Droit du logiciel : 17 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/15972

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Droit du logiciel : 17 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/15972

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 17 MARS 2023

N° 2023/103

Rôle N° RG 19/15972 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFAXN

[A] [O]

C/

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

17 MARS 2023

à :

Me Marie-Julie CONCIATORI-BOUCHARD, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Jacques BISTAGNE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 30 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/00520.

APPELANT

Monsieur [A] [O], demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Marie-Julie CONCIATORI-BOUCHARD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jacques BISTAGNE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Mars 2023

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [A] [O] et son épouse ont signé le 19 août 2014 un contrat de cogérance mandataire non salariée avec la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE pour assurer l’exploitation et la gestion d’un magasin de vente au détail C7202 à [Localité 2].

Le 31 octobre 2014, le magasin sous l’enseigne « Petit Casino » continuait son exploitation sous l’enseigne « Leader Price ».

Le 10 décembre 2014, les époux [O] ont pris la cogérance mandataire non salariée d’un autre magasin C7216 sous l’enseigne « Leader Price ». Alors que Madame [O] a gardé la gérance de ce magasin, Monsieur [A] [O] s’est vu confier la cogérance mandataire non salariée d’un nouveau magasin C7216 le 19 février 2015.

À compter du 10 mars 2015, les époux [O] reprenaient la gérance du magasin C7216.

La rémunération des cogérants consistait en une commission fixe sur le chiffre d’affaires réalisé par le magasin, à savoir 6,20 % sur l’ensemble des ventes brutes.

La SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a notifié aux époux [O] une lettre de résiliation du contrat de cogérance en date du 14 mars 2016, au motif qu’il était ressorti d’un inventaire annuel effectué le 18 janvier 2016 un manquant de marchandises et/ou d’espèces de 24’009,89 euros et un excédent d’emballages de 1652,41 euros.

Sollicitant la requalification du contrat de gérance non salariée en contrat de travail à durée indéterminée ainsi que le paiement d’indemnités de rupture, Monsieur [A] [O] a saisi la juridiction prud’homale par requête du 14 mars 2018.

Par jugement du 30 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Marseille a débouté Monsieur [A] [O] de sa demande de requalification du contrat de cogérance mandataire en contrat de travail à durée indéterminée et de ses demandes salariales en découlant, a débouté Monsieur [A] [O] de l’ensemble de ses autres demandes, a débouté le défendeur de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a dit que les dépens seraient partagés par moitié entre les parties.

Ayant relevé appel, Monsieur [A] [O] demande à la Cour, aux termes de ses conclusions récapitulatives n° 3 notifiées par voie électronique le 9 novembre 2022, de :

INFIRMER le jugement entrepris

CONSTATER que le principe de l’exercice en tant que gérant non salarié est l’indépendance,

CONSTATER que le contrat de gérance non salarié signé par Monsieur et Madame [O] le 10 mars 2015 ne prévoit pas une telle indépendance

PRONONCER la requalification du contrat de gérance non salarié en contrat de travail à durée indéterminée

CONSTATER que la Société DCF ne rapporte pas la preuve de la responsabilité de Monsieur et Madame [O] dans l’existence du déficit prétendu par la société DCF.

CONSTATER que Monsieur et Madame [O] n’ont commis aucune faute quant à la gestion de leur magasin

EN CONSÉQUENCE

DIRE ET JUGER que la rupture du contrat de travail ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse

CONDAMNER la Société DCF à verser à Monsieur [O] les sommes suivantes :

– 20’000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la violation par la société DCF du statut de gérant non salarié et de l’exécution déloyale du contrat.

– 2380 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 238 euros au titre des congés payés afférents.

– 952 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement

– 20’000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

CONDAMNER la Société DCF à verser à Monsieur et Madame [O] par moitié les sommes suivantes :

– 17’475,22 euros au titre des frais engagés.

CONDAMNER la Société DCF à remettre à Monsieur et Madame [O] des documents de fin de contrats conformes à sa qualification de salarié, dans un délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

DIRE que l’intégralité des sommes allouées à Monsieur et Madame [O] produira intérêts de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation, en application des articles 1153-1 et 1154 du Code civil ;

CONDAMNER la Société DCF au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des entiers dépens.

La SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE demande à la Cour, aux termes de ses conclusions récapitulatives n° 2 notifiées par voie électronique le 7 novembre 2022, de :

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que Distribution Casino France a respecté les dispositions légales et conventionnelles relatives au statut de gérant mandataire non salarié.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que Distribution Casino France a exécuté le contrat de cogérance mandataire non salariée liant les parties de bonne foi.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que Monsieur [A] [O] et Madame [C] [O] n’apportent pas la preuve d’un lien de subordination vis-à-vis de DISTRIBUTION CASINO France et, notamment, qu’ils ont été de manière effective soumis aux ordres, aux directives et au contrôle de DISTRIBUTION CASINO France dans l’organisation de l’exercice de leur propre travail.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [A] [O] de la demande tendant à voir prononcer la requalification du contrat de cogérance mandataire non salariée liant les parties en contrat de travail à durée indéterminée.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [A] [O] de la demande de condamnation de Distribution Casino France d’avoir à lui payer la somme de 20’000 euros en réparation du préjudice financier résultant de l’exécution déloyale du contrat de travail.

Dire et juger que le fait pour Monsieur [A] [O] et Madame [C] [O] de ne pouvoir utilement présenter les marchandises dont ils étaient simplement dépositaires en nature ou d’en restituer le prix de vente, constitue un manquement grave aux obligations contractuelles justifiant la rupture immédiate du contrat de cogérance.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la résiliation du contrat par DISTRIBUTION CASINO France a été prononcée à juste titre du fait du non-respect par Monsieur [A] [O] et Madame [C] [O] d’une obligation essentielle du contrat.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [A] [O] de la demande de requalification de la rupture du contrat de cogérance en « licenciement sans cause réelle et sérieuse ».

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [A] [O] de la demande d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents comme non fondée.

Débouter Monsieur [A] [O] de la demande de condamnation de Distribution Casino France d’avoir à lui payer la somme de 2380 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et celle de 238 euros au titre des congés payés afférents.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [A] [O] de la demande d’indemnité légale de licenciement comme non fondée.

Débouter Monsieur [A] [O] de la demande de condamnation de Distribution Casino France d’avoir à lui payer la somme de 952 euros au titre d’indemnité légale de licenciement.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [A] [O] de la demande de condamnation de Distribution Casino France d’avoir à lui payer la somme de 20’000 euros à titre de «dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ».

Débouter Monsieur [A] [O] de la demande de délivrance, sous astreinte, de documents sociaux.

Dire et juger que la reddition des comptes entre les parties, à l’issue du contrat, relève des modalités commerciales.

Dire et juger que la Chambre sociale de la Cour d’appel n’est pas compétente pour statuer sur les modalités commerciales du contrat liant les parties.

Voir la Chambre sociale de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence se déclarer incompétente pour statuer sur la demande des époux [O], au titre des frais engagés, au profit du Tribunal de Commerce de Nîmes.

