Droit du logiciel : 16 juin 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/05351

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Droit du logiciel : 16 juin 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/05351

C5

N° RG 21/05351

N° Portalis DBVM-V-B7F-LFK2

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL [4]

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU VENDREDI 16 JUIN 2023

Appel d’une décision (N° RG 20/00170)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Vienne

en date du 07 décembre 2021

suivant déclaration d’appel du 24 décembre 2021

APPELANT :

Monsieur [X] [O]

né le 19 Octobre 1984 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Pierre JANOT de la SELARL ALTER AVOCAT, avocat au barreau de GRENOBLE, substituée par Me Amélie CHAUVIN, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

Organisme CPAM DU RHONE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

Service contentieux Général

[Localité 3]

comparante en personne de Mme [Z] [B] régulièrement munie d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Kristina YANCHEVA, Greffier,

DÉBATS :

A l’audience publique du 28 mars 2023,

M. Pascal VERGUCHT, chargé du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs observations et dépôt de conclusions,

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 29 octobre 2014, la CPAM du Rhône a adressé à M. [X] [O] la notification d’un indu de 5.507,77 euros en raison du règlement d’indemnités journalières à tort du 1er juillet au 17 octobre 2014, payées à partir du 31 juillet 2014, en raison d’une consolidation au 30 juin 2014 de son état de santé en lien avec une maladie professionnelle du 27 juin 2012.

Le 23 mars 2016, la commission de recours amiable de la CPAM a confirmé l’indu.

Le pôle social du tribunal judiciaire de Vienne saisi par M. [O] d’un recours contre la CPAM du Rhône a, par jugement du 7 décembre 2021′:

– débouté le requérant de ses demandes,

– confirmé la décision de la commission de recours amiable,

– laissé les dépens à la charge de M. [O].

Par déclaration du 24 décembre 2021, M. [O] a relevé appel de cette décision.

Par conclusions n° 2 reprises communiquées le 2 décembre 2022 et oralement à l’audience devant la cour, M. [O] demande’:

– la réformation du jugement,

– que la consolidation au 30 juin 2014 lui soit déclarée inopposable,

– qu’il soit jugé que sa date de consolidation est le 13 novembre 2014,

– l’annulation de l’indu de 5.507,77 euros,

– la condamnation de la CPAM à lui payer 1.379,46 euros de rappel d’indemnités journalières du 18 octobre au 13 novembre 2014, 5.500 euros de dommages et intérêts et 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamnation de la CPAM aux dépens.

En premier lieu, M. [O] fait valoir que la date de consolidation de son état de santé lui a été notifiée le 13 novembre 2014 et que la suspension des indemnités journalières ne pouvait pas prendre effet avant, son statut ne pouvant être révisé de manière rétroactive au 30 juin 2014 du fait de la négligence de la caisse dans la notification de sa date de consolidation. Le tribunal ayant relevé que la consolidation était d’ordre médical et non administratif, l’appelant estime alors que la notification, qui est postérieure à celle de l’indu, lui est inopposable avant le 13 novembre 2014 et que l’indu de 5.507,77 euros doit être annulé, mais qu’une somme de 1.379,46 euros lui est due au titre des indemnités de 53,06 euros par jour qui auraient dû lui être versées du 18 octobre au 13 novembre 2014.

En second lieu, M. [O] souligne que les premiers juges ont relevé une absence de demande de dommages et intérêts, dans la mesure où il reproche à la caisse le fait d’avoir tardé près de 5 mois pour notifier sa date de consolidation, et de lui avoir réclamé un indu avant cette notification, alors qu’il n’était pas en état de le rembourser puisque ses seuls revenus étaient les indemnités journalières versées auparavant. À cause de cette faute, il estime avoir été placé dans un état de stress constant et a été obligé de reprendre le travail, malgré des prescriptions d’arrêt de travail et un état de santé précaire, en cours de rééducation de son poignet, sans pouvoir anticiper et préparer correctement cette reprise de travail. Il précise qu’à la suite de sa visite de pré-reprise les 19 novembre et 4 décembre 2014, il a été déclaré inapte et licencié à ce titre le 7 janvier 2015, et a dû trouver un nouvel emploi le 15 janvier 2015 sur un poste aménagé. Il n’a donc perçu aucun revenu pendant trois mois et a fait appel à ses proches pour l’aider financièrement. Il conteste avoir perçu un capital correspondant à son taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 8’% le 24 septembre 2014 puisqu’il avait été versé en grande partie en août 2013 avant la réévaluation de son taux de 6 à 8’%. Il conteste également avoir perçu une indemnité temporaire d’inaptitude, ajoutant que la caisse ne prouve pas son versement. Il chiffre son préjudice à plus de 6.000 euros, soit 120 jours entre le 18 octobre 2014 et le 15 février 2015, date de son premier salaire, à raison de 53 euros par jour, et demande le paiement d’une somme de 5.500 euros.

Par conclusions du 15 septembre 2022 reprises oralement à l’audience devant la cour, la CPAM du Rhône demande’:

– la confirmation du jugement,

– le rejet de toute demande.

