Droit du logiciel : 16 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/19906

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Droit du logiciel : 16 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/19906

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 16 JUIN 2023

N° 2023/205

Rôle N° RG 19/19906 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFLSJ

[U] [X]

C/

SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR

Copie exécutoire délivrée le :

16 JUIN 2023

à :

Me Nathalie CAMPAGNOLO de la SELARL NCAMPAGNOLO, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 05 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01933.

APPELANT

Monsieur [U] [X], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Nathalie CAMPAGNOLO de la SELARL NCAMPAGNOLO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2023

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [U] [X] a été embauché en qualité de responsable commercial pour le secteur des Bouches-du-Rhône-Var le 15 janvier 2011 par la SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR.

Il a occupé le poste de retail manager régional à partir de mai 2012 et percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle brute de base de 5500 euros.

Monsieur [X] a été en arrêt de travail pour maladie à partir du 6 décembre 2016, a repris son poste le 2 janvier 2017, a été à nouveau placé en arrêt maladie le 6 janvier 2017 jusqu’au 4 mars 2017.

Par courrier recommandé daté du 5 janvier 2017, Monsieur [U] [X] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 18 janvier, puis il a été licencié pour cause réelle et sérieuse le 14 février 2017 en ces termes, exactement reproduits :

« Nous vous avons convoqué par courrier recommandé en date du 5 janvier 2017 à un entretien préalable en vue d’une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, le 18 janvier 2017 à 14 heures auquel vous ne vous êtes pas présenté. Cet entretien avait pour objectif de vous faire part des faits que nous vous reprochons et de pouvoir entendre vos explications

Pour rappel, vous avez intégré notre entreprise le 17 janvier 2011 et vous occupez les fonctions de Retail Manager Régional depuis le 1er mai 2012.

À ce titre et sous la responsabilité du Directeur Régional Retail, vous vous devez d’assurer l’encadrement, le développement et l’accompagnement d’une équipe de sept Chefs de Secteur Dior Expert. Vous êtes également le garant du développement de l’image de marque de notre Maison en matière d’exécution au travers des services, de la formation et de la vente.

Au-delà de cette définition de vos fonctions, votre contrat de travail entraîne dans son exécution un certain nombre de devoirs, dont l’obligation de loyauté vis-à-vis de votre employeur en utilisant votre temps de travail et les moyens mis à disposition par l’entreprise au bénéfice de l’entreprise et non pour votre usage personnel. Cette obligation et l’exemplarité qui en découlent se trouvant renforcées par votre statut de cadre et de manager d’une équipe importante au sein d’une entreprise de renommée mondiale.

Dans le cadre de nos opérations de clôture comptable annuelle, nous avons réalisé un audit des notes de frais. Aprés un contrôle de vos propres notes de frais, nous vous reprochons les faits suivants :

Au mois de septembre 2016, vous avez établi une note de frais comprenant des dépenses de restauration qui auraient été engagées dans le cadre de l’accompagnement supposé de Madame [R] [G], l’une de vos subordonnées occupant les fonctions de Chef de Secteur. À savoir :

– Le 13 septembre 2016 à 13 h 18 paiement d’un repas déclaré comme pris entre salariés (2 repas complets) au restaurant le Petit Meunier à la Cadière d’Azur (83) pour un montant de 30.50 euros

– Le 16 septembre 2016 à 11 h 21 paiement d’un repas déclaré comme pris entre salariés (2 repas complets) au restaurant le Petit Meunier à la Cadière d’Azur (83) pour un montant 46.35 euros.

Ces notes de frais n’ont pas manqué de nous étonner dans la mesure où :

– cette commune ne fait pas partie du secteur de Madame [R] [G], pas plus que de la région dont vous avez la responsabilité

– et surtout que Madame [R] [G] a également procédé à l’établissement de notes de frais pour des dépenses de restauration, le 13 septembre 2016 à 14 h 46 à [Localité 5] (38) et le 16 septembre à 13h20 dans la même ville située précisément sur sa zone de travail.