Débouter Monsieur [A] [O] de la demande de condamnation de Distribution Casino France d’avoir à lui verser la moitié de la somme de 17’475,22 euros au titre des frais engagés.

Débouter Monsieur [A] [O] de l’ensemble des demandes liées à la rupture du contrat de cogérance mandataire non salariée comme non fondées.

Condamner Monsieur [A] [O] à payer à DISTRIBUTION CASINO France au titre de l’article 700 du C.P.C. la somme de 2000 euros.

Condamner Monsieur [A] [O] aux entiers dépens d’instance et d’appel, par application de l’article 696 du C.P.C., distraits au profit de Maître Jacques BISTAGNE, Avocat qui y a pourvu sous son affirmation de droit.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 10 novembre 2022.

SUR CE :

Sur la requalification du contrat de cogérance mandataire non salariée :

Monsieur [A] [O] sollicite la requalification du contrat de cogérance mandataire non salariée en contrat de travail à durée indéterminée, faisant valoir qu’il ne disposait pas d’indépendance dans la gestion et l’exploitation du magasin et qu’il existe au contraire un lien de subordination économique et juridique avec la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE.

Il soutient qu’il ressort de la lecture des clauses du contrat de cogérance que Monsieur et Madame [O] n’ont pu bénéficier d’aucune indépendance dans la gestion de leur magasin, ni d’aucune autonomie dans la gestion de leurs conditions de travail, invoquant :

-qu’ils ne pouvaient pas « modifier la nature, la qualité ou la présentation de marchandises » (article 3.2),

-qu’ils étaient responsables des quantités livrées et des avaries pouvant survenir aux marchandises et au matériel en magasin (article 4.2),

-qu’ils étaient tenus de participer « d’une manière générale, à la politique commerciale de DISTRIBUTION CASINO FRANCE, dont la mise en ‘uvre, notamment par des actions de promotion, de publicité et de services aux clients » (article 4.2),

-qu’ils n’avaient quasiment aucun moyen de s’opposer aux décisions prises par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, le contrat stipulant notamment que la non contestation du bordereau des commissions devant leur parvenir mensuellement dans les 8 jours de son envoi « implique l’approbation pleine et entière par les cogérants de ladite situation de compte » (article 7.4),

-qu’ils pouvaient voir leur contrat rompu sur simple décision de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, sans motif particulier (article 8).

Monsieur [O] fait valoir en conséquence que le contrat signé par les époux [O] est donc un contrat d’adhésion dont la nature même caractérise l’absence de toute liberté pour les gérants non salariés.

Il relève que tant les dispositions du code du travail (article L.7322-3) que celles de l’accord collectif national du 18 juillet 1963 imposent la régularisation d’un contrat individuel de gérant non salarié et que le contrat de cogérance non salariée conclu avec la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE le 20 janvier 2015 n’est pas conforme aux règles du code du travail applicables à la gérance non salariée et a eu pour effet de soumettre Monsieur et Madame [O] à l’autorité et au contrôle de la société DCF.

Monsieur [O] invoque, au titre des contraintes imposées par le contrat de cogérance en lui-même, les sujétions suivantes incompatibles avec l’indépendance des époux [O] et leur statut de gérant non salarié :

– Les gérants n’avaient aucune liberté dans la détermination des horaires d’ouverture et de fermeture : l’appelant soutient que la société DCF a fait pression sur les époux [O] afin que ces derniers rédigent un courrier mentionnant les horaires et taux de commissions que la société souhaitait voir noter, ce dans le but de tenter de faire croire que les termes de cette lettre étaient librement consentis, tel que cela résulte du témoignage de Monsieur [N] [K] ;

– Ils devaient passer les commandes de marchandises aux dates et selon les volumes fixés par la société DISTRlBUTION CASINO France qui impose le contenu des livraisons et refuse de reprendre les marchandises non commandées (la comptabilité produite au débat le démontre) :

– Ils recevaient des marchandises non commandées qui leur étaient livrées d’autorité par la société DISTRlBUTION CASINO FRANCE (la comptabilité produite au débat le démontre) ;

– Ils étaient régulièrement contrôlés et évalués par le service commercial de la société DISTRlBUTION CASINO France qui choisissait de répondre ou non aux demandes de reprises de périmés, aux demandes de rectification des erreurs comptables ainsi qu’aux erreurs de marchandises livrées (la comptabilité produite au débat le démontre) ;

– Ils devaient respecter et mettre en ‘uvre les opérations commerciales et partenariats imposés par la société DISTRlBUTION CASINO France ;

– Ils ne pouvaient pas déterminer librement leurs périodes de congés ;

– Les ventes réalisées dans le magasin étaient suivies et contrôlées par la société DISTRlBUTION CASINO France ;

– Le magasin devait être organisé en fonction de la méthode HACCP éditée et imposée par la société DISTRIBUTION CASINO France ;

– Les commandes de matériel devaient obligatoirement être passées auprès de l’économat de la société DISTRlBUTION CASINO France.

Monsieur [O] conclut qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que les époux [O] ont été soumis aux directives et au contrôle de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE et qu’en conséquence, la Cour prononcera la requalification du contrat de gérance non salariée des époux [O] en contrat de travail à durée indéterminée.

La SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE réplique que le contrat signé par Monsieur [A] [O] et Madame [Y] [O] est un contrat de cogérance soumis aux dispositions des articles L.7322-1 et suivants du code du travail ainsi que de l’Accord Collectif National des maisons d’alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés « gérants mandataires non salariés » du 18 juillet 1963 modifié; que les cogérants n’ont jamais contesté ce statut durant les relations contractuelles alors qu’ils ont signé un contrat de gérance mandataire non salariée à plusieurs reprises ; que l’article L.7322-2 du code du travail exige trois conditions pour la reconnaissance du statut de gérant mandataire non salarié, à savoir :

-la rémunération au moyen de commissions,

-l’indépendance dans la gestion (possibilité d’embaucher du personnel),

-l’indépendance dans la fixation des conditions de travail ;

que pendant toute la durée du contrat, les cogérants ont été rémunérés par le biais de bulletins de commissions mensuels ; que les cogérants avaient toute liberté pour organiser leur exploitation conformément à l’article 2 du contrat de gérance ; que les cogérants ont indiqué à DISTRIBUTION CASINO France, par courrier du 6 août 2014, les horaires d’ouverture du magasin et ont donc librement fixé les horaires d’ouverture du magasin ; que toutes les conditions sont donc réunies pour la reconnaissance du statut de cogérants mandataires non salariés à Monsieur [A] [O] et Madame [C] [O].

La SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE relève que les cogérants ne peuvent bénéficier de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale, l’ancien article L.782-7 du code de travail ayant été abrogé par les nouvelles dispositions prévues par les articles L.7322-1 à L.7322-6 du code du travail.

