Droit du logiciel : 2 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/03034

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Droit du logiciel : 2 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/03034

AFFAIRE PRUD’HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 20/03034 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M7VK

[P]

C/

Société LOCAL.FR

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 12 Mai 2020

RG : 18/00056

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRET DU 02 Juin 2023

APPELANT :

[Z] [P]

né le 20 Mai 1964 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Angélique KIEHN, avocat au barreau de CHAMBERY

INTIMEE :

Société LOCAL.FR

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 1]

représentée par Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT – LALLIARD – ROUANET, avocat au barreau de LYON

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Avril 2023

Présidée par Béatrice REGNIER, président et Catherine CHANEZ, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Rima AL TAJAR, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Béatrice REGNIER, président

– Catherine CHANEZ, conseiller

– Régis DEVAUX, conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 02 Juin 2023 par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Béatrice REGNIER, président, et par Rima AL TAJAR, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSE DU LITIGE

La société Local.fr (ci-après, la société), filiale de la société Swisscom, est spécialisée dans l’accompagnement des PME, artisans et commerçants auxquels elle propose des solutions de communication. Elle est composée de 8 établissements.

Elle applique la convention collective de la publicité et employait au moins 11 salariés au moment du licenciement.

Elle a recruté M. [Z] [P] suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er juin 2015, en qualité de délégué commercial, catégorie 2, niveau 2.

M. [P] était rattaché au groupe « Print » et se voyait confier le secteur géographique de l’Ain, du Jura, du Rhône et de la [Localité 10] et [Localité 7].

Puis, suivant avenant du 7 septembre 2015, il a été affecté au secteur d'[Localité 8] et d'[Localité 4] (01). Un nouvel avenant, signé le 4 janvier 2016, est venu réviser ses objectifs commerciaux.

Par courrier du 25 mai 2016, la société a notifié à M. [P] un avertissement pour résultats insuffisants. Le salarié a contesté cette sanction par courrier du 1er juin suivant.

2 avenants au contrat de travail en date du 4 juillet 2016 ont eu pour objet de remplacer les secteurs d’intervention du salarié par ceux de [Localité 6] et [Localité 11] (38) et de réviser le mode de calcul des primes sur objectifs commerciaux.

Par courrier du 9 novembre 2016, la société a notifié un nouvel avertissement à M. [P], pour résultats toujours insuffisants, une attitude très négative et désinvolte, une attitude très méprisante et arrogante envers son responsable et une conduite dangereuse le 2 novembre précédent.

M. [P] a été placé en arrêt de travail pour maladie du 17 novembre au 2 janvier 2017 inclus, puis du 10 janvier au 4 avril 2017.

Suite à un entretien préalable s’étant tenu le 2 mai 2017, la société lui a notifié son licenciement pour insuffisance professionnelle, par courrier du 5 mai, en ces termes :

« (‘) vous occupez le poste de Délégué commercial au sein de notre société depuis le 1er juin 2015 et exerciez votre activité professionnelle sur les départements 01, 39, 69 et 71.

Dans le cadre d’une réorganisation des secteurs en juillet 2016, nous avons régularisé un avenant à contrat de travail modifiant votre secteur (département 38 : secteur [Localité 6] ‘ [Localité 11]) et ce, afin de vous rapprocher de votre domicile, de limiter vos déplacements et ainsi d’améliorer votre qualité de vie.

Comme nous vous l’avons d’ores et déjà indiqué et malgré nos observations, nous constatons une insuffisance professionnelle caractérisée vous concernant.

1°/ CHIFFRE D’AFFAIRES / NON ATTEINTE D’OBJECTIFS

Nous vous avons notifié un avertissement le 25 mai 2016 compte tenu de vos mauvaises performances (mars 2016 : réalisation de 43% de votre objectif et avril 2016 : 28% de votre objectif).

A ce titre, nous nous permettons de vous rappeler que ces derniers sont fixés d’un commun accord et de manière équitable d’un commercial à un autre, qu’ils sont parfaitement réalistes et atteignables, nous nous permettons de vous rappeler à ce titre que vos collègues bénéficient de résultats supérieurs aux vôtres.

