Droit du logiciel : 21 février 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 21/00782

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Droit du logiciel : 21 février 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 21/00782

ARRÊT DU

21 FEVRIER 2023

PF/CO*

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N° RG 21/00782 –

N° Portalis DBVO-V-B7F-C5NZ

———————–

[D] [S]

C/

SAS SDA NEGOCES

———————–

Grosse délivrée

le :

à

ARRÊT n° 24 /2023

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d’appel d’Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le vingt et un février deux mille vingt trois par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre assistée de Chloé ORRIERE, greffier

La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire

ENTRE :

[D] [S]

né le 09 août 1974 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 5]

[Localité 1]

Représenté par Me Julie CELERIER, avocat inscrit au barreau d’AGEN

(bénéficiaire d’une aide juridictionnelle totale numéro 2021/003008 du 02/09/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle d’AGEN)

APPELANT d’un jugement du Conseil de Prud’hommes – formation paritaire de MARMANDE en date du 28 juin 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 20/00024

d’une part,

ET :

La SAS SDA NEGOCES prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Arnaud FINE substituant à l’audience Me Stéphane EYDELY, avocat inscrit au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE

d’autre part,

A rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 06 décembre 2022 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Pascale FOUQUET, conseiller, assistés de Chrystelle BORIN, greffier. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l’arrêt serait rendu.

* *

*

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Selon contrat de travail à durée déterminée du 22 août 2017, pour une période allant du 4 septembre 2017 au 3 mars 2018, M. [D] [S] a été embauché par la société SDA Négoces, exerçant dans la région Nouvelle-Aquitaine, en qualité de conducteur de véhicule 1.

A compter du 4 mars 2018, son contrat de travail a été transformé en contrat de travail à durée indéterminée, et il occupait désormais le poste de conducteur de véhicule 2, catégorie ouvrier.

Sa durée légale de travail hebdomadaire était de 35 heures et il percevait une rémunération mensuelle de 1 654,99 euros.

La convention collective applicable est celle des coopératives agricoles de céréales, de meunerie, d’approvisionnement, d’alimentation du bétail et d’oléagineux.

Le 11 juillet 2018, M. [D] [S] a été victime d’un accident de travail alors qu’il chargeait son camion.

Il a été placé en arrêt de travail, pour accident du travail, à compter du 12 juillet 2018 jusqu’au 21 juillet 2018, prolongé ensuite du 22 juillet 2018 au 16 octobre 2018.

Le 7 mars 2019, le médecin du travail a établi un avis d’aptitude assorti de préconisations.

Le 29 mars 2019, le médecin du travail l’a déclaré inapte à son poste de travail en faisant état de possibilités de reclassement : magasinier vendeur, monteur matériel neuf et petite réparation, cariste.

Par courrier du 25 juin 2019, la société SDA Négoces l’a informé qu’elle ne pouvait lui proposer aucun poste compatible avec les préconisations du médecin du travail et qu’elle allait engager une procédure de licenciement pour inaptitude physique.

Par courrier du 26 juin 2019, M. [D] [S] a été convoqué à un entretien préalable, fixé au 15 juillet 2019.

Par courrier du 15 juillet 2019, M. [D] [S] a sollicité de son employeur une déclaration d’accident de travail.

Par courrier du 30 juillet 2019, la société SDA Négoces a licencié M. [D] [S] pour inaptitude physique définitive et impossibilité de reclassement.

Le motif de licenciement inscrit sur l’attestation destinée à Pôle emploi était « inaptitude physique d’origine non professionnelle ».

Par courrier du 3 février 2020, M. [D] [S] a sollicité le versement des sommes dues au titre d’un licenciement pour inaptitude professionnelle ainsi que des dommages et intérêts pour manquement à son obligation de reclassement.

A défaut d’accord, M. [D] [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Marmande le 22 avril 2020 afin d’obtenir le reliquat de l’indemnité spéciale de licenciement soit 756 euros, l’indemnité compensatrice de préavis de 1654,99 euros, une indemnité au titre de la violation de l’obligation de reclassement de 15 000 euros, une indemnité de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la condamnation de la société SDA négoces aux dépens et l’exécution provisoire de la décision.

