02/06/2023
ARRÊT N°2023/250
N° RG 21/01364 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OBZM
SB/CD
Décision déférée du 10 Mars 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE (19/00863)
C. CAMBOU
Section Activités Diverses
[H] [N]
C/
S.A. ALTRAN TECHNOLOGIES
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 2/6/23
à Me ROBERT, Me JAZOTTE
Ccc Pôle Emploi
Le 2/6/23
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [H] [N]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Cécile ROBERT de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIM »E
S.A. ALTRAN TECHNOLOGIES
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Nissa JAZOTTES de la SELARL JAZOTTES & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant , S. BLUM », présidente et N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles chargés du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUM », présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUM », présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [N] [H] a été embauché le 2 mai 2001 par la société Logiquak, aux droits de laquelle vient la SA Altran Technologies, en qualité de technicien supérieur suivant contrat de travail à durée indéterminée.
Le contrat de travail est régi par la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets des ingénieurs conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987.
Par courrier du 1er octobre 2018, M. [N] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 3 juin 2019 pour voir juger que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et solliciter le versement de diverses sommes.
Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section activités diverses, par jugement du 10 mars 2021, a :
– jugé que la prise d’acte ne peut être retenue,
– débouté M. [N] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– mis les dépens à la charge de la partie qui succombe.
***
Par déclaration du 23 mars 2021, M. [N] [H] a interjeté appel de ce jugement, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
***
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 17 juin 2022, M. [N] [H] demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a :
* débouté de sa demande de requalification de la prise d’acte de rupture de son contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* débouté de sa demande d’indemnité de licenciement,
* débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la SA Altran Technologies au paiement de la somme de 11 758,13 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– condamner la SA Altran Technologies au paiement de la somme de 32 800 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de la dégradation des conditions de travail du fait du comportement fautif de son employeur,
– condamner la SA Altran Technologies au paiement de la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre de la dégradation des conditions de travail de M. [N] du fait du comportement fautif de son employeur,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté :
* de sa demande d’annulation de l’avertissement du 6 octobre 2017,
* de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi,
– annuler l’avertissement indûment délivré le 6 octobre 2017,
– condamner la SA Altran Technologies au paiement de la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes au titre de l’inégalité de traitement,
– ordonner sous astreinte de 100 euros par jour de retard la communication par la SA Altran Technologies des bulletins de salaire de Messieurs [V], [F] et [K],
– ordonner sous astreinte de 100 euros par jour de retard la communication par la SA Altran Technologies des curriculum vitae de Messieurs [V] et [K],
– condamner la SA Altran Technologies au paiement de la somme de 14 577,16 euros de rappel de salaire au titre de l’inégalité de traitement subie, sauf à parfaire, outre 1 457,71 euros de congés payés afférents,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
– condamner la SA Altran Technologies au paiement de la somme de 2 369,44 euros de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires réalisées, outre 236,94 euros de congés payés afférents,
– condamner la SA Altran Technologies au paiement de la somme de 385 euros au titre de la prime de vacances,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé,
– condamner la SA Altran Technologies au paiement de la somme de 14 000 euros au titre des dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SA Altran Technologies à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– débouter la SA Altran Technologies de l’intégralité de ses demandes.
***
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 28 juillet 2021, la SA Altran technologies demande à la cour de:
– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la prise d’acte ne peut être retenue, et débouté M. [N] de l’ensemble de ses demandes.
Et par conséquent,
– débouter M. [N] de toutes ses prétentions
– condamner M. [N] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
***
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 10 mars 2023.
***
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande d’annulation d’un avertissement du 6 octobre 2017
Aux termes de l’article L 1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Les motifs de la sanction sont ainsi énoncés dans la lettre du 6 octobre 2017:
‘Ce 4 septembre 2017 à 11h30, vous vous êtes présenté à l’infirmerie en demandant à voir [X] [D]. Cette dernière vous avait reçu dans le cadre habituel de la prise en charge des salariés. Cependant, compte tenu des éléments ci-dessous relatés, il s’avère que cette prise en charge est sortie de son contexte médical, et relève d’un problème comportemental inacceptable.