Elle fait valoir que Monsieur et Madame [O] n’apportent pas la preuve d’un lien de subordination et notamment qu’ils ont été de manière effective soumis aux ordres, aux directives et au contrôle de DISTRIBUTION CASINO France dans l’organisation de l’exercice de leur propre travail, les limites inhérentes au contrat de cogérance apportées à l’autonomie de gestion des gérants mandataires ne constituant pas en soi un élément permettant une telle qualification ; que les clauses du contrat de gérance ne sont pas contraires aux dispositions de l’article L.7322-2 du code du travail et leur examen prouve au contraire la totale indépendance des cogérants ; que Monsieur et Madame [O] ont ainsi librement décidé de la répartition de la rémunération entre eux ; que la clause de fourniture exclusive avec vente à prix imposés est une modalité commerciale qui ne modifie pas la nature du contrat selon l’article L.7322-2 du code du travail ; que l’organisation d’opérations d’inventaire est tout à fait légitime, la société DISTRIBUTION CASINO France restant propriétaire du stock et fixant le montant des commissions devant être versées aux cogérants ; que le mandat confié aux cogérants est un mandat indivisible et solidaire, les articles 7 et 8 de l’Accord Collectif Nationale du 18 juillet 1963 modifié instaurant l’existence d’un forfait de commission, qui doit être réparti entre les cogérants mandataires non salariés et prévoyant ainsi, de manière explicite, la possibilité pour deux cogérants de gérer ensemble un magasin par le biais d’un seul et même contrat.

La SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE soutient qu’aucun document ne peut être produit par Monsieur [A] [O] et par Madame [C] [O] laissant apparaître que leurs horaires de travail leur étaient personnellement imposés ; que l’attestation de Monsieur [K] versée par l’appelant est imprécise et n’apporte aucun élément de preuve d’un lien de subordination des cogérants vis-à-vis de DISTRIBUTION CASINO France ; que les cogérants commandent librement les produits nécessaires au bon fonctionnement de leur supérette, aucune quantité n’étant imposée par DISTRIBUTION CASINO FRANCE aux gérants ; que le contrôle de DISTRIBUTION CASINO France portant sur les marchandises mises à la disposition des gérants pour les vendre, la participation des gérants aux actions promotionnelles, les recommandations de DISTRIBUTION CASINO France, le contrôle des ventes, l’aménagement du magasin, la commande de matériel, s’inscrivent dans le cadre de l’assistance commerciale prévue à l’article 3 de l’accord collectif national du 18 juillet 1963 modifié et dans la politique commerciale suivie par DISTRIBUTION CASINO France ; qu’à défaut de justifier d’un lien de subordination, Monsieur et Madame [O] doivent être déboutés de leur demande tendant à voir prononcer la requalification du contrat de cogérance mandataire non salariée liant les parties en contrat de travail à durée indéterminée.

*****

Aux termes de l’article L. 7321-2 du code du travail, « Est gérant de succursale toute personne :

[…]

2° Dont la profession consiste essentiellement :

a) Soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise’ ».

Selon l’article L.7322-2 du code du travail, « Est gérant non salarié toute personne qui exploite, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales des commerces de détail alimentaire ou des coopératives de consommation lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de son travail et lui laisse toute latitude d’embaucher des salariés ou de se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité.

La clause de fourniture exclusive avec vente à prix imposés est une modalité commerciale qui ne modifie pas la nature du contrat ».

L’accord national collectif du 18 juin 1963 dans lequel s’inscrit le contrat de cogérance mandataire non salariée souscrit entre les parties rappelle notamment que « les spécificités du contrat de gérant mandataire non salarié résultent du fait que vis-à-vis de la clientèle, les gérants mandataires non salariés se comportent en commerçant. Ceci implique :

-indépendance du gérant mandataire non salarié dans la gestion de l’exploitation du magasin qui lui est confié, c’est-à-dire autonomie de celui-ci dans l’organisation de son travail en dehors de toute subordination juridique ;

-intéressement direct à l’activité du magasin par des commissions calculées sur le montant des ventes.

Ces principes gouvernent donc le contrat de mandat d’intérêt commun signé entre les sociétés et les gérants mandataires non salariés : la clause de fourniture exclusive avec vente à prix imposés est une modalité commerciale qui ne modifie pas la nature du contrat.

En signant le présent protocole, les parties ont la volonté expresse de valoriser la fonction de gérant mandataire non salarié par des garanties sociales et commerciales adaptées aux conditions spécifiques du métier ».

Si l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs, il incombe à la partie qui se prévaut d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve en établissant la réalité d’un rapport de subordination caractérisé par le pouvoir de l’employeur, pour lequel des prestations de travail sont fournies, de donner des ordres et directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner d’éventuels manquements.

La charge de la preuve pèse donc sur l’appelant qui demande la requalification des mandats de cogérance salariée en contrat de travail.

L’appelant fait tout d’abord valoir que la notion de « cogérance » n’a aucune existence légale et et n’est pas conforme aux dispositions du code du travail et des clauses de l’accord national du 18 juillet 1963.

Cependant, la cogérance n’est pas interdite par la loi et elle est, contrairement aux allégations de Monsieur [O], expressément prévue par l’accord national du 18 juillet 1963, en son article 7 : « Dans le cas de co-gérance, le forfait de commission sera réparti entre les cogérants mandataires non salariés en considération des aménagements convenus entre eux pour la gestion du magasin qui leur est confié pouvant conduire à une activité incomplète de l’un des cogérants mandataires non salariés.

Il est toutefois expressément convenu que la répartition ne peut être inférieure à 30 % du forfait de commission pour le gérant mandataire non salarié percevant le moins, sans que la part mensuelle moyenne revenant à l’autre co-gérant mandataire non salarié puisse être inférieure au minimum garanti à la gérance 1ère catégorie.

La répartition convenue entre les co-gérants mandataires non salariés est consignée en annexe à leur contrat ».

En l’espèce, les contrats de cogérance mandataire non salariée conclus entre les parties prévoient que la commission globale acquise sur les ventes réalisées est répartie à hauteur de 70 % pour Madame [C] [O] et de 30 % pour Monsieur [A] [O] (à l’exception de la période du 19 février 2015 au 9 mars 2015 pendant laquelle chacun des époux gérait seul un magasin).

En second lieu, l’appelant fait valoir que les clauses des contrats de cogérance imposaient aux cogérants des sujétions qui étaient incompatibles avec l’indépendance dont ils auraient dû bénéficier dans la gestion de leur magasin et de leurs conditions de travail.

Cependant, ces clauses ne sont pas contraire aux dispositions de l’article L.7322-2 du code du travail en ce qu’elles ne remettent pas en cause la faculté des cogérants de recruter du personnel à leur guise, ni d’organiser librement l’exercice personnel de leur activité professionnelle, comme cela est rappelé à l’article 2.2 des contrats litigieux : « Les cogérants mandataires non salariés se comportent en commerçants vis-à-vis de la clientèle. Moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes qu’ils réalisent, les cogérants mandataires non salariés gèrent le magasin en disposant d’une autonomie et d’une liberté dans l’organisation de l’exercice personnel de leur activité professionnelle. Ils ont toute latitude pour embaucher des salariés ou se faire remplacer à leurs frais et sous leur entière responsabilité ».

