Droit du logiciel : 16 juin 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 21/00240

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Droit du logiciel : 16 juin 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 21/00240

ARRET N° 23/111

R.G N° 21/00240 –

N° Portalis

DBWA-V-B7F-CIV4

Du 16/06/2023

[B]

C/

S.A.R.L. DOM AUTOMATISMES

COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 16 JUIN 2023

Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FORT DE FRANCE, du 09 Septembre 2021, enregistrée sous le n°

F 19/00112

APPELANT :

Monsieur [N], [J] [B]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Isabelle OLLIVIER, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEE :

S.A.R.L. DOM AUTOMATISMES

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Pascale BERTE de la SELARL BERTE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente,

Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre,

Mme Vanessa LEPEU, Conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Rose-Colette GERMANY,

DEBATS : A l’audience publique du 28 Avril 2023,

A l’issue des débats, le président a avisé les parties que la décision sera prononcée le 16 juin 2023 par sa mise à disposition au greffe de la Cour conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile.

ARRET : contradictoire et en dernier ressort

************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Suivant contrat à durée indéterminée du 2 janvier 2012, M. [N] [B] a été embauché par la SARL Dom Automatismes en qualité de responsable commercial.

Puis, selon un avenant au contrat du 28 février 2014, le salarié a été nommé au poste de directeur Antilles Guyane pour un salaire brut mensuel de 2 502,79 euros, outre une partie variable.

Par courrier recommandé du 23 février 2018, M. [B] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 12 mars 2018 et il lui a été notifié une mise à pied conservatoire.

Puis, par lettre recommandée avec avis de réception du 23 mars 2018, la SARL Dom Automatismes a notifié au salarié son licenciement pour faute grave.

Les termes de la lettre de licenciement sont ceux-ci :

« (‘) Nous avons eu à déplorer de votre part plusieurs agissements fautifs :

‘ le 21 février 2018 vous ne vous êtes pas présentés à votre poste, sans justificatif.

‘ Le 23 février 2018 nous avons découvert, par le biais d’un de nos clients, que vous aviez manifestement établi une fausse facture dans le but de percevoir votre prime sur objectifs. Nous avons procédé à une recherche plus poussée et nous avons découvert que vous procédez de la sorte depuis plusieurs années.

Le 23 février 2018, suite à la relance d’un client sur le paiement d’une facture établie par vos soins, celui-ci nous a informé de ce qu’il n’avait jamais reçu le matériel mentionné sur la facture. Nous avons effectué une recherche et nous nous sommes aperçus que plusieurs factures étaient émises à différents clients pour des travaux non réalisés ou des matériaux non livrés hors ces matériaux manquent au stock.

‘ Le 9 mars 2018, nous avons été informés par un collaborateur de ce que vous aviez détourné du matériel pour votre propre compte. Information confirmée le jour même par le fournisseur.

‘ Le 16 septembre 2016, vous vous êtes vendus à vous-même un produit en dessous du prix de revient.

‘ Au cours de l’année 2017, vous avez fait preuve d’une concurrence déloyale à l’égard de votre employeur. Ce fait nous a été confirmé par plusieurs de vos collaborateurs.

‘ Le 5 mars 2018, nous nous sommes aperçus que les clients ont payé en espèces certaines factures directement auprès de vous et nous n’avons pas retrouvé ces sommes dans la caisse.

‘ diverses malversations que nous avons évoquées avec vous lors de notre entretien.

Cette conduite met en cause la bonne marche du service.

Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du lundi 12 mars 2018 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet ; nous vous informons que nous avons en conséquence décidée de vous licencier pour faute grave

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés votre maintien même temporaire dans l’entreprise s’avèrent impossibles ; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date du 23 mars 2018 sans indemnité de préavis de licenciement.

Nous vous rappelons que vous faites l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent, la période non travaillée du 23 février au 23 mars 2018, nécessaires pour effectuer la procédure de licenciement, ne sera pas rémunérée. (‘) »

Le 25 mars 2019, M. [N], [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Fort de France pour contester son licenciement.