En effet, à votre arrivée à l’infirmerie, vous déclarez à l’infirmière ‘vouloir un calin’, ce à quoi elle ne répond pas. Vous sollicitez également des informations sur les salariés s’étant présentés à l’infirmerie et les motifs de leur venue. Compte tenu du motif présumé médical de votre venue, Madame [D] poursuit son interrogatoire médical, conformément à la procédure en vigueur à l’infirmerie. Les interruptions et contournements incessants ont mis à mal le déroulement de cet interrogatoire, ne permettant pas à Madame [D] de le réaliser dans des conditions habituelles. Puis, comme vous refusez de signer une décharge pour partir, Madame [D] vous conseille de prendre votre repas sur le site. Vous indiquez partir déjeuner, mais vous revenez ensuite rapidement à l’infirmerie, Madame [D] vous reçoit à nouveau, bien que la durée d’observation soit terminée. Vous demandez alors à Madame [D] de financer votre repas, précisant qu’elle vous aurait contraint à rester sur le site. Vous poursuivez en exprimant un besoin d’évauer des flatulences en vous plaçant dans une position sans équivoque, et en décrivant et commentant, en détail, les sensations internes que vous ressentiez. Puis vous faites une digression sur les cornichons. Ce comportement est intolérable. Vous avez le droit de vous rendre à l’infirmerie pour toute problématique médicale, cela ne justifie pas un comportement visant à mettre en difficulté le personnel qui vous prend en charge. Madame [D] a été déstabilisée par le comportement qu’elle a vécu comme une absence de considération à son égard, comme une tentative de votre part pour la mettre en difficulté. Il apparaît que votre attitude inacceptable à l’égard de Madame [D] se répète dans le temps, puisque vous vous êtes présenté à nouveau le lundi 18 en 2017 son motif, en précisant que vous auriez dû « amener les bonbons ». Madame [D] vous a précisé qu’elle n’avait pas besoin de bonbon, et vous avez alors, dans un monologue incessant, fait mine de sortir de l’infirmerie, à trois reprises, en franchissant le seuil pour ensuite revenir, toujours sans motif.
Vous êtes bien entendu en droit d’aller à l’infirmerie si vous avez un souci de santé, cependant une telle mise en scène ne peut en aucun cas se reproduire Madame [D] était indignée de votre comportement et avec vécu celui-ci comme une absence totale considération à son égard, et ce d’autant que les salariés ont besoin de ses services médicaux. Nous vous invitons à appliquer dès réception de cet avertissement les règles de vie de communauté, à sa voir le respect d’autrui. Si de tels incidents se renouvelaient, nous pourrions être amenés à prendre une sanction plus grave.’
En vue d’établir la réalité du grief, l’employeur produit un courriel adressé le 7 septembre 2017 par Mme [U], supérieure hiérarchique de l’infirmière Mme [D], au médecin Dr [I], intitulé ‘suite aux évènements de lundi 4 septembre 2017 à l’infirmerie’, qui relate des débordements comportementaux de M. [N] (‘demande de calin’, ‘descriptions sur ses flatulences’, ‘digressions sur les cornichons’) que lui a relatés Mme [D].
Le salarié conteste les faits reprochés sur lesquels il n’a pas été entendu, déplorant l’absence de contradictoire. Il produit un courrier adressé à l’employeur le 11 décembre 2017, dans lequel il conteste les faits reprochés trois mois plus tôt. S’il souligne le caractère indirect des déclarations de Mme [U], la cour relève néanmoins l’enchaînement chronologique très rapide entre la visite non contestée de M.[N] à l’infirmerie et le courriel précité, mais aussi et surtout la confirmation du comportement inadapté de ce salarié par Mme [D] elle-même à l’occasion d’un courrier adressé au conseil départemental de l’ordre des infirmiers et d’une plainte déposée le 3 avril 2019 où elle évoque à nouveau la visite à l’infirmerie de M.[N] le 4 septembre 2017. Ce faisceau d’éléments conforte la matérialité des faits reprochés à M.[N], nonobstant l’accumulation d’autres difficultés rencontrées depuis par l’infirmière qui ne concernent pas M.[N] et qui ont poussé l’infirmière à procéder à un dépôt de plainte.
Le comportement inadapté du salarié à l’égard de l’infirmière est donc établi et légitimait l’avertissement prononcé à son encontre.
La demande d’annulation ainsi que la demande indemnitaire qui l’accompagne ont donc été justement écartées par les premiers juges.
Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En vertu de son contrat de travail M.[N] était soumis à l’horaire légal de 35h hebdomadaire.
