Droit du logiciel : 20 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/07434

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Droit du logiciel : 20 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/07434

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 20 AVRIL 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/07434 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCTTL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES – RG n° 19/007

APPELANTE

Madame [E] [H]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Anne-Cécile HELMER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 366

INTIMÉE

S.A.S. CLOS SEQUOIA I

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Claudia SOGNO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0145

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente

Madame Nicolette GUILLAUME, présidente

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée, rédactrice

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [E] [H] a été engagée à compter du 6 avril 2016 par la société Clos Séquoia I – Résidence de Beauregard en qualité d’aide soignante et ce, d’abord dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée puis dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.

La relation de travail relève de la convention collective de l’hospitalisation privée à but non lucratif.

Le 7 septembre 2017, un avertissement lui a été notifié pour défaut de soins apportés à un résident.

Le 4 octobre 2017, un autre avertissement a été notifié à la salariée pour absence injustifiée du 13 au 18 septembre 2017.

Le 25 octobre 2018, Mme [H] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement.

Le 7 novembre 2018, elle a été licenciée pour faute grave.

Contestant le bien fondé de son licenciement, Mme [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Villeneuve-Saint-Georges le 28 décembre 2018.

Par jugement rendu le 30 septembre 2020, notifié aux parties le 15 octobre 2020, le conseil de prud’hommes de Villeneuve-Saint-Georges a :

-fixé la rémunération mensuelle de Mme [H] à la somme de 2 028 euros,

-dit que le licenciement prononcé par la société ne repose pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse,

-condamné la société à payer à Mme [H] les sommes suivantes :

– 4 056 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 405 euros au titre des congés payés afférents,

– 1 267 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

-rappelé, conformément aux dispositions de l’article R1454-28 du code du travail, que les sommes allouées au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité légale de licenciement sont exécutoires de droit à titre provisoire dans la limite de neuf mois de salaire, étant précisé que la moyenne des salaires perçus par Madame [H] calculée sur les douze derniers mois était de 2 028 euros,

-dit en application des dispositions du code civil, que les condamnations de nature salariale porteront intérêts légaux à compter de la réception par la société Clos Séquoia I, prise en la personne de son représentant légal, de la convocation à la séance du bureau de conciliation et d’orientation soit le 9 janvier 2019,

-débouté Mme [H] du surplus de ses demandes,

-débouté la société de sa demande reconventionnelle formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné la société aux entiers dépens de la présente instance y compris les frais éventuels d’exécution forcée de la présente décision.

Par déclaration du 3 novembre 2020, Mme [H] a interjeté appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions, déposées et notifiées par voie électronique au greffe en date du 15 janvier 2021, Mme [H] demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu en ce qu’il a l’a déboutée de sa demande d’annulation de l’avertissement du 7 septembre 2017,

– annuler l’avertissement du 7 septembre 2017,

– infirmer le jugement en ce qu’il a considéré que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse,

– condamner en conséquence, la société Clos Séquoia I à lui verser 20 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Clos Séquoia I à lui verser :

*indemnité compensatrice de préavis : 4 056 euros,

*congés payés afférents : 405 euros,

* indemnité légale de licenciement : 1 267 euros,

– condamner la société Clos Séquoia I à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC,

– la condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, déposées et notifiées par voie électronique au greffe en date du 27 janvier 2021, la société Clos Séquoia demande à la cour de :

– déclarer recevable mais mal fondé l’appel interjeté par Mme [H] du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Villeneuve Saint Georges le 30 septembre 2020

– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que :

* la rémunération mensuelle brute de Madame [H] est fixée à 2 028 euros

*l’avertissement du 7 septembre 2017 est légitime et bien fondé

– réformer le jugement en ce qu’il a condamné la société Clos Séquoia 1 au paiement des sommes suivantes :

* 4 056 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

* 405 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférente à l’indemnité compensatrice de préavis

* 1 276 euros à titre d’indemnité légale de licenciement

en conséquence, et statuant à nouveau :

– dire et juger que l’avertissement du 7 septembre 2017 est légitime et bien fondé

– dire et juger que le licenciement de Madame [H] est bien fondé sur une faute grave

– débouter Mme [H] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions

– condamner Madame [H] au remboursement des sommes suivantes :

* 4 056 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

* 405 euros au titre des congés payés y afférents

* 1 267 euros à titre d’indemnité légale de licenciement

– la condamner au paiement d’une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC

– la condamner aux entiers dépens.

L’ordonnance de cloture est intervenue le 28 février 2023 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 27 mars 2023.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu’ aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS

I- Sur la demande d’annulation de l’avertissement du 7 septembre 2017

L’avertissement notifié à Mme [H] est motivé par un défaut de soins apporté à un résident.