Par jugement contradictoire du 9 septembre 2021, le conseil de prud’hommes a déclaré l’action recevable, débouté le demandeur de toutes ses demandes, l’a condamné aux dépens et dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le conseil a, en effet, considéré que l’action en contestation du licenciement formée par M. [B] n’était pas prescrite, que le licenciement pour faute grave du salarié était fondé sur une cause réelle et sérieuse et que le travail dissimulé n’était pas établi. Sur les demandes reconventionnelles de la société, le conseil a considéré que la défenderesse ne justifiait pas sa demande au titre de primes reçues abusivement et qu’au regard de l’absence de valeur résiduelle de l’ordinateur détenu par le salarié, il n’y avait lieu d’en ordonner la restitution.

Par déclaration électronique du 22 novembre 2021, M. [N] [B] a relevé appel du jugement.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 25 novembre 2022.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 septembre 2022, l’appelant demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes, et, statuant à nouveau, de :

dire que son licenciement est dépourvu d’une cause réelle et sérieuse,

condamner la SARL Dom Automatismes à lui verser les sommes suivantes :

64 070,76 euros, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

21 356,92 euros, à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

16 017,69 euros, à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

1 601,77 euros, à titre de congés payés sur préavis,

8 311,76 euros, à titre d’indemnité de licenciement,

32 035,38 euros, sur le fondement de l’article L 8223,1 du code du travail,

4 000,00 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, l’appelant fait valoir que la procédure de licenciement est irrégulière puisque la convocation à l’entretien préalable et la notification de la mise à pied conservatoire ne lui ont pas été adressées à sa bonne adresse.

Il conteste ensuite les pièces adverses versées pour preuve de la faute grave et accuse son employeur d’avoir falsifié des documents. Il réfute tous les motifs de son licenciement et affirme que certains des faits qui lui sont reprochés sont manifestement prescrits.

S’agissant de la demande au titre du travail dissimulé, il affirme avoir commencé à travailler pour le compte de son employeur bien avant la signature de son contrat de travail et mentionne que le véhicule mis à sa disposition n’a pas été valorisé sur ses fiches de paye.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 octobre 2022, l’intimée demande à la cour la confirmation du jugement sauf en ce qu’il a rejeté ses demandes reconventionnelles et sollicite donc la condamnation de M. [B] :

à transmettre sous astreinte de 100 euros par jour de retard les codes de connexion de la boite mail,

à lui verser la somme de 10 000,00 euros, en réparation de son préjudice,

à lui verser la somme de 4 000,00 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimée réplique que la procédure de licenciement est régulière, que les faits fautifs ne sont pas prescrits et qu’ils sont justifiés.

Elle fait valoir également que le salarié a perçu des commissions indues et est parti avec l’ordinateur de la société ce qui justifie sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts.

MOTIVATION

Au dispositif de ses écritures, l’appelant ne forme aucune demande au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement qu’il développe cependant dans la motivation. La cour ne statuera donc pas sur ce chef.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement :

Aux termes de l’article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Suivant l’article L 1235-1 du même code, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il justifie dans le jugement qu’il prononce le montant des indemnités qu’il octroie. (‘) Si un doute subsiste, il profit au salarié.

Il est constant que la cause réelle est celle qui peut être appréciée objectivement et qu’il est possible de vérifier. Elle doit en outre être exacte, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas consister en un prétexte destiné à couvrir un autre motif. La cause doit également être sérieuse, c’est-à-dire suffisamment importante pour que l’entreprise ne puisse envisager de poursuivre la relation fixée par le contrat de travail sans que cela ne lui cause de préjudice.

Ensuite, la faute grave se définit comme celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il appartient à l’employeur de prouver l’existence de la faute grave imputable à la salariée.

