COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 17 MARS 2023
N° 2023/101
Rôle N° RG 19/16437 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFCAL
[VE] [RS]
C/
SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA
Copie exécutoire délivrée le :
17 MARS 2023
à :
Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Laurence NASSI-DUFFO, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 27 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02604.
APPELANT
Monsieur [VE] [RS], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Laurence NASSI-DUFFO, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Mars 2023
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [VE] [RS] a été engagé par la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA (dite MASA), qui exploite une concession automobile, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 3 juin 1991, en qualité d’aide mécanicien.
Le 24 février 2016, la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA a notifié à Monsieur [RS] un avertissement.
Par avenant au contrat de travail du 15 mars 2017, Monsieur [RS] a fait l’objet d’une mutation géographique au sein de l’établissement de [Localité 3] à [Localité 4] au poste d’adjoint au responsable après-vente, qualification Z4, échelon 17.
Le 1er juin 2017, Monsieur [RS] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 13 juin 2017 et mis à pied à titre conservatoire.
Monsieur [RS] a été licencié pour faute grave, le 19 juin 2017, pour les motifs suivants :
‘ Le Chef d’atelier, [O] [H], s’est plaint de vous, précisant que vous agissiez seul dans la gestion de l’atelier, sans jamais lui en référer, privilégiant de manière abusive vos clients par rapport aux clients du site. Il constatait également un temps important en communications personnelles et une durée hors norme de temps passé avec vos clients.
Lors d’un contrôle effectué par le Contrôleur de gestion, [C] [W], entre le 1er et le 8 juin 2017, il a été relevé un certain nombre d’anomalies à l’atelier MASA [Localité 3] :
1. Remises importantes à certains clients sans aucun accord du chef d’atelier.
2. Falsifications des pointages, allant jusqu’à l’annulation des heures passées sur certains véhicules.
3. Transferts d’une partie de ces heures à la charge d’autres clients.
4. Clients entrants à l’atelier, avec ou sans ordres de réparation, pour effectuer des diagnostics non facturés.
5. Après diagnostics, constatations d’achats de pièces effectuées au nom d’Auto Prestige (société fermée depuis 2008) à MASA [Localité 4], avec une remise de 25 % -travaux non effectués chez nous!
6. Désorganisation de l’atelier au profit de clients que vous privilégiez au détriment des autres.
Ci-après, liste non exhaustive des dossiers présentant des anomalies :
Dossier n°1
36455 : client Monsieur [I]
Dossier n°2
36065 : client [M] (Auto Look)
Dossier n°3
36294 : client Monsieur [NU]
Dossier n°4
36350 : client Monsieur [IS]
Dossier n°5
36233 : client Monsieur [BF]
Dossier n°6
36089 : client SAS Galea
Dossier n°7
36598 : client Garage Segura
Dossier n°7 bis
36813: client Garage Segura
Dossier n°8
364 79 : client Monsieur [B]
Dossier n°9
36377 : client Madame [N]
Dossier n°10
36607 : client Alpha Cinq
Dossier n°11
36071: client Monsieur [S]
Dossier n°11 bis
36807 : client Monsieur [YY]
Dossier n°11 ter
36895 : client Monsieur [P]
Dossier n°12
37147 : client Taxi Service Santé
Dossier n°13
37220 : client Monsieur [X]
1. Remises importantes à certains clients sans accord du chef d’atelier
– Facture du 28/03/2017: Monsieur [Z] = 10 % de remise pièces et main d’oeuvre – mentionnée selon courrier ‘
– Facture du 12/04/2017 : Madame [J] = facture de 60 € au lieu de 256 € TTC
-Facture du 19/04/201 7 : Monsieur [Y] = 10% de remise pièces et main d’oeuvre – mentionné selon courrier ‘
– Facture du 24/04/2017 : Sud lntermed = 30% de remise sur la main d’oeuvre et 20/30 % sur les pièces
– Facture du 10/05/2017 : Monsieur [HC] = 10% de remise sur pièces et main d’oeuvre – mentionné selon courrier ‘
– Facture du 12/05/2017: Madame [T] = 10% de remise sur pièce et main d’oeuvre
– Facture du 15/05/2017: Monsieur [G] = 10% sur pièces et main d’oeuvre- mentionné a titre exceptionnel commercial et atelier :
– Facture du 17/05/2017 : Alpha Cinq recharge de climatisation offerte (120 €).
