PC/LD
ARRET N° 125
N° RG 21/00840
N° Portalis DBV5-V-B7F-GG6Q
[S]
C/
S.A.S.U. SMART RX (ANCIENNEMENT DENOMMEE ALLIADIS)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 16 MARS 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 mars 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de NIORT
APPELANT :
Monsieur [W] [S]
né le 26 Juin 1967 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant Me Stéphanie PROVOST-CUIF de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS
Et ayant pour avocat plaidant Me François DRAGEON de la SELARL DRAGEON & ASSOCIES, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
INTIMÉE :
S.A.S.U. SMART RX (ANCIENNEMENT DENOMMEE ALLIADIS)
N° SIRET : 342 280 609
[Adresse 1]
[Localité 4]
Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
Et ayant pour avocat plaidant Me Thomas NOEL de FACTORHY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 12 Décembre 2022, en audience publique, devant :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile que l’arrêt serait rendu le 02 mars 2023. A cette date le délibéré a été prorogé au 16 mars 2023.
– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [W] [S] a été engagé, par contrat à durée indéterminée du 2 novembre 1992 en qualité d’attaché commercial par la société Detamatic (aux droits de laquelle se trouve désormais la SASU Smart RX) exploitant une activité de développement et commercialisation de logiciels d’optimisation et de gestion des performances d’officines de pharmacie.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, M. [S] occupait le poste de directeur régional commercial pour la région Nord-Ouest, statut cadre, position 3-2, coefficient 210 convention collective des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil.
M. [S] s’est vu notifier son licenciement pour faute grave par une LRAR du 6 décembre 2018 pour les motifs suivants :
– résultats insuffisants sur sa région et défaut de mise en oeuvre des mesures correctives préconisées par sa hiérarchie,
– attitude managériale inacceptable,
– diffusion auprès de ses collaborateurs de fausses informations à destination des clients,
– agissements constitutifs de concurrence déloyale.
Par acte du 20 février 2019, M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Niort d’une action en contestation de son licenciement et paiement des indemnités subséquentes.
Par jugement du 2 mars 2021, le conseil de prud’hommes de Niort a :
– débouté M. [S] de l’ensemble de ses demandes,
– fait droit à la demande reconventionnelle de la S.A.S.U. Alliadis sur l’article 700 du C.P.C. à hauteur de 2 000 €.
M. [S] a interjeté appel tendant à l’annulation et/ou la réformation de cette décision selon déclaration transmise au greffe de la cour le 11 mars 2021, en intimant la S.A.S.U. Smart RX.
Par ordonnance du 7 décembre 2021, le magistrat de la mise en état a déclaré irrecevables, en application de l’article 909 du C.P.C., les conclusions remises et notifiées les 25 août et 23 septembre 2021 par la S.A.S.U. Smart RX.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 27 avril 2022.
Au terme de ses dernières conclusions remises et notifiées le 9 août 2021, auxquelles il convient à ce stade de se référer pour l’exposé détaillé des éléments de droit et de fait, M. [S] demande à la cour :
1 – à titre principal :
– de déclarer nul le jugement entrepris pour violation du caractère public des audiences, violation du principe du contradictoire et violation du principe d’impartialité,
– usant de son pouvoir d’évocation :
> in limine litis :
* de donner injonction à la SASU Smart RX de verser aux débats une copie certifiée conforme de son registre unique du personnel,
* de juger toutes conclusions et pièces de la SASU Smart RX irrecevables, en application de l’article 909 du C.P.C.
> au fond :
* de déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
* de fixer le salaire de référence à 13 177,00 € brut par mois,
* de condamner la SASU Smart RX à lui payer les sommes de :
– 39 53,00 € brut à titre d’indemnité de préavis et 3 953,10 € brut au titre des congés payés y afférents,
– 105 415,92 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 474 372 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 15 000 € en application de l’article 700 du C.P.C., outre les dépens.
2 – subsidiairement, de réformer le jugement entrepris :
– in limine litis :
> de donner injonction à la SASU Smart RX de verser aux débats une copie certifiée conforme de son registre unique du personnel,
> de juger toutes conclusions et pièces de la SASU Smart RX irrecevables, en application de l’article 909 du C.P.C.
– au fond :
> de déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
> de fixer le salaire de référence à 13 177,00 € brut par mois,
> de condamner la SASU Smart RX à lui payer les sommes de :
* 39 53,00 € brut à titre d’indemnité de préavis et 3 953,10 € brut au titre des congés payés y afférents,
* 105 415,92 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
* 474 372 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 15 000 € en application de l’article 700 du C.P.C., outre les dépens.
