Droit du logiciel : 2 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02046

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Droit du logiciel : 2 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02046

C1

N° RG 21/02046

N° Portalis DBVM-V-B7F-K3NZ

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY

la SCP ALPAZUR AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 02 MAI 2023

Appel d’une décision (N° RG F 20/00076)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GAP

en date du 12 avril 2021

suivant déclaration d’appel du 03 mai 2021

APPELANTE :

S.A.R.L. AURALP, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Franck MILLIAS de la SELARL BGLM, avocat plaidant inscrit au barreau de HAUTES-ALPES,

INTIME :

Monsieur [M] [G]

né le 04 Mars 1959 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Jean-Pierre AOUDIANI de la SCP ALPAZUR AVOCATS, avocat au barreau de HAUTES-ALPES, substitué par Me Nicolas WIERZBINSKI, avocat au barreau des HAUTES-ALPES,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,

Madame Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

Assistées lors des débats de Mme Mériem CASTE-BELKADI, en présence de Mme Elora DOUHERET, Greffière stagiaire,

DÉBATS :

A l’audience publique du 06 mars 2023,

Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère chargée du rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

Exposé du litige :

M. [G] a été engagé le 6 juillet 2002 par la SARL AURALP, société d’expertise comptable et de commissariat aux comptes, en qualité de responsable du cabinet de [Localité 4], dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée avec prise d’effet fixée au 4 novembre 2002.

La SARL AURALP et la société LYR & ASSOCIES, composent le groupe LYE-ASSOCIES-AURALP et sont liées par une convention de prestation de services et une convention de collaboration.

A compter du 3 octobre 2016, Mme [L] a été embauchée au sein de la société LYE & ASSOCIES, afin d’intégrer le cabinet de [Localité 4].

Du 25 novembre au 12 décembre 2016, M. [G] a été placé en arrêt de travail.

Le 14 mars 2017, Mme [L] a été placée en arrêt de travail.

Le 15 mars 2017, M. [G] a été de nouveau placé en arrêt de travail.

Par courrier du 17 mars 2017, Mme [L] a informé son employeur de sa volonté de quitter la société en raison de1’attitude de M. [G] à son égard.

En date du 22 et 23 mars 2017, la direction a auditionné les salariés du cabinet de [Localité 4].

Le 24 mars 2017, M. [G] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement assorti d’une mise à pied à titre conservatoire.

Le 10 avril 2017, il s’est vu notifier son licenciement pour faute grave.

M. [G] a saisi le Conseil de prud’hommes de Gap le 11 avril 2018 aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement pour faute grave et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement du 12 avril 2021, le Conseil de prud’hommes de Gap a :

– Ecarté la faute grave du salarié,

– Dit que M. [G] a été licencié sans cause réelle et sérieuse,

– Reçu partiellement les demandes formées par le salarié,

– Condamné la SARL AURALP prise en la personne de son gérant en exercice, à régler à M. [G] :

2 541,48 euros bruts au titre du salaire correspondant à la période de mise à pied,

254,14 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférent à la mise à pied conservatoire,

11 285,34 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

1 128,53 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférent au préavis,

20 500 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

50 784,03 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Dit que l’abondement sur le compte épargne salarié de M. [G] a été réglé,

– Débouté M. [G] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité,

– Condamné la SARL AURALP à régler à M. [G] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Dit que pour les créances salariales les intérêts légaux courent à compter du 13 avril 2018,

– Dit que pour les créances indemnitaires les intérêts légaux courent à compter du prononcé du jugement,

– Dit que les intérêts échus du capital produiront intérêts pour ceux dus au moins pour une année entière,

– Ordonné l’exécution provisoire sur la totalité du jugement,

– Débouté M. [G] du surplus de ses demandes,

– Débouté la SARL AURALP de ses demandes reconventionnelles,

– Condamné la SARL AURALP aux dépens de l’instance, y compris les éventuels frais d’exécution du présent jugement par voie d’huissier,

– Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La décision a été notifiée aux parties et la SARL AURALP en a interjeté appel.

Par conclusions du 23 janvier 2023, la SARL AURALP demande à la cour d’appel de :

– Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Gap en date du 12 avril 2021 en ce qu’il a fait droit aux demandes de M. [G],

A titre principal :

– Dire et juger que M. [G] s’est rendu coupable d’harcèlement moral constitutif d’une faute grave,

– Dire et juger bien-fondé le licenciement pour faute grave de M. [G] notifié par la SARL AURALP,

– Débouter M. [G] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

A titre reconventionnel, condamner M. [G] au paiement d’une indemnité de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts compensant le préjudice matériel et moral occasionné à la SARL AURALP,

– Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Gap en date du 12 avril 2021 en ce qu’il a débouté M. [G] de sa demande d’abondement de son compte épargne salarié et de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité,

– Condamner M. [G] à payer à la SARL AURALP la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Condamner M. [G] aux dépens.