2- Dossiers falsifiés et remises inconsidérées sans accord
TEC 36065 : Monsieur [M]-facture au nom d’Autolook
TEC 36294 : Monsieur [NU]
TEC 36350 : Monsieur [IS]
TEC 36233 : Monsieur [BF]
TEC 36085 : SAS Galea
TEC 36598 : Garage Segura
TEC 36479 : Monsieur [B]
TEC 36807 : Monsieur [YY]
TEC 36607 : Alpha Cinq
TEC 3 7220 : Monsieur [X]
TEC 37147 : Taxi Santé Service
3- Falsification par transfert de pointage de clients à vous, à la charge d’autres clients
TEC 36455 : Monsieur [I]
TEC 36294 : Monsieur [NU]
TEC 36350 : Monsieur [IS]
TEC 36233 : Monsieur [BF]
TEC 36089 : SAS Galea
TEC 36598 : Garage Segura
TEC 36479 : Monsieur [B]
TEC 36807: Monsieur [YY]
TEC 37147 :Taxi Santé Service
4- Clients entrants à l’atelier, avec ou sans ordres de réparation, pour effectuer des diagnostics non facturés
TEC 36089’SAS Galea
TEC 36813 Garage Segura
TEC36377 Madame [N]
TEC 36071 Monsieur [S]
TEC 36895 Monsieur [P] – plus grave, vous avez fait appel pour ce dossier à notre responsable technique du Groupe, Monsieur [FM]. Ce dernier est venu spécialement à la concession MASA [Localité 3] pour voir le véhicule. Il a travaillé 2 heures la journée du 26 mai 2017, rien n’a été facturé au client.
5- Après diagnostics, constatations d’achats de pièces effectuées au nom d’Auto Prestige – MASA [Localité 4], avec une remise de 25 % – travaux non effectués chez nous (société fermée depuis 2008) !
TEC 36125 : [Y]
TEC 36455 : client [I]
6- Désorganisation de l’atelier au profit de clients privilégiés
Il vous a également été reproché de ne pas tenir compte du planning atelier, et de ne pas hésiter à sa surcharge pour rajouter des clients de dernière minute avec qui vous entreteniez des liens privilégiés, ce qui entraînait des retards de livraison pour les clients qui avaient pris rendez-vous en temps et en heure.
Exemple :
Le 16 mai, nous constatons sur le système Mécaplanning le rajout des clients ‘[YY]’ et ‘Garage Segura’ – TEC 36807 et TEC 36813, affectés à un technicien, [R] [D], qui était déjà complet avec le TEC 35863, Monsieur [VL], sans qu’aucun accord du chef d’atelier ne soit donné.
Les clients ont bénéficié de gratuité ou de grosses remises, Monsieur [VL] a réglé la totalité de ce qu’il devait, sans remise.
Tous ces dossier ont été relevés pendant la période où vous avez été muté sur le site de MASA [Localité 3], soit, à compter de début avril 2017.
Votre comportement rend immédiatement impossible la poursuite de votre contrat de travail.
Votre licenciement pour faute grave prend effet sans préavis ni indemnité […] ».
Contestant son licenciement, Monsieur [RS] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille, lequel, par jugement du 27 septembre 2019, a :
– dit et jugé que le licenciement repose sur une faute réelle et sérieuse mais pour une faute simple.
– dit que le salaire moyen est de 2.893 €.
En conséquence :
– condamné la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA à payer à Monsieur [VE] [RS]:
‘ 863,04 € au titre de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire du 1er juin 2017 au 19 juin 2017.
‘ 86,30 € de congés payés y afférents.
‘ 21.268 € d’indemnité légale de licenciement.
‘ 5.786 € d’indemnité compensatrice de préavis.
‘ 578,60 € de congés payés y afférents.