MOTIFS
I – Sur la procédure d’appel :
Il convient :
– de rappeler que l’ordonnance du magistrat de la mise en état du 7 décembre 2021, non frappée de recours, déclarant irrecevables, en application de l’article 909 du C.P.C., les conclusions remises et notifiées par la SASU Smart RX les
25 août et 23 septembre 2021, a autorité de la chose jugée au principal (article 914 dernier alinéa du C.P.C.),
– de déclarer irrecevables les pièces communiquées par la société intimée à l’appui de ses conclusions déclarées irrecevables,
– de considérer que la partie intimée est réputée conclure à la confirmation du jugement déféré, pour les motifs retenus par les premiers juges.
II – Sur la demande tendant à voir prononcer la nullité du jugement déféré :
L’appel annulation du jugement, tel que prévu par les articles 542 et 562 du code de procédure civile, désigne l’appel tendant à l’annulation d’un jugement indépendamment de tout débat sur le fond, en raison d’une irrégularité dans l’élaboration de la décision, sans qu’il soit nécessairement recouru à la notion d’excès de pouvoir, les causes de nullité du jugement pouvant ainsi être afférentes, notamment, à la violation du principe du contradictoire, à la partialité du juge ou à la nullité de l’assignation saisissant la juridiction.
Au soutien de sa demande, M. [S] évoque les griefs suivants :
– audience tenue non publiquement,
– interdiction à son conseil de plaider son dossier sans aucun motif sérieux,
– manifestation d’une hostilité objective à l’égard de son conseil,
– absence totale de motivation.
Il expose en substance :
– que son dossier a été appelé, avec d’autres, à l’audience de jugement du 3 novembre 2020,
– qu’à l’appel des causes, la présidente de la formation de jugement a demandé aux avocats présents de quitter la salle s’ils n’étaient pas directement concernés par le dossier évoqué, de telle sorte que l’intégralité de l’audience ne s’est pas tenue publiquement,
– que son dossier a été appelé à 18 h 45, que les parties se sont vues intimer un temps de plaidoirie d’un quart d’heure chacune à l’issue duquel son conseil a été interrompu de manière définitive, en violation du principe selon lequel chacun a droit à ce que sa cause soit entendue dans une audience publique,
– que par lettre du 6 novembre 2020 (pièce 73), le président général du conseil de prud’hommes saisissait le Bâtonnier de La Rochelle-Rochefort d’une demande tendant à obtenir des excuses de la part de son conseil, estimant que le comportement d’audience de celui-ci avait été injurieux à l’égard de la juridiction,
– que sa version du déroulement de l’audience a été confirmée par une lettre du conseil de la société Smart RX (pièce 74),
– que la juridiction qui a exigé des excuses d’un des avocats n’a pas jugé utile de relever d’office qu’elle n’était plus impartiale, ce qui ne peut être le cas d’une juridiction qui, en cours de délibéré, exige sans aucun fondement des excuses de l’une des parties,
– que l’entière motivation de la décision déférée est la reprise pure et simple de l’argumentation de la société Smart RX, sans aucune considération, même allusive, à ses pièces et arguments.
Sur ce,
Sur le grief tiré du défaut de publicité des débats en première instance :
Il doit être considéré :
– que l’audience s’est tenue pendant une période d’état d’urgence sanitaire lié la pandémie de Covid-19, déclaré le 17 octobre 2020,
– que la présidente d’audience était en conséquence habilitée et fondée à prendre toutes mesures pratiques permettant d’éviter/limiter, tant pour les justiciables que pour les personnels de justice, les risques de transmission du virus, telles qu’une limitation du nombre de personnes présentes en même temps dans la salle d’audience,
– que le principe de la publicité des débats a été respecté, au regard des déclarations mêmes de la présidente d’audience telles que rapportées par l’appelant lui-même (les portes de la salle d’audience restent ouvertes et les personnes souhaitant écouter les débats le peuvent à partir du couloir adjacent).
Aucune violation du principe de publicité des débats n’est dès lors caractérisée.
Sur le grief tiré d’un prétendu non-respect du principe du contradictoire :
Il doit être considéré que la présidente d’audience a fait un usage raisonné de son pouvoir de direction des débats en impartissant, aux deux parties et avant leur prise de parole, un temps déterminé de plaidoirie qui en l’espèce était suffisant pour présenter leurs observations orales à l’appui de leurs écritures et de leurs pièces.
Ce moyen de nullité sera rejeté.