Par jugement du 28 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Marmande, section Commerce, a :

– débouté M. [D] [S] de toute ses demandes,

– débouté M. [D] [S] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [D] [S] aux entiers dépens,

-condamné M. [D] [S] à payer à la SDA Négoces la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 27 juillet 2021, M. [D] [S] a régulièrement déclaré former appel du jugement, en désignant la société SDA Négoces en qualité de partie intimée et en visant les chefs de jugement critiqués qu’il cite dans sa déclaration d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 octobre 2022 et l’affaire fixée pour plaider à l’audience du 6 décembre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

I. Moyens et prétentions de M. [D] [S] appelant principal

Dans ses dernières conclusions, enregistrées au greffe le 18 février 2022, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’appelant, M. [D] [S] demande à la cour de :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Marmande le 28 juin 2020,

Par conséquent, statuant à nouveau :

– condamner la société SDA Négoces à lui verser les sommes suivantes :

– 756 euros à titre de reliquat d’indemnité spéciale de licenciement,

– 1 654,99 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 15 000 euros à titre d’indemnité pour violation de l’obligation de reclassement,

– débouter la société SDA Négoces de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société SDA Négoces aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, M. [D] [S] fait valoir que :

1. Sur l’origine professionnelle de son inaptitude

– le 11 juillet 2018, il s’est blessé au poignet droit

– il produit les attestations de MM. [S] [T], [W] [G], et [R] [B]

– le 12 octobre 2018, il a déclaré une rechute de maladie professionnelle auprès de la mutuelle sociale agricole car il avait été victime en 2016 d’une maladie professionnelle consolidée

– le 28 mars 2019, après expertise médicale, le médecin expert l’a informé qu’il n’y avait pas de lien de causalité entre la maladie professionnelle consolidée en 2016 et les lésions invoquées le 12 octobre 2018

– le 9 juillet 2019, il a déclaré un accident du travail auprès de la MSA

– le15 novembre 2019, la MSA a donné son accord pour la prise en charge cet accident au titre de la législation accident du travail

– son contrat de travail a été suspendu dès le 12 juillet 2018 et il n’a plus repris le travail

– il a perçu l’indemnité temporaire d’inaptitude : le médecin du travail a certifié qu’il avait établi un avis d’inaptitude susceptible d’être en lien avec l’accident du travail du 12 juillet 2018

Sur la connaissance de l’employeur sur l’origine professionnelle de son inaptitude :

– il était en arrêt de travail professionnel et a communiqué à l’employeur deux certificats médicaux pour accident du travail et maladie professionnelle les 12 juillet et 22 juillet 2018

– il a averti la société le jour même de l’accident et trois salariés présents ont attesté

– la société était informée de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle formée le 11 octobre 2018

– par courrier du 15 juillet 2019 à l’attention de son employeur, il a relaté de manière précise les circonstances de l’accident

– l’employeur n’a pas répondu aux demandes de la MSA malgré ses relances

– l’employeur conteste connaître de manière certaine l’origine professionnelle de l’accident pour prononcer l’inaptitude au jour du licenciement

– son inaptitude, qui a suivi immédiatement son arrêt de travail, démontre son origine professionnelle

Les conséquences :

– il a droit à l’indemnité spéciale de licenciement

– son dernier salaire mensuel brut s’élevait à 1 654,99 euros

2. Sur le manquement à l’obligation de reclassement

– le médecin du travail avait proposé des postes de reclassement le 29 mars 2019

– par courrier du 24 avril 2019, la société a adressé au médecin du travail une liste des postes, ainsi que plusieurs offres de recrutement sur des postes disponibles au sein du groupe et si « d’autres postes que ceux déjà identifiés dans votre avis du 29 mars 2019 vous apparaissent compatibles avec l’état de santé de notre salarié »

– le 7 mai 2019, le médecin du travail a répondu « je laisse le choix au service RH de Terre du Sud/SDA Négoces de décider du choix du nouveau poste de Mr [S] » sans émettre de contre-indication sur les postes qui lui avaient été soumis

– aucune proposition de reclassement sur un de ces postes n’a été soumise au salarié alors qu’il en avait les compétences comme il en justifie par production de son curriculum vitae

– il avait d’ailleurs informé son employeur de l’intérêt qu’il portait au poste de mécanicien auprès de Innovert dans son courrier du 15 juillet 2019

– l’employeur n’a pas cherché à lui proposer un poste au regard de ses diplômes et de son expérience professionnelle

– les recherches n’ont pas été sérieuses : les courriers de recherche ont tous été signés de la même main et n’ont pas été adressés individuellement à chaque société

– les réponses négatives ne sont pas corroborées par un élément de preuve

– l’employeur devra verser aux débats les registres d’entrée et de sortie du personnel de ces sociétés pour en justifier

– toutes les sociétés du groupe n’ont pas été interrogées

– la SCA Terres du sud a été interrogée pour son propre compte uniquement et non pour les entreprises dont elle est le président