‘ 1.000 € de dommages-intérêts pour absence de mention de la convention collective applicable sur les bulletins de salaire.
‘ 1.000 € d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– enjoint la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA à :
‘ remettre au salarié une attestation pôle emploi, un certificat de travail, un bulletin de salaire récapitulatif des versements de nature salariale et un solde de tout compte, rectifiés conformément à la présente procédure.
‘ régulariser la situation du salarié auprès des organismes sociaux.
– précisé que les condamnations concernant des créances de nature :
‘ salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice.
‘ indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
– dit qu’il y a lieu d’ordonner la capitalisation annuelle des intérêts, sous réserve toutefois une année entière (article 1343-2 du code civil).
– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire des dispositions du présent jugement qui ne sont pas de plein droit exécutoires, par application de l’article R.1454-28 du code du travail.
– rejeté toutes les autres demandes des parties.
– condamné la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA aux entiers dépens.
Monsieur [RS] a fait appel de ce jugement.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 16 novembre 2022, il demande à la cour de :
– juger recevable et bien-fondé Monsieur [RS] en son appel.
– en conséquence, confirmer le jugement en tant qu’il a jugé que le licenciement de Monsieur [RS] ne reposait pas sur une faute grave.
– confirmer le jugement en tant qu’il a condamné la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA au paiement des sommes suivantes :
‘ rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire du 1er juin 2017 au 19 juin 2017 : 863,04€
‘ congés payés incidents : 86,30 €
‘ indemnité légale de licenciement : 21.268 €
‘ indemnité compensatrice de préavis : 5.786 €
‘ congés payés incidents : 578, 60 €
– puis, statuant à nouveau, réformer le quantum des dommages-intérêts pour absence de mention de la convention collective applicable afin de le porter à la somme de 10.000 €.
– infirmer le jugement pour le surplus.
– juger que le licenciement de Monsieur [RS] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse.
– condamner la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA au paiement de la somme de 100.000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– condamner la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA au paiement de la somme de 2.500 € à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– fixer la rémunération brute moyenne mensuelle de Monsieur [RS] à 2.893 €.
– condamner la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA aux entiers dépens, à l’intérêt au taux légal et capitalisation des intérêts.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 24 octobre 2022, la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Marseille le 27 septembre 2019 en ce qu’il a dit le licenciement de Monsieur [RS] fondé sur une cause réelle et sérieuse, condamné la société MASA à payer à Monsieur [RS] les sommes suivantes : 863,04 € au titre du rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire du 1er juin 2017 au 19 juin 2017, 86,30 € au titre des congés payes y afférents, 21.268 € au titre de l’indemnité légale de licenciement, 5.786 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 578,60 € au titre des congés payés y afférents, 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour absence de mention de la convention collective applicable, 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal, ordonné la remise à Monsieur [RS] d’une attestation pôle emploi, d’un certificat de travail, d’un bulletin de salaire récapitulatif des versements de nature salariale et d’un solde de tout compte rectifiés, ordonné la régularisation auprès des organismes sociaux.
– en conséquence, statuant à nouveau, dire et juger que le licenciement de Monsieur [RS] est bien fondé sur une faute grave.
– dire et juger que la convention collective applicable à la relation de travail figure bien sur les bulletins de salaires.
– en conséquence, débouter Monsieur [RS] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
– pour le surplus, confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Marseille le 27 septembre 2019 en ce qu’il a rejeté toutes les autres demandes de Monsieur [RS].
MOTIFS DE LA DÉCISION
I. Sur le licenciement
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis. Elle doit être prouvée par l’employeur.
La cour constate que les griefs relatifs aux faits que Monsieur [RS] privilégierait de manière abusive ses clients par rapport aux clients du site, au temps important en communication personnelle et à la durée hors norme de temps passé avec les clients, ne sont justifiés par aucune pièce.
Pour démontrer la réalité, l’imputabilité au salarié et la gravité des autres faits commis et reprochés dans la lettre de licenciement, la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA verse :
1. Concernant le premier grief relatif aux remises importantes à certains clients sans accord du chef d’atelier :
– l’ensemble des factures mentionnées dans la lettre de licenciement.