Sur le grief tiré d’une prétendue partialité de la formation de jugement :
Le déroulement de l’audience de plaidoirie du 3 novembre 2020 (ayant débuté par une remarque pour le moins saugrenue du conseil du demandeur sur la composition exclusivement féminine de la formation de jugement) tel qu’il peut être établi à la lecture combinée du courrier du président général de la juridiction et de l’avocat adverse (fixation et application d’un temps strict de plaidoirie, rappel par le greffe des consignes de sécurité s’imposant à tous concernant les gestes barrière) ne révèle de la part des conseillers prud’homaux aucun comportement exprimant une hostilité et un parti-pris injustifiables à l’égard du demandeur, de nature à influer sur leur décision.
Par ailleurs, le seul fait de signaler au président de la juridiction les conditions dans lesquelles s’est déroulée l’audience de plaidoirie n’imposait pas aux conseillères ayant siégé à celle-ci de se déporter et de s’abstenir sur le fond de l’affaire, sauf à priver de facto le président d’audience de ses pouvoirs de direction de celle-ci.
Ce moyen de nullité sera également rejeté.
Sur le grief tiré d’un défaut de motivation du jugement :
La lecture du jugement déféré permet de considérer que l’exigence de motivation imposée par les articles 455 et 458 du C.P.C. et 6-1 de la C.E.D.H. a été respectée par les premiers juges qui ont examiné chacun des griefs articulés dans la lettre de licenciement et argumenté leur décision au visa de pièces qu’ils estimaient pertinentes et probantes.
Ce moyen de nullité sera également rejeté.
III – Sur le fond:
Sur la matérialité et la gravité mêmes des motifs de licenciement :
Il doit être rappelé :
– que selon les articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et
sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié, que cette lettre, qui fixe les limites du litige doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables, permettant au juge d’en apprécier la réalité et le sérieux, que le juge ne peut pas examiner d’autres motifs que ceux évoqués dans la lettre de licenciement mais qu’il doit examiner tous les motifs invoqués, quand bien même ils n’auraient pas tous été évoqués dans les conclusions des parties,
– que la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse sur aucune des parties en particulier, le juge formant sa conviction au vu des éléments produits par chacun, l’employeur étant en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif,
– que lorsque le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l’employeur de prouver la réalité de la faute grave, c’est-à-dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu’elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis,
– qu’il appartient au juge d’apprécier la nature de la faute invoquée par l’employeur, que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la gravité de la faute s’appréciant en tenant compte du contexte des faits, de l’ancienneté du salarié, des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié, de l’existence ou de l’absence de précédents disciplinaires.
Exposant que son licenciement s’inscrit dans le cadre d’une relation salariale dégradée (litige sur les modalités de commissionnement) et d’une dégradation des produits de la société et de son management avec de très nombreuses décisions de licenciement/rupture touchant les échelons supérieurs du management et les échelons exécutifs, M. [S] conteste l’ensemble des griefs articulés dans la lettre de licenciement.
1 – sur les résultats catastrophiques d’exploitation et le défaut de mise en oeuvre des mesures correctives préconisées par la hiérarchie :
La lettre de licenciement est de ce chef ainsi motivée :
Vous occupez le poste de directeur commercial régional pour la région Nord-Ouest au sein d’une équipe composée d’une dizaine d’ingénieurs commerciaux.
A cet titre, vos missions consistent à :
– mettre en oeuvre sur votre secteur géographique et dans votre domaine la politique commerciale définie par ou avec la direction,
– assurer la bonne réalisation des objectifs quantitatifs et qualitatifs pour les différentes unités,
– animer, organiser, coordonner, gérer et contrôler l’activité et le suivi de la force de vente afin d’optimiser les résultats,
– répartir et gérer les budgets,
– analyser les résultats et prendre les mesures correctives nécessaires,
– négocier avec les clients importants,
– assurer un reporting de vos actions à la direction.
Malheureusement, nous constatons que vous ne remplissez plus vos missions conformément à nos attentes puisque les résultats de la région Nord-Ouest accusent un retard de 38 % par rapport à l’année précédente, à la même époque. Les chiffres sont éloquents et parlent d’eux-mêmes: 3,9 millions d’euros en 2017 et 2,4 millions d’euros en 2018.
En comparaison, les autres régions affichent un retard de seulement 14 % pour la région Sud-Est, 16 % pour la région Nord et 21% pour la région Sud-Ouest qui n’a pas eu de directeur pendant plusieurs mois.
Le retard de votre région est le plus lourd sur tout le territoire et cela s’avère inacceptable au regard du fort potentiel de la région dont vous êtes en charge.
Vous avez bénéficié du soutien de la direction jusqu’à mi-juin, face à la gravité
de la situation, votre supérieur hiérarchique, M. [M], en sa qualité de directeur général, vous a alerté et a souhaité mettre en place certaines mesures afin de vous accompagner.
