Droit du logiciel : 17 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/11474

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Droit du logiciel : 17 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/11474

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 17 Février 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 19/11474 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA7LE

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Octobre 2019 par le Tribunal de Grande Instance d’EVRY RG n° 11/00388

APPELANTE

SASU [6] venant aux droits de la SARL [5].

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Valérie SCETBON GUEDJ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0346 substituée par Me Emilie WILBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0346

INTIMEE

CPAM 91 – ESSONNE

Pôle Expertise Juridique

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Décembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Joanna FABBY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par la SASU [6], venant aux droits de la SARL [5] (la société) d’un jugement rendu le 17 octobre 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance d’Evry dans un litige l’opposant à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Essonne (la caisse).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les faits de la cause ayant été rapportés par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il convient de préciser que la caisse a pris en charge le 23 avril 2010, au titre de la législation professionnelle, l’accident déclaré le 19 avril 2010 par la société [5] aux droits de laquelle vient la SAS [6] concernant son salarié, M. [Y] [V], conducteur, au titre d’un accident du 16 avril 2010 à 09 h 20, la déclaration mentionnant « alors que le conducteur était allé voir un lycéen avec lequel il avait eu une altercation le 31/03/2010, celui-ci lui a donné un coup au visage » ; que le certificat médical initial établi le 17 avril 2010 comportait les constatations suivantes : « otite barométrique gauche, douleur gingivale gauche, douleur cervicale » et prescrivait un arrêt de travail jusqu’au 23 avril 2010 ; que la société, après avoir saisi le 14 juin 2010 la commission de recours amiable en inopposabilité de la décision de prise en charge du sinistre et sur la base d’une décision de rejet de la commission de recours amiable du 28 janvier 2011, a le 31 mars 2011 saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Evry.

Par jugement du 28 mars 2013, le tribunal a prononcé un sursis à statuer dans l’attente de la décision de la caisse régionale d’assurance maladie d’Ile-de-France, pour déduction du montant des prestations et indemnités afférentes à cet accident du compte employeur afin de procéder à la régularisation.

Par jugement avant dire droit du 27 septembre 2016, le tribunal a :

– ordonné une expertise médicale judiciaire sur pièces ;

– désigné le docteur [R] pour y procéder, avec mission notamment de dire si M. [Y] [V] présentait un état pathologique antérieur indépendant de l’accident du travail du 16 avril 2010, de préciser les arrêts de travail qui sont en relation avec le seul accident du travail du 16 avril 2010, de fixer la date de consolidation de l’accident du 16 avril 2010.

Par ordonnance du 22 novembre 2017, le tribunal a constaté la caducité de la mission d’expertise en l’absence de réponse de l’expert.

Par jugement avant dire droit du 1er février 2018, le tribunal a :

– fait droit à la demande de la société tendant à l’organisation d’une nouvelle expertise médicale judiciaire ;

– ordonné une expertise médicale judiciaire sur pièces ;

– désigné le docteur [U] pour y procéder, avec pour mission notamment de dire si M. [V] présentait un état pathologique antérieur indépendant, de préciser les arrêts de travail qui sont en relation avec le seul accident du travail et de fixer la date de consolidation de l’accident du 16 avril 2010.

L’expert a procédé à sa mission et a rédigé son rapport le 22 juin 2018.

Par jugement du 17 octobre 2019, le tribunal de grande instance d’Evry, auquel le dossier avait été transféré, a :

– déclaré la SASU [6] venant aux droits de la SARL [5] recevable en son recours mais l’a dite mal fondée ;

– débouté la SASU [6] venant aux droits de la SARL [5] de l’ensemble de ses demandes ;

– déclaré opposable à la SASU [6] venant aux droits de la SARL [5] la prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de l’Essonne et ses conséquences de l’accident du travail du 16 avril 2010 subi par son salarié, M. [Y] [V];

– condamné la SASU [6] venant aux droits de la SARL [5] aux dépens.

Pour se déterminer ainsi le tribunal a retenu que le rapport de l’expert désigné n’établit pas autrement que par des conjectures l’absence de lien avec l’accident du 16 avril 2010 des arrêts de travail et soins prescrits après le 23 octobre 2010, alors qu’il n’évoque ni n’établit l’existence d’un état pathologique indépendant évoluant pour son propre compte, pas plus qu’il n’apporte d’éléments médicaux objectifs remettant en cause la date de consolidation.

La société a le 18 novembre 2019 interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 22 octobre 2019.