– diverses factures (pièces 88 à 95) dont il ressort une absence de remise.
– l’attestation de Monsieur [DX] [U] qui indique : ‘Les conseillers service et les adjoints des chefs d’atelier n’ont pas le pouvoir de faire des remises’.
La SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA fait valoir, d’une part, que les remises et les gestes commerciaux incombent exclusivement à Monsieur [H], responsable après-vente auprès de qui Monsieur [RS] devait solliciter l’accord et, d’autre part, que l’octroi de remises n’est pas systématique.
Monsieur [RS] conteste les faits et soutient que l’accord de Monsieur [H] n’était pas nécessaire pour accorder des remises.
Il produit :
– l’attestation de Monsieur [K] [DP], ancien salarié de la société qui indique : ‘je certifie avoir effectué des remises commerciales selon des raisons diverses (fidélisation, travaux supplémentaires) sans pour autant avoir un accord préalable de mon responsable. Il est bien entendu que ces remises avaient pour but de préserver notre clientèle et ainsi par voie de conséquence la société. Durant cette période, je n’ai pas le souvenir qu’un employé était sanctionné pour avoir pratiqué ces remises commerciales’.
– l’attestation de Monsieur [SG] [L], ancien apprenti mécanicien et réceptionnaire de l’entreprise, qui indique : ‘Durant ma formation et en poste de réceptionnaire, j’ai constaté que le phénomène des remises sur factures était présent et appliqué sans accord préalable. Toujours appliqué dans l’optique des intérêts de l’image de la société, mais aussi pour satisfaire les clients fidèles et importants. Parfois ces remises permettaient de ne pas perdre à la concurrence un client déçu du véhicule ou de l’avarie. Le service commercial sollicitait l’après-vente d’appliquer des remises afin de sécuriser un renouvellement des véhicules, cela sans accord préalable. Les remises et la gestion de la facturation des heures de main-d »uvre étaient aussi abordées et proposées comme solution’.
– l’attestation de Monsieur [V], ancien conseiller client de l’entreprise, qui indique : ‘Je certifie avoir vu et même effectué des remises commerciales à certains clients sans avoir à demander l’accord de ma direction. Cet accord était donné verbalement en amont par la Direction et au libre choix du conseiller’.
– les attestations de Monsieur [XB], salarié de 2002 à 2010, de Monsieur [LX], de Monsieur [E], ancien réceptionnaire de l’entreprise entre 2011 et 2013, qui indiquent également avoir pratiqué des remises commerciales, sans avoir préalablement un accord systématique de leur supérieur hiérarchique.
– diverses factures éditées en 2016-2017- 2018 par d’autres salariés comportant des remises.
Monsieur [RS] produit également des pages publicitaires éditées par la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA qui mentionnent des ‘remises fidélité de 10% sur votre révision’ ou ‘Mercedez-benz a le plaisir de vous offrir -20% sur les pièces d’origine suivantes (…)’.
Alors que la cour constate que la plupart des remises visées ne sont que de 10%, il ressort que la condition d’un accord préalable du responsable du SAV pour accorder une remise à un client n’est nullement établie par l’employeur et la seule attestation de Monsieur [DX], salarié toujours sous le lien hiérarchique de la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA, ne présente pas les garanties probatoires suffisantes pour contredire les témoignages d’anciens salariés qui affirment de façon réitérée que des remises pouvaient être accordées sans autorisation préalable du chef de service.
Le grief n’est donc pas établi.
2- Concernant le second grief relatif aux dossiers falsifiés
Il ressort des éléments produits et des explications du salarié que :
– pour le dossier [M] : Monsieur [RS] ne conteste pas ne pas avoir fait procéder aux réparations ‘sans dossier’, c’est à dire sans créer un dossier au nom du client, comme cela résulte du bon de réquisition et avoir établi la facture au nom de la société du client.