Les mesures préconisées s’orientaient autour de deux axes : des réunions d’équipe hebdomadaires assorties de comptes-rendus, l’utilisation par l’ensemble de l’équipe du CRM afin de permettre un meilleur pilotage.
Pourtant, vous n’avez pas mis en place les préconisations de M. [M] puisqu’aucun compte-rendu de réunion n’a été formalisé et transmis à votre direction depuis le mois de juin 2018 alors que plusieurs relances vous ont été adressées et que vous n’utilisez toujours pas ou insuffisamment l’outil CRM.
Il résulte de ce qui précède que vous n’avez pas su prendre les mesures adéquates pour redresser la situation si bien que les résultats de votre région restent encore bien en-deçà des objectifs fixés.
M. [S] conteste ce grief en soutenant :
– qu’il n’a jamais accepté le plan d’objectifs de l’année 2018 en raison de son caractère irréaliste,
– que la dégradation des résultats est imputable à l’hémorragie de clientèle subie sur tout le territoire national par la société en raison de la mauvaise qualité du service offert, situation que confirme l’analyse des données du GIE Sesam-Vitale (pièces 7, 8 et 9) chiffrant le nombre d’officines utilisant les systèmes de connexion au logiciel des C.P.A.M., révélant que la part de marché de Smart RX décroît depuis plusieurs années (7033 en décembre 2016, 6518 en décembre 2017, 5902 en décembre 2018 et 5479 en août 2019),
– que la défiance de la clientèle envers Smart RX en raison de son incurie dans la gestion de ses clients en termes notamment de maintenance et mise à jour des logiciels est établie par 42 courriers (pièces 10 à 52) dénonçant des dysfonctionnements majeurs, permanents et entraînant des annulations de contrats,
– qu’il avait dénoncé cette situation à sa hiérarchie (échanges de messages du 16 novembre 2017, pièce 54 : Bonjour [P] Voilà comment commence nos journées au quotidien moi et mes commerciaux, c’est juste un exemple parmi beaucoup d’autre. Je reste mobilisé en permanence jusqu’à des heures très tardives et sans aucune aide après 18h.. plus personne pour préparer le lendemain .. j’espère vraiment que tu as conscience de la gravité de la situation ([S]) Bien évidemment que j’ai conscience de la situation car j’ai l’ensemble des remontées. Ou se trouve ce client ‘ ([M]),
– que cette situation est également confirmée par un message de M. [D] (actionnaire) du 9 avril 2018 (pièce 68) j’ai rencontré X qui possèdent 5 pharmacies équipées d’OPUS. Ils ont utilisé des mots très forts pour exprimer leur insatisfaction , ils n’ont pas installé le module loi de finances fin décembre car ils ont entendu parlé de problème très important. Ils ont des problèmes important d’écarts de caisse qui peuvent aller jusqu’à 10 000 €. Leur commissaire aux comptes et leur expert-comptable refusent de certifier leur compte. Ils se plaignaient de bugs qui n’ont jamais été corrigés depuis des mois. M. [S] a proposé une réunion, il a été évoqué l’idée de les migrer sur Smart RX Agile. Ils acceptent le principe mais ils sont pressés et prêts à nous quitter….
Force est de constater :
– que M. [S] soutient, sans être démenti par aucune pièce régulièrement versée aux débats, qu’aucun objectif chiffré n’a été convenu avec l’employeur pour l’exercice 2018,
– que les éléments soumis à l’appréciation de la cour ne permettent pas d’imputer à M. [S], au titre d’un désengagement et d’un refus d’appliquer des consignes dont il n’est pas justifié de la notification, la sur-baisse (par rapport aux trois autres régions) du chiffre d’affaires de la région Nord-Est dont il avait la responsabilité, alors même que M. [S] fait état (et justifie, pièces 10 à 52, lettres de réclamation de clients) de difficultés structurelles à gérer des dysfonctionnements techniques des logiciels commercialisés par SMART RX.
2 – sur le grief tiré d’une attitude managériale inacceptable :
La lettre de licenciement est de chef motivée ainsi qu’il suit :
Vous faites preuve d’une agressivité inouïe à l’égard de vos collaborateurs et des autres salariés de la société.
Ainsi, le 29 octobre 2018, vous avez littéralement agressé verbalement Mme [X] [C] – contrôleur de gestion – à la suite d’une erreur commise dans les relevés de commissions des ingénieurs commerciaux.
Le ton que vous avez adopté est inacceptable et démontre votre manque de respect à l’égard de vos collaborateurs.
Alors que cette altercation nous a été confirmée, d’une part, par Mme [C] elle-même et, d’autre part, par les collaborateurs présents, vous avez nié la réalité de cet événement et vous n’avez même pas daigné présenter des excuses, ce qui aurait été le minimum.
