AFFAIRE : N° RG 21/01777 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FT5V
Code Aff. :
ARRÊT N° CF / CG
ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Saint-Pierre en date du 15 Septembre 2021, rg n° 21/00068
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 16 MARS 2023
APPELANT :
Monsieur [Y] [U]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentant : Me Emmanuelle VIDOT, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
INTIMÉES :
S.E.L.A.R.L. FRANKLIN BACH ES QUALITES DE LIQUIDATEUR DE L’EURL PROVAN
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Chafi AKHOUN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
L’UNEDIC Délégation AGS CGEA de Saint Denis, association déclarée, représentée par sa Directrice nationale Madame [J] [B],
Centre d’Affaires CADJEE,
[Adresse 4]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentant : Me Nathalie JAY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
Clôture : 3 octobre 2022
DÉBATS : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Novembre 2022 en audience publique, devant Christian Fabre, conseiller chargé d’instruire l’affaire, assisté de Delphine Grondin, greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 16 Février 2023 ;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Alain Lacour
Conseiller : Laurent Calbo
Conseiller : Christian Fabre, Magistrat honoraire à titre juridictionnel
Qui en ont délibéré
ARRÊT : mis à disposition des parties le 16 Février 2023 puis prorogé au 16 Mars 2023
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LA COUR :
Exposé du litige :
Salarié de la société Provan depuis le 1er février 2016 en qualité de technico-commercial, M. [Y] [U] (le salarié) a été licencié pour un motif économique par un courrier recommandé du 18 janvier 2018.
La liquidation judiciaire de la société Provan a été prononcée le 11 juin 2019, la Selarl Franklin Bach étant désignée liquidateur judiciaire.
Contestant son solde de tout compte, M. [U] a saisi le 15 mai 2020 le conseil de prud’hommes de Saint-Pierre de la Réunion d’une demande de paiement d’un solde de commissions d’un montant de 69 851,09 euros.
Par jugement du 15 septembre 2021, le conseil a notamment :
– dit et jugé prescrites les demandes de commissions antérieures au 15 mai 2017 pour un montant de 46 967,81 euros et donc irrecevables ;
– dit et jugé M. [U] recevable pour le surplus ;
– déclaré la demande de condamnation irrecevable à l’encontre de la Selarl Franklin Bach, es qualités et de l’AGS ;
– rejeté des débats les pièces 10 et 11 ainsi que les deux attestations de témoin ;
– débouté M. [U] de ses demandes ;
– débouté la Selarl Franklin Bach, es qualités, de sa demande de dommages et intérêts et au titre des frais irrépétibles ;
– condamné M. [U] aux dépens.
M. [Y] [U] a interjeté appel du jugement par acte du 13 octobre 2021.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 octobre 2022.
* *
Vu les dernières conclusions déposées au greffe :
le 19 juillet 2022 par M. [U],
le 22 septembre 2022 par la société Franklin Bach, es qualités de liquidateur judiciaire de la société Provan,
le 6 avril 2022 par l’Ags.
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements à suivre.
MOTIFS
Sur la recevabilité de la demande :
Vu l’article L.3245-1 du code du travail ;
L’Ags et la Selarl Franklin Bach, es qualités, soulèvent la prescription partielle de la demande de rappel de commissions formée par M. [U].
Le salarié ayant été licencié le 18 janvier 2019, il ne peut réclamer de rappel d’éléments de salaire antérieurement au 18 janvier 2016.
Sa demande qui porte sur une période postérieure sera déclarée recevable, le jugement étant infirmé sur ce point.
Sur la mise à l’écart des pièces :
Vu l’article 202 du code de procédure civile ;
M. [U] produit deux attestations de MM. [F] et [N], anciens salariés de la société Provan.
La Selarl Franklin Bach, es qualités, et l’Ags estiment qu’elles doivent être écartées en ce qu’elles émanent d’anciens salariés devenus associés et co-dirigeants d’une société, aux côtés de l’appelant.
En effet, il est justifié de la communauté d’intérêts entre M. [U] et les deux témoins.
Le défaut d’impartialité de leurs auteurs affecte la force probante de leur témoignage.
Les attestations seront écartées des débats.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Vu l’article L.1222-1 du code du travail ensemble l’article 1315 devenu 1353 du code civil ;
La Selarl Franklin Bach, es qualités, sollicite le rejet des pièces 10 et 11 produites par l’appelant, constituées d’un tableau extrait du logiciel EBP de l’entreprise et un journal des ventes auquel seul le gérant avait accès.
M. [U] rétorque qu’il a « pris » ces documents peu de temps avant son départ de l’entreprise, qu’ils sont le seul moyen pour lui de démontrer le chiffre d’affaires réellement réalisé par l’entreprise et qu’il est libre de produire des documents dont il a eu connaissance à l’occasion de ses fonctions lorsque leur production est strictement nécessaire à l’exercice des droits de la défense.
