité, il suffira d’ajouter que Mme [K] prétend avoir, à maintes reprises, alerté l’employeur au sujet de graves problèmes de sécurité au sein de son service, sans entraîner de réaction de sa part, mais ne produit aucun justificatif et que, bien au contraire, il ressort de son rapport d »«’événement indésirable’» du 11 juillet 2019 (violences et menaces de mort contre elle-même et M. [M]) que l’employeur a été réactif et a saisi les autorités compétentes dès le 24 juillet 2019.  »

Celui-ci a donc parfaitement rempli son obligation de sécurité.

Sur les demandes annexes’:

La cour confirme la condamnation de Mme [K] prononcée par les premiers juges à payer à l’association Solincité la somme de 400 euros au titre des frais non répétibles de procédure et en cause d’appel, la condamne à payer à l’association Solincité la somme de 800 euros au titre de ces mêmes frais.

Mme [K], qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du 6 décembre 2021 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

CONDAMNE Mme [E] [K] aux dépens d’appel,

CONDAMNE Mme [E] [K] à payer à l’association Solincité la somme de 800 euros au titre des frais non répétibles de procédure.

Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Chloé ORRIERE, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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