Il est ainsi précisé aux termes de l’avertissement que le résident a été retrouvé par sa famille le 16 juin 2017 sans pansement à l’oreille alors que ce pansement, réalisé par l’infirmière le 15 juin 2017 devait être conservé jusqu’au 17 juin 2017 et qu’il a en conséquence présenté le 17 juin 2017 une altération de son état de santé nécessitant son transfert aux urgences.

L’employeur précise par ailleurs que trois aides soignantes étaient présentes à l’étage et que l’appelante est ainsi responsable collectivement avec ses collègues de ces faits.

La société intimée justifie en outre que l’infirmière et les deux autres aides soignantes présentes ont également fait l’objet d’une procédure disciplinaire, Mme M. faisant en définitive l’objet d’un licenciement compte tenu de ses absences injustifiées (pièces 17 a, 17 b et 26).

Toutefois, elle n’apporte aucun élement permettant d’établir que, contrairement à ce que soutient la salariée et aux indications qu’elle indique avoir suivi dans le logiciel dédié : ‘augmentin et soins locaux si évolution non favorable’, elle avait reçu la consigne de veiller à ce que le patient conserve un pansement jusqu’au 17 juin 2017.

L’employeur ne démontre pas non plus qu’avant le 17 juin 2017, le patient présentait des signes cliniques qui auraient dû alerter la salariée.

Le bien fondé de la sanction disciplinaire n’est donc pas établi.

L’avertissement doit donc être annulé.

II – Sur le licenciement pour faute grave

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible immédiatement le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il appartient à l’employeur d’apporter la preuve de la gravité des faits fautifs retenus et de leur imputabilité au salarié.

En l’espèce, aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché à la salariée une dégradation du climat social en raison de ses agissements répétés mettant en péril l’obligation de l’employeur de préserver la santé physique et mentale du personnel.

La société intimée rapporte ainsi que :

– Mme [Y] lui a signalé que Mme [H] lui avait fait subir des ‘pressions ayant provoqué des crises d’anxiété, des critiques véhémentes, un stress devenu insupportable’ ;

– le 7 octobre 2018, Mme [H] a modifié l’organisation du service entre les soignantes du 3ème étage en parfaite contradiction avec la procédure interne et sans autorisation au détriment de ses collègues et des résidents, ce qui a provoqué une altercation entre les aides soignantes et contraint l’infirmière à les répartir dans des étages différents afin de préserver l’ordre du service, la santé et la sécurité de Mme [Y] et le bien être des résidents ;

– trois salariés lui ont adressé des courriers faisant état de cet incident et de ses conséquences négatives sur le climat social et le bien être des résidents ;

– le 9 octobre 2018, une autre salariée a également dénoncé le comportement de Mme [H].

Pour établir les faits qu’elle reproche à la salariée, la société intimée produit aux débats :

– le courrier établi par Mme [Y] C le 2 octobre 2018 faisant état d’un climat social altéré en raison d’un groupe de personnes faisant pression sur les nouveaux embauchés générant sur sa personne par leur attitude malveillante un stress permanent et visant plus précisément Mme N. en précisant : ‘je me refuse à continuer à travailler dans ce climat délétére avec une certaine personne et je la nomme Mme [H] [E] qui par son attitude altère profondément mon moral.’ (pièce 8) ;

-un courrier établi par Mme [T], déléguée du personnel le 7 octobre 2018, indiquant avoir constaté un climat malsain régnant au 3ème étage de la résidence et avoir pris note, suite à une nouvelle dispute entre collègues, de la décision prise de faire descendre [O] pour calmer le climat et protéger les résidents (pièce 9) ;

-un courrier de Mme [Z] du 7 octobre 2018 indiquant ‘le climat social au sein du 3ème étage n’est pas propice à un travail collaboratif et notamment puisque le binôme [E] [H] et M.Y n’intègre pas [Y] (..). Ce climat est délétère pour l’accompagnement des résidents au quotidien, cette situation de travail ne peut durer plus longtemps pour le bien de tous (…)'(pièce 10) ;

-un courrier de Mme J. du 7 octobre 2018 indiquant avoir été témoin d’une altercation entre les soignantes du 3ème étage ce même jour, [E] [H] s’étant occupée d’une résidente dont [O] devait s’occuper sans l’en informer, ce qui a conduit à une altercation entre les trois soignantes [E] [H],M.Y et [O], lesquelles ont alors toutes trois refusé de s’occuper d’une autre résidente. Mme J. précise en outre que ‘les soignantes ne communiquent pas entre elles et que, lorsqu’elles le font, elles parlent fort et pourraient en venir aux mains’ et’la mauvaise ambiance de travail qui règne au 3ème étage est néfaste à ‘la prise en soins’ des résidents.'(pièce 11) ;