Par conclusions en réponse du 4 octobre 2022, M. [G] demande à la cour d’appel de :

– Débouter la Société AURALP de son appel,

– Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement notifié par la Société AURALP pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 avril 2017 est abusif, et en ce qu’il a condamné en conséquence la Société AURALP au paiement des sommes suivantes :

Au titre du salaire correspondant à la période de mise à pied la somme de 2 541,48 euros, outre les congés payés y afférents pour la somme de 255,14 euros,

Au titre du préavis de licenciement, la somme de 11 285,34 euros outre les congés payés y afférents pour 1 128,53 euros,

– Réformer le jugement de première instance en ce qu’il l’a débouté de sa demande en paiement de la somme de 736,92 euros au titre de l’abondement non effectué en 2016 par la SARL AURALP sur son compte épargne salarié et condamner en conséquence la SARL AURALP au paiement de cette somme de 736,92 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la requête et avec capitalisation annuelle des intérêts par application de l’article 1343-2 du code civil,

– Réformer encore le jugement de première instance en ce qu’il a fait application du plafond de l’article L. 1 235-3 du code du travail pour limiter l’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 50 784,03 euros et dire non applicable et non opposable à son encontre l’application de l’article L. 1235-3 du code du travail,

– Condamner eu égard à l’importance du préjudice qu’il a subi et à son ancienneté, la SARL AURALP au paiement de la somme de 150 000 euros de dommages et intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts capitalisés à compter de l’arrêt à intervenir par application de l’article 1343-2 du code civil,

Subsidiairement sur ce point, et si la cour d’appel devait encore faire application du plafond, fixer l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 50 784,03 euros,

– Réformer le jugement de première instance en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect par la SARL AURALP de son obligation de sécurité et condamner en conséquence, la SARL AURALP en réparation du préjudice subi au paiement d’une somme complémentaire de 50 000 euros de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir avec capitalisation des intérêts par application de l’article 1343-2 du code civil,

– Débouter enfin la SARL AURALP de sa demande de dommages et intérêts dirigée à son encontre, ainsi que sa demande en paiement d’une somme de 8 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

– Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a condamné la SARL AURALP au paiement de la somme de 2 700 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens et en ce qu’il a dit que les créances salariales portent intérêt au taux légal à compter du 13 avril 2018,

– Condamner la SARL AURALP à lui payer la somme complémentaire de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour d’appel et condamner la Société AURALP aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 février 2023 et l’affaire a été fixée pour être plaidée au 6 mars 2023.

L’affaire a été mise en délibéré au 02 mai 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR QUOI :

Sur la demande au titre de l’obligation légale de sécurité :

Moyens des parties,

M. [G] soutient que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité. En effet, il expose que :

– Il a été confronté depuis le changement d’associés et de dirigeants de la société AURALP et de la société LYE ET ASSOCIES à partir de 2015, à une désorganisation croissante du cabinet avec le départ de deux collaboratrices expérimentées de la société LYE ET ASSOCIES à compter de septembre 2016, non remplacées,

– Son employeur était informé de cette situation et a engagé uniquement une personne non formée,

– Son état de santé s’est dégradé en raison du stress subi et il a été placé en arrêt de travail pour « burn out » à deux reprises.

La SARL AURALP conteste avoir manqué à son obligation de sécurité à l’endroit du salarié, exposant que :

– Les difficultés du cabinet de [Localité 4] sont exclusivement imputables à M. [G],

Il a refusé de mettre en ‘uvre les mesures correctives requises par son employeur,

– L’employeur a procédé à des recrutements pour pallier les absences des salariés ayant quitté l’entreprise,

– L’employeur a mis en place des outils notamment informatiques pour améliorer le fonctionnement du cabinet,

– Certains dossiers étaient traités directement depuis [Localité 5] afin de permettre la résorption du retard accumulé.

Réponse de la cour,

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

Aux termes de l’article L. 4121-2 du code du travail, dans sa version applicable au litige, l’employeur met en ‘uvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

L’employeur est ainsi tenu, vis-à-vis de son personnel, d’une obligation de sécurité, en vertu de laquelle il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de chaque salarié.

En cas de litige, il lui incombe de justifier avoir pris des mesures suffisantes pour s’acquitter de cette obligation.

Tel est le cas lorsque l’employeur justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et 2, les juges du fond pouvant alors en déduire une absence de manquement à l’obligation de sécurité de résultat.

Il n’est pas contesté par la SARL AURALP que deux collaboratrices du cabinet de [Localité 4], dirigé par M. [G], ont quitté les effectifs de la société en juin 2015 (Mme [R] placée en arrêt de travail pour cause de maladie, puis licenciée pour inaptitude physique à son poste de travail et impossibilité de reclassement), puis en octobre 2016 (Mme [P] dans le cadre d’une rupture conventionnelle).