Il est également stipulé au contrat la faculté de mettre un terme au contrat pour « chacune des parties » (article 8 du contrat de cogérance non salariée) et celle de contester les arrêtés de comptes et situations de compte (articles 5 et 6 du contrat de cogérance).

Monsieur [A] [O] conteste toutefois avoir été destinataire des relevés de compte de fin de mois et relevés détaillés des débits et crédits. Il verse principalement aux débats des fiches d’inventaire et pièces comptables correspondantes, des relevés de compte de fin de mois, relevés détaillés des débits et crédits et fiches de caisse dont il conteste en avoir eu connaissance au cours de la relation contractuelle, et d’autres éléments de comptabilité (écritures comptables, réclamations, factures, bons d’avoir, pièces comptables).

Il convient d’observer que l’article 7 des contrats de cogérance mandataire non salariée prévoit le suivi de la gestion comptable des cogérants sur l’évolution du chiffre d’affaires afin de déterminer la commission globale à reverser aux cogérants et précise que DISTRIBUTION CASINO FRANCE adresse, chaque mois, aux cogérants mandataires non salariés une situation de compte, dont le défaut de contestation dans les huit jours de son envoi implique l’approbation pleine et entière par les cogérants de ladite situation de compte.

L’Accord collectif national des maisons d’alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés « gérants-mandataires non salariés » en date du 18 juin 1963 prévoit, en son article 21, la réalisation d’inventaires et d’arrêtés de comptes établis à la suite de chaque inventaire. Les inventaires (au minimum trois inventaires pendant la première année de gestion, deux inventaires au cours de la seconde année) sont réalisés en présence des cogérants ou, si ceux-ci ne peuvent participer ou se faire représenter aux opérations d’inventaire, en présence d’un officier ministériel.

L’établissement d’inventaires réguliers suivis d’arrêtés de comptes n’est pas incompatible avec le statut défini aux articles L.7322-1 et L.7322-2 du code du travail et découle du fait que « les marchandises ne sont détenues par les cogérants mandataires non salariés qu’à titre de dépôt avec mandat de les vendre au comptant’ DISTRIBUTION CASINO FRANCE demeure propriétaire des marchandises et espèces provenant de la vente des marchandises » (article 3.2 du contrat de cogérance mandataire non salariée). Au surplus, Monsieur [A] [O] disposait, en vertu de l’article 5 de son contrat de cogérance, de la même faculté d’imposer un nouvel inventaire sans que la société CASINO ne puisse le lui refuser, en sorte qu’il n’était pas placé en situation de dépendance à l’égard de la société mandante.

Par ailleurs, l’existence d’inventaires réguliers a pour corollaire la clause de fourniture exclusive rappelée au dernier alinéa de l’article L.7322-2 du code du travail et qui est définie comme une modalité commerciale qui n’influe pas sur la nature du contrat, pas plus que l’obligation de participer aux opérations commerciales de la société CASINO.

En l’espèce, il ressort des fiches d’inventaire versées aux débats en date des 19 août 2014, 20 octobre 2014,19 février 2015, 9 mars 2015, 10 mars 2015 et 18 janvier 2016 (pièces 2, 3, 7, 8, 10 et 11 versées par l’appelant – fiches accompagnées des bordereaux de crédits et de débits et bordereaux de retour emballages correspondant à chaque inventaire) et des attestations des 18 janvier 2016 et 11 février 2016 confirmant les résultats des inventaires (pièces 22 et 23 versées par CASINO) que lesdits documents ont effectivement été remis aux cogérants car signés par eux, avec leurs éventuelles observations (ainsi, sur la fiche d’inventaire du 9 mars 2015, les cogérants ont mentionné : « sous réserve d’acceptation des réclamations n° 232 / 233 / 234 / 235 / 236 / 237 / 238 / 239 / 2403 » avec les réclamations en question et écritures comptables correspondantes – pièces 8).

Alors que les documents comptables (arrêtés de compte après inventaire, relevés de compte de fin de mois, compte général de dépôt, bulletins d’arrêté de commission, fiches de caisse de fin de mois et d’inventaire) ont été établis par la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE à partir des fiches d’inventaire contradictoires, Monsieur [A] [O] a également été destinataire des courriers transmettant aux cogérants les comptes relatifs à l’inventaire. S’il conteste l’envoi de ces courriers adressés par lettre simple, il convient toutefois d’observer que l’accord national collectif applicable n’impose pas l’envoi de ces documents par lettre recommandée avec accusé de réception.

Monsieur et Madame [O] n’ont jamais adressé de réclamation, pendant les 18 mois de leurs relations contractuelles, quant à la remise des documents comptables, lesquels servent à la détermination de leur commissionnement global. Ils n’ont pas plus contesté leurs bulletins mensuels de commissions (pièces 20 et 21 versées par CASINO).

En tout état de cause, l’appelant, qui verse ses pièces comptables (pièces 30 – un cahier d’écritures comptables sur la période du 11 décembre 2014 au 6 février 2016 et copies de feuilles d’écritures comptables), n’apporte pas la démonstration d’incohérences entre les écritures passées dans les inventaires contradictoires et celles reprises dans les autres pièces comptables qui en découlent.

Ainsi, les inventaires établis au contradictoire des cogérants et les états comptables en résultant, déterminant la commission globale due à Monsieur et Madame [O], n’impliquent pas que les cogérants étaient soumis à la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE par un lien de subordination.

Enfin, Monsieur [A] [O] produit les pièces suivantes :

-l’attestation du 3 septembre 2018 de Monsieur [U] [B], commerçant, qui déclare :

« commerçant du Bar PMU le Terminus qui se situe à la [Adresse 8] à [Localité 9] dans le [Localité 2] depuis plusieurs années.

Je fait connaissance de Monsieur et Madame [O] lors de leur intégration au leader price express qui se situe dans la rue benayer. Nous avons rapidement sympathisé. M. et Mme [O] ont vite fait partie de la vie du quartier et ont très vite assimilé les coutumes du quartier.

Le magasin de M. et Mme [O] je le connais très bien ainsi que le logement qu’ils occupaient depuis décembre 2014. J’ai été tous les jours clients chez eux car je fais à manger le midi dans mon établissement.

M. [O] me montre ce jour le 03 septembre 2018 des photos et un courrier d’un huissier prétextant que le magasin leader price était ouvert le 12 février 2016.

Premièrement connaissant très bien le magasin car client je peux confirmer que les photos ne correspondent vraiment pas au magasin de M. et Mme [O].

Deuxièmement le magasin bel et bien fermé le 11 février 2016 et n’a jamais réouvert, je confirme le fait et d’autres commerçants peuvent le confirmer également.

Sur le logement, je peux confirmer qu’il était d’une insalubrité et terrifiantes, j’ai moi-même dit à Mme et Mr [O] que les anciens gérants étaient partis par rapport au logement et que le magasin avant qu’ils ouvrent était resté fermé depuis longtemps.

Je peux également certifié avoir assisté à deux scènes concernant Mr et Mme [O] et leur hiérarchie.

Le 17 mars 2015 au matin faisant mes courses pour mon magasin, j’ai pu entendre Mme [O] avoir une discussion avec un responsable lui demandant d’urgence pour effectuer les travaux qu’elle lui avait demandés, car elle trouvait inadmissible qu’ils puissent lui demander de vivre ce logement aussi vétuste que celui-ci.