Par ses conclusions écrites déposées par son avocat qui les a développées oralement à l’audience, la société demande à la cour, par voie d’infirmation du jugement déféré, de :

– déclarer son recours recevable et bien fondé ;

« Dans un premier temps »,

– lui déclarer inopposables les prestations, soins et arrêts prescrits à M. [V] postérieurement au 24 juin 2010 au titre de son accident du travail du 16 avril 2010 ;

« Dans un second temps »,

– tirer toutes conséquences du rapport d’expertise du docteur [U] ;

– lui dire inopposable l’ensemble des prestations versées postérieurement au 24 juin 2010 au titre de l’accident du travail du 16 avril 2010 ;

– juger que la caisse devra communiquer à la CARSAT compétente l’ensemble des informations nécessaires à la rectification des taux de cotisations A T/M P de la société [6];

– juger que les frais d’expertise seront réglés par la caisse nationale compétente du régime général, ou bien avancés par la caisse primaire et remboursés par la caisse nationale.

La société fait valoir en substance que :

– au vu du rapport du docteur [U], la caisse ne rapporte pas la preuve de la continuité de symptômes et de soins dans le dossier de M. [V] ;

– la caisse ne produit aucun certificat médical pour la période du 24 juin au 22 octobre 2010 ni pour la période du 23 octobre 2010 au 1er juin 2011 ;

– le certificat médical du 22 octobre 2010 prévoit une reprise du travail le 23 octobre 2010 et fait référence à une nouvelle lésion ayant fait l’objet d’un refus de prise en charge ;

– l’expert a retenu que seuls les arrêts de travail du 17 avril et du 18 mai 2010 sont en relation avec l’accident du travail du 16 avril 2010, soit les arrêts jusqu’au 24 juin 2010 ;

– l’expert retient comme date de consolidation le 23 octobre 2010 mais du 24 juin au 14 octobre 2010, il n’existe aucun arrêt ni aucun soin en relation avec l’accident du travail du 16 avril 2010;

– les arrêts postérieurs au 24 juin 2010 sont en relation avec l’état pathologique antérieur consécutif à la première agression de M. [V] par la même personne survenue le 31 mars 2010;

– le médecin conseil de la caisse, sollicité par l’expert, a refusé de lui communiquer des éléments complémentaires sur le sinistre du 31 mars 2010 , consolidé le 23 juin 2010 ;

– l’état pathologique antérieur est clairement avéré.

Par ses conclusions écrites déposées et soutenues oralement par son conseil, la caisse demande à la cour, de :

– déclarer la société [6] mal fondée en son appel ;

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 octobre 2019 par le tribunal de grande instance d’Evry ;

– condamner la société [6] à payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La caisse fait valoir en substance que :

– M. [V] a présenté des arrêts de travail et des soins continus du 16 avril 2010 au 16 décembre 2012, date de sa guérison ; il est de jurisprudence constante que la présomption d’imputabilité couvre les prestations servies jusqu’à la guérison ou la consolidation ;

– le rapport de l’expert n’établit pas autrement que par des conjectures l’absence de lien entre l’accident du travail et les arrêts de travail après le 23 octobre 2010 alors qu’il n’évoque ni n’établit l’existence d’un état pathologique indépendant évoluant pour son propre compte pas plus qu’il n’apporte d’éléments médicaux remettant en cause la date de consolidation retenue par le médecin conseil ;

– l’employeur ne démontrant pas que M. [V] souffrait d’une pathologie indépendante de l’accident et que ce dernier n’a pas aggravé, il doit être fait application de la présomption d’imputabilité qui couvre l’ensemble des prestations jusqu’à la guérison ;

– elle dispose de la preuve de l’indemnisation des arrêts de travail du 17 avril 2010 au 30 septembre 2010, ainsi que des autres périodes jusqu’au 17 novembre 2011, des soins étant prescrits ensuite ;

– l’absence d’arrêt de travail pendant une courte période ne justifie pas une inopposabilité d’emblée ;

– la société ne rapporte aucun élément susceptible de combattre la présomption d’imputabilité.

SUR CE :

La matérialité et le caractère professionnel de l’accident du 16 avril 2010 à l’origine des lésions médicalement constatées au certificat médical initial du 17 avril 2010 (« otite barométrique gauche, douleur gingivale, douleur cervicale ») ne sont pas contestés.

Il résulte de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime, et il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire, à savoir celle que les soins et arrêts contestés sont totalement étrangers au travail.