Ajoutons que votre planning de travail sur notre outil de suivi ONE ne fait pas état de cet accompagnement sur le secteur commercial de votre subordonnée, pas plus que celui de Madame [R] [G]. Enfin, vos heures de prises de repas respectives rendent impossible votre déclaration, car ces deux villes sont distantes de 3 heures de trajet en voiture.

Force est de constater qu’afin de passer outre la limite de 25 euros de prise en charge par l’entreprise pour un repas pris seul et en province, vous établissez de fausses dépenses de frais en prétextant avoir partagé un déjeuner de travail avec votre subordonnée. Ceci est d’autant plus choquant que cette dépense ne peut avoir aucun caractère professionnel, car réalisée hors de votre région de travail.

Le 19 mai 2016, à l’occasion d’une réunion de travail vous réalisez une dépense de restauration à 13h26 au restaurant Bagelstein du [Localité 4], non loin de nos locaux parisiens, pour un montant de 17 euros, ce que nous ne contestons pas. En revanche, nous ne pouvons qu’être stupéfiés de voir que vous engagez le même jour à 18h41 une dépense de 25 euros que vous jugez normal de déclarer comme une dépense liée à votre activité professionnelle alors que vous n’êtes plus en déplacement et de retour à votre domicile, dans le restaurant l’Abaca du [Localité 3], situé à moins de cinquante métres de votre lieu de vie.

Vous réitérez le même type de comportement, le 5 octobre 2016 alors que votre planning de travail fait état d’une journée complète de réunion interne, qui s’avère en réalité être un point téléphonique réalisé avec [D] [A] – Directrice Régionale Retail – d’une durée maximale de deux heures et que vous engagez, une fois encore et à deux reprises au cours de la même journée, des dépenses prétendues professionnelles pour un montant de deux fois 25 euros dans le restaurant I’Abaco du [Localité 3].

Enfin, nous ne pouvons que nous étonner de vous voir établir des notes de frais pour de prétendues journées d’accompagnement des membres de votre équipe, sans que les noms de ces derniers ne soient précisés dans votre planning, les 10, 11, 25, 26 et 27 mai 2016 pour des montants de 25 euros, toujours dans le restaurant l’Abaca du [Localité 3]. Ceci, reprécisons-le, alors que ce restaurant n’est pas situé dans votre région de travail et encore moins dans l’un des secteurs d’un des membres de votre équipe.

L’analyse de vos notes de frais sur ces journées fait apparaître d’autres incohérences : absence de justificatif de dépense, horaires des transactions de votre carte BNP Affaires émises plusieurs heures avant l’émission du ticket de caisse et un nombre de couverts incohérent avec des dépenses réalisées hors de votre région de travail et qui ne peuvent pas, par conséquent corresponde à l’accompagnement d’un membre de votre équipe et revêtir un caractére protessionnel.

Ces nouvelles incohérences nourrissent notre suspicion d’autant fondée qu’elle est étayée par les griefs formulés ci-dessus.

L’établissement frauduleux de ces notes de frais visant à soustraire à l’entreprise des sommes qui ne vous sont pas dues met en évidence un manque non équivoque de probité de votre part et nous oblige, par conséquent, à mettre fin au contrat de travail vous liant à notre société et vous notifions, par la présente, votre licenciement.

Votre préavis d’une durée contractuelle de trois mois, que nous vous dispensons d’exécuter, commencera à courir à compter de la première présentation postale de ce courrier’ ».

Contestant la licéité de son licenciement et invoquant une exécution déloyale du contrat de travail, une méconnaissance de l’obligation de sécurité et une convention de forfait jours illicite, Monsieur [U] [X] a saisi la juridiction prud’homale par requête du 23 août 2017.

Par jugement du 5 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Marseille a débouté Monsieur [U] [X] de l’intégralité de ses demandes, a débouté la SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR de sa demande reconventionnelle au titre des frais irrépétibles et a condamné Monsieur [U] [X] aux entiers dépens.