Le 11 février 2016, cette fois à l’intérieur de mon établissement vers 07h30, d’après ce que j’ai pu comprendre ce jour-là étaient présent un responsable de leader price et un huissier et Mr et Mme [O] était le centre d’intérêt du responsable, j’ai pu saisir, de la discussion que le magasin était dans l’obligation de fermer et qu’il n’avait pas les moyens pour les reclasser dans un autre. Il avait l’air de donner également des directives à la personne présente avec lui.

Je tiens à dire que Mme et Mr [O] auront commencé à avoir plus souvent de (mot illisible) de la part de leur hiérarchie à partir du moment où ils ouvraient plus le dimanche » ;

-l’attestation du 10 septembre 2018 de Monsieur [N] [K], ferronnier d’art, qui témoigne :

« Je suis client du bar de la poste à [Localité 7] sur l'[Adresse 6] dans le [Localité 2]. Le bar se trouve en face du magasin Leader Price Express anciennement petit casino. Au mois d’août 2014, je me trouvais dans le bar de la poste, le jour où Mr et Mme [O] sont rentrés en présence d’un responsable hiérarchique.

Ce jour-là, le responsable hiérarchique de Mr et Mme [O] a sorti son ordinateur, a donné une feuille et un stylo à Mr [O] et a commencé à lui dicter des phrases, à croire ce que j’ai entendu, il lui dictait des phrases dans lesquelles Mr et Mme [O] s’engageaient à…..

J’ai pu percevoir l’embarras et le mécontentement de Mr et Mme [O], à un moment Mr et Mme [O] ont dit leur désaccord d’écrire telle chose.

Mr [R] s’est levé et les a menacé ; de même pas commencé avec eux et qu’ils devaient jouer le jeu si ils voulaient un plus gros magasin, ensuite il s’est rassis. Cela m’a subjugué et surpris que l’on puisse parlé comme cela à un couple devant leurs enfants. Le couple [O] a commencé son activité dans le petit casino mi-août 2014 et ont vite fait partis de la famille des commerçants du quartier et étaient très appréciés des clients.

Le petit casino est passé Leader Price express le 5 octobre 2014 et a brûlé le 5 novembre 2014.

Le couple [O] a été envoyé en décembre juste un peu plus haut, c’est-à-dire dans la continuité de l'[Adresse 6] à l’avenue Beranger en décembre 2014. Le leader Price express a par la suite été rénové et d’autres gérants sont arrivés, mais ce magasin a refermé quelques mois plus tard définitivement et n’a jamais réouvert » ;

-l’attestation du 10 avril 2019 de Madame [S] [H], secrétaire, qui « déclare être une amie de très longue date de Monsieur [A] [O] et m’être rendue à plusieurs reprises à son adresse le [Adresse 3].

Le 11 février 2016, j’ai assisté au changement de verrous des portes qui donnaient accès au point de vente que gérait Monsieur [O] par des représentants de l’enseigne Casino.

Je peux, par ailleurs, certifier que Monsieur [O] ne pouvait plus accéder aux locaux sous l’enseigne Leader Price Express ».

L’attestation de Madame [S] [H] concerne la rupture du contrat et non les conditions de son exécution. L’attestation de Monsieur [U] [B] rapporte également des événements liés à la rupture du contrat, outre que ce témoin témoigne de l’insalubrité du logement occupé par les époux [O] et de la réclamation de Madame [O] le 17 mars 2015 auprès du représentant de CASINO quant à des travaux à effectuer dans le logement. Il s’agit du logement mis gratuitement à la disposition des cogérants mandataires non salariés, comme prévu à l’article 4.1 du contrat de cogérance.

Ces deux témoignages sont inopérants à démontrer l’existence d’un lien de subordination entre Monsieur [A] [O] et la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE.

Le témoignage de Monsieur [N] [K], qui rapporte que le représentant de la société CASINO « a commencé à dicter des phrases à Mr [O] dans lesquelles Mr et Mme [O] s’engageait à’ » et que Monsieur et Madame [O] « ont dit leur désaccord d’écrire telle chose », est imprécis compte tenu que le témoin est dans l’incapacité de rapporter les phrases qui auraient été dictées par le représentant de CASINO et la nature des engagements écrits par les époux [O]. De même, Monsieur [K] évoque des « menaces » du représentant de CASINO de ne pas poursuivre les négociations quant à la conclusion du contrat de cogérance mandataire non salariée, dont il ne peut être déduit que les époux [O] auraient signé ledit contrat sous la contrainte.

Au vu de l’imprécision du témoignage de Monsieur [K], il n’est pas établi que les gérants n’avaient aucune liberté dans la détermination des horaires d’ouverture et fermeture du magasin, alors qu’est versée par la société intimée la lettre manuscrite datée du 6 août 2014 des époux [O], signée par eux, en ces termes :

« Lors de la visite que nous avons effectuée le 6 août 2014 avec Mr [R], Directeur commercial du secteur, nous vous confirmons accepter votre proposition de nous voir confier la gestion, en tant que co gérants mandataires non salariés de la supérette n° C7202 située à rue du 24 avril 1915, [Localité 2].

Après avoir pris tous les renseignements utiles sur les coutumes locales nous vous informons que le jour de fermeture hebdomadaire du magasin sera le dimanche après-midi et que nous pratiquerons les horaires d’ouverture suivants :

– du lundi au samedi de 8H30 à 13H00

de 15H30 à 19H30

– et ouverture les jours fériés.

Nous vous remercions d’ailleurs de bien vouloir faire figurer ces horaires sur la vitrine du magasin.

Nous avons par ailleurs pris note des horaires de livraisons de ce magasin qui nous conviennent.

Nous avons décidé que la part des commissions déléguées à Mme [O] sur la commission globale sera de 70 %.

Nous avons également pris bonne note, conformément à notre statut que nous avons toute latitude le cas échéant pour la bonne gestion du magasin, d’embaucher des salariés ou de nous faire remplacer à nos frais et sous notre entière responsabilité.

Enfin en ce qui concerne notre déménagement, nous avons noté que la société prend en charge la somme de 570,99 (TVA comprise) avec fourniture d’une facture de ce montant établie au nom de la société. Cordialement ».

Dans ces conditions, Monsieur [O] ne justifie pas que ses heures de travail et les horaires d’ouverture et de fermeture du magasin dont il avait la charge avec son épouse lui ont été imposés.

À défaut de tout autre pièce versée par Monsieur [O], celui-ci ne rapporte pas la preuve d’un lien de subordination le liant à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE caractérisant l’existence d’un contrat de travail.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de Monsieur [A] [O] de requalification du contrat de cogérance mandataire non salariée en un contrat de travail, ainsi que la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la violation par la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE du statut de gérant non salarié et de l’exécution déloyale du contrat.

Monsieur [A] [O] est également débouté de sa demande de remise de documents de fin de contrat conformes à sa qualification de salarié.