Compte tenu du non-respect de vos objectifs, nous avons été contraints de vous notifier le 9 novembre 2016 un rappel à l’ordre concernant vos mauvais résultats.

En effet, de janvier à octobre 2016, vous n’avez atteint que 56,8% de vos objectifs, octobre 2016 étant catastrophique avec 23% de réalisation sur objectifs.

Pour rappel, vous trouverez ci-joint vos objectifs et vos résultats sur l’année 2016 (48,93% de réalisation d’objectifs)

[‘]

Vous avez bénéficié d’un arrêt maladie du 10 janvier 2017 au 07 avril 2017, depuis votre retour, vous n’avez réalisé aucune vente avec un chiffre à 0 euro.

De plus, compte tenu de notre changement de métier et afin de nous adapter au marché (disparition des annuaires papiers et développement des sites internet), nous vous avons fixé des objectifs sites en 2016 comme à tous les commerciaux de la Société étant précisé que vous avez bénéficié d’une formation interne afin de vous accompagner dans cette mutation.

[‘]

Or, nous constatons également sur la vente des sites internet des résultats très décevants.

Depuis le mois de juillet 2016, vous n’avez vendu aucun site alors que c’est l’avenir et la stratégie de développement de notre entreprise et que la majorité de vos collègues les commercialisent et réalisent de très bons chiffres d’affaires.

Concernant vos objectifs 2017, nous nous permettons de vous rappeler que vous avez refusé toutes nos propositions de rendez-vous afin de signer votre avenant que ce soit le mardi 11 avril 2017 ou le 18 avril 2017.

Lors de l’entretien préalable, vous n’avez apporté aucun élément justifiant vos résultats catastrophiques.

2°/ LA CRM (planning de ses rdv et visites clients et prospects)

Dans notre courrier du 10 juin 2016, nous vous avons rappelé qu’il était très important que les rendez-vous soient saisis dans la CRM et nous vous avons mis en demeure une nouvelle fois de respecter cette directive.

Or, vous ne respectez pas cette obligation contrairement aux autres commerciaux de la Société.

Malgré ce premier courrier, vous avez maintenu votre attitude ce qui nous a obligé à vous notifier une nouvelle mise en demeure le 09 novembre 2016, compte tenu que vous ne rendez aucun compte de votre activité (pas de saisie sur la CRM et que vous fuyez les rendez-vous en clientèle avec votre responsable).

Là aussi, vous n’avez pas contesté ce grief lors de l’entretien préalable, vous avez uniquement allégué que vous n’aviez pas été formé sur le nouveau logiciel. Cet argument n’est pas recevable compte tenu qu’il ne s’agit pas d’un nouveau logiciel mais uniquement de nouvelles fonctionnalités sur notre logiciel qui ne vous empêchent en aucun cas de renseigner le nom de vos clients sur la CRM.

De plus, contrairement aux termes de votre courriel du 4 mai dernier, vous avez accès au carnet de villes via l’annuaire de l’année précédente et aux fiches des clients de votre secteur via la CRM, étant précisé que vous avez également la possibilité de vous rapprocher du service production pour toute précision complémentaire.

3°/ SUR VOTRE ATTITUDE NEGATIVE VOIR DESINVOLTE

Sur ce point, vous avons constaté qu’au cours des réunions, vous avez régulièrement une attitude très négative et désinvolte au sein de votre équipe et que vous adoptez une attitude très méprisante et arrogante envers votre responsable.

De plus, nous avons reçu en date du 03 novembre 2016 une plainte d’automobiliste mettant en exergue une conduite dangereuse de votre part le 02 novembre 2016 au niveau de la Verpillière et une attitude violente. Il semblerait que vous vous permettiez de couper les ronds-points en vous rabattant brutalement devant les voitures. Ayant été klaxonné par les automobilistes surpris, vous vous êtes délibérément arrêté en plein milieu de la voie, manquant de provoquer un accident, tout cela bien évidemment au volant d’une voiture Local.fr.