Il revient à la juridiction, au cas où elle estimerait que cette faute est démontrée mais ne revêt pas les caractéristiques de la faute grave, de retenir que le licenciement repose néanmoins sur une cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement qui fixe les données du litige reproche au salarié :

une absence injustifiée, le 21 février 2018,

l’émission de fausses factures, en particulier dans le but de percevoir les primes,

un détournement de matériel pour son compte,

la vente à lui-même d’un produit en dessous du prix de revient, le 16 septembre 2016,

une concurrence déloyale courant 2017,

un détournement d’espèces,

d’autres malversations.

Il revient donc à la cour d’apprécier la réalité et l’exactitude des faits reprochés à M. [B] puis d’en évaluer la gravité.

Cependant, le salarié soulève la prescription de certains de ces faits.

En effet, aux termes de l’article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance (‘)

Les premiers juges ont considéré que l’action en contestation du licenciement n’était pas prescrite. Or, ce n’est pas ce qui était soulevé par le salarié qui se prévalait plutôt de la prescription de faits pouvant donner lieu à sanction disciplinaire.

En l’espèce, certains des faits reprochés sont effectivement anciens et datent de plus de deux mois avant la date de la convocation à l’entretien préalable. La SARL Dom Automatismes prétend qu’elle n’a eu connaissance de faits pouvant être reprochés à son salarié qu’à compter du mois de février 2018, lorsque des collaborateurs ont dénoncé certaines pratiques du directeur absent de son poste.

Il appartient donc à la cour, pour chaque grief fait au salarié, de définir en premier lieu à quelle date la SARL Dom Automatismes en a eu connaissance afin de déterminer si ce fait prétendu fautif peut être reproché au salarié dans le cadre de son licenciement.

2- Sur le grief de l’absence injustifiée :

L’employeur établit que le salarié devait se rendre à un salon à Stuttgart, manifestation se déroulant du 27 février au 3 mars 2018. Un vol Air France lui a donc été réservé par la société, avec un départ de [Localité 4], le lundi 26 février 2018 (pièces 5 et 6 de l’appelant). Or, il est avéré que M. [B] a pris un billet d’avion, sur la compagnie Corsair, [Localité 3] ‘ [Localité 4], pour le mardi 20 février 2018 (pièce 7 de l’appelant) depuis son adresse professionnelle par la plateforme Amadeus. Ces pièces démontrent que le salarié n’était pas à son poste de travail le Mercredi 21 février 2018. Or, M. [B] ne le conteste pas et indique qu’il a dû se rendre au chevet d’un proche malade. Cependant, en dépit de ses allégations, il ne justifie pas de ce que son employeur en était informé et l’avait autorisé à prendre un jour de congé à cette date-là. L’absence de justification par l’employeur du billet [Localité 3]-[Localité 4] est sans intérêt puisqu’il apparaît qu’en qualité de directeur de la société, M. [B] disposait d’une grande autonomie et qu’il s’est manifestement occupé lui-même de la réservation de ses vols (la réservation faite depuis son adresse professionnelle et sur la plateforme amadeus du billet auprès de la compagnie Corsair le démontre). Au regard des pièces présentes à la procédure, la matérialité du grief formé à l’encontre de M. [B] est justifiée par la SARL Dom Automatismes.

Au regard de la date des faits reprochés, la question de la prescription ne se pose pas.

Sur le grief des fausses factures :

L’employeur reproche à son salarié l’émission de factures, suivies d’avoirs de mêmes montants, pour gonfler artificiellement le chiffre d’affaire d’un mois déterminé, de manière à percevoir la part variable de son salaire constituée d’une prime calculée en fonction de ce chiffre d’affaire mensuel. A l’appui de ses propos, l’employeur produit effectivement des factures émises au nom du salarié en paiement de différents matériels mais sur lesquelles il apparaît qu’aucun paiement n’a été effectué par la société acheteuse (pièces 26 a à f de l’intimée). Par ailleurs, l’employeur démontre comment précisément ces factures-là ont permis au salarié de bénéficier de sa prime sur objectif pour être ensuite «annulées» par le biais d’un avoir d’un montant identique à la facture au cours d’un mois où le chiffre d’affaire atteint permettait à M. [B] de percevoir la part variable de son salaire sans nécessité d’augmenter artificiellement le chiffre d’affaire (pièces 36, 42 à 60, 61 de l’intimée par exemple).