La caisse réplique que M. [O] a été convoqué par le médecin-conseil qui l’a examiné le 23 mai 2014, examen au cours duquel le médecin l’a informé de la date de consolidation à venir au 30 juin 2014. L’avis du service médical s’imposait à la caisse, la date n’est pas contestée au plan médical et le tribunal a justement constaté que cette date est de nature médicale et non administrative. L’indu est donc réclamé à juste titre selon la caisse.

En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts, la caisse estime que les pièces versées au débat et la chronologie des faits prouvent que M. [O] avait connaissance de la date de consolidation au 30 juin 2014 dès son examen par le médecin-conseil, par l’envoi d’un questionnaire en juillet au sujet du taux d’IPP, par la notification du taux d’IPP effectuée le 24 septembre 2014 et une notification de la date de consolidation effectuée le 20 octobre 2014 et envoyée à son adresse, soit avant la notification de l’indu. L’assuré était donc en position de contester la fixation de la date de consolidation, et il ne chiffre pas précisément son préjudice qui serait lié à un envoi et une réception tardifs de la notification. La caisse souligne que M. [O] a perçu le 24 septembre 2014 le capital représentatif de son taux d’IPP de 8’% et a été indemnisé au titre de l’indemnité temporaire d’inaptitude du 5 décembre 2014 au 4 janvier 2015, avant de reprendre une activité professionnelle dès le 15 janvier 2015.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIVATION

1. – L’article L. 433-1 du code de la sécurité sociale prévoyait entre le 23 décembre 2011 et le 28 décembre 2019 que’: «’Une indemnité journalière est payée à la victime par la caisse primaire, à partir du premier jour qui suit l’arrêt du travail consécutif à l’accident sans distinction entre les jours ouvrables et les dimanches et jours fériés, pendant toute la période d’incapacité de travail qui précède soit la guérison complète, soit la consolidation de la blessure ou le décès ainsi que dans le cas de rechute ou d’aggravation prévu à l’article L. 443-2.’»

Selon l’article R. 433-17 du code de la sécurité sociale, «’Dès réception du certificat médical prévu au deuxième alinéa de l’article L. 441-6 (certificat médical indiquant les conséquences définitives lors de la guérison de la blessure sans incapacité permanente ou, s’il y a incapacité permanente, au moment de la consolidation), la caisse primaire fixe, après avis du médecin-conseil, la date de la guérison ou de la consolidation de la blessure. (…)

Dans le cas où le certificat prévu au deuxième alinéa de l’article L. 441-6 n’est pas fourni à la caisse, celle-ci, après avis du médecin-conseil, notifie à la victime par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception la date qu’elle entend retenir comme date de la guérison ou de la consolidation de la blessure. Elle fait connaître également cette intention au médecin traitant. Si le certificat médical ne lui parvient pas dans un délai de dix jours à compter de la notification à la victime, la date, ainsi notifiée, devient définitive.

La notification de la décision de la caisse primaire est adressée à la victime sous pli recommandé avec demande d’avis de réception.’»

Les articles 1302 et 1302-1 du code civil disposent que’: «’Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution’»’; «’Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.’»

L’article 1382 du Code civil dans sa version en vigueur du 19 février 1804 au 1er octobre 2016 disposait que’: «’Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.’»

2. – En l’espèce, la date de consolidation de l’état de santé de M. [O] des suites de sa maladie professionnelle du 27 juin 2012, c’est-à-dire la date à partir de laquelle son état en lien avec cette maladie était médicalement stabilisé, a été fixée par le médecin-conseil de la caisse au 30 juin 2014 et n’a pas été contestée par l’assurée une fois notifiée.

Cette date étant fixée médicalement et entraînant automatiquement la cessation du versement des indemnités journalières, en application des dispositions reprises ci-dessus, c’est donc à tort que l’appelant prétend que les effets de la consolidation de son état de santé devraient commencer à courir à compter de la notification de cette date.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que la consolidation est définie médicalement et ne peut pas être repoussée pour des considérations administratives, et que l’indu réclamé était justifié puisque la somme versée par la caisse l’a été à tort, et doit lui être restituée de ce fait.

M. [O] se prévaut en vain des dispositions de l’article R. 315-1-3 du code de la sécurité sociale, qui prévoient que’: «’Lorsque la caisse décide de suspendre le service d’une prestation en application de l’article L. 315-2, cette suspension prend effet à compter de la date de la notification de la décision à l’assuré par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Cette notification informe l’assuré de la portée de la décision et des recours dont il dispose. La caisse informe simultanément de cette décision le médecin auteur de l’acte ou de la prescription en cause et, le cas échéant, le professionnel concerné par l’exécution de la prestation.’» En effet, ces dispositions s’appliquent aux suspensions des versements de prestations, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque les indemnités journalières ont cessé d’être versées.

3. – M. [O] demande en appel des dommages et intérêts, en conséquence de la notification tardive de la date de consolidation reprochée à la caisse primaire et de la situation précaire, tant au plan financier que médical, dans laquelle il s’est retrouvé du fait de la cessation du versement des indemnités journalières.