Enfin et ceci est un élément justifiant à notre sens la non-atteinte de vos objectifs, nous avons appris que vous exercez une activité de photographe dans le cadre d’un second métier ce qui justifie votre absence de prospection et de compte-rendu d’activité de votre part et de vos résultats catastrophiques.

A ce titre, la simple consultation de votre site internet professionnel permet de constater une mise à jour très récente et notamment l’insertion au mois de janvier 2017 d’une image proposant des promotions pour la Saint-Valentin, alors que vous étiez en arrêt maladie durant cette période !!!!!

Lors de l’entretien préalable, vous avez reconnu avoir accompli une activité rémunérée de photographe durant votre arrêt maladie, ce qui constitue une fraude à l’assurance maladie et un non-respect caractérisé de votre obligation de loyauté.

4°/ SUR VOS NOTES DE FRAIS

Vous nous avez transmis la semaine dernière votre note de frais au titre du 1er trimestre 2017.

Or, nous avons constaté que vous avez tenté de vous faire régler des frais de repas pour le 1er et le 2 janvier 2017, alors que le 1er janvier est un jour férié et que le 2 janvier 2017, vous étiez en RTT.

Cet état de fait démontre une nouvelle fois votre état d’esprit et votre mauvaise foi.

Afin de tenter de justifier les griefs précités, vous avez allégué par l’intermédiaire de votre conseil être victime des faits de harcèlement moral. Dès réception du courrier de votre conseil, nous avons diligenté une enquête avec les instances représentatives du personnel, les conclusions de l’enquête précisent que vos allégations sont infondées mais plus grave, que c’est vous qui avez une attitude négative voire désinvolte !

Ces éléments nous contraignent malheureusement à vous notifier votre licenciement, votre préavis de deux mois débutera le jour de la 1ère présentation du présent courrier, nous tenons à vous indiquer que nous vous dispensons de votre préavis qui vous sera rémunéré à l’échéance normale de la paie. (‘)»

Par requête du 19 mars 2018, M. [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Bourg en Bresse afin de contester son licenciement et de solliciter diverses sommes à titre indemnitaire.

Par jugement du 12 mai 2020, le conseil de prud’hommes a notamment requalifié le licenciement en licenciement pour faute, débouté M. [P] de ses demandes et écarté des débats les pièces 33, 34, 36 et 41.

Par déclaration reçue le 17 juin 2020, M. [P] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées, déposées au greffe le 7 septembre 2020, il demande à la cour de réformer le jugement querellé et, statuant à nouveau, de :

Condamner la société à lui verser la somme de 10 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société à lui verser la somme de 5 000 euros pour violation de son obligation de sécurité ;

Condamner la société à lui verser la somme de 1 437 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure de licenciement irrégulière ;

Rejeter la demande de la société de voir les pièces 33, 34, 36 et 41 retirées des débats ;

Condamner la société à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées, déposées au greffe le 30 novembre 2020, la société demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a requalifié le licenciement en licenciement pour faute, de débouter M. [P] de ses demandes, de le condamner à prendre en charge les dépens et à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture est intervenue le 28 février 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques ou qu’elles constituent en réalité des moyens.

1-Sur la demande tendant à voir écarter les pièces 33, 34, 36 et 41 de l’appelant des débats

Sous les numéros 33, 34, 36 et 41, M. [P] a communiqué des courriels échangés entre des salariés de la société, lesquels ne lui étaient pas destinés, ni à titre principal ni en copie, et des fiches intitulées « Contrôle des notes de frais » concernant d’autres salariés que lui-même.

Il n’explique pas de quelle manière il les a obtenus, mais, ainsi que le fait remarque la société, il n’a pu en avoir connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Les pièces litigieuses doivent donc être écartées des débats ainsi qu’en a jugé le conseil de prud’hommes.

2-Sur le licenciement

Aux termes de l’article L.1235-1 du code du travail, le juge doit apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur.

En application de l’article L.1232-6 du même code, la lettre de licenciement fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement. Enfin, les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n’est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits reprochés au salarié et de les qualifier, puis de dire s’ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l’article L.1232-1 du code du travail, l’employeur devant fournir au juge les éléments lui permettant de constater le caractère réel et sérieux du licenciement.