Sur les frais de gestion :

Monsieur [A] [O] sollicite la condamnation de la société DCF à verser à Monsieur et Madame [O] par moitié la somme de 17’475,22 euros au titre de frais engagés, inhérents à leur activité, qui n’auraient pas dû être à leur charge dans la mesure où ils étaient salariés de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE.

La SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE soutient que la Cour devra se déclarer incompétente pour statuer sur la demande des époux [O] sur d’éventuels frais de gestion, au profit du Tribunal de Commerce de Nîmes, la reddition des comptes entre les parties relevant des modalités commerciales.

***

Il convient d’observer que les époux [O] ont également invoqué, devant la cour d’appel de Nîmes, 4ème chambre commerciale, des irrégularités comptables imposées par la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE et des frais inhérents à leur activité « comme le débroussaillage du jardin, les indemnités tournées, le matériel d’entretien’ ainsi que les frais de fourniture de pain ainsi que des achats de marchandises au comptant et autres matériels » (arrêt du 7 septembre 2022 de la cour d’appel de Nîmes) et que la cour d’appel de Nîmes a examiné les réclamations à ce titre des cogérants pour finalement les écarter.

En l’absence de requalification du contrat de cogérance mandataire non salariée en un contrat de travail, Monsieur [O] ne peut revendiquer le remboursement de frais engagés en qualité de salarié.

Le litige relatif aux frais de gestion entre la société CASINO et Monsieur [A] [O] gérant non salarié concerne les modalités commerciales d’exploitation du magasin, le cogérant contestant la reddition des comptes entre les parties, et relève par conséquent de la compétence du tribunal de commerce en vertu de l’article L.7322-5 alinéa 1 du code du travail.

La Cour se déclare incompétente pour statuer sur la demande de Monsieur [O] au titre du paiement des frais de gestion, au profit du tribunal de commerce de Nîmes.

Sur la rupture du contrat de cogérance non salariée :

Monsieur [A] [O] fait valoir, que la requalification du contrat de gérance non salariée soit prononcée ou non, que les gérants non salariés bénéficient de toutes les règles applicables aux salariés, notamment celles applicables à la rupture du contrat de travail ; que la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a rompu brutalement le contrat de cogérance sur le seul fondement de l’article 8 du contrat de cogérance non salariée ; que cette clause contractuelle ne peut avoir pour effet de priver dès l’origine les gérants non salariés du bénéfice des règles protectrices relatives à la rupture des relations contractuelles ; que, sur la base de l’article 8 du contrat de cogérance non salariée, la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a motivé la rupture en raison du prétendu déficit de gestion qui aurait été constaté à la suite de l’inventaire du 18 janvier 2016 ; qu’aucune faute grave n’a cependant été reprochée à Monsieur [O] ; qu’aucun élément ne permet de justifier le montant des marchandises et/ou espèces déclarées manquantes par la société DISTRIBUTION CASINO France, laquelle ne démontre pas que le déficit de gestion qu’elle invoque dans le courrier de rupture soit imputable à des manquements fautifs des gérants ou à une quelconque imprudence de leur part ; que les inventaires effectués entre août 2014 et mars 2015 démontrent un travail sérieux de Monsieur et Madame [O] et une gestion saine du magasin ; qu’aucune faute de gestion ne saurait être imputée à Monsieur et Madame [O], lesquels n’ont bénéficié que d’une très brève présentation de la gestion du magasin, n’ont reçu aucune formation pratique sur le logiciel GOLD et n’ont reçu aucune assistance commerciale et professionnelle de la société DCF afin de les aider dans leur gestion et que la Cour infirmera en conséquence le jugement entrepris et jugera que la rupture du contrat de Monsieur et Madame [O] fondée sur le seul déficit de gestion, sans que ne soit caractérisée la moindre faute de leur part, est sans cause réelle et sérieuse.

La SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE soutient tout d’abord que les nouvelles dispositions du code du travail au bénéfice des gérants mandataires non salariés sont d’application restrictive ; que les cogérants ne peuvent bénéficier de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale, l’ancien article L.782-7 du code de travail ayant été abrogé par les nouvelles dispositions prévues par les articles L.7322-1 à L.7322-6 du code du travail et que les gérants mandataires non salariés bénéficient seulement des droits qui leur sont conférés par le Titre II du Livre III de la 7ème partie relatif aux « gérants de succursales ».

Elle fait valoir que les marchandises ne sont détenues par les cogérants qu’à titre de dépôt avec mandat de les vendre ; que le fait pour un mandataire gérant non salarié de ne pouvoir utilement présenter les marchandises dont il est simplement dépositaire en nature ou d’en restituer le prix de vente constitue un manquement grave à ses obligations contractuelles ; que les cogérants ont signé et approuvé les attestations d’inventaire du 18 janvier 2016 et du 11 février 2016 ; que les comptes de l’inventaire du 18 janvier 2016 ont été signifiés par huissier de justice ; qu’il est donc surprenant que les cogérants indiquent ne pas avoir été en possession des comptes d’inventaire alors qu’ils leur ont été signifiés par huissier de justice sauf à remettre en cause la force probante d’un acte délivré par un officier ministériel ; que la résiliation du contrat de cogérance par DISTRIBUTION CASINO France a été prononcée à juste titre, eu égard à l’importance du solde débiteur du compte général de dépôt ; que les cogérants n’apportent aucun élément comptable probant à l’appui de leurs contestations ; que le système informatique mis à la disposition des gérants est fiable ; qu’il est toutefois indispensable pour les gérants de veiller régulièrement à prendre connaissance des changements de prix et de contrôler la cohérence entre les prix étiquetés et les prix caisse lorsqu’un changement de prix est annoncé ; que Monsieur et Madame [O] étaient présents lors de toutes les opérations d’inventaire qui se font au contradictoire des parties ; que le témoignage de Monsieur [B] ne peut remettre en cause la force probante d’un document émanant d’un auxiliaire de justice ; qu’il conviendra, en conséquence, de constater que la rupture du contrat est bien intervenue du fait de l’impossibilité pour Monsieur et Madame [O] de pouvoir présenter le stock de marchandises qui leur a été confié, lors de chaque inventaire, soit en stock soit en espèces provenant du produit de la vente, générant un solde débiteur du compte général de dépôt et de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [A] [O] de l’ensemble de ses demandes liées à la rupture du contrat de cogérance.

*****

Les dispositions du code du travail relatives à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée, et notamment l’exigence d’une cause réelle et sérieuse de rupture, sont applicables aux gérants non salariés des succursales de commerce de détail alimentaire.

La SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a notifié à Monsieur [A] [O], par courrier recommandé du 14 mars 2016, la résiliation du contrat de cogérance mandataire non salariée en ces termes :

« Votre inventaire de renseignements effectué le 18 janvier 2016 dans le magasin Leader Price Express C7216, sis [Adresse 4], que vous gérez et exploitez pour notre compte en tant que cogérants mandataires non-salariés, a fait ressortir les résultats suivants :

-un manquant marchandises et/ou d’espèces provenant des ventes de……………24.009,89 €

-un excédent emballages de……………………………………………………………………….1.652,41 €.