Nous ne pouvons tolérer qu’un manager fasse preuve d’agressivité à l’égard de ses collaborateurs, quelle que soit la situation rencontrée : il ne s’agit pas de nos méthodes de travail et nous ne pouvons ni cautionner, ni tolérer une telle attitude qui porte atteinte à l’intégrité de nos collaborateurs.
M. [S] conteste ce grief s’agissant tant des faits allégués à l’égard de Mme [C] que du comportement managérial qui lui est reproché de manière générale, en exposant :
– qu’aucune pièce n’est produite qui accrédite cette altercation,
– que comme le reconnaît l’employeur, la salariée responsable de la mise en place du plan de commission des commerciaux a commis une erreur aboutissant à une reprise des salaires déjà versés, que dans un contexte de contestation de ce plan, cette erreur a été très mal perçue par la force de vente, qu’une explication, qui n’a pas été chaleureuse, a eu lieu entre la salariée et lui-même, interface entre la force de vente et la DRH,
– que cependant il est reconnu comme un cadre respectueux (attestation de M. [U], pièce 58, faisant état de ses très bonnes relations professionnelles avec l’équipe qu’il encadre), qu’il n’a jamais fait l’objet d’un quelconque reproche et que l’employeur ne produit aucune autre pièce qu’une lettre de son directeur général mais aucun mail, aucune lettre, aucune attestation de Mme [C] avec laquelle il entretenait les meilleurs rapports (échange de mails de septembre 2017, pièce 59).
Force est de constater que M. [S] conteste avoir tenu des propos agressifs à l’encontre de Mme [C] et qu’il n’est régulièrement versé aux débats aucun élément établissant la réalité de ce fait, laquelle ne peut être considérée comme établie par les énonciations de la lettre de licenciement, M. [S] faisant exactement observer qu’il n’est produit aucun témoignage, sous quelque forme que ce soit, de Mme [C] ou de témoins directs des faits.
3 – sur le grief tiré de la diffusion auprès de ses collaborateurs de fausses informations à destination des clients :
La lettre de licenciement est ainsi motivée :
Nous avons découvert le 12 novembre 2018 avec stupeur que vous aviez délivré un discours commercial totalement erroné à votre équipe d’ingénieurs commerciaux de sorte que ceux-ci ont indiqué au client bénéficiant de la solution informatique ‘Periphar’ qu’ils devaient obligatoirement migrer vers ‘Smart RX Agile’ avant la fin de l’année 2018, faute de quoi ces derniers n’auraient pas la possibilité de facturer les nouveaux honoraires de dispensation à leurs clients car nous ne développerions pas cette fonctionnalité sur le logiciel de gestion d’officine Periphar.
En tenant ce discours commercial, les commerciaux placés sous votre autorité ont menti éhontément à nos clients pour vendre Smart RX Agile.
De telles manoeuvres sont inacceptables car elles portent atteinte à l’image de la société et à la confiance que nos clients nous témoignent ainsi qu’à leurs commerciaux.
Lors de votre entretien, vous avez soutenu qu’il y aurait eu une communication en ce sens de la direction générale. Là encore, vous faites preuve d’une mauvaise foi stupéfiante et d’une incapacité flagrante à restituer les consignes de votre hiérarchie, ce qui est particulièrement grave.
M. [S] conteste toute volonté de tromper collaborateurs et/ou clients, en exposant :
– qu’il n’a fait qu’exécuter les directives de la direction telles que reprises dans un compte-rendu de réunion commerciale des directeurs commerciaux du 10 juillet 2017 (pièce 56) dont le point 5 ‘Atelier-groupe de travail’ précisait ‘Periphar: migration vers Smart RX Agile ‘ En faire un axe de communication pour le parc’.
– qu’il verse aux débats une attestation de M. [N], ancien salarié (pièce 57) indiquant avoir en 2017-2018 subi des demandes insistantes et répétées de la direction, M. [M] et son assistante, afin de migrer le parc Periphar vers Smart RX du fait de l’arrêt de développement du logiciel Periphar et que ces migrations Periphar vers Smart RX constituaient l’une des priorités importantes de la direction Smart RX,
– que cette attestation est corroborée par le témoignage de M. [H], formateur (pièce 63) indiquant qu’une information claire et précise avait été annoncée par la direction générale de Smart RX pour migrer au plus vite les clients Periphar sur Smart RX Agile ayant pour objectif d’arrêter définitivement ce logiciel.