– pour le dossier [X] : il ressort de la facture que Monsieur [RS] a accordé une remise de 25% en indiquant (sic) ‘remise à titre exceptionnel le client ramanes souvent des véhicules de Tunisie pour des réparations’, alors que la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA justifie, par des extraits du logiciel de pointage, que Monsieur [X] n’a confié qu’un seul véhicule pour réparation et le fait argué par Monsieur [RS], selon lequel Monsieur [X] apportait à la concession d’autres véhicules provenant du Maghreb, n’est justifié par aucune pièce.
Il en résulte qu’il peut être retenu le fait que, pour les dossiers ainsi examinés, Monsieur [RS] a inscrit des mentions inexactes sur les factures.
3. Concernant le troisième grief relatif à la falsification de pointages de ses clients à la charge d’autres clients
L’employeur reproche au salarié d’avoir transféré des heures de travail (de pointage) de certaines factures vers d’autres factures afin de minorer les heures mentionnées sur les premières (dossiers [NU], [IS], [BF], SOCIÉTÉ GALEA, GARAGE SEGURA, [B], [YY], SOCIÉTÉ TAXI SANTE SERVICE, [I]) .
Pour le dossier [NU], la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA reproche également à Monsieur [RS] d’avoir accordé à ce client la ‘garantie étoile’ alors que ce véhicule ne bénéficiait d’aucune garantie, ce qui impliquait une facturation des réparations, puis d’avoir supprimé les heures de pointage du mécanicien pour les transférer sur le dossier d’un autre client.
Cependant, Monsieur [RS] produit le bon de commande du véhicule de Monsieur [NU], établi le 11 août 2016 et qui mentionne le même numéro de châssis que celui figurant sur la facture, qui indique que le véhicule bénéficiait bien de la ‘garantie occasion Millétoiles 24 mois’.
De même, Monsieur [RS] produit les attestations de Monsieur [V], Monsieur [XB], Monsieur [LX] et Monsieur [E] qui attestent de l’existence de la ‘pratique du transfert de pointage’ au sein de la société et y avoir eux-mêmes recouru. Monsieur [RS] produit également le courrier du 25 juillet 2017 de Monsieur [P], client, qui dénonce cette pratique opérée sur son véhicule et joint l’ordre de réparation et la cession de garantie comportant le nom de Monsieur [DX], conseiller SAV qui a procédé au transfert de pointage litigieux.
Dans ces conditions, Monsieur [RS] agissant dans le cadre d’une pratique admise et attestée par les autres conseillers, la faute ne peut être retenue à son encontre.
4. Concernant le quatrième grief relatif aux clients entrants à l’atelier, avec ou sans ordres de réparation, pour effectuer des diagnostics non facturés
La SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA produit les ordres de réparation, les pointages des heures et les factures éditées concernant les dossiers SEGURA, [N], [S] et [P] dont il ressort que les diagnostics n’ont pas été facturés.
Cependant, Monsieur [RS] produit les attestations de Monsieur [V] qui indique que lorsque ‘le client attend sur place pour les diagnostics, le conseiller client était apte à valider la remise et/ou offrir le diagnostic’ et l’attestation de Monsieur [LX] qui indique (sic) ‘il m’est arrivé de faire pratiquer des diagnostics sur leur véhicule sans facturé en retour’.
Dans ces conditions, Monsieur [RS] agissant dans le cadre d’une pratique admise attestée par les autres conseillers, la faute ne peut être retenue à son encontre.
5. Concernant le cinquième grief relatif à des constations, après diagnostics, d’achats de pièces effectuées au nom d’Auto Prestige à MASA [Localité 4], avec une remise de 25% et des travaux non-effectués au sein de la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA
La SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA produit les ordres de réparations et des factures établies aux noms de Monsieur [Y] et de Monsieur [I] qui comportent le nom de Monsieur [RS] en qualité de conseiller SAV.
Elle produit deux factures émises au nom de la société AUTO PRESTIGE, les 26 avril 2017 et 15 mai 2017, qui font référence aux numéros de châssis des véhicules de Monsieur [Y] et de Monsieur [I], mais qui comportent les noms de Monsieur [F] et de Monsieur [A] en qualité de conseillers SAV de sorte que ces éléments ne permettent pas d’imputer les faits à Monsieur [RS].