En outre, M. [G] allègue, et n’est pas contredit par la SARL AURALP sur ce point, qu’une salariée embauchée sous contrat de travail à durée déterminée, Mme [E], qui lui donnait satisfaction, n’a pas vu son contrat renouvelé ou transformé en contrat de travail à durée indéterminée à l’issue de la sa période d’embauche en juin 2016, M. [G] produisant une attestation de cette dernière dans laquelle celle-ci indique qu’elle a été salariée de la société en qualité de comptable de septembre 2015 à juin 2016, que M. [G] était son responsable hiérarchique et qu’elle a pu apprendre et évoluer professionnellement à ses côtés.

Il doit être constaté que la SARL AURALP ne fournit à la cour d’appel aucune explication sur sa décision de ne pas poursuivre la relation de travail avec Mme [E].

Pour justifier qu’il a alerté son employeur de difficultés liées à une surcharge de travail en lien avec les départs des salariées susvisées, M. [G] verse aux débats un courriel du 17 octobre 2016 à 19h09 qu’il a adressé aux gérants de la SARL AURALP dans lequel il indique que, Mme [P] est en arrêt de travail, qu’il travaille le samedi et le dimanche matin, et que les mois à venir seront difficiles : « [O] est de nouveau en arrêt jusqu’à la fin’ donc tva à établir sans elle etc. ‘ peu de choses ont été établies par elle la semaine dernière vu l’état psychique. Recrutement : rien de nouveau’ même pas sûr pour [T] (fin contrat de travail à durée déterminée chez Urbania). J’ai quand même réussi à sortir les sept dossiers au 30/06/2016 ce samedi et dimanche matin (sans l’aide d'[O]). Les mois à venir vont être difficiles’ je suis dans la m’ ».

En outre, le salarié produit ses fiches horaires pour les années 2014, 2015 et 2017, desquelles il ressort une augmentation significative de sa durée de travail au cours de l’année 2016, malgré les arrêts de travail au cours de cette année, par comparaison avec les années précédentes.

Enfin, le salarié établit qu’il a fait l’objet d’un arrêt de travail du 25 novembre au 9 décembre 2016, et verse aux débats une attestation de son médecin traitant du 8 avril 2017, dans laquelle celui-ci indique qu’il a examiné M. [G] le 25 novembre 2016 et le 14 décembre 2016, dates auxquelles il « présentait ses premières manifestations anxiodépressives », et que le salarié « alléguait à ce moment-là des troubles du sommeil et de l’humeur liés à ses conditions de travail ‘ difficultés de recrutement ». Le Dr [B] ajoute que M. [G] est revenu en consultation « pour des motifs similaires les 15/03/17, 27/03/17, 06/04//16 et 08/04/17, pour des problèmes dans ses conditions de travail. Il présentait cliniquement des manifestations anxiodépressives, avec notamment un test OMS d’hamilton effectué le 27/03/17 cotant un syndrome dépressif à 21 (dépression modérée à sévère). Il alléguait toujours à ces dates des troubles du sommeil, des troubles gastrointestinaux et une perte d’appétit ».

Ces éléments, pris ensemble, sont suffisants pour établir une détérioration des conditions de travail du salarié, trouvant leur origine dans une diminution des effectifs de l’agence de [Localité 4] et une surcharge consécutive de travail, ayant entraîné une atteinte à la santé de M. [G], se caractérisant notamment par un syndrome anxiodépressif.

En outre, la cour d’appel retient que le courriel susvisé du 17 octobre 2016, eu égard aux autres éléments connus de l’employeur, constitue une alerte suffisamment claire du salarié sur les difficultés qu’il rencontrait alors, justifiant une intervention de l’employeur dans le but de sauvegarder la santé et la sécurité du salarié, conformément à son obligation de sécurité.

La SARL AURALP, qui conteste avoir manqué à son obligation de sécurité à l’égard du salarié, échoue à démontrer avoir pris toutes les mesures à sa disposition pour sauvegarder la santé de M. [G] eu égard à la détérioration de ses conditions de travail telle qu’établie par celui-ci.

En effet, elle ne peut valablement reprocher au salarié d’avoir continué d’utiliser des méthodes de travail inadaptées, aggravant sa charge de travail, en raison de son prétendu refus d’utiliser les moyens informatiques mis à sa disposition, et notamment le logiciel Quadratus, alors qu’elle ne démontre pas qu’elle a mis en place une action de formation en sa faveur, ce que réfute le salarié.

La seule attestation de Mme [R] produite aux débats est, à elle seule, insuffisante pour démontrer le refus répété du salarié de se conformer aux méthodes de travail de l’employeur, celui-ci ne versant aux débats aucun document probant enjoignant au salarié de modifier sa manière de travailler, alors même que la SARL AURALP soutient qu’elle a dû, à plusieurs reprises, se déplacer au cabinet de [Localité 4] pour évaluer le retard accumulé par le salarié.