Force est de constater que, demeurant la contestation par M. [S] de la matérialité et de l’intentionnalité de ce grief, la société Smart RX ne verse aux débats en cause d’appel aucun élément objectif et vérifiable permettant d’en établir la réalité et la gravité.
4 – sur le grief tiré d’agissements constitutifs de concurrence déloyale.
La lettre de licenciement est ainsi motivée :
Devant ce changement de comportement et face à votre incapacité à gérer la situation, nous avons souhaité comprendre les causes de votre désengagement alors que cela fait maintenant près de 26 ans que nous collaborons ensemble. Quelle ne fut pas notre surprise lorsque nous avons découvert que vous exerciez une concurrence déloyale à notre égard.
En effet nos investigations ont mis en lumière que vous organisiez des entretiens entre nos clients et nos concurrents dont notamment Winpharma chez qui vous avez passé un entretien afin de devenir directeur commercial national.
Vous tentez donc de détourner nos clients chez votre potentiel nouvel employeur.
A titre d’exemple, vous avez arrangé une entrevue entre Winpharma et le groupement de pharmacies Pharavance.
Le client nous a confirmé que dès le lendemain du rendez-vous vous l’aviez contacté afin de savoir comment s’était passée cette entrevue.
Le client nous a également confié que lorsque celui-ci vous avait fait part de son mécontentement vous aviez promis d’intervenir directement auprès du directeur général de Winpharma, M. [F], pour arrondir les angles.
Le ton et l’aplomb dont vous avez fait preuve démontrent manifestement que vous entretenez des relations avec le patron de Winpharma, l’un de nos principaux concurrents.
Dans le même sens, votre candidature chez Winpharma n’ayant pas été retenue, vous êtes aujourd’hui initiateur de nouveaux rendez-vous chez nos clients et prospects avec un autre de nos concurrents, l’éditeur Pharmaland, concurrent au sujet duquel vous expliquez à nos clients que vous êtes en cours d’association.
Autre preuve de vos actions déloyales, nous avons pu constater que vous aviez une adresse email intitulée [Courriel 6]. Or, Cashdefender est
le distributeur exclusif de la société Strongpoint aux Etats-Unis. Comme vous le savez pertinemment, Strongpoint est notre fournisseur pour le produit Cashguard. Alors que nous avons des preuves de l’existence de cette adresse email, vous avez, là encore, nié l’évidence. Force est de constater que vous violez sciemment vos obligations contractuelles de loyauté et d’exclusivité.
Autre manquement grave à porter à votre passif : vous avez fait parvenir à Pharavance une proposition pour une table d’enfant pour un loyer de 78 € par mois sur 60 mois alors que nous commercialisons nous-mêmes ces produits. Or, curieusement, ces propositions n’émanent pas dAlliadis mais de la société Anodia, une société concurrente enregistrée au RCS sous le n° 828 757 484 et dont le gérant n’est autre que M. [J] [B], un ancien salarié de la société.
En agissant de la sorte, vous avez sciemment violé vos obligations contractuelles de loyauté et d’exclusivité.
Les informations que nous avons récoltées nous ont permis d’établir votre modus operandi : [J] [B] formalise les propositions qu’il vous adresse pour envoi à nos clients.
Vos actions démontrent une réelle intention de nuire à Alliadis que nous ne parvenons pas à nous expliquer.
Vos agissements causent un trouble objectif au sein de notre société ainsi qu’au bon fonctionnement du service et portent atteinte à notre image auprès de nos clients ; ce qui nous cause un préjudice extrêmement important.
Les faits démontrent manifestement que l’insuffisance des résultats que nous vous reprochons résulte de manière patente d’une insuffisance faute de votre part et notamment de vos actions visant à détourner nos clients au profit de nos concurrents.
M. [S] conteste ce grief en soutenant :
– s’agissant des relations avec Winpharma et Pharmaland : qu’il n’a jamais postulé auprès de ces deux sociétés, aucune pièce n’étant produite de ce chef par l’employeur alors qu’il verse aux débats une attestation contraire d’un dirigeant de Pharmaland (pièce 60) et une attestation du directeur général de Winpharma (pièce 61) précisant en outre qu’il n’est jamais intervenu dans une démarche commerciale avec le groupement Pharmavance, que les faits dénoncés par l’employeur ne sont établis par aucun témoignage direct ou autre élément de preuve objectif et vérifiable,
– s’agissant de la commercialisation d’une table de jeux pour enfants, que les allégations de la société Smart RX ne sont corroborées par aucun élément de preuve direct et objectif alors même qu’il produit une attestation du dirigeant de cette société indiquant n’avoir jamais eu de relations commerciales avec lui (pièce 69),
– s’agissant de l’adresse e-mail dont il est titulaire : que sa seule existence est insuffisante à caractériser une faute de sa part, qu’il n’est pas établi qu’il aurait eu une activité quelconque pour Cashdefend.
