REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 21 AVRIL 2023
(n°191, 6 pages)
N° du répertoire général : N° RG 23/00197 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHNW3
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Avril 2023 -Tribunal Judiciaire de PARIS (Juge des Libertés et de la Détention) – RG n° 23/01155
L’audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 20 Avril 2023
Décision réputée contradictoire
COMPOSITION
Agnès MARQUANT, président de chambre à la cour d’appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d’appel de Paris,
assisté de Mélanie THOMAS, greffier lors des débats et du prononcé de la décision
APPELANT
Monsieur [B] [I] (Personne faisant l’objet de soins)
né le 15/02/1964 à [Localité 4] (MAROC)
demeurant [Adresse 3]
Actuellement hospitalisé au GHU [Localité 5] [6]
comparant en personne, assisté de par Me Marie-Laure MANCIPOZ, avocat commis d’office au barreau de Paris,
INTIMÉ
M. LE PRÉFET DE POLICE
demeurant [Adresse 1]
non comparant, non représenté,
LIEU D’HOSPITALISATION
GHU [Localité 5] [6]
demeurant [Adresse 2]
non comparant, non représenté,
MINISTÈRE PUBLIC
Représenté par Mme M.-D. PERRIN, avocate générale,
DÉCISION
Par arrêté de la Préfecture de Police de Paris en date du 1er avril 2023, M [B] [I] a été admis en soins psychiatriques sans consentement au GHU [Localité 5] [6].
Par requête du 05 avril 2023, M. le préfet de Police de [Localité 5] a saisi le juge des libertés et de la détention de Paris aux fins de poursuite de la mesure.
Par ordonnance du 12 avril 2023, le juge des libertés et de la détention de Paris a rejeté les irrégularités soulevées, accueilli la requête et ordonné le maintien de la poursuite de l’hospitalisation complète sans consentement.
Par déclaration du 14 avril 2023 enregistrée au greffe le même jour, le conseil de M [B] [I] a interjeté appel de la dite ordonnance.
Les parties ont été convoquées à l’audience du 20 avril 2023.
L’audience s’est tenue au siège de la juridiction, en audience publique.
Par conclusions du 17 avril 2023 transmises le 18 avril 2023 et communiquées aux parties, le représentant de la Préfecture de Police de [Localité 5] sollicite la confirmation de l’ordonnance
M [B] [I] été entendu.
Suivant sa déclaration d’appel et oralement, le conseil de l’appelante sollicite l’infirmation de la décision, la levée de la mesure, reprenant les moyens suivants soulevés en première instance:
1 le défaut d’information de la commission départementale des soins psychiatriques ( CDSP)
2 La notification irrégulière de la décision de la préfecture
3 L’impossibilité de vérifier la légalité de la privation de liberté entre la fin de la garde à vue et l’arrêté d’admission
4 La mesure d’ hospitalisation devenue inadaptée
Le ministère public sollicite oralement le rejet des moyens s’agissant des exceptions d’irrégularité et sur le fond demande qu’il soit tenu compte du certificat médical de situation.
M [B] [I] a eu la parole en dernier.
Le directeur de l’établissement n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.
MOTIFS,
L’article L. 3213-1 du Code de la santé publique dispose que le représentant de l’Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d’un psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil, l’admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public.
Selon l’article L. 3211-12-1 du même Code, en sa rédaction applicable à l’espèce, l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l’Etat dans le département, n’ait statué sur cette mesure, avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de l’admission.
En cas d’appel, le premier président ou son délégataire statue dans les douze jours de sa saisine.
Sur les exceptions d’irrégularité de la procédure
-Sur le moyen tiré du défaut d’information de la CDSP,
Les compétences de la CDSP sont détaillées à l’article L3223-1 du code de la santé publique qui dispose qu’elle :
‘ 1° Est informée, dans les conditions prévues aux chapitres II et III du titre Ier du présent livre, de toute décision d’admission en soins psychiatriques, de tout renouvellement de cette décision et de toute décision mettant fin à ces soins ;
2° Reçoit les réclamations des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques en application des chapitres II à IV du titre Ier du présent livre ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale ou celles de leur conseil et examine leur situation ‘.
En application de l’article L3213-9 3° du code précité, ‘le représentant de l’Etat dans le département avise dans les vingt-quatre heures de toute admission en soins psychiatriques prise en application du présent chapitre ou du chapitre IV du présent titre ou sur décision de justice, de toute décision de maintien et de toute levée de cette mesure la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l’article L. 3222-5.’