Par ailleurs, les éléments produits par l’employeur (attestation de M. [V], gestionnaire de paies et des documents internes de suivi de dossiers clients desquels il ressort que le gérant de l’entreprise, M. [Y] a pris en charge certaines tâches à la fin de l’année 2016), sont insuffisants pour établir que le surplus de travail généré par les départs de salariées susvisées aurait été absorbé par le cabinet de Gap, comme conclu par l’employeur, faute de précision et d’éléments objectifs versés aux débats permettant à la cour d’appel de quantifier précisément la quantité de travail prise en charge par le cabinet de Gap par comparaison avec la charge de travail au sein du cabinet de Briançon après la diminution de ses effectifs.

S’agissant du recrutement de Mme [L] en octobre 2016, la SARL AURALP ne conteste pas que celle-ci n’était pas une salariée expérimentée et qu’elle nécessitait d’être formée en interne. Dès lors, il ne peut être soutenu par l’employeur que ce recrutement aurait permis de résorber le surplus de travail résultant du départ de deux collaboratrices expérimentées, l’employeur ne contestant pas que la formation de la salariée reposait par ailleurs sur M. [G]; celui-ci démontrant qu’il s’est attelé à cette tâche par la production d’un courriel en date du 30 décembre 2016 dans lequel le salarié fait un compte-rendu détaillé d’un travail de la salariée et un certain nombre de remarques précises visant à sa formation et l’amélioration de la qualité de son travail.

La cour d’appel relève que par un courriel du 3 janvier 2017, le gérant de la SARL AURALP, en copie du courriel susvisé du 30 décembre 2016, a demandé à M. [G] de « le tenir au courant pour la suite et voir s’il y a progression », ce dont il résulte que l’employeur avait une pleine connaissance des difficultés rencontrées avec Mme [L] s’agissant de ses limites professionnelles.

S’il ressort des pièces versées par les parties et des moyens échangés que la SARL AURALP a rencontré des difficultés pour recruter, cette difficulté, au demeurant non démontrée par l’employeur qui ne justifie pas précisément des différentes démarches entreprises en vue de recruter, ne peut, à elle seule, justifier l’absence de prise en compte des difficultés rencontrées par le salarié, et la mise en place de mesures concrètes visant à préserver sa santé et sa sécurité.

Enfin, la SARL AURALP ne peut valablement exciper du fait que le départ de ces deux salariées serait dû à l’attitude de M. [G] en sa qualité de supérieur hiérarchique à leur égard, dès lors qu’il ressort du dossier que l’employeur n’a eu connaissance des raisons invoquées par ces deux salariés mettant en cause M. [G] pour justifier leur départ de l’entreprise qu’au cours de l’enquête qu’il a menée en lien avec les allégations de Mme [L], et dans le cadre de la procédure juridictionnelle; la SARL AURALP alléguant au contraire dans ses conclusions que jusqu’au courrier de Mme [L] du 17 mars 2017, dans lequel celle-ci a exprimé la volonté de quitter l’entreprise en raison de l’attitude de M. [G] à son égard, elle n’avait jamais eu à douter des qualités professionnelles du salarié, notamment en tant que manager d’équipe.

Le fait qu’aussi bien Mme [R] que Mme [P] aient indiqué, dans le cadre d’attestations versées aux débats, qu’elles imputaient la responsabilité de leur départ à l’attitude de M. [G] en sa qualité de supérieur hiérarchique, ne peut donc être invoqué par la SARL AURALP pour justifier de son absence d’action à la détérioration, au motif que le salarié serait responsable des propres difficultés qu’il rencontrait à la suite du départ de ces deux collaboratrices expérimentées.

Eu égard à l’ensemble de ces constations, il y a lieu de retenir que la SARL AURALP a manqué à son obligation de sécurité à l’égard de M. [G], ayant entraîné une atteinte à sa santé psychique, telle que démontrée par le salarié, justifiant la condamnation de son employeur à lui payer la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, par infirmation du jugement déféré de ce chef.

Sur le bien-fondé du licenciement :

Moyens des parties :

La SARL AURALP soutient que le licenciement pour faute grave de M. [G] est fondé sur les griefs suivants:

– M. [G] a adopté un comportement constitutif de harcèlement moral à l’égard d’une collaboratrice, Mme [L],

– Il a refusé de former le personnel recruté par la société Auralp,

– Il s’emporte régulièrement violemment, et a pris pour habitude, en cas de contrariété, de quitter inopinément son poste de travail,

– Il refusait de se conformer aux directives de la Gérance concernant l’utilisation du logiciel Quadratus et sa participation aux formations relatives à ce logiciel.