Ayant relevé appel, Monsieur [U] [X] demande à la Cour, aux termes de ses conclusions d’appelant n° 3 notifiées par voie électronique le 25 janvier 2023, de :

DIRE ET JUGER recevable et bien fondé l’appel de Monsieur [U] [X],

INFIRMER le jugement du 5 décembre 2019,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIRE ET JUGER le licenciement de Monsieur [U] [X] entaché de nullité et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

CONDAMNER la société PARFUMS CHRISTIAN DIOR à verser à Monsieur [U] [X] :

– 80’000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement entaché de nullité et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– 8000 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre des conditions brutales et vexatoires dans lesquelles Monsieur [U] [X] a été évincé illicitement de son poste ;

PRONONCER la nullité de la convention de forfait-jours de Monsieur [X]

En conséquence,

CONDAMNER la société PARFUMS CHRISTIAN DIOR à verser à Monsieur [U] [X] les sommes suivantes pour exécutions déloyales du contrat de travail :

– 5000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour modification significative du secteur géographique de Monsieur [U] [X] en mars 2012 sans formalisation par avenant de cette modification du contrat de travail ;

– 38’850 euros nets à titre de dommages et intérêts pour doublement du secteur géographique sans formalisation d’avenant, au titre de la privation de salaire afférent à cette double activité ;

– A titre principal, 131’917 euros bruts à titre de rappels de salaire sur heures supplémentaires outre 13’191,70 euros d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents et au titre de la contrepartie obligatoire en repos non pris (dépassement du contingent annuel),

A titre subsidiaire, 131’917 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité de la convention de forfait jours,

CONDAMNER la société PARFUMS CHRISTIAN DIOR à verser à Monsieur [U] [X] des dommages et intérêts pour méconnaissance de l’obligation de résultat de sécurité et de santé au travail à raison des sommes suivantes :

– 10’000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour dépassement de la durée maximale de travail,

– 10’000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour privation du repos quotidien,

– 10’000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour irrespect d’un arrêt maladie.

CONDAMNER la société PARFUMS CHRISTIAN DIOR à verser la somme de 1900 euros bruts à titre de rappel de salaire lié au bonus attribué à Monsieur [U] [X] pour l’année 2016 outre 190 euros de congés payés afférents.

En tout état de cause,

DÉBOUTER la société PARFUMS CHRISTIAN DIOR de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

DIRE et JUGER que ces sommes porteront intérêts légaux depuis la saisine du conseil de prud’hommes et outre la capitalisation des intérêts,

DIRE et JUGER qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir et en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la société PARFUMS CHRISTIAN DIOR en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la société PARFUMS CHRISTIAN DIOR à verser à Monsieur [U] [X] la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens pour les frais exposés d’appel,

CONDAMNER la société PARFUMS CHRISTIAN DIOR aux entiers dépens.

La SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR demande à la Cour, aux termes de ses conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 15 février 2023, de :

CONFIRMER le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille en toutes ses dispositions ;

Par conséquent

DÉBOUTER Monsieur [X] de l’intégralité de ses demandes ;

CONDAMNER Monsieur [X] à verser à la société PARFUMS CHRISTIAN DIOR la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 16 février 2023.

SUR CE :

Sur les demandes relatives à l’exécution déloyale du contrat de travail :

A- Sur la modification du secteur géographique en mars 2012

Monsieur [U] [X] fait valoir qu’en mars 2012, il s’est vu confier 20 départements au lieu de 2 départements initialement, il s’est vu confier en outre un nouveau poste de travail : Retail Manager Régional au lieu et place de Responsable Commercial, avec le management d’une équipe de 6 personnes (Chefs de secteur) sur 18 départements ; qu’il s’agissait indubitablement d’une modification de poste, de qualification et de responsabilité ; que la société PCD ne procédait à aucune formalisation de la modification du contrat de travail, maintenant le même coefficient suite à cette modification de poste ; qu’à aucun moment, un avenant n’a été soumis à la signature de Monsieur [X] ; que l’avenant produit par la société PCD, comportant la signature de Monsieur [X], est un faux ; que la société n’a jamais produit l’original de l’avenant dont elle se prévaut ; que la société PCD vise un mail évoquant un avenant sans toutefois comporter de pièce jointe ni d’élément permettant de connaître le contenu dudit avenant ; qu’il ressort des échanges de mails produits par la société PCD que celle-ci n’a jamais reçu quelconque avenant signé de Monsieur [X] et qu’elle ne peut donc sérieusement se prévaloir de ce document que Monsieur [X] conteste formellement avoir reçu et signé ; que la double modification unilatérale du contrat de travail (changement de poste avec élargissement du secteur géographique) constitue une première exécution déloyale du contrat de travail, dont Monsieur [X] sollicite la réparation à hauteur de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour modification significative de son secteur géographique en mars 2012 sans formalisation par avenant de cette modification du contrat de travail.

La SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR réplique que Monsieur [X] fait preuve d’une mauvaise foi surprenante ; qu’en effet, la société a soumis à Monsieur [X] un avenant à son contrat de travail le 25 avril 2012, avenant qu’il a signé et qui portait précisément sur la modification de ses fonctions, puisqu’il acceptait de devenir Retail Manager Régional, ainsi que sur la modification de son secteur d’activité ; que la société concluante verse aux débats un échange de courriels avec le demandeur datant du mois de mai 2012 qui démontre qu’il a bien signé son avenant qu’il aurait adressé par courrier à son employeur et qu’il a connaissance de l’impossibilité pour ce dernier d’être en possession de l’original de cet avenant, puisque ce dernier n’est jamais parvenu à l’entreprise, de sorte que le salarié a été contraint d’en réadresser une copie le 16 mai 2012 ; que la société PARFUMS CHRISTIAN DIOR n’a donc en aucune façon imposé à Monsieur [X] les modifications alléguées mais a bien recueilli son accord dans le cadre de cet avenant et que la Cour doit confirmer le jugement intervenu qui a débouté Monsieur [X] de sa demande.

***

La SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR produit un avenant n° 2 au contrat de travail du 9 décembre 2010 de Monsieur [U] [X], portant la date du 25 avril 2012, à effet du 1er mai 2012, mentionnant la modification de la fonction du salarié, devenu « RETAIL MANAGER REGIONAL » au coefficient hiérarchique 460 de la Convention collective nationale des Industries Chimiques et précisant, en son article 2 « Lieu de travail », qu’il exercerait ses fonctions « essentiellement dans les départements suivants : 73 (Savoie) – 38 (Isère) – 30 (Gard) – 07 (Ardèche) – 84 (Vaucluse) – 26 (Drôme) – 34 (Hérault) – 13 (Bouches-du-Rhône) – 66 (Pyrénées orientales) – 12 (Aveyron) – 11 (Aude) – 48 (Lozère) – 31 (Haute-Garonne) – 09 (Ariège) – 81 (Tarn) – 47 (Lot-et-Garonne) – 82 (Tarn-et-Garonne).

La délimitation géographique du secteur pourra être modifiée à tout moment selon les nécessités commerciales de la Société et vous pourrez être affecté sur un autre secteur géographique sur le territoire métropolitain sans que cela constitue pour autant une modification d’un élément essentiel du contrat de travail ».

Si le coefficient du salarié n’est pas modifié dans cet avenant (coefficient 460 comme dans le contrat de travail à durée indéterminée du 9 décembre 2010), la rémunération est toutefois augmentée : 59’000 euros versés en 12 mensualités de 4916,67 euros au lieu de 56’000 euros versés en 12 mensualités de 4666,67 euros.

Monsieur [X] conteste l’authenticité de la signature apposée sur l’avenant du 25 avril 2012 et a mis la société PARFUMS CHRISTIAN DIOR en demeure, par la sommation de communiquer du 5 mars 2018, de communiquer l’original de l’avenant n° 2 du 25 avril 2012 (sa pièce 30).

Toutefois, la signature apposée sur l’avenant n° 2 n’est pas si différente de celle portée sur le contrat de travail du 9 décembre 2010 et elle est similaire à celle portée sur l’avenant du 7 janvier 2016 ainsi qu’à celle portée sur le compte rendu annuel d’entretien 2015, sur la revue de performance 2014-2015 et sur le constat amiable d’accident automobile (pièces 21, 35 et 38 versées par l’employeur).