Il soutient qu’il réalisait de nombreuses heures supplémentaires que ses missions rendaient nécessaires. Il indique que le système en vigueur dans l’entreprise conditionnait la rémunération des heures supplémentaires à la validation de la demande formalisée par les salariés sur l’outil ‘smart RH’, et qu’il a à maintes reprises effectué des heures supplémentaires non payées car refusées ou traitées tardivement par son supérieur.
Il produit les éléments suivants:
– des courriels du 2 décembre 2016 portant refus de 4 demandes d’heures supplémentaires prévisionnelles formées par le salarié les 18 et 25 novembre 2016, et 2 refus de demandes de saisie d’une activité exceptionnelle formée le 2 mai 2016(pièce 8)
– des copies d’écran du logiciel SmartTH mentionnant 14 demandes d’activité exceptionnelle formées entre le 6 juin 2018 et le 22 octobre 2108 en attente de validation par le supérieur hiérarchique (pièce 46)
– deux lettres adressées à la directrice des ressources humaines les 20 septembre 2017 (39)et 24 août 2018 (23) évoquant le caractère inadapté du logiciel SmartTH et le refus de ses demandes d’heures supplémentaires ou les réponses tardives
– le courrier en réponse de la DRH du 9 octobre 2017 (pièce 65)
– un décompte des heures supplémentaires mentionnant les dates et heures excédant l’horaire collectif entre le 3 mai 2016 et le 12 octobre 2018 (pièce 66)
– un décompte du rappel de salaire à hauteur de 1661,70 euros en 2018 (95h17), 587,26 euros en 2017 (35h30), 120,48 euros en 2016 (7h30), soit un total de 2 369,44 euros.
La cour estime que M.[N] présente ainsi, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La société Altran qui conteste devoir un quelconque rappel de salaire pour heures supplémentaires expose que le salarié était soumis à l’horaire collectif et que les heures supplémentaires autorisées par sa hiérarchie lui étaient rémunérées ainsi qu’en attestent ses bulletins de salaire, lesquels mentionnent 24 heures supplémentaires réglées entre juillet et août 2018 et 7,25 heures supplémentaires en novembre 2018. Elle produit des échanges de courriels entre des salariés et leur supérieur hiérarchique dont elle déduit le respect de la procédure spécifique mise en place dans l’entreprise, de validation par le supérieur hiérarchique des demandes d’heures supplémentaires formées par les salariés. Elle produit le bulletin de salaire de janvier 2017 mentionnant le paiement de 27h50 heures supplémentaires en réponse au courriel du salarié du 6 décembre 2016. Elle ajoute qu’à plusieurs reprises M.[N] ne respectait pas ses horaires de travail et arrivait en retard.
Il ressort des éléments produits de part et d’autre que le salarié était soumis à l’horaire collectif de travail (8h30-12h30 et 14h-17h) pour une durée de travail hebdomadaire de 35h et que les heures supplémentaires étaient soumises à une autorisation préalable du supérieur hiérarchique par une procédure de validation sur un lociciel SmartRH. Les échanges de courriels entre plusieurs salariés et leur supérieur hérarchique, que l’employeur produit en pièce 13, ainsi que les divers courriels adressés par le salarié à son supérieur hiérarchique au cours de la relation contractuelle outre les lettres adressées à la directrice des ressources humaines révèlent les insuffisances de la procédure d’autorisation préalable mise en place par l’employeur à raison des retards fréquents dans la validation des demandes d’autorisations de dépassement d’horaires saisies par les salariés sur le logiciel dédié. Le supérieur hiérarchique convient lui-même de retards de validation et d’un rattrapage rétroactif (pièce 13 employeur). Il en résulte une confusion sur le temps de travail effectif du salarié au delà de 35h et sur la rémunération systématique des heures supplémentaires accomplies .
Au vu de ces considérations, la cour a la conviction que le salarié a accompli des heures supplémentaires non rémunérées.
L’analyse du décompte d’heures supplémentaires produit par le salarié sur la période du 3 mai 2016 au 12 octobre 2018 mentionne quelques heures correspondant à des courriels tardifs envoyés lors de jours de travail à domicile . Leur contenu est ignoré de la cour et ils ne peuvent en soi caractériser un travail effectif compte tenu de la possibilité de différer l’heure d’envoi de tels messages. En conséquence la cour , accueillant partiellement la demande du salarié, fixe le nombre d’heures supplémentaires accomplies par celui-ci à 111 heures, ouvrant droit compte tenu des majorations à un rappel de salaire de 1908,10 euros, outre 190,80 euros d’indemnité compensatrice de congés payés.