M. [G] conteste avoir commis une faute grave, et expose que :

– L’absence d’utilisation du logiciel Quadratus est justifiée par une absence de formation,

– Il n’existe pas de lien juridique et hiérarchique entre la société LYE ET ASSOCIES et ses employés (dont Mme [L]) d’une part, et lui-même d’autre part,

– Le dysfonctionnement d’organisation du cabinet de [Localité 4] relève de la responsabilité de l’employeur,

– Il a dû compenser le manque d’expérience et de compétences de Mme [L],

– Il n’a commis aucun harcèlement moral envers Mme [L].

Réponse de la cour,

Aux termes des articles L. 1152-1 et L. 1152- 2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Par ailleurs, il est de principe que l’employeur, qui est tenu en vertu de l’article L. 4121-1 du code du travail envers ses salariés d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, notamment en matière de harcèlement moral, l’absence de faute ne pouvant l’exonérer de sa responsabilité, doit également répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés.

Selon les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié.

Cette lettre, qui fixe les limites du litige, ce qui interdit à l’employeur d’invoquer de nouveaux griefs et au juge d’examiner d’autres griefs non évoqués dans cette lettre, doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables permettant au juge d’en apprécier la réalité et le sérieux.

 

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi, l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Selon l’article L. 1235-2 du même code, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l’employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d’Etat.

La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement. A défaut pour le salarié d’avoir formé auprès de l’employeur une demande en application de l’alinéa premier, l’irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.

Il est de principe que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’intéressé au sein de l’entreprise même pendant la durée du préavis. La mise en ‘uvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs mais le maintien du salarié dans l’entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La gravité de la faute s’apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l’ancienneté du salarié et des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié et de l’existence ou de l’absence de précédents disciplinaires. L’existence d’un préjudice subi par l’employeur en conséquence du comportement reproché au salarié n’est pas une condition de la faute grave.

Si le juge ne peut ajouter d’autres faits à ceux invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l’employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Aux termes de la lettre de licenciement du 10 avril 2017, la SARL AURALP reproche à M. [G] :

D’avoir adopté une attitude constitutive d’un harcèlement moral à l’égard d’une salariée sous sa direction, Mme [L],

Des emportements non justifiés,

Un refus de se former et d’organiser convenablement son travail.

Pour établir que M. [G] a adopté des comportements à l’égard de Mme [L] caractérisant un harcèlement moral à son encontre, la SARL AURALP verse aux débats :

Un courrier du 17 mars 2017 de l’intéressée adressé aux gérants de la SARL AURALP, Mme [J] et M. [Y], dans lequel celle-ci leur fait part de sa décision de quitter le cabinet en raison de l’attitude de M. [G], la salariée mentionnant plusieurs faits précis et datés de M. [G] à son encontre, parmi lesquels :

Le 31 octobre 2016, M. [G] se serait énervé à son encontre pour un travail mal fait, aurait jeté les classeurs sur le bureau, tapé du poing sur le bureau et l’aurait fait pleurer ;

En janvier 2017 : M. [G] l’aurait évitée, aurait cessé de la saluer, et de lui transmettre directement certaines explications qu’il fournissait à d’autres salariés, passant par une autre salariée pour lui transmettre des informations ou des documents, lui aurait reproché de ne pas venir le saluer dès son arrivée au cabinet, se serait interrogé ironiquement sur l’origine de son diplôme, sous-entendant qu’elle ne serait pas compétente ;

En février 2017 : M. [G] lui aurait retiré certains dossiers qui lui avaient été affectés. Il ressort par ailleurs de ce courrier, ce que ne contredit pas le salarié, que Mme [L] a été placée en arrêt de travail à compter du 13 mars 2017, après que M. [G] lui eut reproché injustement, selon elle, de divertir les autres salariés à son arrivée au cabinet.

Un courriel de Mme [L] adressé à M. [Y] le 21 décembre 2016 par lequel elle lui fait part de son refus d’accepter un contrat de travail à durée indéterminée, la salariée disant préférer dans un premier temps un contrat de travail à durée déterminée, afin de « voir si l’ambiance qui n’a pas été bonne dès le début s’améliore », celle-ci ajoutant « Mon but est de rester après bien sûr’ mais pas dans les mêmes conditions »,

Un courrier du 27 avril 2021 du Dr [S], médecin du travail, qui rend compte d’un entretien du même jour avec Mme [L], dans lequel il est fait état d’une atteinte à la santé de la salariée de type « stress post traumatique », « ayant nécessité arrêt de travail et prise en charge médicale soutenue », résultant de la situation vécue dans les locaux de travail de la part du directeur d’agence, devant ses collègues de travail, pendant une durée longue et de manière journalière. Le Dr [S] ajoute que la salariée conserve à ce jour « des séquelles de cette atteinte, avec réactivation des signes lors de différentes situations », notamment en raison de la procédure juridictionnelle en cours, qui nécessitent de nouveau des soins,

Des questionnaires adressés à plusieurs salariés du cabinet de [Localité 4] dans le cadre d’une enquête réalisée par l’employeur à la fin du mois de mars 2017 à la suite de la réception du courrier susvisée de Mme [L] du 17 mars 2017.