En application de l’article L3213-1 I alinea 2 du code précité, ‘le directeur de l’établissement d’accueil transmet sans délai au représentant de l’Etat dans le département et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l’article L. 3222-5 :
1° Le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 3211-2-2 ;
2° Le certificat médical et, le cas échéant, la proposition mentionnés aux deux derniers alinéas du même article L. 3211-2-2. ‘
En l’espèce, le représentant de l’hôpital psychiatrique GHU a précisé par courriel du 19 avril 2023 que l’information de la CDSP des décisions et la transmission des pièces médicales exigées avait été effectuée par voie numérique via le logiciel Planipsy permettant à la CDSP de disposer des mêmes documents que les établissements grâce à des transmissions quotidiennes.
La préfecture a bien transmis par courriel du 19 avril 2023 son courriers en date du 03 avril 2023 par lequel il informe la CDSP de l’admission en hospitalisation complète de M [B] [I] à la date du 1er avril 2023.
Cette information donnée au-delà du délai de 24 heures a été transmise tardivement par la préfecture à la CDSP ce qui constitue une irrégularité de la procédure.
Au visa de l’article L 3216-1 du code de la Santé Publique, » l’irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n’entraîne la mainlevée de la mesure que s’il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l’objet. »En l’espèce, l’intéressé ne justifie pas avoir subi d’atteinte spécifique et qualifiée à ses droits, précisant qu’au surplus, si atteinte était portée et démontrée, celle-ci ne pourrait qu’être appréciée au regard du droit de l’intéressé à ce que sa santé et son intégrité physique soient protégées, y compris contre sa volonté.
En outre, cette irrégularité ne lui a pas causé grief puisque son état médical nécessitait de façon impérieuse le maintien de la prise en charge hospitalière au regard des circonstances de son interpellation, l’intéressé ayant été impliqué dans des dégradations sur un panneau d’affichage puis trente minutes plus tard avec un marteau sur la vitrine d’une association, sans mobile autre que celui résultant d’un sentiment de persécution à l’égard des passants. En outre, la gravité des symptômes présentés à son admission résulte du certificat médical initial du 1er avril 2023 du médecin de l’Infirmerie Psychiatrique de la Préfecture de Police de [Localité 5] corroboré ultérieurement notamment par le certificat médical des 72 heures du 04 avril 2023 confirmant le risque persistant de passage hétéro-agressif. Ainsi, compte-tenu de ses troubles mentaux et du déni à leur égard, son état ne permettait pas de consentir aux soins. Ainsi a été assuré le droit à la santé et aux soins garantis par la Constitution.
Il convient également de constater que suite à sa saisine par l’intermédiaire de son conseil le 14 avril 2023, la mesure d’hospitalisation n’a pas donné lieu à une décision de mainlevée de la part de la CDSP.
Il convient donc de rejeter le moyen, en l’absence d’atteinte aux droits démontrée.
-Sur le moyen tiré de la notification irrégulière de la décision de la préfecture
L’article L.3211-3 du code de la santé publique dispose qu’ » avant chaque décision prononçant le maintien des soins en application des articles L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3213-4 ou définissant la forme de la prise en charge en application des articles L. 3211-12-5, L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-3, la personne faisant l’objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état.
En outre, toute personne faisant l’objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale est informée :
a) Le plus rapidement possible et d’une manière appropriée à son état, de la décision d’admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;
b) Dès l’admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l’article L. 3211-12-1.
L’avis de cette personne sur les modalités des soins doit être recherché et pris en considération dans toute la mesure du possible. »
Si le code de la santé publique ne précise pas le délai entre la date de la décision et celle de sa notification, il se déduit des textes précités que celle-ci doit intervenir le plus rapidement possible et d’une manière appropriée à l’état de la santé du patient.
Il ne résulte des pièces du dossier aucune explication du délai séparant la prise de décision, intervenue le 1er avril 2023 et sa notification le 04 avril 2023.
Le conseil de l’appelant est fondé à considérer cette notification comme irrégulière non pas en raison d’une date illisible mais en raison de sa tardiveté en l’absence, notamment, de motivation quant à l’état de santé du patient rendant impossible la notification à une date antérieure.
En revanche, le certificat médical des 24 heures, établi le 02 avril 2023 à 13heures, comme le certificat médical des 72 heures établi le 04 avril 2023 à 12heures, portent la mention que le patient a été informé, de manière adaptée à son état, du projet de soins défini par ces certificats et mis à même de faire valoir ses observations par tout moyen adapté et de manière appropriée à son état.