Le code du travail en son article L.1332-4, prévoit « qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ».

Enfin, aucun fait déjà sanctionné ne peut donner lieu à une nouvelle sanction, l’employeur ayant épuisé son pouvoir disciplinaire.

L’existence de nouveaux griefs autorise cependant l’employeur à tenir compte de griefs antérieurs, qu’ils aient ou non déjà été sanctionnés.

Pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, l’insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables. Il incombe à l’employeur d’apporter au juge des éléments objectifs à l’appui des faits qu’il invoque comme propres, selon lui, à caractériser l’insuffisance professionnelle dont il se prévaut.

L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective, non fautive et durable, d’un salarié à accomplir correctement la prestation de travail pour laquelle il est employé, c’est-à-dire conformément à ce qu’on est fondé à attendre d’un salarié moyen ou ordinaire, employé pour le même type d’emploi et dans la même situation.

Il résulte de l’article L.1232-1 du code du travail que la faute et l’insuffisance professionnelle sont deux motifs distincts de licenciement qui peuvent, chacun, constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, les deux motifs obéissant toutefois à des régimes distincts, seule la faute étant soumise au droit disciplinaire.

Le juge doit donc analyser si les reproches invoqués dans la lettre de licenciement relèvent du motif disciplinaire ou de l’insuffisance professionnelle, en sachant qu’il peut y avoir dans une même lettre des faits distincts, dont certains relèvent de la faute et d’autres d’une insuffisance professionnelle.

En l’espèce, la lettre de licenciement se fonde sur plusieurs griefs, ce terme pouvant recouvrer aussi bien des faits constitutifs de fautes disciplinaires qu’une insuffisance professionnelle :

Les objectifs non atteints ;

Le refus de renseigner le logiciel CRM ;

L’attitude négative, voire désinvolte ;

La production de notes de frais pour les journées du 1er et du 2 janvier 2017, alors que le 1er janvier est un jour férié et que le salarié était en RTT le 2 janvier.

M. [P] conteste l’ensemble de ces griefs et affirme que son licenciement a en réalité été préparé et construit par l’employeur qui souhaitait écarter définitivement les salariés anciennement rattachés au groupe « Print ». Plus aucun d’entre eux ne ferait d’ailleurs partie des effectifs, en particulier suite à des licenciements pour insuffisance professionnelle.

Sur l’insuffisance professionnelle, l’employeur communique le chiffre d’affaires réalisé par M. [P] en 2016 et ajoute qu’il n’a réalisé aucune vente entre son retour de congé maladie le 10 avril 2017 et son licenciement, ce qui n’est pas contesté.

Cependant, le salarié a été sanctionné d’un avertissement le 25 mai 2016 pour son insuffisance de résultats sur les mois de mars et avril 2016. Le 9 novembre suivant, l’employeur lui a adressé un nouveau courrier dans lequel il mettait en avant ses mauvais résultats de janvier à octobre 2016 et son comportement, à savoir son attitude très négative et désinvolte et son attitude méprisante et arrogante envers son responsable, M. [B]. La société n’emploie pas le terme « avertissement » dans son courrier, mais elle rappelle avoir « alerté » son salarié le 25 mai et en considération du ton utilisé et de l’importance des reproches formulés, le courrier du 9 novembre constitue une nouvelle sanction disciplinaire.

Il en résulte que M. [P] ne pouvait faire l’objet d’un licenciement pour ces mêmes faits, sauf si la société démontre qu’il a persévéré dans son attitude.

En ce qui concerne l’insuffisance professionnelle, M. [P] a été sanctionné pour la période courant de janvier à octobre 2016 et il a ensuite été absent pour maladie, du 17 novembre 2016 au 2 janvier 2017, puis du 10 janvier au 4 avril 2017. La procédure de licenciement ayant été engagée moins d’un mois après sa reprise, et sachant que sa hiérarchie n’avait pas été informée de son retour le 10 avril et que son secteur avait été repris en son absence par M. [B] et par une collègue commerciale, son absence de chiffre d’affaires sur une si courte période ne peut relever d’une incapacité objective, non fautive et durable, à accomplir correctement sa prestation de travail.