Demeurant la contestation par M. [S] de la matérialité même des faits de concurrence déloyale visés dans la lettre de licenciement (à l’exception de la détention d’une adresse e-mail sur les comptes de la société Cashdefend dont il convient de considérer qu’en soi et à elle seule elle est insuffisante à caractériser une action concurrentielle déloyale), force est de constater que n’est versé régulièrement aux débats aucun élément objectif et vérifiable permettant d’en établir l’existence même et la gravité.
Aucun des griefs invoqués dans la lettre de licenciement n’est caractérisé au regard des éléments de preuve régulièrement soumis à l’examen de la cour.
Il convient dès lors, infirmant le jugement déféré, de déclarer le licenciement de M. [S] dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur l’indemnisation au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
Le salaire mensuel brut moyen de référence de M. [S] sera fixé à la somme de 11 967,83 € (moyenne des douze derniers mois de salaire, pièce 2 de l’appelant).
Il sera alloué à M. [S], au titre de l’indemnité conventionnelle de préavis (trois mois), la somme de 35 903,49 € brut outre la somme de 3 590,34 € brut au titre des congés payés y afférents.
S’agissant de l’indemnité conventionnelle de licenciement (un tiers de mois par année de présence pour un salarié ayant 26 ans et un mois d’ancienneté à la date de notification du licenciement et non 24 ans, comme indiqué par l’appelant) la somme de 103 721,19 €.
S’agissant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
M. [S] sollicite une indemnité de 474 372 € en exposant :
– que la réparation ne devra pas tenir compte de la ‘barémisation indemnitaire’ prévue par l’ordonnance du 23 septembre 2017 en citant diverses décisions de juridictions du premier degré de fin 2018-début 2019 sans développer plus avant sa contestation dudit barème,
– qu’âgé de plus de 50 ans, il a subi un préjudice majeur, étant considéré que, dans un marché oligopolistique, il est hautement improbable qu’il puisse retrouver un emploi avec un tel niveau de rémunération, qu’au 15 juillet 2021, il était toujours sans emploi.
Sur ce,
S’agissant de l’indemnisation d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, il doit être considéré :
– que les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations prévues au deuxième alinéa de l’article L. 1235-3-1, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi,
– que le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions précitées de l’article L. 1235-4 du code du travail,
– que ces dispositions sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT et compatibles avec les stipulations de celui-ci.
Par ailleurs, dans la partie I de la Charte sociale européenne, « les Parties reconnaissent comme objectif d’une politique qu’elles poursuivront par tous les moyens utiles, sur les plans national et international, la réalisation de conditions propres à assurer l’exercice effectif des droits et principes » ensuite énumérés, parmi lesquels figure le droit des travailleurs à une protection en cas de licenciement.
Selon l’article 24 de cette même Charte, « en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s’engagent à reconnaître :
a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ;
b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ;
A cette fin les parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial. ».
L’annexe de la Charte sociale européenne précise qu’il « est entendu que l’indemnité ou toute autre réparation appropriée en cas de licenciement sans motif valable doit être déterminée par la législation ou la réglementation nationales, par des conventions collectives ou de toute autre manière appropriée aux conditions nationales. » ;
L’article 24 précité figure dans la partie II de la Charte sociale européenne qui indique que « les parties s’engagent à se considérer comme liées, ainsi que prévu à la partie III, par les obligations résultant des articles et des paragraphes » qu’elle contient.
Dans la partie III de la Charte, il est indiqué que « chacune des parties s’engage :
a) à considérer la partie I de la présente Charte comme une déclaration déterminant les objectifs dont elle poursuivra par tous les moyens utiles la réalisation, conformément aux dispositions du paragraphe introductif de ladite partie ;
b) à se considérer comme liée par six au moins des neuf articles suivants de la partie II de la Charte : articles 1, 5, 6, 7, 12, 13, 16, 19 et 20 ;
c) à se considérer comme liée par un nombre supplémentaire d’articles ou de paragraphes numérotés de la partie II de la Charte, qu’elle choisira, pourvu que le nombre total des articles et des paragraphes numérotés qui la lient ne soit pas inférieur à seize articles ou à soixante-trois paragraphes numérotés.»
Il résulte de la loi n° 99-174 du 10 mars 1999, autorisant l’approbation de la Charte sociale européenne, et du décret n° 2000-110 du 4 février 2000 que la France a choisi d’être liée par l’ensemble des articles de la Charte sociale européenne.