S’agissant de l’enquête interne que l’employeur est tenue de mettre en ‘uvre après qu’il a été informé d’une situation de harcèlement moral, sauf à manquer à son obligation de prévention des situations de harcèlement moral, la cour d’appel rappelle que celle-ci n’est ni définie ni encadrée précisément par le code du travail.

Ainsi, aucune disposition légale ou réglementaire n’impose à l’employeur d’entendre le salarié visé par des allégations de harcèlement moral de manière contradictoire, celui-ci n’ayant pas notamment à organiser de confrontation entre les différents intéressés, l’enquête devant seulement permettre à l’employeur de décider s’il estime ou non qu’une situation de harcèlement moral est en cours, afin de prendre les mesures à même de la faire cesser, conformément à son obligation de sécurité, et, éventuellement, de sanctionner disciplinairement le salarié sur le fondement des résultats de cette enquête selon sa propre appréciation de la situation, le salarié ayant toujours la possibilité de contester par la voie judiciaire la décision prise par son employeur à son encontre.

M. [G] ne peut donc valablement soutenir que les éléments de cette enquête seraient dépourvus de valeur probante au motif qu’il n’aurait pas été entendu de manière contradictoire.

Au surplus, il doit être relevé que M. [G] a eu la possibilité de faire entendre sa version des faits dans le cadre de l’entretien préalable à son éventuel licenciement qui a eu lieu le 4 avril 2017, le salarié reconnaissant dans ses conclusions qu’au cours de cet entretien « une discussion a été engagée quant aux relations entre une salariée d’un autre cabinet comptable LYE ET ASSOCIE, Madame [I] [L] » et lui-même.

Il ressort des questionnaires remplis par plusieurs salariées au cours de l’enquête interne menée par l’employeur que :

Mme [F] [N] indique que de son poste, elle a entendu M. [G] « crier sur [I] (Mme [L]), alors qu’ils étaient dans le bureau de M. [G], puis [I] est redescendue en pleurs quelques minutes plus tard » ; que M. [G] le matin ne salue par Mme [L], ou qu’il ne le fait pas amicalement, mais rapidement sans vraiment la regarder ; que le 13 mars 2017, il a dit sur un « ton très agressif » à Mme [L], qui était venue la saluer dans son bureau et alors qu’elles discutaient de leur week-end à 8h00 : « [I], si c’est pour arriver 10 minutes avant, parler et déranger [F] qui travaille, non hein ! », qu’il lui a ensuite demandé de monter dans son bureau où il s’est révélé très agréable à son égard, Mme [N] en déduisant qu’il n’était pas de mauvaise humeur, et qu’il s’en est uniquement pris sur un ton déplacé à Mme [L], alors qu’il aurait dû les reprendre toutes les deux sur un ton adapté ; que M. [G], alors que Mme [L] avait laissé un feuille de notes sur le bureau de Mme [N], a dit, en voyant la feuille et constatant qu’elle était de la main de Mme [L] : « Ce n’est pas intéressant », qui l’a prise et l’a jetée à la poubelle ; Mme [N] indique qu’il existe une différence de traitement entre elle et Mme [L], qui lui semble « injustifiée et injuste », à l’origine d’une « ambiance pesante » au sein du cabinet ; elle a constaté à plusieurs reprises que Mme [L] était « triste, voire en larmes » en raison de ses difficultés avec M. [G], et qu’elle lui avait confié à plusieurs reprises qu’elle n’avait pas envie de venir travailler pour ces mêmes raisons ;

Mme [D] [W] confirme l’attitude distante de M. [G] à l’égard de Mme [L], et indique que celui-ci a retiré des dossiers de Mme [L] pour les lui confier « afin de ne pas travailler avec elle ou le moins possible », que M. [G] a dit de Mme [L] qu’elle est « molle insolente et irrespectueuse », qu’il parle d’elle en l’appelant « l’autre », qu’il n’accepte pas qu’elle ne vienne pas le saluer dès son arrivée le matin, et ne supporte pas qu’elle échange quelques mots avec les autres salariées, comme toutes le font, Mme [W] évoquant également une ambiance « pesante », et une incompréhension face à l’attitude de M. [G] à l’égard de Mme [L] ;

Mme [O] [U] indique qu’elle travaille depuis plus « d’une dizaine d’années avec M. [G] » et que « jamais (elle) ne l’a vu se comporter ainsi envers le personnel et qu'(elle) ne comprend son attitude envers [I] (Mme [L]) » ; que M. [G], s’agissant d’une altercation ayant eu lieu le 31 octobre 2016 avec Mme [L], lui aurait dit qu’elle « lui avait manqué de respect, qu’il n’allait pas se laisser faire par une gamine, et qu’il avait élevé le ton jusqu’à la faire pleurer parce qu’elle lui tenait tête » ; qu’elle a constaté que Mme [L] pleurait souvent, et qu’elle disait venir au travail « à contrec’ur avec une boule au ventre » ; que le 15 mars 2017, M. [G] est venu la voir dans bureau et lui a dit que « ça n’allait pas, qu’il n’y arriverait pas, tout ça à cause de cette pétasse de [I] » ; Mme [U] exprime par ailleurs son incompréhension face à l’attitude de M. [G] à l’égard de Mme [L], évoquant une attitude « agressive ou d’indifférence froide ».