De surcroît, il ressort d’un échange de courriels (pièce 37 versée par l’employeur), ayant pour objet « Avenant 2012 », que le service des ressources humaines s’inquiétait auprès de [U] [X] de ne pas avoir reçu l’avenant et lui demandait de lui adresser une copie (courriel du 10 mai 2012 : « [D] m’a dit que tu avais envoyé ton avenant, malheureusement je ne l’ai pas reçu. Aurais-tu conservé une copie ‘ Il me le faudrait avant le 15 mai au plus tard. D’avance merci ») et Monsieur [X] répondait le 10 mai 2012 : « Oui tout se passe bien pour mes vacances je te remercie.

J’ai déposé l’avenant samedi ds la boîte PTT de l’aéroport.

Cependant, si tu ne l’as pas reçu, je ne peux pas te renvoyer une copie de mon exemplaire car je suis en Floride, et je n’ai pas le doc avec moi.

Je rentre le 16 mai. Puis-je te renvoyer le doc ce jour-là ‘

Je te remercie’ ».

Monsieur [U] [X] reconnaissait bien, dans son courriel du 10 mai 2012 adressé au service des ressources humaines, qu’il avait retourné l’avenant au contrat de travail de 2012 (le seul avenant de 2012 étant l’avenant n° 2 du 25 avril 2012) et annonçait en envoyer une copie le 16 mai 2012, à son retour de vacances.

Il est ainsi établi que Monsieur [X] a accepté la modification de sa fonction et de son secteur par la signature de l’avenant du 25 avril 2012, dont il ne peut être reproché à l’employeur de ne pas être en mesure de produire l’original qui n’a jamais été réceptionné par le service des ressources humaines de la SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR malgré l’envoi confirmé par Monsieur [X], qui a ensuite adressé une copie de son exemplaire produite en la cause.

En conséquence, la Cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [U] [X] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour modification de son secteur géographique en mars 2012.

B- Sur la validité de la convention de forfait jours

Monsieur [U] [X] soutient que l’accord de branche en date du 8 février 1999 conclu au sein de la Chimie et tendant à la mise en place des forfaits jours a, d’une part, été exclu de l’extension et, d’autre part, invalidé par la Cour de cassation ; que la société PCD a conclu un accord d’entreprise prévoyant de telles convention de forfaits jours, accord qui n’est pas conforme à la jurisprudence car il ne prévoit pas de contrôle des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail ; que s’agissant du système auto-déclaratif invoqué par la société PCD, le document visé ne permet aucunement de vérifier les journées ou demi-journées travaillées par Monsieur [X] ; que le salarié doit seulement y indiquer avoir pu, ou non, respecter son temps de repos quotidien et hebdomadaire sans faculté de faire le moindre commentaire ou observation ; que ce document ne répond absolument pas aux exigences posées par la Cour de cassation ; que la société PCD ne rapporte pas la preuve de la réalisation d’entretiens relatifs à la charge de travail du salarié et à l’équilibre vie privée/vie professionnelle ; que d’ailleurs, dans son entretien annuel d’évaluation de l’année 2021, Monsieur [X] est contraint de faire lui-même mention de sa surcharge de travail dans l’encart réservé à son bilan « évaluation des performances » sans que ce point ne soit ensuite abordé de manière plus approfondie avec sa supérieure hiérarchique ; que l’employeur ne pouvait ignorer son amplitude de travail allant au-delà des durées légales compte tenu des nombreux mails échangés avec le salarié ; que dans ce contexte, la convention individuelle de forfait conclue entre Monsieur [X] et la société PCD est entachée de nullité.

La SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR fait valoir que la société est bien dotée d’un accord d’entreprise permettant pour des catégories de salariés déterminés, dont les cadres itinérants, la conclusion de conventions de forfait annuel en jours ; qu’une clause de forfait en jours a bien été conclue et acceptée par le salarié qui a signé son contrat de travail ; que l’accord d’entreprise prévoit, contrairement aux allégations de Monsieur [X], le suivi et le contrôle de la charge de travail lesquels s’opèrent lors d’un entretien annuel d’évaluation entre le manager et le salarié mais également via un système auto-déclaratif des jours travaillés par le salarié ; que ce système auto-déclaratif a été mis en place de manière dématérialisée, à compter du mois de janvier 2014, les cadres devant indiquer sur un outil informatique s’ils ont été en mesure de respecter les temps de pause journaliers et hebdomadaires ; que Monsieur [X] a effectivement mentionné pour chaque journée travaillée s’il avait pu ou non bénéficier d’un repos quotidien de 11 heures consécutives et d’un repos hebdomadaire de 35 heures consécutives ; que la société concluante s’est assurée du suivi de la charge de travail de Monsieur [X] à travers la tenue de différents entretiens réguliers entre son manager et lui en plus de l’entretien annuel, et le suivi de l’amplitude de ses journées de travail via le système mis en place, permettant au salarié de déclarer s’il était ou non en mesure de respecter ses temps de repos quotidien et hebdomadaire ; que contrairement à ce que soutient Monsieur [X], celui-ci ne formule aucune alerte aux termes de son entretien annuel pour l’année 2015-2016 ; qu’en conséquence, le jugement sera confirmé sur ce point.

***

Monsieur [U] [X] produit l’Accord d’entreprise relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail applicable à compter du 1er juin 2000 au sein de la SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR (pièce 18), lequel prévoit l’application d’un forfait annuel en jours notamment pour les cadres itinérants, le décompte du nombre de journées de travail par un système déclaratif, « chaque salarié remplissant selon les modalités définies par note de service le formulaire mis à sa disposition à cet effet et le transmettant pour accord à sa hiérarchie selon la périodicité définie par note de service ».

Cet accord prévoit par ailleurs, au titre du « suivi de la charge de travail », outre l’information des Comités d’établissement dans les deux premières années d’application de l’accord et un bilan annuel présenté aux organisations syndicales, que « le suivi de la charge de travail des cadres sera évoqué lors des entretiens annuels d’appréciation qu’ils ont avec leur hiérarchie ».

L’Accord collectif d’entreprise est conforme aux dispositions de l’article L.3121-39 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige (antérieure au 8 août 2016), en ce qu’il détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.

Monsieur [X] a par ailleurs donné son accord à la convention de forfait jours le liant à la SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR, prévue par l’article 5 de son contrat de travail du 9 décembre 2010.

Le système auto-déclaratif mis en place au sein de l’entreprise consiste en la déclaration par le salarié des mentions suivantes : « J’ai respecté un temps de repos journalier de 11h consécutives » (mention pour chaque journée travaillée) et « J’ai respecté un temps de repos hebdomadaire de 35h consécutives » (mention chaque lundi), mentions pré remplies en face desquelles le salarié coche la case « oui » ou « non » (Note de service du 5 février 2014, exemplaire d’une auto déclaration du temps de travail d’une salariée, attestation du 11 octobre 2017 de M. [F] [Z], Responsable Paie Adjoint et Système d’Informations Ressources Humaines, à laquelle sont joints des fichiers informatiques d’auto déclaration de [U] [X] sur la période du 17 février 2014 au 6 janvier 2017 – pièces 6, 7 et 17).

Ces documents auto-déclaratifs ont uniquement pour objectif de vérifier le respect par le salarié des temps de repos journalier et hebdomadaire, mais ne procèdent pas au décompte des jours travaillés, aucun récapitulatif n’étant versé par l’employeur.

Par ailleurs, la SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR ne justifie pas avoir organisé un entretien annuel individuel avec Monsieur [X], portant sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié, conformément aux dispositions de l’article L.3121-46 du code du travail (dans sa version en vigueur du 22 août 2008 au 10 août 2016).

Alors qu’il n’est pas démontré que le salarié a été soumis à un contrôle de sa charge de travail et à une évaluation de l’équilibre entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, la convention de forfait en jours est sans effet, en sorte que Monsieur [X] est en droit de solliciter le règlement des heures supplémentaires exécutées au-delà de la durée de 35 heures hebdomadaires.