Il s’en déduit que l’information sur la procédure de soins contraints a été portée à la connaissance de l’intéressé dès le lendemain de la décision du préfet et le surlendemain de manière adaptée.
Rien dans la procédure ne démontre que M [B] [I] aurait, dans ces circonstances subi un grief tiré du retard dans la notification administrative et la remise de la décision du préfet du 04 avril.
Ainsi, à défaut d’atteinte aux droits de la personne et en considération de sa situation qui nécessitait une prise en charge adaptée, il y a lieu de rejeter le moyen.
-Sur le moyen tiré de l’impossibilité de vérifier la légalité de la privation de liberté entre la fin de la garde à vue et l’arrêté d’admission
Il convient de constater que l’arrêté d’admission pris le 1er avril à 15h40 visant les conclusions du certificat médical initial du médecin de l’ Infirmerie Psychiatrique de la Préfecture de Police de [Localité 5] a nécessairement été pris après cet examen médical de sorte que l’absence d’horodatage du document n’entraîne aucune irrégularité portant atteinte aux droits du patient.
Il y a lieu de rejeter le moyen.
Sur le fond
Il appartient au juge de constater qu’il résulte des certificats médicaux et de la décision du préfet que les troubles mentaux compromettent la sûreté des personnes ou portent gravement atteinte à l’ordre public. Ainsi, les décisions préfectorales de maintien doivent être motivées au regard des critères d’admission prévus par la loi (Cass. 1re civ., 15 oct. 2020, n° 20-15.691, F-P : JurisData n° 2020-016235).
De même, les certificats médicaux doivent faire ressortir non seulement la nécessité de faire suivre au patient un traitement sous la forme d’une hospitalisation complète, mais également la permanence des troubles du comportement de nature à compromettre la sûreté des personnes ou à porter atteinte, de façon grave, à l’ordre public (1re Civ., 31 janvier 2019, pourvoi n° 18-23.781).
En revanche, les articles L. 3213-1, L. 3213-3 et R. 3213-3 du code de la santé publique n’exigent pas la mention, dans les certificats médicaux circonstanciés que les troubles nécessitant des soins « compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public », une telle qualification relevant, sous le contrôle du juge, des seuls pouvoirs du préfet. (1re Civ., 28 mai 2015, pourvoi n°14-15.686)
Il ressort des pièces de la procédure que l’hospitalisation de M [B] [I] fait suite à un acte hétéro-agressif sans mobile sur la voie publique tel que relaté ci-dessus dans un contexte de désorganisation psycho-comportemental.
Il ressort du certificat médical de situation établi le 19 avril 2023 par le Docteur [R] que le patient bénéficie d’une amélioration de son état. Il se comporte bien dans le service, sans dangerosité et adhère aux soins ainsi qu’à un suivi ambulatoire. Le médecin préconise le maintien en la forme des soins tout en précisant avoir demandé l’abrogation de la mesure le 17 avril 2023.
Ainsi, les conditions d’application de l’article L. 3213-1 ne se trouvent plus réunies
M [B] [I] ne présente plus des troubles importants du comportement de nature à porter une atteinte grave à l’ordre public ou à la sécurité des personnes, ces éléments justifiant la levée de cette mesure d’hospitalisation complète sous contrainte. Dès lors, il convient de confirmer l’ordonnance querellée en ce qu’elle a rejeté les exceptions d’irrégularité de la procédure et de l’infirmer sur le fond.
PAR CES MOTIFS,
Le magistrat délégataire du premier président de la cour d’appel, statuant publiquement, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire,
CONFIRMONS l’ordonnance querellée sauf en ce qu’elle a ordonné le maintien de la poursuite de l’hospitalisation complète sans consentement,
Statuant à nouveau sur ce point.
ORDONNONS la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète de M [B] [I],
LAISSONS les dépens à la charge de l’Etat.
Ordonnance rendue le 21 AVRIL 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE
Une copie certifiée conforme notifiée le 21/04/2023 par fax/courriel à :
X patient à l’hôpital
ou/et ‘ par LRAR à son domicile
X avocat du patient
X directeur de l’hôpital
‘ tiers par LS
X préfet de police
‘ avocat du préfet
‘ tuteur / curateur par LRAR
X Parquet près la cour d’appel de Paris
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