Des réclamations de clients sont également produites en contestation de factures pour lesquelles ils précisent qu’ils n’ont pas acquis le matériel indiqué ou que la facture en cause ferait double emploi avec une autre émise à leur débit (pièces 25 et 26, 33, 34, 35 de l’intimée).

D’autres factures sont produites, démontrant leur émission en double avec un montant différent sur chacune d’entre elles (pièces 28 et 29 de l’intimée en exemple).

L’ensemble des pièces produites par l’employeur établit ainsi l’émission par M. [B] de «fausses» factures.

Les factures produites par l’employeur au soutien du motif du licenciement sont pour l’essentiel largement antérieures au 23 février 2018. Cependant, aux termes du contrat de travail (avenant du 28 février 2014), il s’avère qu’en sa qualité de directeur de la SARL Dom Automatismes, M. [B] gérait les magasins et les équipes, prospectait la clientèle, accueillait les clients en magasin, établissait les devis et les documents commerciaux, s’occupait du suivi des comptes clients et des commandes de marchandises. Il travaillait donc en autonomie par rapport au gérant et administrait donc au quotidien la société. De ces constatations, il ressort que l’intimée n’a pu se rendre compte des errements pratiqués au titre des factures et des avoirs en temps réel. Il est démontré que la société a découvert les différentes manipulations décrites au mois de février 2018. A l’inverse, le salarié n’apporte aucun élément permettant de contredire les éléments probatoires de son employeur sur ce point. Ce dernier prouve donc que s’agissant des fausses factures, aucune prescription des faits fautifs ne peut valablement lui être opposé.

Pour contester l’argumentation adverse, le salarié se contente d’alléguer que le logiciel de gestion utilisé par la société serait lacunaire sans en apporter la preuve. De même, il affirme, sans le démontrer, que les pièces produites par l’intimée seraient des faux. Certes, la présence de l’adresse mail d’un autre salarié de la société sur quelques factures produites aux débats par l’employeur peut interroger sur l’origine de ces pièces dont le défaut d’authenticité n’est pas pour autant prouvé. Cependant, la cour constate que la plupart des factures jointes par l’intimée, à l’appui de ses propos, ne sont pas critiquables dans leur forme.

Sur le grief du détournement de matériel :

Au titre du détournement de matériel par le salarié pour son compte, la SARL Dom Automatismes se prévaut d’un dépôt de plainte qu’elle a effectué, au commissariat de police de [Localité 3], le 26 mars 2018. Elle y déplore la disparition de matériels profilés aluminium, d’un système de vidéo-surveillance, d’un volet, lors du déménagement de la société, alors que seuls 2 salariés, dont M. [B], détenaient les clés de l’entreprise. Elle joint en outre l’attestation de M. [I], ancien salarié de la société, indiquant que, sur l’ordre de M. [B], il n’avait pas démonté le système de vidéo-surveillance lors du déménagement de la société fin décembre 2017 (pièces 37 et 66 de l’intimée) et le témoignage d’un client attestant s’être vu proposé par M. [B] du matériel ne sortant pas du stock de la SARL Dom Automatisme (pièce 73 de l’intimée). M. [O] a également pu attester de l’appropriation par M. [B] de matériel de la société.

Si les faits de détournements de matériels datent de fin 2017, la SARL Dom Automatismes n’est pas utilement contredite lorsqu’elle justifie n’en avoir été informée par les signataires des attestations qu’à compter du mois de février 2018. Dès lors, ces faits passibles d’une sanction disciplinaire ne sont pas prescrits.