Laissant votre compte général de dépôt, après positionnement de ce résultat d’inventaire, débiteur de :

22’868,74 € au 18 janvier 2016

Vous nous avez remis en date du 23 février 2016, les copies de différents documents comptables (RDDC, débours, lettres de réclamations et écritures diverses) en nous indiquant, verbalement, vos interrogations sur un certain nombre d’opérations à savoir :

-Débours non pris en compte pour un total de : 1186,27 €

-Bons d’avoir marchandises non crédités pour un total de : 1431,63 €

-Lettres de réclamation pour un montant total « approximatif » selon vous de 2800,00 €

-Casse marchandises non créditée pour un montant total et sans aucun justificatif de : 3200,39 €

-4 livraisons débitées et non reçues d’après vous.

Après étude attentive de vos demandes, nous avons fait procéder au crédit des bons d’avoir marchandises non crédités pour un montant de 1431,63 € qui sera porté au crédit de votre compte général de dépôt ; les autres demandes n’étant pas justifiées, elles ne donneront pas lieu à des redressements.

Depuis ce jour, vous ne nous avez pas présenté les marchandises et/ou des espèces manquantes, ni fourni des explications complémentaires sur les manquants de marchandises et/ou d’espèces provenant des ventes constatés lors de votre inventaire.

Or, nous vous rappelons que, conformément à l’article 6.2 de votre contrat de cogérance mandataire : « Les cogérants mandataires non-salariés seront tenus de couvrir immédiatement le manquant de marchandises ou d’espèces provenant des ventes qui est constaté dans les conditions prévues par l’accord collectif national du 18 juillet 1963 modifié. Son montant est porté à leur débit sur un compte courant intitulé compte général de dépôt dont le solde est producteur d’intérêts ».

En effet, nous vous rappelons que, dans le cadre du mandat qui vous a été consenti, vous ne déteniez les marchandises qui vous ont été confiées qu’à titre de dépôt avec mandat de les vendre aux prix fixés, d’en encaisser le prix et de nous remettre. Par conséquent, en ne présentant pas lesdites marchandises ou espèces provenant de la vente, au plus tard le jour de l’inventaire, vous vous êtes mis en infraction avec les dispositions de votre contrat de cogérance.

Dans ces conditions, compte tenu de l’importance de ce manquant de marchandises et/ou d’espèces constatés lors de votre inventaire et du solde débiteur de votre compte général de dépôt de 22.868,74 € à la date du 18 janvier 2016, eu égard notamment au chiffre d’affaires mensuel moyen du magasin de 17.018 € à fin février 2016 et du stock inventorié le 18 janvier 2016 de 27.839,81 € en marchandises et 747,99 € en emballages, sans que vous puissiez nous fournir une explication légitime sur son origine, et compte tenu du défaut de règlement de votre part, nous sommes contraints de résilier votre contrat de cogérance mandataire non salarié signé le 10 mars 2015, en application de l’article 8.1 de celui-ci et de l’article 14 de l’Accord Collectif National susvisé, sans préavis ni indemnités.

Cette résiliation interviendra à compter de la première présentation de la présente par les services de La Poste.

Nous vous rappelons que, compte tenu de l’importance de ce manquant, notamment eu égard à votre chiffre d’affaires et à votre stock moyen, nous avons été contraints de vous relever provisoirement de vos fonctions de cogérants mandataires non-salariés à compter du 11 février 2016 et ce dans l’attente de vos éventuelles observations et d’une décision définitive.

En conséquence, votre inventaire de cession effectué le 11 février 2016 tiendra lieu d’inventaire de cession définitif.

A ce titre, nous tenons à vous rappeler que l’inventaire de cession a fait ressortir :

-un manquant marchandises et/ou espèces provenant des ventes de…………..4.575,87 €

-un manquant emballages de………………………………………………………………………5,33 €,

laissant votre compte général de dépôt, après positionnement de ce résultat d’inventaire, débiteur de :

25.961,33 € au 11 février 2016 ‘ ».

La SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE invoque, dans le cadre de la lettre de résiliation, un non respect de l’article 6.2 du contrat de cogérance mandataire non salariée selon lequel « Les cogérants mandataires non salariés sont tenus de couvrir immédiatement le manquant de marchandises et/ou d’espèces provenant des ventes qui est constaté dans les conditions prévues par l’accord collectif national du 18 juillet 1963 modifié. Son montant est porté à leur débit sur un compte courant intitulé compte général de dépôt dont le solde est producteur d’intérêt ».

Si une telle clause ne peut avoir pour effet de priver le juge de l’appréciation de l’existence d’une cause réelle et sérieuse de la rupture du contrat, l’obligation qui impose aux cogérants de couvrir le manquant de marchandises est conforme à l’article 23 de l’accord collectif national du 18 juillet 1963 en vertu duquel « le titulaire d’une gérance est responsable des marchandises qui lui sont confiées ou des espèces provenant de la vente, sauf dans les cas énoncés ci-dessous’ (vol, pertes ou avaries) ».

À l’appui des manquements reprochés à Monsieur [A] [O], la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE produit les pièces suivantes :

-l’arrêté de compte après l’inventaire du 18 janvier 2016, non signé par Monsieur [O] ;

-l’attestation du 18 janvier 2016, signée par Monsieur [A] [O] et par son épouse, qui «certifie(nt) que le présent inventaire a été effectué contradictoirement en leur présence et sous leur contrôle’ Ils reconnaissent que toutes les marchandises et emballages existants dans le magasin, les dépôts, les annexes ont été inventoriés et déclarent, en outre, n’avoir décelé aucune anomalie dans les opérations d’inventaire, objet de la présente bande’ pour un montant :

-Marchandises de : 27’839,81 €

-Emballages de : 747,99 €.

Ils certifient en conséquence que toutes les marchandises répertoriées sur cette bande constituent le stock existant réellement dans leur supérette à cette date et sont exactes en quantité, désignation, prix et valeur » ;

-l’attestation du 11 février 2016, signée par Monsieur [A] [O] et par son épouse, qui «certifie(nt) que le présent inventaire a été effectué contradictoirement en leur présence et sous leur contrôle’ Ils reconnaissent que toutes les marchandises et emballages existants dans le magasin, les dépôts, les annexes ont été inventoriés et déclarent, en outre, n’avoir décelé aucune anomalie dans les opérations d’inventaire, objet de la présente bande’ pour un montant :

-Marchandises de : 27’622,08 €

-Emballages de : (chiffre barré)

Ils certifient en conséquence que toutes les marchandises répertoriées sur cette bande constituent le stock existant réellement dans leur supérette à cette date et sont exactes en quantité, désignation, prix et valeur », les cogérants ayant indiqué avant d’apposer la signature : « OK pour la valeur physique du stock marchandise et non pour le résultat d’inventaire sous réserve d’acceptation de tout les crédits non crédités à ce jour » ;

-un courrier daté du 11 février 2016 adressé aux époux [O], signifié par huissier de justice le 12 février 2016, aux fins de leur « remettre les comptes relatifs à votre inventaire de renseignements effectué le 18 janvier 2016 dans le magasin Leader Price Express C7216′ » ;

-l’arrêté de compte après l’inventaire reprise du 11 février 2016, non signé par Monsieur [A] [O] ;

-un courrier recommandé du 10 mars 2016 adressé aux époux [O] aux fins de leur « remettre les comptes relatifs à votre inventaire de cession effectué le 11 février 2006′ », avec l’avis de réception portant la mention « Pli avisé et non réclamé » ;

-le compte général de dépôt faisant apparaître, à la date du 11 février 2016, un solde débiteur de 29’519,31 euros, compte non n’approuvé et non signé par Monsieur [A] [O].