S’agissant du retrait de dossiers, le salarié, qui allègue que celui-ci était justifié dans le cadre d’un rééquilibrage de portefeuilles entre celui de Mme [L] et Mme [N], à la demande d’une autre salariée, ne soutient ni ne démontre qu’il aurait informé directement Mme [L] de sa décision.

M. [G] ne peut justifier ses propos offensants à l’encontre de Mme [L], tels qu’ils sont rapportés par elle-même et corroborés par les éléments recueillis par l’employeur dans le cadre de son enquête, au motif que Mme [L] ne venait pas le saluer le matin, M. [G], en sa qualité de directeur, étant tout particulièrement tenu d’adopter des méthodes managériales n’impliquant aucune attitude blessante, offensante ou condescendante à l’égard des personnes à l’encontre desquelles il exerçait une autorité de droit ou de fait.

Il est sans incidence que Mme [L] ait été engagée non par la SARL AURALP mais par la société CABINET LYE & ASSOCIE, dès lors, d’une part, qu’il n’est pas contestable, eu égard aux différents courriels de M. [G] adressés à différents salariés du cabinet de [Localité 4] produits par l’employeur, et le courriel susvisé que M. [G] a lui-même adressé à Mme [L] le 30 décembre 2016 dans lequel il lui adresse des remarques sur un travail et lui adresse des consignes pour l’avenir (« Merci de tenir compte de mes observations pour les dossiers à venir et de venir me voir pour en discuter dans un souci d’efficacité pour tous »), que M. [G] exerçait bien, en sa qualité de directeur dudit cabinet, une autorité de fait sur ces différents employés, y compris Mme [L], d’autre part, qu’un harcèlement moral peut être commis indépendamment de tout lien de subordination hiérarchique entre deux salariés exerçant leurs fonctions respectives sur un même lieu de travail.

En outre, la SARL AURALP verse aux débats une convention de collaboration et une convention de prestation de services entre la société CABINET LYE & ASSOCIES et la SARL AURALP, aux termes de laquelle, entre autres, la société CABINET LYE & ASSOCIES s’est engagée à mettre à la disposition de la SARL AURALP « le personnel qualifié pour le temps et aux époques qu’AURALP estimera nécessaires pour ses missions techniques et moyennant une facturation au prix de vente client minoré de 20 % », ce dont il résulte l’existence d’une autorité de fait entre le salarié et les employés de la société CABINET LYE & ASSOCIES mis à la disposition de la SARL AURALP sur le site de [Localité 4].

M. [G] ne peut non plus valablement exciper du fait que la salariée était inexpérimentée et qu’elle ne donnait pas satisfaction à des clients de la société pour justifier son attitude à l’égard de cette dernière, les éventuelles lacunes professionnelles d’un salarié ne pouvant justifier l’adoption par un supérieur hiérarchique ou un collaborateur direct ou indirect du salarié intéressé de comportements caractérisant un harcèlement moral.

Eu égard à l’ensemble de ces constatations, les témoignages précis recueillis par l’employeur dans le cadre de son enquête interne, qui concordent avec les faits évoqués par Mme [L] dans son courrier susvisé du 17 mars 2017, démontrent que M. [G] a adopté des comportements répétés constitutifs un harcèlement moral à l’encontre de Mme [L], caractérisé notamment par le retrait de dossiers, une attitude distante et méprisante, et le recours à des propos agressifs inadaptés dans le contexte du travail.

Pour démontrer que l’attitude du salarié rendait impossible la poursuite du contrat de travail, la SARL AURALP verse aux débats :

Une attestation de Mme [A] [R], de laquelle il ressort que M. [G] avait adopté une attitude à son encontre similaire à celle adoptée à l’encontre de Mme [L] (dénigrements, reproches injustifiés et menaçants, etc.),

Une attestation de Mme [O] [P], qui impute la responsabilité de son départ à M. [G], en raison d’une surcharge de travail liée à des tâches qui, d’après elle, auraient dû être assumées par M. [G].

Le salarié se prévaut de plusieurs cartes d’anniversaire et de bons v’ux adressées par l’ensemble des collaborateurs du cabinet, y compris Mmes [R] et [P]. Toutefois, ces éléments ne peuvent, à eux seuls, suffire à contredire les témoignages précis des deux salariées susvisées, l’adresse de cartes d’anniversaire et de v’ux au supérieur hiérarchique étant une pratique courante dans le milieu de l’entreprise, à laquelle la plupart des salariés se soumettent indépendamment de l’attitude de leur supérieur hiérarchique à leur égard.