Le salarié remet en cause la véracité des propos de M. [O] en produisant un écrit de ce dernier indiquant qu’il a rédigé l’attestation précédente sous la contrainte de l’employeur. Cependant, l’employeur justifie, à l’inverse, de documents attestant de ce que M. [O] était redevable à l’égard de M. [B] (qui l’avait d’ailleurs embauché dans l’une de ses sociétés ou fait travaillé pour le compte d’une entreprise partenaire) et reconnaissait avoir reproduit, à la demande de l’appelant, l’écrit préparé par M. [B] se trouvant être cette attestation contredisant celle établie pour le compte de l’employeur (pièces 85 à 89 de l’intimée). Si les différentes attestations rédigées par M. [O] paraissent suspectes dans leur contenu, l’employeur démontre la matérialité des détournements de matériel effectués par d’autres pièces (comme l’attestation de M. [I]) alors que M. [B] n’apporte aucun élément contraire.

Sur le grief d’acquisition de matériel auprès de la société à un prix inférieur au prix de revient :

La SARL Dom Automatismes justifie de ce que la SCI Leiya, société constituée entre M. [B] et sa compagne, a acquis auprès d’elle un matériel pour son prix hors taxe, suivant facture du 16 septembre 2016.

Certes la date de cette facture est ancienne mais pour la même raison que celle exposée précédemment (l’autonomie dans la gestion du directeur de la société), l’employeur n’est pas utilement contredit lorsqu’il justifie n’avoir pu connaître ce fait avant le mois de février 2018.

Le salarié n’établit pas qu’il avait l’accord de son employeur pour bénéficier d’un tel tarif.

Ce grief est ainsi matériellement exact.

Sur le grief au titre de la concurrence déloyale :

S’agissant de la concurrence déloyale dont se serait rendu coupable M. [B] à l’encontre de son employeur courant 2017, la SARL Dom Automatismes joint les attestations de M. [E], ancien collaborateur, et de M. [Y], salarié, aux termes desquelles l’appelant aurait eu le projet de monter une société concurrente à celle de son employeur.

Ce dernier justifie encore de ce qu’il a eu connaissance de ces faits lorsque les collègues de M. [B] en ont fait état, soit à une date contemporaine de la procédure de licenciement.

Au regard de la qualité de salariés des rédacteurs des attestations, ces témoignages manquent d’impartialité. De plus, les éléments produits, non-circonstanciés, apparaissent peu précis et peu pertinents alors que M. [B] peut justifier que les sociétés qu’il dirige n’ont pas le même objet social que la SARL Dom Automatismes. Ce grief n’est donc pas établi dans sa matérialité.

Sur le grief des détournements d’espèces :

La SARL Dom Automatismes fournit le grand livre global définitif pour l’exercice 2014 et une attestation de l’expert-comptable pour l’exercice 2017 pour démontrer l’existence d’écarts de caisse significatifs (pièces 14 et 15). Deux autres pièces viennent attester que des factures ont pu être payées en espèces par des clients à M. [B] directement.

Les faits reprochés remontent ainsi à des dates éloignées de la procédure de licenciement. Cependant, il est établi que M. [B], en sa qualité de directeur, gérait au quotidien la caisse et plus globalement les comptes de la société et n’en faisait qu’un retour ponctuel au gérant, d’ailleurs manifestement avec difficulté et retard, de sorte que ce dernier ne pouvait s’apercevoir en temps réel des anomalies de caisse. Dès lors, le salarié ne peut utilement prétendre que ces faits fautifs seraient prescrits.

Certes, M. [B] n’était pas le seul salarié de l’entreprise susceptible d’avoir accès à la caisse et aux sommes en espèces remises par les clients. Cependant, il a été rappelé qu’en sa qualité de directeur, il lui appartenait de veiller à la bonne gestion de l’entreprise et de relever, au quotidien, toute anomalie dans le contenu de la caisse. Au regard des éléments comptables fournis par l’employeur, M. [B] n’apporte aucun élément pour justifier les écarts de caisse existants. La matérialité du grief est donc établie.