Sur le travail dissimulé
En application de l’article L. 8221-5 du code du travail, est réputé dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de salaire un nombre de travail inférieur à celui réellement accompli.
Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
La cour relève que le salarié a perçu la rémunération d’heures supplémentaires au cours de la relation contractuelle et que le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi ne peut se déduire du seul accomplissement d’heures supplémentaires non prises en compte par l’employeur après refus tardif de validation des demandes du salarié, et que le défaut de contrôle des heures de travail qui résulte des dysfonctionnement induits par la procédure mise en place par l’employeur ne permet pas de caractériser l’intention frauduleuse nécessaire à l’établissement du travail dissimulé. M.[N] sera débouté de sa demande en ce sens, par confirmation du jugement.
Sur la prise d’acte de rupture
Le salarié sollicite la requalification de sa prise d’acte de rupture du 1er octobre 2018 en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il appartient au salarié qui invoque la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur de rapporter la preuve de faits suffisamment graves qu’il lui reproche et il appartient au juge d’examiner les manquements invoqués devant lui par le salarié même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit . Cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite de l’exécution du contrat , soit d’une démission dans le cas contraire.
Aux termes de la lettre de prise d’acte de rupture adressée à l’employeur le 4 octobre 2018 et des griefs énoncés dans ses écritures le salarié évoque les manquements suivants de l’employeur, qui seront successivement examinés:
-un avertissement en octobre 2017
La cour a déclaré fondé l’unique avertissement prononcé le 6 octobre 2017 pour les motifs précédemment exposés; cette sanction ne peut donc fonder la prise d’acte de rupture.
– une charge de travail excessive
Le salarié excipe d’un courrier qu’il a adressé à l’employeur le 24 août 2018 dans lequel il indique que son temps de travail de 35h était incompatible avec les missions confiées sur des projets impliquant une obligation de résultat au profit des clients. Il déclare avoir remplacé deux ingénieurs dans leurs missions, MM.[F] et [K], et être le seul intervenant technique à porter le projet Safran. Outre le fait que ce courrier n’est corroboré par aucun élément de preuve extérieur au salarié, l’employeur objecte que les projets sur lesquels travaillait M.[N] associaient des ingénieurs et techniciens et que l’obligation de résultat s’impose à la société employeur et non au salarié. L’employeur ajoute dans un courrier en réponse au salarié le 4 octobre 2018 que M.[F] est toujours en charge de ses missions sur le même projet et que M.[K] va être remplacé.
La cour constate que l’affirmation du salarié selon laquelle il pouvait accomplir 25 heures supplémentaires hebdomadaires, n’est pas corroborée par les heures supplémentaires mentionnées sur les bulletins de salaire et par son propre décompte d’heures supplémentaires (pièce 16).
Au vu de l’ensemble de ces considérations, le caractère excessif de la charge de travail ne peut être retenu.
– un accident du 4 septembre 2017
Un accident du travail a été déclaré le 19 septembre 2017 (pièce 16 salarié), faisant suite à un malaise relaté par le salarié après un entretien le 4 septembre 2017 avec son chef d’équipe M.[L] [W]. Le refus de la CPAM de reconnaître le caractère processionnel de l’accident déclaré le 19 septembre 2017, à l’encontre duquel aucun recours n’est allégué, ne saurait établir la réalité d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
– une stagnation professionnelle
Le salarié reproche à la société intimée sa défaillance dans la gestion de sa carrière matérialisée par le refus réitéré de la direction de faire droit à ses demandes de progression de carrière.
Il invoque à cet égard un changement de domaine d’activité en 2015 avec un passage du secteur électrique au secteur mécanique, qui aurait contribué à son exclusion. Ce changement a pourtant été effectué avec l’accord du salarié , ainsi qu’il en convient dans ses écritures , et ne procède donc pas d’une exclusion. Il évoque par ailleurs des missions exercées relevant de la compétence d’un ingénieur.