– les recherches n’ont pas été loyales

– le courrier de recherches n’est pas personnalisé sans précision de son âge, de sa classification ou de son coefficient alors qu’il s’agit d’éléments essentiels pour justifier le respect de cette obligation

– l’employeur n’ a pas pris la peine de lui demander son curriculum vitae alors qu’il a un profil polyvalent

Les conséquences :

– en application de l’article L.1226-15 du code du travail, il a droit à une indemnité égale au minimum à six mois de salaire

– son dernier salaire mensuel brut s’élevait à 1 654,99 euros

– il est actuellement sans travail et perçoit les aides de retour à l’emploi

– son taux d’incapacité permanente est fixé à 6%

– il est reconnu travailleur handicapé depuis le 7 juillet 2021

II. Moyens et prétentions de la société SDA Négoces intimée sur appel principal

Dans ses uniques conclusions enregistrées au greffe le 14 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour une parfaite connaissance des moyens et prétentions, la société SDA Négoces demande à la cour de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Marmande en ce qu’il a :

– débouté Monsieur [D] [S] de sa demande de versement des indemnités spéciales de rupture prévues par l’article L.1226-14 du code du travail,

– débouté Monsieur [D] [S] de sa demande indemnitaire au titre d’une prétendue violation de l’obligation de reclassement de la société SDA Négoces,

– réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Marmande en ce qu’il a condamné Monsieur [D] [S] au paiement de la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– juger parfaitement justifié le licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement notifié à Monsieur [D] [S],

– condamner Monsieur [D] [S] aux dépens,

-condamner Monsieur [D] [S] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Au soutien de ses prétentions, la société SDA Négoces fait valoir que :

Sur sa méconnaissance du caractère professionnel de l’inaptitude au jour du licenciement

– le salarié ne l’a jamais alerté de l’incident survenu le 11 juillet 2018

– il a uniquement déclaré une rechute de maladie professionnelle refusée par la caisse primaire d’assurance maladie

– il a prévenu son employeur plus d’un an et demi après, soit le 15 juillet 2019

– au jour du licenciement, la société n’avait aucun élément objectif pour apprécier l’origine professionnelle ou non de l’inaptitude physique définitive du salarié

– le salarié a rédigé un courrier quelques jours avant la notification de son licenciement, de façon opportune, afin de se voir appliquer le bénéfice des indemnités spéciales de ruptures et il n’a travaillé que quatre mois en contrat à durée indéterminée pour la société

– elle ne pouvait pas avoir connaissance du caractère professionnel de l’inaptitude du salarié puisque la demande d’indemnité temporaire d’inaptitude ne lui a été transmise que postérieurement à la notification du licenciement, soit le 2 août 2020

Sur la régularité du licenciement justifié pour inaptitude physique

– elle a écrit au médecin du travail à la suite de l’avis d’aptitude qu’il a délivré le 7 mars 2019 en s’étonnant de cette conclusion en contradiction avec ses constatations

– le salarié a été déclaré inapte le 29 mars 2019

– par courrier du 24 avril 2019, elle a demandé au médecin du travail si le poste du salarié pouvait être aménagé et si, au regard de la liste des postes existants dans l’entreprise et dans le groupe Terres du Sud, un poste lui apparaissait compatible avec l’état de santé

– à la suite de sa réponse, elle en a conclut que le praticien maintenait le reclassement dans les postes indiqués dans son avis

– le salarié n’avait ni les qualifications ni les compétences professionnelles requises pour occuper l’un de ces postes, ni même les postes de mécanicien ou responsable maintenance qu’il revendique

– elle a procédé à des recherches actives au niveau du groupe Terres du sud mais aucun des postes identifiés par le médecin du travail n’était disponible

– le groupe Terre du Sud dispose d’une direction des ressources humaines centralisée à [Localité 4], M. [E] [V] étant le seul directeur des relations humaines et d’un logiciel qui centralise l’ensemble des postes disponibles et les offres d’emploi correspondantes dans toutes les sociétés du groupe

– l’âge du salarié, sa classification ou son coefficient n’étaient pas précisés dans ses recherches de reclassement car il s’agissait uniquement dans un premier temps de vérifier s’il existait simplement des postes disponibles et compatibles avec les aptitudes physiques réduites du salarié

– le salarié affirme que plusieurs sociétés du groupe n’auraient pas été interrogées dans le cadre de la procédure de reclassement. Or, ces entreprises n’ont le plus souvent en commun avec la société SDA Négoces ni l’activité, ni le lieu d’activité, ou pas le même bassin d’emploi, voire une activité très différente et qu’il n’existe, par conséquent, aucune permutabilité du personnel exigée par la jurisprudence