Sur le grief des autres malversations :

L’employeur évoque en dernier lieu d’autres malversations dont le contenu précis auraient été développé lors de l’entretien préalable. Cependant, il n’expose pas à la cour ce dont il s’agirait. La juridiction note néanmoins, au regard d’autres pièces fournies par l’intimée que les notes de frais présentées à l’employeur par le salarié n’étaient pas toujours justifiées. Ainsi en est-il d’une note de nettoyage d’un pantalon. Pourtant, faute d’éléments plus concrets sur ce que représentent ces «autres malversations», elles ne seront pas retenues à l’encontre du salarié.

La véracité des motifs développés par l’employeur, à l’exception de celui tiré de la concurrence déloyale ou des dernières malversations dont le contenu n’est pas précisé, est donc démontrée. Les agissements multiples commis par M. [B], alors qu’il était le directeur de la société et qu’il exerçait en toute autonomie et avec la confiance du gérant, sont particulièrement graves puisqu’ils ont trait à l’honnêteté de l’employé. Ils caractérisent effectivement une faute grave interdisant le maintien du salarié dans la société.

Le jugement des conseillers prud’homaux doit être confirmé en ce qu’il a retenu que le licenciement de M. [B] pour faute grave a une cause réelle et sérieuse.

Dans ces conditions, les demandes de l’appelante relatives à l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux dommages-intérêts pour rupture abusive, à l’indemnité de licenciement et à l’indemnité compensatrice de préavis ne peuvent qu’être rejetées et le jugement confirmé encore de ces chefs.

3- Sur la demande d’indemnité au titre du travail dissimulé :

Selon les dispositions de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Aux termes de l’article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L’intention de l’employeur de dissimuler tout ou partie de l’activité du salarié ouvrant droit à son profit à l’indemnité forfaitaire de six mois de salaire est appréciée souverainement par le juge du fond.

M. [B] allègue avoir commencé à travailler pour le compte de la SARL Dom Automatismes en septembre 2011 et non pas à compter du 2 janvier 2012, comme l’indique son contrat de travail.

Il se fonde sur l’attestation de [V] [K], salariée de la société Legadom de 2011 à 2018, qui précise que M. [B] lui a été présenté comme le directeur de Dom Automatismes à compter d’octobre 2011 et qu’il était quotidiennement présent dans les locaux de Fabricom à compter de cette période. Or, il n’est pas expliqué à la cour les liens entre ces différentes sociétés, Logadom, Fabricom et Dom Automatismes, ni en quoi la présence de M. [B] dans les locaux de Fabricom est une preuve de l’embauche de celui-ci par la SARL Dom Automatismes dès septembre 2011. Cette attestation n’est corroborée par aucune autre.

L’appelant produit également des courriels que lui a adressés le directeur de la société Legadom, les 14 et 19 septembre 2011, dont il ressort qu’une chambre d’hôtel lui a été réservée du 20 au 22 septembre 2011, à l’occasion d’une formation, et qu’il était convié à une réunion, le 15 septembre 2011, dans les locaux de Fabricom «pour débrif sur proposition archi pour Dom Automatismes». Ces pièces ne sont pas suffisantes à établir l’existence d’un travail salarié de M. [B] au bénéfice de l’intimée avant le 2 janvier 2012.

Au contraire, l’invitation à la réunion du 15 septembre 2011, telle qu’elle résulte des propos repris entre guillemets et l’adresse mail à laquelle ces messages ont été envoyés à l’appelant, soit [Courriel 1], accréditent la thèse de la SARL Dom Automatismes selon laquelle elle aurait eu recours à M. [B] pour différentes prestations. L’intimée justifie ainsi avoir payé à M. [B] différentes sommes en contrepartie de ses services. En effet, l’appelant a émis deux factures, respectivement en décembre 2011 et janvier 2012, en contrepartie de «assistance à lancement d’activité commerciale» et «modification local Dillon» à l’égard de la SARL Dom Automatismes. Ces factures comportent cette même adresse mail, [Courriel 1], sous le nom de l’émetteur. L’intimée produit encore une pièce justifiant de ce que M. [B] était le gérant de la SARL Dom Performance Gestion, immatriculée au RCS en 2006.