L’évolution de carrière du salarié relève du pouvoir de direction de l’employeur, sous réserve d’une discrimination qui n’est pas invoquée en l’espèce ou d’un abus dans l’exercice de ce pouvoir. Le refus de l’employeur de faire droit au statut cadre revendiqué par le salarié ne revêt pas en soi un caractère abusif et le fait que le salarié ait été recruté en qualité de cadre après son départ de la société Altran est sans incidence sur le litige qui l’oppose à la société Altran.
– une inégalité de traitement
Il résulte du principe ‘à travail égal, salaire égal’ dont s’inspirent les articles L. 1242-14, L. 1242-15, L. 2261-22.9, L. 2271-1 8°et L. 3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d’assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité des rémunérations entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.
Lorsqu’un salarié invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement, il lui appartient de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement.
Il incombe alors à l’employeur d’établir que la disparité de traitement est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l’espèce, M.[N] soutient qu’il est victime d’inégalité de traitement par rapport à MM, [A] [F] et [R] [K] et [G] [V], autres salariés de la société Altran qui bénéficient du statut cadre ; il prétend qu’il exerce les mêmes fonctions que ces salariés et que tous disposent des mêmes diplômes ; qu’il a, sans succès, notifié plusieurs lettres à son employeur aux fins de régularisation de sa situation salariale avant de saisir le conseil de prud’hommes.
La cour relève à l’examen des pièces produites (CV de M.[F], mentions sur Linkedin pour M.[V], CV de M.[S] et le tableau comparatif en pièce 74 du salarié) que Messieurs [V], [K] et [F], tous trois ingénieurs, disposent d’un master (BAC+5) pour les deux premiers, et d’une licence (BAC+3) pour le dernier, alors que M.[N] dispose d’un DUT (BAC+2). M.[N] ne dispose donc pas des mêmes diplômes , ni de la même classification conventionnelle que les salariés cadres ingénieurs avec lesquels il se compare.
Les éléments produits en cause d’appel par l’employeur concernant MM.[V], [S] et [F] et le tableau comparatif établi par le salarié , non contesté par l’employeur, rendent inutile la sommation de communication de CV formée par l’appelant.
Les indications fournies par le salarié sur les missions qui lui ont été confiées au sein d’Altran Technologie ainsi que les relevés d’activité n’établissent pas en quoi M.[N] assurait des fonctions de cadre, et qu’il remplaçait à ce titre les salariés susnommés dans leur poste. Le seul fait que M.[N] ait travaillé pour le client Safran est insuffisant à établir que la nature des missions exercées relevait d’une classification supérieure et d’un statut cadre. Il n’est pas davantage établi qu’il a été remplacé dans ses missions par un cadre après son départ.
Au surplus la description par le salarié de tâches répétitives et exemptes de tout encadrement et d’autonomie dans une demande de rendez-vous au médecin du travail par courriel du11 octobre 2017 (pièce 17 salarié) est peu conciliable avec le statut de cadre qui suppose une autonomie dans le travail et des fonctions d’encadrement.
Il n’est donc pas justifié par le salarié d’une inégalité de traitement.
Le salarié sera donc débouté de sa demande en rappel de salaire
– une rémunération inférieure au minimum conventionnel
Il résulte du tableau comparatif produit en pièce 3 par le salarié qu’il a perçu une rémunération supérieure au minimum conventionnel au cours des cinq années qui ont précédé la rupture à l’exception du mois de septembre 2017 où il perçu une rémunération de 2018,57 euros, inférieure de 1,23 euros au minimum conventionnel mensuel de 2019,80 euros. Cette irrégularité a été rectifiée par l’employeur en octobre 2017 et n’est donc pas d’une gravité telle qu’elle empêche la poursuite du contrat de travail. Il en va de même des irrégularités antérieures de plus de cinq ans à la prise d’acte de rupture , qui ont été rectifiées et qui n’ont pas fait obstacle à la poursuite des relations contractuelles jusqu’au 1er octobre 2018.
– un management hostile
Le salarié soutient qu’il a subi ‘un management hostile’ à compter de l’année 2015, se heurtant à des refus récurrents de sa hiérarchie à ses demandes de congés de fractionnement, demandes de réalisation d’heures supplémentaires, demandes de formation (pièce 23 courrier à l’employeur du 24/08/2018) ou encore de prise en charge de frais professionnels.