Dès lors qu’une maladie professionnelle ou un accident du travail est établi, la présomption d’imputabilité à l’accident des soins et arrêts subséquents trouve à s’appliquer dans la mesure où la caisse justifie du caractère ininterrompu des arrêts de travail y faisant suite, ou, à défaut, de la continuité de symptômes et de soins.

En l’espèce, l’employeur conteste l’opposabilité des arrêts et soins prescrits postérieurement au 24 juin 2010.

Le certificat médical initial du 17 avril 2010 prescrit un arrêt de travail jusqu’au 23 avril 2010 (pièce II des productions de la caisse).

La caisse produit les certificats médicaux d’arrêts de travail pour la période du 18 mai 2010 au 24 juin 2010 (pièce n° III de ses productions) puis les certificat médicaux d’arrêt de travail ou de soins du 1er juin 2011 au 16 mars 2012 (pièce VIII de ses productions).

La caisse produit par ailleurs une copie écran de son logiciel de gestion Webmatique faisant état d’arrêts de travail pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnel pour la période du 24 avril 2010 au 30 septembre 2010 puis du 4 novembre 2010 au 3 décembre 2010.

Force est de constater que la caisse ne produit aucune pièce notamment médicale pour la période du 30 septembre 2010 au 4 novembre 2010.

Dès lors la présomption d’imputabilité trouve à s’appliquer au titre du caractère interrompu des arrêts de travail jusqu’au 30 septembre 2010. En raison de la rupture dans la production de justificatifs médicaux entre le 30 septembre 2010 et le 4 novembre 2010, la caisse ne peut pas plus se prévaloir d’une continuité de symptômes et de soins.

Il résulte du rapport d’expertise du docteur [U] en date du 22 juin 2019, que l’expert a mentionné dans le cadre de la discussion notamment que :

« Concernant un éventuel état pathologique antérieur au 16 avril 2010,

Aucun document n’est fourni sur d’éventuelles pathologies antérieures.’

Dans l’examen de la situation de l’assuré (avant le 16 avril 2010), l’expert relève (cf Argumentaire de la CPAM du 26 avril 2018) la référence à  » un autre A T (agression également)  » qui a été consolidé le 23 juin 2010 avec séquelles non indemnisables ; le 2ème A T (16.04.2010) est la suite du premier puisque l’agresseur est le même.

L’expert ne dispose d’aucun élément médical en lien direct avec l’agression du 31 mars 2010.

Il retient que cette agression avait été à l’origine (cf. même document, p 1) « d’un état de stress post-traumatique pour lequel il a consulté son généraliste », un traitement psychotrope a été prescrit ainsi qu’un arrêt de travail (sans indication de durée).

Il estime que l’accident du 16 avril 2010 est susceptible d’avoir aggravé la symptomatologie consécutive à l’altercation du 31 mars 2010, telle qu’elle est relevée dans l’argumentaire de la CPAM.’

Dans ses conclusions, l’expert retient les seuls arrêts de travail du 17 avril 2010 et du 18 mai 2010 comme étant en relation avec l’accident du travail du 16 avril 2010.

Cependant il ne résulte nullement de ce rapport d’expertise un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans aucun lien avec l’accident ou une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les arrêts de travail postérieurs et plus particulièrement postérieurs au 24 juin 2010.

En effet, l’expert a indiqué explicitement que l’accident du travail du 16 avril 2010 est susceptible d’avoir aggravé la symptomatologie consécutive à l’altercation du 31 mars 2010, qui a été consolidée le 23 juin 2010 et ne fait pas état d’un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident.

Dans ces conditions, en l’absence d’état pathologique indépendant évoluant pour son propre compte chez le salarié ou de cause totalement étrangère au travail, la présomption d’imputabilité trouve bien à s’appliquer jusqu’au 30 septembre 2010.

En revanche au regard de ce qui précède, il convient de dire que la société est fondée en sa demande d’inopposabilité à son égard des arrêts de travail postérieurs au 30 septembre 2010.

La caisse qui succombe pour partie, sera tenue aux dépens ainsi qu’aux frais d’expertise, et sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE l’appel recevable ;

INFIRME le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE opposable à la SASU [6] les arrêts de travail et soins prescrits à M. [V] jusqu’au 30 septembre 2010 ;

DÉCLARE inopposable à la SASU [6] les arrêts de travail et soins prescrits à M. [V] postérieurement au 30 septembre 2010 ;

CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de l’Essonne au paiement des frais de l’expertise réalisée par le docteur [U] ;

DÉBOUTE la caisse primaire d’assurance maladie de l’Essonne de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de l’Essonne aux dépens d’appel.

La greffière, La présidente.

 


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