L’appelant échoue donc à démontrer que les prestations n’ont pas été réalisées par M. [B], es qualités de gérant de la SARL Dom Performance Gestion, mais au titre d’un contrat de travail existant entre lui-même et la SARL Dom Automatismes. Il ne prouve ainsi l’existence d’aucune relation entre la société et M [B], en son nom propre, relation qui révélerait un lien de subordination entre les parties.

Enfin, la SARL Dom Automatismes justifie d’une DUE au nom de M. [B] au 2 janvier 2012, en conformité avec les termes de son contrat de travail.

Dès lors, les éléments apportés par l’appelant sont parfaitement insuffisants à démontrer le travail dissimulé.

Le jugement est donc confirmé de ce chef.

4- Sur la demande reconventionnelle de transmission des codes de connexion :

L’employeur justifie avoir sollicité M. [B] afin qu’il lui communique les codes de connexion de la boite mail PERLINK »mailto:[Courriel 2] »[Courriel 2]. Faute pour l’appelant d’avoir favorablement répondu à la demande pourtant légitime de la société, la cour condamne M. [B] à y déférer sous astreinte provisoire de 50,00 euros par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt et dans la limite de 3 mois.

5- Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts :

Vu les dispositions de l’article 1240 du code civil,

La SARL Dom Automatismes sollicite la condamnation de l’appelant à lui verser la somme de 10 000,00 euros, à titre de dommages-intérêts, y incluant le montant des commissions perçues à tort (4 304 euros), le coût de l’ordinateur de la société non-restitué (1 424 euros), le préjudice subi du fait de la non restitution des codes de connexion.

Il est démontré par l’intimée au moyen de pièces comptables que l’appelant a perçu, à tort, la somme de 4 304 euros, au titre des primes sur objectifs en usant de la man’uvre ci-dessus décrite (émission d’une fausse facture puis d’un avoir de même montant pour augmenter artificiellement le chiffre d’affaire). Cette somme est due à l’employeur.

En outre, il est établi que le comportement de l’appelant qui refuse de restituer à la société le matériel informatique et les codes de connexion cause un préjudice à l’employeur puisque les données contenues dans l’ordinateur ou la boîte mail de la société lui sont nécessaires pour travailler en interne et avec les clients. Pour autant, ce préjudice reste limité puisque l’employeur dispose des moyens informatiques nécessaires à récupérer les messages d’ordre professionnel de la boîte mail considérée et que l’ordinateur conservé par le salarié était déjà ancien.

Le dommage de la SARL Dom Automatismes sera entièrement réparé par l’octroi de la somme de 5 500,00 euros.

6- Sur les dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :

M. [B] est condamné aux entiers dépens et à verser à la SARL Dom Automatismes la somme de 3 000,00 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme partiellement le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a débouté la SARL Dom Automatismes de ses demandes reconventionnelles,

Et statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne M. [N] [B] à communiquer par tout moyen à sa convenance les codes de connexion de la boîte mail professionnelle [Courriel 2], sous astreinte provisoire de 50,00 euros par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt et dans la limite de 3 mois,

Condamne M. [N] [B] à verser à la SARL Dom Automatismes la somme de 5 500,00 euros, à titre de dommages-intérêts,

Y ajoutant,

Condamne M. [N] [B] aux entiers dépens,

Condamne M. [N] [B] à payer à la SARL Dom Automatismes la somme de 3 000,00 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Et ont signé le présent arrêt Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffier

La Greffière La Présidente

 


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