Il reproche également à l’employeur de n’avoir pas pris en considération de façon effective la recommandation faite par le médecin du travail le 27 novembre 2017 de le rattacher à un autre manager, ne le rattachant à une nouvelle unité qu’en janvier 2018. Il allègue par ailleurs une infantilisation par son manager qui s’assure le matin et le soir de sa présence sur le lieu de travail.
L’examen des pièces produites de part et d’autre permet de relever que les 3 refus de dates de congés opposés par deux supérieurs hiérarchiques à des demandes formées par le salarié au cours de la période contractuelle de 11 années ne sauraient relever d’une hostilité caractérisée du supérieur hiérarchique à l’égard du salarié. Quant au refus de matériel, il concerne le refus d’une nouvelle ligne fixe alors qu’il indique qu’il bénéficiait déjà d’une ligne téléphonique, ce qui ne permet pas d’étayer le grief. De même , l’absence de suite réservée par l’employeur à la demande de prime exceptionnelle sollicitée le 3 mai 2016 pour l’achat d’un costume pour le travail, qui ne procédait pas d’une obligation contractuelle, ne traduit aucunement une marque d’hostilité à l’égard du salarié.
S’agissant du refus de formation déploré par le salarié , la lecture du bulletin de salaire du mois de juillet 2018 fait apparaître que le salarié a bénéficié de deux jours de formation, constat qui conduit à écarter l’ostracisme allégué.
La vérification de la présence du salarié à son poste le matin et le soir, perçue par le salarié comme la marque d’une infantilisation par son manager, est expliquée par l’employeur par des retards injustifiés du salarié sur son lieu de travail, dont la réalité n’est pas contestée par le salarié. Cette explication objective fournie par l’employeur permet d’écarter le caractère abusif de la décision de l’employeur.
Enfin, si le médecin du travail a bien recommandé à l’employeur le rattachement du salarié à un autre manager , il l’a fait par simple courriel du 27 novembre 2017 en dehors d’un avis médical accompagné de restrictions lors de la visite de reprise, et ne s’imposait pas avec les mêmes conséquences juridiques pour l’employeur. Pour autant le salarié admet dans une lettre au directeur des ressources humaines du 24 août 2018 la réalité de son changement de manager après l’intervention du médecin du travail et les courriels échangés en novembre et décembre 2017 attestent de démarches accomplies par l’employeur afin de changer le salarié d’équipe et de manager. Le grief tenant à l’absence de prise de compte de l’avis du médecin est donc écarté.
-réalisation d’heures supplémentaires
La cour a fait droit à la demande d’heures supplémentaires à hauteur de 111 heures sur la période de 30 mois du 3 mai 2016 au 12 octobre 2018, ce qui , tenant compte des périodes de congés , représente une moyenne d’une heure supplémentaire par semaine. Il n’en résulte pas un manquement de l’employeur d’une gravité telle qu’il justifie la rupture du contrat de travail.
– travail dissimulé
L’infraction de travail dissimulé n’a pas été retenue par la cour.
Sur les autres demandes
La demande de primes de vacances n’est étayée par aucune pièce ni augumentation et sera rejetée.
La société Altran , partie perdante , supportera les entiers dépens de première instance et d’appel.
M.[N] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens qu’il a dû exposer à l’occasion de cette procédure. La société Altran sera donc tenue de lui payer la somme de 2500 euros en application des dispositions de l’article 700 al.1er 1° du code de procédure civile.
Le jugement entrepris est infirmé en ses dispositions concernant les frais et dépens de première instance.
La société Altran est déboutée de sa demande formée au titre des frais et dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort ;
Infirme le jugement déféré en ses dispositions ayant débouté M.[N] de sa demande en rappel de salaire pour heures supplémentaires et de congés payés correspondants ;
Le confirme pour le surplus
Statuant à nouveau des chefs infirmés ;
Condamne la SA Altran Technologie à payer à M.[H] [N] la somme de 1908,10 euros, euros à titre de rappel de salaire outre 190,80 euros d’indemnité de congés payés correspondante ;
Condamne la SA Altran Technologie à payer à M.[H] [N] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire ;
Condamne la SA Altran Technologie au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel ;
Le présent arrêt a été signé par S. BLUM », présidente et C. DELVER, greffière de chambre.
LA GREFFI’RE LA PR »SIDENTE
C. DELVER S. BLUM »
.
Laisser un commentaire