Droit du logiciel : 16 mars 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/02510

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Droit du logiciel : 16 mars 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/02510

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

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ARRÊT DU : 16 MARS 2023

PRUD’HOMMES

N° RG 20/02510 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LTRP

S.A.S. PROMOTION PICHET

c/

Monsieur [M] [K]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocats le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 juillet 2020 (R.G. n°F18/01363) par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d’appel du 17 juillet 2020,

APPELANTE :

S.A.S. PROMOTION PICHET agissant en la personne de son représentant légal, Monsieur [J] PICHET, en sa qualité de Président domicilié en cete qualité au siège social [Adresse 2]

Représentée par Me Charlotte VUEZ substituant Me Arnaud PILLOIX de la SELARL ELLIPSE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

[M] [K]

né le 16 Décembre 1975 à [Localité 4]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

Représenté et assisté de Me Hugo tahar JALAIN, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 12 janvier 2023 en audience publique, devant Madame Marie-Paule MENU, Présidente chargée d’instruire l’affaire, qui a retenu l’affaire

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Paule Menu, présidente,

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Cybèle Ordoqui, conseillère

greffière lors des débats : Evelyne Gombaud

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

FAITS ET PROCEDURE

Le 1er février 2015, la société Pichet Promotion a embauché M. [K], avec reprise d’ancienneté au 22 septembre 2014, pour le poste de comptable, statut employé, niveau II, échelon 2, coefficient 143 de la convention collective nationale de la promotion immobilière du 18 mai 1988.

M. [K] a été convoqué à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement fixé au 12 septembre 2017 et informé de sa mise à pied à titre conservatoire par un courrier daté du 4 septembre 2017 remis en mains propres le même jour, puis licencié pour cause réelle et sérieuse par un courrier daté du 15 septembre 2017.

Contestant le bien fondé de son licenciement, M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux par une requête reçue le 7 septembre 2018.

Par jugement de départage du 10 juillet 2020, le conseil de prud’hommes de Bordeaux a :

– dit le licenciement dépouvu de cause réelle et sérieuse

– condamné la société Promotion Pichet à payer à M. [K] 15.000 à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif, 3000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral, 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

-condamné la société Promotion Pichet aux dépens

-ordonné le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [K] entre le 15 septembre 2017 et le jugement, dans la limite de six mois

– ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration du 17 juillet 2020, la société Promotion Pichet a relevé appel de la décision dans ses dispositions qui jugent le licenciement dépouvu de cause réelle et sérieuse, qui la condamnent à payer à M. [K] 15.000 à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif, 3000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral, 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, qui la condamnent aux dépens, qui ordonnent le remboursement aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [K] entre le 15 septembre 2017 et le jugement, dans la limite de six mois.

L’ordonnance de clôture est en date du 13 décembre 2022.

L’affaire a été fixée à l’audience du 12 janvier 2023, pour être plaidée.

PRETENTIONS ET MOTIFS

Suivant ses dernières conclusions, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 12 décembre 2022, la société Promotion Pichet demande à la Cour de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions, statuant de nouveau de dire et juger le licenciement de M. [K] fondé, de débouter M. [K] de l’ensemble de ses demandes, de condamner M. [K] au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Promotion Pichet fait valoir en substance :

– le manque de discernement flagrant et de professionnalisme dont M. [K] a fait preuve, de première part en enclenchant la procédure de modification des données bancaires de l’un des plus gros fournisseurs de l’entreprise sans prendre le soin de rappeler la procédure à suivre à l’assistante comptable qui allait s’en charger, et sans s’interroger, encore moins alerter sa hiérarchie, en dépit des opérations de sensibilisation aux fraudes, de deuxième part en procédant au réglement de deux factures le 3 juillet 2017 sans s’assurer que les coordonnées bancaires y figurant correspondaient à celles récemment communiquées, de troisième part en émettant deux ordres de virement les 13 et 31 juillet 2017 en dépit des alertes reçues du service Marketing les 11,17 et 19 juillet 2017, à l’origine d’un important préjudice pour la société, rendait la poursuite de la relation de travail impossible compte-tenu de ses fonctions et attributions, au titre desquelles l’obligation de vérifier les données comptables et de superviser la tenue courante des comptes en comptabilité générale et analytique conformément aux régles fiscales,

– la demande en dommages intérêts pour licenciement abusif est à la fois infondée et exorbitante eu égard à l’ancienneté de M. [K], aux missions d’interim qu’il a immédiatement effectuées et à l’absence d’information sur sa situation au-delà de 2019

– M. [K] ne rapporte pas la preuve d’une faute de sa part susceptible d’engager sa responsabilité au titre d’un préjudice distinct de celui qui aurait résulté de la rupture du contrat de travail, pas plus celle du préjudice dont il demande la réparation

– il serait inéquitable qu’elle conserve la charge des frais qu’elle a engagés dans le cadre de la présente instance.