Le détail de l’échange historisé entre les services administratifs et médicaux de la CPAM, s’il prouve une décision de consolidation fixée au 30 juin 2014 signée par le médecin-conseil le 23 mai 2014, ne prouve pas une notification de cette date de consolidation à l’assuré lors de l’examen de ce médecin. Par ailleurs, la caisse ne justifie pas de l’envoi de la notification de la date de consolidation par un courrier du 20 octobre 2014, ni de sa réception, alors que le courrier porte la mention «’Recommandé’», sans aucun numéro, et que les dispositions réglementaires reprises ci-dessus prévoient une notification sous pli recommandé avec avis de réception. La notification de l’indu est donc intervenue avant la notification prouvée de la date de consolidation, ce qui explique un contact téléphonique de l’assuré le 7 novembre 2014, inscrite par la CPAM sur son logiciel Orphée, et l’envoi d’un un duplicata du courrier de notification de la date de consolidation le 10 suivant.

La notification rectificative du taux d’IPP par courrier du 24 septembre 2014, même si elle mentionne un taux à compter du 1er juillet, n’équivaut pas à la notification de la date de consolidation faisant courir les droits de M. [O], et le questionnaire rempli par celui-ci le 21 juillet 2014 n’équivalait pas davantage à une telle notification.

La caisse prétend donc à tort que M. [O] avait connaissance de sa date de consolidation en mai, juillet, septembre ou octobre 2014, seule la notification envoyée le 13 novembre 2014 par courrier du 10 établissant la connaissance de la date entraînant la cessation du versement des indemnités journalières.

La CPAM n’explique pas la raison pour laquelle la décision du service médical, en date du 23 mai 2014 et à laquelle elle était tenue, n’a été notifiée que le 13 novembre 2014, et la tardiveté de cette notification, tout comme l’absence de justification d’une notification qui serait intervenue par courrier du 20 octobre 2014 et qui aurait été également tardive, caractérise ici une faute de la caisse.

M. [O] fait valoir, à juste titre, qu’il a été placé dans un état de stress du fait de recevoir une notification d’indu de 5.507,77 euros avant de recevoir la notification de la cause de l’indu, à savoir la fixation de sa date de consolidation. En s’appuyant sur les attestations, régulières en la forme, de ses parents, Mme [T] [L] et M. [K] [O], il établit qu’il s’est retrouvé dans une situation difficile en fin d’année 2014 et que sa mère lui a prêté 1.200 euros tandis que son père lui a avancé 4.200 euros pour régler son crédit immobilier, son crédit voiture, ses charges de copropriété, son chauffage, sa taxe foncière, son électricité et son impôt sur le revenu. L’appelant justifie enfin qu’il a été licencié pour inaptitude par la société [5] à son emploi d’ouvrier de fabrication en boucherie, sans pouvoir être reclassé sur un poste sans manutention ni gestes répétitifs au niveau du membre supérieur droit, et qu’il n’était donc pas en position de reprendre aisément et rapidement un travail, et n’a pas été mis en mesure de préparer au mieux la recherche d’une nouvelle source de revenus professionnels.

La caisse fait valoir que M. [O] a demandé une indemnité temporaire d’incapacité (ITI) le 4 décembre 2014 et en justifie, mais la simple impression de l’écran de son logiciel faisant état d’une ITI du 5 décembre au 4 janvier sans précision de montant ne prouve pas que l’assuré a bien reçu cette prestation ni son importance. Par ailleurs, la caisse prétend que M. [O] a perçu un capital de 3.486,62 euros au titre de son taux d’IPP de 8’% le 1er juillet 2014, mais l’assuré justifie que seule une somme de 1.076,72 euros lui a été versée le 4 octobre 2014, puisqu’une partie du capital, à hauteur de 2.409,90 euros, lui avait déjà été versée le 2 août 2013 selon les notifications dont il justifie.

Au final, il est donc établi que la tardiveté de la notification de la date de consolidation, qui a généré un indu de plusieurs mois de versements d’indemnités journalières et une demande de remboursement qui n’a pas pu être anticipée ainsi qu’une cessation soudaine de la source de revenus de M. [O], qui était dans un état de santé ne lui permettant pas de reprendre le travail qui était alors le sien, et de retrouver sa source de revenus initiale, est la cause directe de préjudices certains qui justifient une réparation par la caisse.

Au regard des sommes qui sont justifiées avoir été prêtées, de la perte de revenus pendant plusieurs mois et de l’indu constitué dans le temps par la faute de la caisse, et au regard des circonstances de l’espèce, la demande d’une indemnité de 5.500 euros apparaît justifiée. La caisse sera donc condamnée au paiement de cette somme à l’appelant.

Ni l’équité ni la situation des parties ne justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi’:

Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Vienne du 7 décembre 2021,

Y ajoutant,

Condamne la CPAM du Rhône à payer à M. [X] [O] la somme de 5.500 euros de dommages et intérêts,

Ordonne la compensation judiciaire des créances et dettes réciproques des parties,

Condamne la CPAM du Rhône aux dépens de la procédure d’appel,

Déboute M. [X] [O] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président

 


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