Sur le refus réitéré de renseigner le logiciel CRM, le salarié ne conteste pas la matérialité des faits, mais met en avant un défaut de formation alors que cet outil avait évolué pendant ses absences pour maladie.

Il est toutefois constant que les modifications du logiciel n’avaient concerné que quelques fonctionnalités et M. [P] a été capable de le renseigner au moins partiellement, ce qui démontre que son usage ne lui était pas devenu complètement étranger. La société démontre en outre qu’il a refusé la formation que la directrice des ressources humaines Mme [S], lui proposait, et ce sans motif pertinent, et que le refus a perduré après l’avertissement du 9 novembre 2016 qui y faisait déjà référence.

L’argument de M. [P] selon lequel son supérieur hiérarchique M. [B] n’aurait pas davantage renseigné le CRM est inopérant, ce dernier ayant d’autres attributions que la prospection.

Sur le comportement du salarié, ses agissements sur la route ont déjà été sanctionnés par l’avertissement du 9 novembre 2016 et ne pouvaient donc plus fonder un licenciement.

Il en est de même de l’attitude envers son responsable, dans la mesure où la société n’évoque pas de faits postérieurs à cette sanction, à l’exception d’un enregistrement dont il n’est pas question dans la lettre de licenciement.

Enfin, si elle établit que M. [P] a travaillé pour son propre compte pendant son arrêt de travail, elle n’apporte pas la preuve que cette activité, étrangère à la sienne et pour laquelle elle avait donné son accord de principe, lui a causé un préjudice de nature à caractériser un manquement du salarié à son obligation de loyauté, ni qu’elle a empiété sur son temps de travail pendant ses périodes d’activité.

Sur les notes de frais établies par M. [P] pour des repas, celui-ci admet une erreur pour la journée du 1er janvier, au cours de laquelle il n’a pas travaillé. Pour celle du 2 janvier, il verse aux débats un courriel se référant à une réunion de service à laquelle il aurait participé ce jour-là, ce document n’est pas suffisant pour contredire l’arrêt de travail du 26 décembre 2016 au 2 janvier 2017 inclus que communique l’employeur. Les deux notes de frais étaient donc injustifiées.

Ne subsistent en définitive que les griefs portant sur les notes de frais et sur le refus du salarié de renseigner son activité sur le CRM. Ce dernier comportement étant persistant, malgré 2 avertissements pour résultats insuffisants et attitude négative, le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

2-Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité

L’article L.4121-1 du code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

En l’espèce, M. [P] soutient que l’employeur lui a fait subir une telle pression qu’il a été contraint de se placer en arrêt de maladie. Le certificat médical qu’il produit pour établir le lien de causalité entre ses conditions de travail et son état de santé est toutefois dépourvu de toute force probante dans la mesure où le praticien se contente de reproduire ce que lui a indiqué son patient sans se baser sur ses propres constatations cliniques.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté l’appelant de cette demande.

3-Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

En application de l’article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail s’exécute de bonne foi. Cette obligation est réciproque.

Pour affirmer que la société s’est comportée de façon déloyale envers lui, M. [P] s’appuie exclusivement sur les pièces 33, 34 et 36, lesquelles ont été retirées des débats.

Il sera donc débouté de sa demande, ainsi qu’en a jugé le conseil de prud’hommes.

4-Sur la procédure de licenciement

M. [P] se fonde toujours exclusivement sur ces pièces écartées des débats pour soutenir que la décision de le licencier était déjà prise lorsqu’il a été convoqué à l’entretien préalable.

Il sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts, ainsi qu’en a jugé le conseil de prud’hommes.

5-Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les dépens d’appel seront laissés à la charge de M. [P].

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement prononcé le 12 mai 2020 par le conseil de prud’hommes de Bourg en Bresse en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Laisse les dépens d’appel à la charge de M. [Z] [P] ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Le Greffier La Présidente

 


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