– un courriel de Mme [V]. faisant état d’un climat désagrèable en raison d’un groupe d’anciens salariés faisant pression sur les nouveaux embauchés générant, compte tenu de leur comportement, sur sa personne stress et découragement (pièce 12) ;

-un témoignage de Mme [O] reprenant les termes de son courrier et faisant état de la disparition des tensions depuis le départ de Mme [H] (pièce 18);

-un témoignage de Mme [V] reprenant également les termes de son courrier précité (pièce 19) ;

– un témoignage de Mme J. reprenant aussi les termes de son courrier et précisant en outre que l’altercation entre soignantes a démarré du fait que [E] [H] avait modifié l’organisation de travail sans son autorisation et sans prévenir sa collègue [O] (pièce 20) ;

– un témoignage de Mme [I], cadre de santé, indiquant que Mme [H] n’avait pas pouvoir pour modifier l’organisation du service (pièce 21) ;

– un témoignage de Mme [Z], secrétaire,reprenant son courrier précité, précisant que Mme [O] était venue la voir en pleurant pour lui expliquer qu’elle ne voulait plus travailler avec D.N. et M.Y. et indiquant que le climat social tendu était imputable au comportement de Mme [H] (pièce 22)

– un témoignage de Mme [T], déléguée du personnel, reprenant son courrier précité (pièce 23).

Pour sa part, la salariée produit au débat ;

-le témoignage de trois de ses collègues faisant état de son comportement professionnel, solidaire et adapté (pièces 23, 24 et 25) ;

– son évaluation annuelle 2017/2018 dont il ressort notamment qu’elle est une bonne professionnelle, que les résidents sont bien pris en charge et dans lequel il est également noté ‘une très bonne entente avec les collègues’ (pièce 7) ;

– une lettre de la direction du 15 juin 2018 lui octroyant une prime de 750 euros compte tenu de ‘l’excellente qualité’ de son travail, faisant état de ses efforts et de son investissement ayant permis de proposer aux résidents un accompagnement de qualité et la remerciant pour son ‘formidable’ travail (pièce 8).

Ainsi, s’il ressort des pièces produites au débat par l’employeur que la salariée a modifié l’organisation du service le 7 octobre 2018 alors qu’elle n’avait pas qualité pour le faire et qu’elle a adopté un comportement inadapté avec Mme [O] dont celle-ci s’était préalablement plainte , il convient d’observer qu’ à l’exception de l’altercation du 7 octobre 2018, les témoins ne relatent aucun fait précis permettant de démontrer l’attitude inadaptée et agressive de l’appelante à l’égard de ses collègues.

En outre, et alors que Mme M.Y., 3ème aide soignante de l’étage est également mise en cause par les témoins, l’employeur ne justifie ni l’avoir entendue ni avoir pris une quelconque mesure à son encontre.

Aussi et alors qu’ il ressort des pièces produites au débat par la salariée que quelques mois auparavant l’employeur l’avait félicitée pour son travail et son comportement, la mesure de licenciement disciplinaire est disproportionnée aux faits reprochés.

Le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Tenant compte de l’âge de la salariée à la date de son licenciement (56 ans), de son salaire moyen mensuel (2 028 euros bruts), de son ancienneté (2 ans), des difficultés qu’elle justifie avoir rencontré pour retrouver un emploi (indemnisation par Pôle Emploi jusqu’à août 2019 puis embauches successives dans le cadre de contrats de travails à durée déterminée jusqu’à janvier 2020), il lui sera alloué une somme de 7000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par application l’article L.1235-3 du code du travail et conformément au barème applicable.

III- Sur les autres demandes

En raison des circonstances de l’espèce, il apparaît équitable d’allouer à Mme [H] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles engagés dont le montant sera fixé au dispositif.

La société Clos Séquoia I – Résidence de Beauregard qui succombe sera déboutée de ses demandes à ce titre et condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement en ce qu’il a :

– condamné la société Clos Séquoia I – Résidence de Beauregard à payer à Mme [H] les sommes suivantes :

– 4 056 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 405 euros au titre des congés payés afférents,

– 1 267 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

-condamné la société Clos Séquoia I – Résidence de Beauregard aux dépens,

– débouté la société Clos Séquoia I – Résidence de Beauregard de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement pour le surplus,

ANNULE l’avertissement notifié le 7 septembre 2017,

CONDAMNE la société Clos Séquoia I – Résidence de Beauregard à verser à Mme [H] :

-7 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 2 000 euros au titre des frais irrépétibles

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la société Clos Séquoia I – Résidence de Beauregard aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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