La réalité du manquant de marchandises et/ou d’espèces résulte de l’inventaire réalisé le 18 janvier 2016, selon l’attestation citée ci-dessus signée par Monsieur et Madame [O] reconnaissant les résultats des opérations d’inventaire (stock de marchandises de 27’839,81 euros et stock d’emballages de 747,99 euros), les cogérants ayant également signé la fiche d’inventaire du 18 janvier 2016 (pièce 11 versée par l’appelant).

L’arrêté de compte établi sur la base de l’inventaire du 18 janvier 2016 reprend les soldes du mois précédent (marchandises : 65’146,59 euros, emballages : 1104 euros).

Les cogérants ont mentionné sur la fiche d’inventaire du 18 janvier 2016 qu’ils étaient « OK pour le relevé physique du stock marchandise » mais soulignaient l’existence de « crédits en cours sur le relevé de stock et celui de gestion ». Il est joint à la fiche d’inventaire du 18 janvier 2016 une fiche des « derniers bordereaux de débits à comptabiliser avant inventaire », mentionnant des livraisons de marchandises des 10 décembre 2015, 4 janvier et 14 janvier 2016 (numéros 255, 130, 115, 22 et 1417). De même, les cogérants ont mentionné sur l’attestation du 11 février 2016 qu’ils étaient d’accord sur la valeur physique du stock marchandise de 27’839,81 euros mais « non pour le résultat d’inventaire sous réserve d’acceptation de tous les crédits non crédités à ce jour ».

La SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a répondu par courrier recommandé du 14 mars 2016 à Monsieur et Madame [A] [O], au sujet des « 4 livraisons débitées et non reçues d’après vous », que cette réclamation n’était pas justifiée et ne donnerait pas lieu à redressement.

L’appelant produit des réclamations (numéros 233, 234, 235, 237, 239, 225, 226, 229, 231, 232, 236 et une réclamation non numérotée du 26 décembre 2014 – pièces 24 et 25). Aucune de ces réclamations n’a été mentionnée par les cogérants sur la fiche d’inventaire du 18 janvier 2016. En tout état, le total de ces réclamations (numérotées 233 à 236, outre la réclamation non numérotée du 26 décembre 2014) s’élève à la somme de 880,81 euros, qui ne peut expliquer le manquant de marchandises ou d’espèces s’élevant à 24’009,89 euros à la date du 18 janvier 2016.

L’appelant produit également un « relevé détaillé des débits et crédits du 31 décembre 2015 », sur lequel est inscrite manuellement la mention « non reçu » en face de débits de marchandises et emballages (sa pièce 26), sans pour autant que ne soit versée une réclamation correspondante à ces marchandises qui n’auraient pas été livrées.

L’appelant ne verse pas ainsi d’élément probant susceptible de contredire l’arrêté de compte établi sur la base de l’inventaire du 18 janvier 2016, pas plus que l’arrêté de compte établi sur la base de l’inventaire du 11 février 2016 signé par Monsieur et Madame [O], attestant d’un stock de marchandises de 27’622,08 euros, et même si le chiffre du stock d’emballages de 549,77 euros a été barré par les cogérants, l’ensemble des chiffres de l’inventaire du 11 février 2016 est confirmé par le procès-verbal de constat de Maître [X] [P], huissier de justice, en date du 12 février 2016, lequel huissier était présent lors des opérations d’inventaire du 11 février 2016 et a précisé « que le gérant sortant Monsieur [O] a effectué des contrôles (magasin et dépôt) et n’a élevé aucune réclamation », poursuivant : « Nous vous indiquons également qu’au début de l’inventaire pour expliquer une partie du déficit Monsieur [A] [O] a déclaré à Monsieur [G] (Directeur Commercial), que son épouse avait retiré « petit à petit » la somme de 15’000 Euros du compte de dépôt ».

L’appelant conteste la valeur probante de ce constat d’huissier de justice au motif que les clichés photographiques ne seraient pas ceux du magasin et il fournit en ce sens le témoignage cité ci-dessus de Monsieur [U] [B], attestant que « M. [O] me montre ce jour le 03 septembre 2018 des photos et un courrier d’un huissier prétextant que le magasin leader price était ouvert le 12 février 2016. Premièrement connaissant très bien le magasin car client je peux confirmer que les photos ne correspondent vraiment pas au magasin de M. et Mme [O]… », ainsi que le témoignage de Madame [S] [H], qui « déclare (avoir) le 11 février 2016 assisté au changement de verrous des portes qui donnaient accès au point de vente que gérait Monsieur [O] par des représentants de l’enseigne Casino… ».

Cependant, le procès-verbal d’huissier de justice, certes daté du 12 février 2016 mais faisant référence à l’inventaire du 11 février 2016, fait preuve jusqu’à inscription de faux et a toute force probante à défaut d’action engagée par Monsieur et Madame [O] aux fins de contester la valeur de ce constat.

Par ailleurs, l’appelant invoque une insuffisance de formation et d’assistance de la société DCF, mais n’a jamais formulé de réclamation à ce sujet ni demandé une assistance.

Dans ces conditions, il est établi que les cogérants n’ont pas couvert le manquant de marchandises et/ou d’espèces constaté lors de l’inventaire du 18 janvier 2016 (manquant marchandises et/ou d’espèces provenant des ventes d’un montant de de 24.009,89 euros) ou n’en ont pas restitué le prix, ce qui constitue un manquement à leurs obligations contractuelles justifiant la rupture du contrat de cogérance mandataire non salariée. Eu égard à l’importance de ce manquant de marchandises au regard du chiffre d’affaire mensuel moyen du magasin de 17’018 euros à fin février 2016 et alors que Monsieur [A] [O] a indiqué au Directeur commercial de la société CASINO, en présence de l’huissier de justice, « que son épouse avait retiré « petit à petit » la somme de 15’000 euros du compte de dépôt », la rupture intervenue sans préavis ni indemnité n’est pas abusive.

En conséquence, la Cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [A] [O] de sa demande en paiement d’indemnités au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (préavis, congés payés sur préavis, indemnité légale de licenciement et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse).

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

L’équité n’impose pas qu’il soit fait application, au cas d’espèce, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf sur le débouté de la demande de paiement de frais,

Statuant à nouveau sur le point infirmé et y ajoutant,

Se déclare incompétente pour statuer sur la demande de Monsieur [A] [O] au titre du paiement de frais, au profit du tribunal de commerce de Nîmes,

Condamne Monsieur [A] [O] aux dépens d’appel et dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

 


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