Suivant ses dernières conclusions, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 6 décembre 2022, M. [K] demande à la Cour de :

– confirmer le jugement déféré dans ses dispositions qui jugent son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

– à titre incident, condamner la société Promotion Pichet à lui verser 21.005,19 euros à titre de dommages pour licenciement abusif, 20.000 euros en réparation du préjudice moral pour circonstances vexatoires, 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– ordonner la capitalisation des intérêts à compter du jugement prud’hommal

– condamner la société Promotion Pichet aux dépens.

M.[K] fait valoir en substance :

– il n’a aucune responsabilité dans l’escroquerie dont l’employeur a été victime en ce que celle-ci ne serait pas survenue si la supérieure hiérarchique de l’assistante comptable qui a procédé à la modification des coordonnées bancaires sans suivre la procédure, avant d’être licenciée pour faute grave sans qu’elle émette la moindre contestation, avait exercé sa mission de contrôle

– son rôle s’étant limité en conformité avec les procédures en vigueur dans l’entreprise à transmettre à son interlocuteur du 22 juin 2017 les coordonnées de sa collègue, aucunement à enclencher la procédure de modification à l’origine du sinistre, les développements de l’employeur sur son manque de vigilance sont inopérants

– l’employeur n’est pas fondé à lui reprocher d’avoir effectué les virements querellés puisqu’une facture ne peut faire l’objet d’un règlement qu’une fois validée par le responsable de la comptabilité et que celui-ci n’a émis aucune remarque, que les virements sont réalisés uniquement à partir des informations bancaires référencées dans la base unique fournisseurs sur laquelle il n’avait pas la main, que la direction sans la signature électronique de laquelle aucune transaction ne peut être finalisée n’aurait pas manqué d’en suspendre l’exécution si elle avait eu des doutes

– sa demande en dommages intérêts pour licenciement abusif n’est aucunement exorbitante en ce qu’il a été tenu éloigné du marché de l’emploi pendant presque quatre années, a vu ses revenus réduits de moitié, a perdu 24 trimestres de droits à retraite, a subi l’implosion de son couple

– il est fondé à demander également la réparation du préjudice moral qui est résulté de sa mise à pied à titre conservatoire, des méthodes employées par la direction, de la perte de crédibilité alléguée

– il serait inéquitable qu’il conserve la charge des frais qu’il a du engager pour faire valoir ses droits, puis assurer sa défense.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la nature de la rupture du contrat de travail

Il résulte des dispositions des articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et qu’en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre du 15 septembre 2017, qui fonde le licenciement et fixe les limites du litige, est libellée comme suit:

‘ Monsieur,

Par un courrier remis en mains propres (…)

Vos explications lors de l’entretien préalable ne nous ayant pas permis de modifier notre appréciation quant aux faits qui vous sont reprochés nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse pour les motifs exposés ci après.

Pour mémoire, (…)

Or depuis plusieurs semaines, nous avons constaté un manque flagrant de discernement dans l’accomplissement de vos missions de Comptable senior qui s’est matérialisé en juillet dernier par des virements bancaires à un fournisseur fantôme ayant occasionné une perte sèche pour le Groupe s’élevant à 353.940,19 euros (…).

Pour rappel:

– En date du 22 juin 2017 vous avez reçu un appel d’une personne se réclamant du fournisseur Google vous indiquant ne pas avoir été payé et vous demandant de faire le nécessaire.

Votre interlocuteur vous informait par ailleurs d’un changement de RIB.

Au cours de cet appel et conformément à la procédure en vigueur vous avez transmis au fournisseur les coordonnées de Madame [S] [A], assistante comptable, qui procède à l’enregistrement des nouvelles coordonnéees bancaires de nos fournisseurs.