L’article I de la partie V de la Charte sociale européenne, consacrée à la « Mise en oeuvre des engagements souscrits » prévoit que « les dispositions pertinentes des articles 1 à 31 de la partie II de la présente Charte sont mises en oeuvre par :
a) la législation ou la réglementation ;
b) des conventions conclues entre employeurs ou organisations d’employeurs et organisations de travailleurs ;
c) une combinaison de ces deux méthodes ;
d) d’autres moyens appropriés. »
Enfin, l’annexe de la Charte sociale européenne mentionne à la partie III : « Il est entendu que la Charte contient des engagements juridiques de caractère international dont l’application est soumise au seul contrôle visé par la partie IV» qui prévoit un système de rapports périodiques et de réclamations collectives ;
Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l’Union européenne dispose d’une compétence exclusive pour déterminer s’il est d’effet direct, les stipulations d’un traité international, régulièrement introduit dans l’ordre juridique interne conformément à l’article 55 de la Constitution, sont d’effet direct dès lors qu’elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale du traité invoqué, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, elles n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers.
Il résulte des dispositions précitées de la Charte sociale européenne que les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs, poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu’ils prennent des actes complémentaires d’application selon les modalités rappelées aux paragraphes 13 et 17 du présent arrêt et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique rappelé au paragraphe 18.
Les dispositions de la Charte sociale européenne n’étant donc pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l’invocation de son article 24 ne peut pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, et la décision du Comité européen des droits sociaux publiée le 26 septembre 2022, qui considère que le barème d’indemnités pour licenciement abusif est contraire à cet article 24, ne produisant aucun effet contraignant, il convient d’allouer en conséquence au salarié une indemnité fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce texte.
Il n’y a donc pas lieu d’écarter l’application des minima/maxima prévus par l’article L. 1235-3 du code du travail, soit en l’espèce 3 mois et 18,5 mois.
Au-delà de l’indemnisation minimale prévue par ce barème, et tenant compte notamment de l’âge (51 ans révolus à la date de rupture du contrat de travail), de l’ancienneté du salarié (26 ans), d’un salaire de référence de 11967,83 € brut des circonstances de son licenciement, de sa formation, de son expérience et de ses capacités à retrouver un emploi, de son parcours socio-professionnel depuis son licenciement tel que justifié par les pièces versées aux débats (pièce 76, chômage jusqu’en juin 2021) il sera alloué à M. [S] une indemnité de 150 000 €.
Les sommes allouées à M. [S] produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour celles ayant une nature salariale et à compter du prononcé de la présente décision pour celles ayant un caractère indemnitaire.
Il y a lieu, s’agissant d’une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, de faire application d’office des dispositions de l’article L1335-4 du code du travail et d’ordonner le remboursement par la S.A.S.U. Smart RX des indemnités de chômage versées à M. [S] du jour de son licenciement au jour du prononcé du présent arrêt, dans la limite de quatre mois d’indemnités.
L’équité commande de réformer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué à la S.A.S.U. Smart RX la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du C.P.C. et de condamner ladite société à payer à M. [S], en application de l’article 700 du C.P.C., la somme globale de 3 000 € au titre des frais irrépétibles par lui exposés tant en première instance qu’en cause d’appel.
La S.A.S.U. Smart RX sera condamnée aux dépens d’appel et de première instance (le jugement déféré étant infirmé en ce qu’il a condamné M. [S] aux dépens de première instance).
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Niort en date du 2 mars 2021,
Vu l’ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 7 décembre 2021,
Déboute M. [S] de sa demande en annulation du jugement du 2 mars 2021,
Infirmant le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
– Déclare le licenciement pour faute grave de M. [W] [S] notifié le 6 décembre 2018 dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– Condamne la S.A.S.U. Smart RX à payer à M. [S] les sommes de :
> 35 903,49 € brut au titre de l’indemnité conventionnelle de préavis et de 3 590,34 € brut au titre des congés payés y afférents,
> 103 721,19 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
> 150 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– Dit que les sommes allouées à M. [S] produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour celles ayant une nature salariale et à compter du prononcé de la présente décision pour celles ayant un caractère indemnitaire,
– Ordonne, en application de l’article 1235-4 du code du travail, le remboursement par la S.A.S.U. Smart RX des indemnités de chômage versées à M. [S] du jour de son licenciement au jour du prononcé du présent arrêt, dans la limite de quatre mois d’indemnités,
– Condamne la S.A.S.U. Smart RX à payer à M. [S], en application de l’article 700 du C.P.C., la somme globale de 3 000 € au titre des frais irrépétibles par lui exposés tant en première instance qu’en cause d’appel,
– Condamne la S.A.S.U. Smart RX aux dépens d’appel et de première instance.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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