6. Concernant le sixième grief relatif à la désorganisation de l’atelier au profit de clients privilégiés
La SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA produit un extrait du logiciel MECAPLANNING pour la journée du 17 mai 2017, les ordres de réparations et les factures des clients SEGURA et [YY]. Cependant, ces éléments ne permettent assurément pas de caractériser une faute de la part de Monsieur [RS] qui aurait surchargé fautivement le planning du mécanicien, Monsieur [D], en lui demandant de réaliser des prestations sur deux véhicules supplémentaires, ce qui aurait retardé les réparations des véhicules des clients qui avaient pris rendez-vous.
*
Il en résulte qu’est uniquement établi le fait d’inscriptions de mentions inexactes par Monsieur [RS] sur deux factures que l’employeur qualifie de ‘falsifications’.
Ces faits, dans leur matérialité, ne présentent pas un caractère de gravité telle qu’ils justifient une mesure immédiate de licenciement pour faute grave.
Il s’ensuit que non seulement le licenciement de Monsieur [RS] ne repose pas sur une faute grave mais est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il convient d’allouer à Monsieur [RS] les sommes de 863,04 € à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire, de 86,30 € au titre des congés payés afférents, de 21.268 € au titre de l’indemnité de licenciement, de 5.786 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de 578, 60 € au titre des congés payés afférents, sommes contestées en leur principe par la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA mais non en leurs montants qui sont conformes aux droits du salarié.
Au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [RS] invoque un préjudice financier (perte des avantages sociaux de l’entreprise, frais de recherches d’un emploi, préjudice de carrière et préjudice moral). Cependant, Monsieur [RS] ne justifie pas, par des pièces précises, de préjudices en ces matières.
Par contre, en application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (44 ans), de son ancienneté (26 ans), de sa qualification, de sa rémunération (2.893 €), des circonstances de la rupture, de la période de chômage qui s’en est suivie jusqu’au 28 février 2019 et d’un contrat de travail signé le 1er mars 2019, il sera accordé à Monsieur [RS] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 35.000 €.
Les dispositions du jugement relatives aux intérêts, à la remise à Monsieur [RS] d’une attestation pôle emploi, d’un certificat de travail, d’un bulletin de salaire récapitulatif des versements de nature salariale et d’un solde de tout compte rectifiés et à la régularisation auprès des organismes sociaux, seront confirmées.
II. Sur la demande de dommages-intérêts pour absence de mention de la convention collective applicable
Sur le fondement de l’article R. 3243-1 du code du travail, qui dispose que le bulletin de paye doit comporter l’intitulé de la convention collective de branche applicable, Monsieur [RS] conclut que ses bulletins de salaire ne comportaient pas cette mention et qu’il a subi un préjudice important dans la mesure où il a été privé de cette information primordiale pour ses droits, et ce pendant plus de 25 années de relation de travail.
Celui qui réclame l’indemnisation d’un manquement doit prouver cumulativement l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Outre le fait que les bulletins de salaire comportent la mention ‘convention : CNPA’, Monsieur [RS] n’évoque aucun préjudice précis ni ne produit de pièce qui justifierait de l’existence et de l’étendue d’un préjudice.
La demande sera donc rejetée.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées et il est équitable de condamner la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA à payer à Monsieur [RS] la somme de 1.500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu’il a engagés en cause d’appel.
Les dépens d’appel seront à la charge de la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA, partie succombante par application de l’article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions ayant dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, ayant rejeté la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ayant accordé des dommages-intérêts pour absence de mention de la convention collective sur les bulletins de salaire,
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de Monsieur [VE] [RS] est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA à payer à Monsieur [VE] [RS] la somme de 35.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Déboute Monsieur [VE] [RS] de sa demande de dommages-intérêts pour absence de mention de la convention collective sur les bulletins de salaire,
Y ajoutant,
Condamne la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA à payer à Monsieur [VE] [RS] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Condamne la SAS MECANIQUE AUTOMOBILE SA aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction
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