Au surplus, il doit être relevé qu’il n’est pas soutenu par l’employeur que M. [G] aurait eu une attitude inadaptée et fautive à l’encontre de l’ensemble des salariés du cabinet, et il ne conteste pas que le salarié ait pu être apprécié par certains de ses collaborateurs, ce fait n’étant toutefois pas de nature à justifier son comportement adopté à l’encontre d’autres salariés, et plus particulièrement de Mme [L], et à exclure son caractère fautif.

Ces éléments sont suffisants pour retenir que M. [G] a joué un rôle dans le départ de ces deux collaboratrices, à l’origine de la désorganisation du cabinet et de la surcharge de travail qu’il invoque pour justifier son attitude. Toutefois, dès lors que personne ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, il y a lieu de retenir, sur le fondement de ces deux témoignages et des pièces étudiées par la cour d’appel ci-dessus, et sans qu’il soit nécessaire d’étudier les autres motifs invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement, que la SARL AURALP justifie de l’impossibilité de poursuivre la relation de travail avec M. [G] à la suite de la révélation du harcèlement moral commis à l’encontre de Mme [L], démontré par l’employeur, ce comportement étant ainsi constitutif d’une faute grave justifiant son licenciement à ce titre.

Le jugement entrepris est infirmé de ce chef, et le salarié débouté de l’ensemble de ses demandes formées au titre de la rupture de la relation de travail.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts formée par la SARL AURALP :

Moyens des parties,

La SARL AURALP fait valoir que le salarié a commis un abus dans l’exercice de son droit d’agir en justice, et qu’il a, par ailleurs, à la suite de son licenciement, cherché à la dénigrer auprès de ses clients, lui causant de ce fait un préjudice, dont elle est fondée à demander la réparation.

M. [G] ne conclut pas sur cette demande reconventionnelle.

Réponse de la cour,

Selon l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Par ailleurs, selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La SARL AURALP ne caractérise aucune faute de M. [G] dans l’exercice de son droit d’agir en justice.

En outre, la SARL AURALP ne démontre pas que le salarié l’aurait dénigrée auprès de ses clients à la suite de son licenciement, le courrier qu’elle lui a adressé le 16 mai 2017 par lettre recommandée avec avis de réception dans lequel elle le met en demeure de cesser de démarcher ses propres clients tout en la dénigrant étant insuffisant, faute d’être corroboré par des éléments émanant de tiers (attestations desdits clients notamment), pour démontrer que M. [G] aurait commis une faute à son égard. En outre, la SARL AURALP ne verse aux débats aucun élément établissant l’existence et l’étendue du préjudice qu’elle prétend avoir subi en conséquence des agissements prêtés à son ancien salarié.

Dès lors, il y a lieu de la débouter de sa demande reconventionnelle de condamnation de M. [G] à lui payer des dommages et intérêts à ces titres.

Le jugement dont appel est confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Il ressort du dispositif des conclusions de M. [G] que celui-ci demande, sur appel incident, la réformation du jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande en paiement de la somme de 736,92 euros au titre l’abondement non effectué en 2016 par la SARL AURALP.

Pour justifier de l’obligation de son employeur de lui verser la somme de 736,92 euros, le salarié produit un document intitulé « Relevé de Versement Volontaire » de la Banque Conseil en Gestion de Patrimoine du 31 mai 2016, duquel il ressort que le salarié a versé volontairement la somme de 267 euros le 8 décembre 2015, et que ce versement « a donné lieu au versement complémentaire, par (la SARL AURALP), d’un abondement net de 736,92 euros, déduction faite des prélèvements sociaux ».

Toutefois, M. [G] échoue à démontrer l’existence d’une obligation de la SARL AURALP de procéder à un abondement lorsque le salarié réalise un versement volontaire auprès de cette banque, le salarié ne démontrant au demeurant pas qu’il aurait effectué un versement volontaire au cours de l’année 2016.

Dès lors, il y a lieu de le débouter de sa demande formée à ce titre, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.

Enfin, chaque partie a été partiellement déboutée de ses demandes dans le cadre de l’instance d’appel. Dans ces circonstances, l’équité commande de les débouter de leurs demandes au titre de leurs frais irrépétibles et de dire qu’elles supporteront chacune la charge des frais et dépens qu’elles ont engagés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a débouté la SARL AURALP de sa demande reconventionnelle,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SARL AURALP à verser à M. [G] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation légale de sécurité,

DIT que le licenciement de M. [G] est fondé sur une faute grave,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

DIT que chaque partie supportera la charge des frais et dépens qu’elles ont engagés en première instance et en appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,

 


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