Ce faisant, d’une part, M. [U] ne démontre pas qu’il ait obtenu lesdits documents à l’occasion des fonctions qu’il exerçait.
D’autre part, il ne justifie pas davantage que ces éléments étaient strictement nécessaires à l’exercice de ses droits de la défense dans le litige qui l’opposait à son employeur sur le montant de ses commissions puisque M. [U] indiquait dès l’introduction de l’instance quelles étaient les modalités de calcul de cet élément de salaire et qu’il avait nécessairement accès aux éléments chiffrés sur le montant des ventes réalisées par ses soins dont il entendait se prévaloir pour leur calcul.
En conséquence, faute pour M. [U] d’établir qu’il a obtenu les documents en litige dans le cadre de ses fonctions et que de surcroît ceux-ci étaient strictement nécessaires à l’exercice des droits de sa défense, les pièces 10 et 11 seront écartées des débats.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur le rappel de commissions :
Vu l’article L. 1221-1 du code du travail ;
M. [U] sollicite la somme de 69 851,09 euros au titre d’un rappel de commission sur la période de février 2016 à décembre 2018.
La demande du salarié est consécutive à la rupture du contrat, M. [U] ayant contesté son solde de tout compte notamment pour reliquat de commissions impayées d’un montant de 36 300 euros bruts.
Il appartient au salarié de justifier du montant de sa demande et à l’employeur qui se dit libéré de l’obligation de paiement d’une rémunération variable, d’en rapporter la preuve ainsi que toutes précisions utiles permettant de déterminer l’origine et le mode de calcul de cette rémunération.
En l’espèce, le contrat de travail signé des parties (pièce 1) stipule une rémunération mensuelle brute de 1.600 euros plus « des commissions dont les modalités seront définies sur un avenant supplémentaire ».
Il n’est pas contesté que cet avenant n’a pas été formalisé.
M. [U] expliquait dès la contestation du solde de tout compte qu’il avait perçu des commissions à hauteur de 1,9 % et 2,7 % sur le chiffre d’affaires au lieu de 4 % environ.
Il exposait ensuite dans son acte introductif d’instance que ses commissions devaient être calculées à hauteur de 3 % des commandes passées par l’intermédiaire d’une concession et de 5 % de celles faites directement par le client auprès de la société Provan.
La Selarl Franklin Bach, es qualités, reconnaît l’existence de commissions calculées sur la base des commandes générées par M. [U] et, non du chiffre d’affaires global, à hauteur de 3 % pour les clients déjà en portefeuille et 5 % pour les nouveaux prospects réalisés par M. [U], et soutient que le salarié a perçu sur chacun des bulletins de paie les commissions relatives au mois précédent.
Les commissions perçues ont été chiffrées pour un total de 49 553 euros sur la période de février 2016 à décembre 2018 selon les propres écritures du salarié non contredite par l’employeur.
L’employeur justifie donc du montant et des modalités des commissions versées à M. [U].
Pour s’y opposer, M. [U] produit son propre calcul fondé sur un commissionnement moyen de 4% en considération du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise.
Ces modalités de calcul sont donc dépourvues de toute logique et de tout fondement contractuel.
En effet, M. [U] ne rapporte aucun commencement de preuve d’un accord de l’employeur pour verser à son salarié des commissions sur la base de l’ensemble du chiffre d’affaires de l’entreprise et non en considération des seules ventes réalisées par ses soins.
Par ailleurs, M. [U] échoue à établir qu’il était le seul salarié à contribuer au chiffre d’affaires de la société.
En conséquence, M. [U] qui ne justifie pas du bien fondé de sa contestation sera débouté de sa demande.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts formée à l’encontre du salarié :
Vu le principe selon lequel la responsabilité du salarié ne peut être engagée envers son employeur qu’en cas de faute lourde ;
La Selarl Franklin Bach, es qualités, sollicite la condamnation de M. [U] à des dommages et intérêts consécutivement à l’exécution déloyale de son contrat de travail.
Cependant, la faute lourde de M. [U] n’ayant pas été invoquée, la responsabilité du salarié ne peut être engagée envers son employeur.
La demande indemnitaire sera rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en matière sociale et en dernier ressort,
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a déclaré partiellement prescrite la demande de rappel de commissions ;
Statuant à nouveau sur ce point ;
Déclare recevable la demande de rappel de commissions formée par M. [U] ;
L’en déboute ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [U] à payer à la société Franklin Bach, es qualités de liquidateur judiciaire de la société Provan, la somme de 2 000 euros au titre des frais non répétibles d’instance ;
Rejette les autres demandes formées à ce titre ;
Condamne M. [U] aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par M. Lacour, président, et par Mme Grondin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière Le président
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