– elle a convoqué le comité social et économique le 20 juin 2019 et les quinze votants ont émis à l’unanimité un avis favorable d’engagement d’une procédure de licenciement pour inaptitude physique

– le salarié se déclare sans emploi mais n’apporte aucun justificatif de sa situation personnelle

MOTIVATION

Sur l’origine de l’inaptitude

Il est constant que les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement. Il est constant que les règles protectrices prévues par les articles L.1226-6 à L.1226-22 du code du travail concernent des salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

S’il n’est pas nécessaire que le salarié ait régulièrement accompli les formalités de déclaration de cet accident du travail ou de cette maladie professionnelle à la caisse primaire d’assurance-maladie, encore convient-il que les éléments de la cause et les pièces produites démontrent l’existence d’un tel événement.

Aux termes de l’article L.1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail pour inaptitude d’origine professionnelle ouvre droit pour le salarié qui ne peut exécuter son préavis à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité prévue par l’article L.1234-5 du code du travail ainsi qu’à une indemnité spécifique de licenciement, qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité légale de licenciement.

Le salarié ne peut prétendre à l’indemnité conventionnelle du préavis mais seulement à l’indemnité légale de préavis, qui, ayant un caractère indemnitaire, n’ouvre pas droit dans cette hypothèse à des congés payés afférents.

M. [S] a été placé en position d’arrêt de travail le 12 juillet 2018 jusqu’au 16 octobre 2018.

Après avoir dans un premier temps le 7 mars 2019 délivré un avis d’aptitude, le médecin du travail a rendu, le 29 mars 2019, un avis d’inaptitude avec propositions de reclassement : ‘magasinier, monteur matériel neuf et petite réparation, cariste’.

En l’espèce, il n’est pas contestable que :

– l’arrêt de travail initial du 12 juillet 2018 transmis à l’employeur précédant la déclaration d’inaptitude de M [S], comme l’arrêt de prolongation du 21 juillet 2018, mentionnaient une origine professionnelle : la mention « accident du travail » était surlignée

– M. [S] a formulé en premier une demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de la MSA le 11 octobre 2018

– le médecin du travail a procédé à une étude de poste le 6 mars 2019 puis a échangé avec l’employeur le 29 mars 2019

– le courrier du 15 juillet 2019 à son employeur décrit avec précision l’accident du travail en vue de la déclaration

– le courrier de la MSA à M. [S] en date du 14 août 2019 indique qu’elle a pris plusieurs fois contact avec l’employeur afin qu’il procède à la déclaration d’accident du travail du salarié mais sans résultat

– l’employeur soutient avoir reçu la demande d’indemnité temporaire d’inaptitude le 2 août 2019, soit postérieurement au licenciement prononcé le 30 juillet 2019, alors qu’il apparait sur le volet 3 à côté de la mention « à adresser à votre employeur », l’apposition d’un tampon « reçu le 5 avril 2019 »

Il ressort de ces éléments qu’à la date du licenciement, la société employeur avait connaissance de l’origine professionnelle de l’inaptitude.

En application de l’article L.1226-14 du code du travail, le salarié licencié pour inaptitude professionnelle a droit à une indemnité de licenciement majorée et au versement de l’indemnité compensatrice de préavis égale à un mois de salaire en l’espèce.

La cour infirme le jugement entrepris de ce chef et condamne l’employeur à payer à M. [S] la somme de 1654,99 € brut au titre de l’indemnité de préavis ainsi que celle de 756 euros au titre du reliquat de l’indemnité spéciale de licenciement.

Sur l’obligation de reclassement

En application de l’article L.1226-10 du code du travail, l’employeur doit proposer au salarié déclaré inapte à son emploi par le médecin du travail, en tenant compte des conclusions écrites de celui-ci et des indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en ‘uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

L’employeur est présumé avoir satisfait à son obligation de reclassement lorsqu’il a proposé au salarié un emploi approprié à ses capacités et aussi proche que possible de l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en ‘uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagements du temps de travail ; en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail après avoir recueilli l’avis du comité social et économique.

L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L.1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

En l’espèce, l’avis d’inaptitude du médecin du travail du 29 mars 2019 est ainsi rédigé: « reclassement demandé : magasinier, monteur matériel neuf et petite réparation, cariste’.

Il appartient à l’employeur qui prétend s’être trouvé dans l’impossibilité d’effectuer un tel reclassement d’en rapporter la preuve. Cette recherche de reclassement doit être mise en oeuvre de façon loyale et personnalisée.