Ce même jour, vous avez donc transmis par courrier à Madame [S] [A] la fiche ‘ création modification de fournisseur’ établie par vos soins.

Nous rappelons que Google fait partie des 100 premiers fournisseurs du Groupe et qu’il représente 1 109K€ d’achats en 2016.

Madame [S] [A] a reçu le même jour un courriel de la part de ‘ obrien.stephen@accountant.com’ l’informant des nouvelles coordonnées bancaires du fournisseur se réclamant Google avec le nouveau RIB associé.

Nous rappelons que Madame [S] [A] a modifié le RIB du fournisseur Google dans le logiciel TOTEM sans suivre la procédure habituelle de vérification de l’identité du fournisseur.

Agissant en qualité de comptable, vous avez procédé au réglement de trois factures à destination du nouveau RIB fourni:

– le 3 juillet 2017, vous avez lancé un réglement de 148.812,25 euros

– puis un complément le 1066,51 euros le 13 juillet 2017

– enfin le 31 juillet 2017 vous avez réglé la somme de 204.061,49 euros.

– En parallèle le 11 juillet 2017, vous avez été interpellé une première fois par le service Marketing vous indiquant que Google les informait de 5 factures impayées avec menaces de rupture du contrat de service nous liant.

Le 12 juillet 2017, vous avez répondu au département Marketing que deux factures sur cinq avaient été réglées en date du 3 juillet 2017. Vous les avez également informés du prochain virement de 1066,51 euros du 13 juillet 2017.

Le 17 juillet 2017, le chargé Media du Groupe, principal interlocuteur de Google, informé par mail l’assistante du service Marketing que le Google vient à nouveau de le relancer concernant les mêmes factures qui restent impayées.

L’assistante Marketing répond alors au chargé Media en vous mettant en copie afin de l’informer que les factures ont été réglées et vous demande d’adresser les preuves de paiement à Google, ce que vous faites le 18 juillet 2017.

Le 21 juillet 2017 l’assistance Marketing vous informe que Google ne reconnaît pas le document envoyé et que le fournisseur exige un document valide prouvant que les virements ont bien eu lieu.

D’autres documents sont alors adressés à Google qui nous répond quelques heures plus tard – en vous mettant en copie ainsi que le département Trésorerie- par la confirmation du non paiement des factures et joint un listing des factures impayées notamment la facture de 1066,55 euros dont vous aviez lancé le virement le 13 juillet 2017.

A ce stade, nous précisons qu’aucune action de vérification ou alerte ne sont lancés de votre part malgré le constat flagrant d’un problème de réconciliation des factures/paiements.

Après des recherches approfondies de la part de Google, le département Marketing est à nouveau contacté par le fournisseur en date du 04 août 2018. Dans ce mail, que l’assistante Marketing vous transfère ainsi qu’au département Trésorerie, Google nous informe que le virement de 148.812,15 euros ne leur est jamais parvenu.

L’assistante vous demande dès lors une preuve de paiement en format bancaire SWIFT afin de leur transmettre.

Sans réponse de votre part elle vous relance le 08 août 2017.

Le département Trésorerie du Groupe s’empare alors du sujet et transmet les informations supplémentaires les 09,10 et 11 août permettant à Google de vérifier si les virements ont bien été effectués sur le compte adéquat.

Le 11 août 2017 Google informe la trésorerie du Groupe que les virements n’ont pas été effectués sur des comptes leur appartenant, que le RIB à utiliser est celui figurant sur les factures habituelles et qu’il reste inchangé.

Le 11 août 2017 la trésorerie du groupe a des suspicions de fraude et demande à Madame [A] de lui transmettre la fiche ‘ création modification de fournisseur’ ainsi que le courriel du prétendu fournisseur Google. Les suspicions de fraude sont avérées fondées à la fin de la journée du 16 août 2016.

Le Groupe Pichet dépose dès lors une plainte contre X auprès du commissariat en date du 17 août 2017.

Le 22 août 2017, Monsieur [P] [N] vous appelle durant vos congés démarrés le 14/08 afin de vous informer d’une problématique avec Google et vous demande de lui relater le sujet. Vous lui avez répondu avoir eu un contact avec Google et avoir demandé à Madame [S] [A] d’effectuer une vérification auprès de la trésorerie, sans plus.

– Lorsque nous avons évoqué avec vous l’enchaînement de ces épisodes afin de recueillir votre version des faits, et vous demandé pourquoi malgré la récurrence des alertes de la part de Google et du département Marketing vous n’aviez pas pensé à lancer des vérifications vous nous avez tout d’abord indiqué avoir uniquement souvenir de l’envoi du bordereau à Google suite à une seule alerte du Marketing , je vous cite ‘ je ne me souviens pas avoir été alerté plus d’une fois’.

-Lorsque la directrice de la comptabilité vous a néanmoins rappelé que plusieurs alertes vous avaient bien été remontées par le Marketing et que la réaction habituelle d’un comptable face à des relances systématiques d’un fournisseur sur des impayés était de qualifier s’il y avait un problème ou non, vous avez finalement reconnu qu’à partir de la fin juillet le département Marketing vous avait bien demandé plusieurs documents relatifs au paiement de Google mais que je vous cite ‘ je ne l’imaginais pas cela’.

– Lorsque nous vous avons enfin demandé pourquoi vous n’aviez pas averti avant vos congés votre hiérarchie ( votre manager direct [H] [B] ou Monsieur [P] [N] – un des adjoints dela Direction Comptable ou Madame [G] [I] Directrice du Service) de cette problématique afin qu’il y ait un suivi de leur part et des actions correctives éventuelles, vous nous avez répondu avoir informé Monsieur [H] [B] mi-juillet de la première relance de Google uniquement – ce dont il nie se souvenir- sans pouvoir nous expliquer pourquoi votre reporting en est resté à ce stade.

En conséquence, vous comprendrez que nous ne pouvons accepter de votre part- au vu de votre expérience et de votre positionnement de comptable senior -ces vices de discernement dans l’appréhension d’incidents comptables, qui en l’état de nous ont pas permis de réagir immédiatement et de rattraper les virements pour un montant, je le rappelle, de 353.940,19 euros.

En outre malgré les multiples relances et alertes que vous transmet le Marketing sur le sujet, il ne vous est à aucun moment venu à l’esprit que vous deviez alerter votre hiérarchie au vu des montants en jeu.

En l’état, nous considérons aujourd’hui qu’un point de non retour a été atteint, qui met en jeu définitivement votre crédibilité dans votre capacité à occuper un poste de Comptable au sein du Groupe Pichet, outre d’avoir altéré la confiance de votre hiérarchie à votre égard.

Lors de notre échange nous avons décelé par ailleurs un certain déni de votre part qui confirme que nous ne pouvons envisager la poursuite de votre contrat de travail et nous contraint à vous notifier, par la présente, votre licenciement.

(…)’.

Il en résulte que M. [K] a été licencié pour :

– de première part, avoir bien que sensibilisé sur les risques de fraudes enclenché la procédure de modification des données bancaires d’un fournisseur figurant parmi les cent premiers du groupe sans s’interroger ni alerter sa hiérarchie

– de deuxième part, avoir en dépit des alertes reçues du département marketing procédé au réglement de cinq factures à destination du nouveau RIB fourni sans vérifications

– de dernière part, avoir manqué de discernement.

Pour confirmer la décision déférée dans ses dispositions qui jugent le licenciement de M. [K] dépourvu de cause réelle et sérieuse, il suffira de relever que:

– il résulte de la lettre lui notifiant son licenciement et de l’annexe à son contrat de travail que l’alimentation et la mise à jour de la base unique fournisseurs incombait à Mme [A] sous la responsabilité du directeur général et de la direction comptable et financière, de sorte que la société Promotion Pichet ne peut pas valablement reprocher à M. [K] de ne pas avoir rappelé la marche à suivre à sa collègue

– il ne ressort d’aucun des éléments du dossier, singulièrement du process communiqué par M. [N] le 27 juin 2016 en amont de la mise en place d’une nouvelle procédure de création des fournisseurs, l’obligation pour M. [K] de vérifier l’identité de son correspondant avant de le mettre en relation avec sa collègue

– il ne résulte ni du message diffusé le 27 juin 2016 par M. [N] ni de celui diffusé le 6 juillet 2016 par Mme [Z] à la demande de la directrice comptable et fiscale l’obligation pour M. [K] d’alerter sa hiérarchie à l’occasion d’un changement de RIB, singulièrement concernant un fournisseur important