Il résulte de la lettre de licenciement de M. [S] pour inaptitude en date du 30 juillet 2019 que : (‘) « nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement du fait de votre inaptitude physique définitive et de l’impossibilité dans laquelle nous nous trouvons de vous reclasser pour les raisons sus indiquées. (‘) »

La société SDA Négoces justifie avoir sollicité le médecin du travail le 24 avril 2019 en vue de « lui confirmer que le poste occupé par M. [S] ne peut faire l’objet d’aucune mesure telle que transformation ou aménagement spécifique destiné à le rendre compatible avec son état de santé et qu’une réduction de son temps de travail ou une formation spécifique ne pourrait pas davantage lui permettre de se maintenir dans son emploi actuel

D’autre part, de lui confirmer et préciser si, à la lecture de la liste des postes existants au sein de l’entreprise et du groupe, d’autres postes que ceux déjà identifiés dans l’avis du 29 mars 2019, paraitraient compatibles avec l’état de santé du salarié, sous réserve des disponibilités existantes et des compétences professionnelles de M. [S] ».

La société SDA Négoces justifie ses recherches de reclassement par l’envoi à toutes les filiales du groupe auquel elle appartient, d’un courrier comme suit

‘Monsieur,

A la suite de l’examen médical en date du 29 mars 2019, un de nos salariés M. [D] [S] a été déclaré définitivement inapte à son poste de chauffeur poids lourd.

Le médecin du travail précisait dans son avis médical :

Reclassement demandé : magasinier, monteur matériel neuf et petite réparation, cariste

Par conséquent, je vous remercie de bien vouloir me préciser si un des postes visés par le médecin voire un poste voisin est disponible au sein de l’entreprise.’

La cour relève que l’employeur a adressé un courrier « type », à caractère impersonnel, tous datés du 13 mai 2019, destiné à onze entreprises du groupe.

Il y a lieu d’observer que ces courriers type ont tous été contresignés par la même main avec la mention « reçu en main propre le 14 mai 2019 ». Ce qui signifie qu’ils n’ont pas été adressés de manière individuelle à chaque société.

De plus, les réponses portent toutes une signature identique à celle portée sur les recherches de postes.

Si l’employeur allègue que le groupe était doté d’une unique direction des ressources humaines, il n’en justifie nullement.

En outre, cinq autres sociétés dépendant du groupe Terres du Sud n’ont pas été interrogées. Le simple courrier adressé à la SCA Terres du Sud, en tant que président du groupe, est insuffisant pour en justifier car les recherches devaient être individualisées.

Il convient également de relever que les recherches de reclassement ne précisent aucun élément personnel relatif au salarié et essentiel pour le reclassement : son âge, sa classification, son ancienneté dans la société, son coefficient.

Agir en deux temps comme le soutient l’employeur, en premier pour se renseigner sur les postes disponibles puis pour en proposer éventuellement certains au salarié, ne présente aucun intérêt si ce n’est d’alourdir et de ralentir le processus de reclassement.

Il n’est pas non plus démontré que la société SDA Négoces ait pris en compte le courrier en réponse du médecin du travail en date du 7 mai 2019 pour rechercher une solution de reclassement.

Par conséquent, il convient d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [S] de sa demande tenant à l’obligation de reclassement de l’employeur et de juger que la société employeur n’a pas respecté son obligation de recherches sérieuses d’un reclassement au bénéfice de M. [S]. L’employeur doit en conséquence être condamné à verser à M. [D] [S] la somme de 756 euros à titre de reliquat d’indemnité spéciale de licenciement, et celle de 1 654,99 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis.

Compte tenu du défaut d’actualisation de la situation de recherche d’emploi du salarié, de son âge au moment du licenciement (45 ans), de son ancienneté (4 mois), il y a lieu de condamner la société SDA Négoces à verser à M. [S] la somme de 3 500 € de dommages et intérêts à ce titre.

Sur les demandes annexes

La cour infirme le jugement en ce qu’il a condamné M. [S] à payer la somme de 400 euros à la société SDA Négoces ainsi qu’aux dépens et condamne la société SDA Négoces, qui succombe, aux dépens d’appel et de première instance.

M. [S] étant bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, l’équité justifie que soit écartée sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La cour déboute la société SDA Négoces de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

INFIRME le jugement du 28 juin 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté M. [D] [S] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société SDA Négoces à payer à M. [D] [S] les sommes de :

– 756 euros au titre du reliquat de l’indemnité spéciale de licenciement

– 1654,99 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

– 3 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de l’obligation de reclassement

DÉBOUTE M. [D] [S] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société SDA Négoces de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société SDA Négoces aux dépens d’appel et de première instance.

Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Chloé ORRIERE, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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