– le courriel de Mme [E], de la direction du marketing, à M. [K] le 11 juillet 2017, auquel ce dernier a répondu dès le lendemain, établit que la société Promotion Pichet était à cette date relancée pour des factures impayées par d’autres fournisseurs que Google

– les factures étant réglées à partir des coordonnées figurant dans la base unique fournisseurs sur laquelle M. [K] n’avait aucunement la main, la société Promotion Pichet ne peut pas valablement reprocher à ce dernier, dont il n’est pas discutable ni d’ailleurs discuté qu’il en recevait chaque mois un nombre conséquent, de ne pas s’être assuré que les coordonnées bancaires mentionnées sur les factures étaient les mêmes que celles enregistrées par sa collègue, cette vérification ne relevant pas de ses missions, singulièrement la vérification des données comptables et la supervision de la tenue courante des comptes en comptabilité générale et analytique, conformément aux régles fiscales

– M.[K] s’est assuré du réglement des factures au niveau comptable et a transmis le 18 juillet 2017 à [Courriel 3] le courrier adressé par la comptabilité le 3 juillet 2017 à Google Ireland Limited à son adresse de Dublin; la preuve de paiement au format SWIFT a été réclamée le 4 août 2017 seulement; M. [K] indique sans être utilement contredit qu’il ne ressortait pas de ses attributions de la fournir

– il ne résulte en définitive aucune négligence de la part de M. [K] dans l’exécution de ses missions à l’occasion des réglements litigieux, le manque de vigilance allégué ne caractérisant par ailleurs pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

II- Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail

L’article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable dispose: ‘ Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9.’.

L’indemnité prévue à l’article L.1235-3 du code du travail ne peut pas être inférieure à la rémunération brute, dont le salarié a bénéficié pendant les six derniers mois qui ont précédé la rupture de son contrat de travail. Elle n’est pas fixée en tenant compte d’un salaire brut moyen et/ou salaire de référence mais seulement en considération de la rémunération brute des six derniers mois.

Au jour de la rupture du contrat de travail M. [K] était âgé de 42 ans et avait une ancienneté de trois années; il justifie d’avoir travaillé en interim du 11 septembre 2018 au 27 mars 2019 et du 17 juin 2019 au 30 juin 2020 et d’avoir été embauché en contrat à durée indéterminée le 1er avril 2021avec une reprise d’ancienneté au 1er janvier 2021. En l’état des éléments communiqués, la Cour dispose des éléments suffisants pour fixer l’indemnité réparant le préjudice qui est résulté de la perte de son emploi à la somme de 15.000 euros, au paiement de laquelle la société Promotion Pichet sera condamnée. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

M. [K] est fondé à demander la réparation du préjudice moral, distinct de celui afférent à la rupture du contrat de travail, qui est résulté de sa mise à pied à son retour de congés, partant de son éloignement brutal de son environnenent de travail alors même que la plainte avait été déposée contre X, nullement contre personne dénommée. La société Promotion Pichet sera condamnée au paiement de la somme de 3000 euros à titre de dommages intérêts. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

III- Sur la capitalisation des intérêts

En application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus dus pour au moins une année entière, produiront intérêts au taux légal.

IV- Sur les dépens, les frais irrépétibles et le remboursement des indemnités de chômage

Le jugement déféré mérite confirmation dans ses dispositions qui condamnent la société Promotion Pichet aux dépens, à payer à M. [K] 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à rembourser aux organismes intéressés les indemnités chômage versées à M. [K] entre son licenciement et la date de la décision, dans la limite de six mois.

La société Promotion Pichet, qui succombe devant la Cour, doit supporter les dépens d’appel au paiement desquels elle sera condamnée en même temps qu’elle sera déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.

L’équité commandant de ne pas laisser à M. [K] la charge des frais irrépétibles engagés à hauteur d’appel, la société Promotion Pichet sera condamnée à lui verser 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour

CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions

Y ajoutant

DIT que les intérêts échus, dus pour au moins une année entière, produiront intérêts au taux légal

CONDAMNE la société Promotion Pichet aux dépens ; en conséquence la DEBOUTE de la demande qu’elle a formée au titre de ses frais irrépétibles

CONDAMNE la société Promotion Pichet à payer à M.[K] 3000 euros pour ses frais irrépétibles d’appel

Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Evelyne Gombaud, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

E. Gombaud MP. Menu

 


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