C- Sur les heures supplémentaires et la contrepartie obligatoire en repos non pris

Monsieur [U] [X], qui déclare rapporter la preuve de l’illicéité de la convention de forfait et de la réalisation d’un grand nombre d’heures supplémentaires, soutient être en droit de solliciter un rappel de salaire sur les trois dernières années de sa collaboration ; qu’il démontre avoir effectué, en retenant une moyenne très basse de 50 heures hebdomadaires de travail, a minima 15 heures supplémentaires par semaine, sur 45 semaines ; qu’il est fondé à solliciter le paiement d’un rappel de salaire à hauteur de 131’917 euros bruts, de septembre 2014 à décembre 2016, outre l’incidence congés payés, au titre des heures supplémentaires exécutées au-delà de 35 heures et au titre du non paiement de la majoration de 100 % de contrepartie obligatoire en repos pour le dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires pour les exercices 2015 et 2016.

A titre subsidiaire, Monsieur [X] réclame l’allocation de dommages et intérêts à hauteur de 131’917 euros pour nullité de la convention de forfait jours et privation du paiement afférent aux heures supplémentaires, congés payés afférents et contrepartie obligatoire.

La SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR fait valoir que Monsieur [X] n’explicite pas le bien fondé de sa demande de rappel de salaires, dont il sera nécessairement débouté en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile ; que Monsieur [X] se contente d’affirmer qu’il aurait « en moyenne » réalisé 50 heures par semaine et ne verse que des tableaux récapitulatifs de l’amplitude prétendue de ses journées de travail sur la période allant du mois d’octobre au début du mois de novembre 2016, puis sur une partie du mois de décembre 2016 et enfin sur une partie du mois d’octobre 2017 ; qu’il verse également une pièce n° 31 de 6683 pages correspondant à l’intégralité de sa boîte mail ; que cette pièce est inexploitable au vu de son nombre de pages et d’ailleurs inexploitée par Monsieur [X], qui se contente d’affirmer que cela corroborait les tableaux produits, sans en apporter la démonstration ; que les tableaux établis par Monsieur [X] établissent une amplitude horaire totalement artificielle puisque fondée sur l’heure du premier mail et sur l’heure du dernier mail envoyés dans la journée ; que Monsieur [X], salarié itinérant, organisait sa journée comme il l’entendait ; que les éléments très partiels versés aux débats par Monsieur [X] ne permettent pas d’établir son amplitude journalière de travail et qu’il doit être débouté de ses prétentions.

***

Il convient d’observer que Monsieur [X] présente, dans le dispositif de ses conclusions, une demande à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, congés payés y afférents et contrepartie obligatoire en repos non pris, et énonce dans le corps de ses conclusions, au soutien de sa prétention, des moyens de fait et de droit avec indication des pièces invoquées et de leur numérotation. La demande de rappel de salaire est donc recevable.

Monsieur [U] [X] verse, à l’appui de sa réclamation, les pièces suivantes :

-des courriels professionnels de Monsieur [U] [X], enregistrés sur clé USB contenant deux fichiers: un fichier des mails envoyés par Monsieur [X] (1173 pages) et un fichier des mails reçus dans la boîte mail de Monsieur [X] (5510 pages) ;

-des tableaux recensant ses mails « en dehors des heures habituelles de travail » sur les semaines 40, 41, 42 et 43 de 2016 : il s’agit principalement de mails dont [U] [X] est destinataire, à l’exception de certains mails envoyés par lui (le 5 octobre 2016 : dernier mail à 20h20 ; le 6 octobre 2016 : dernier mail à 21h03 ; le 8 octobre 2016 : mail à 19h59 ; le 10 octobre 2016 : mail à 20h09 ; le 11 octobre 2016 : dernier mail à 19h54 ; le 12 octobre 2016 : premier mail à 7h40 ; etc.) ;

-des tableaux des mails reçus et envoyés de Monsieur [X] du mois d’octobre 2016 (semaines 39 à 44) ;

-des tableaux recensant les mails envoyés et reçus par Monsieur [X] durant les arrêts maladie (semaines 44, 49, 50, 51 et 52) ;

-un tableau récapitulatif de l’amplitude de travail établi sur les semaines 40 à 43 de 2016, à partir des mails, comme suit :

-le 3 octobre 2016 : 8h59-10h22,

-le 4 octobre 2016 : 9h34-17 heures,

-le 5 octobre 2016 : 14h38-20h20,

-le 6 octobre 2016 : 11h39-21h04,

-le 7 octobre 2016 : déplacement à [Localité 7] avec départ à 8h20 et retour à 19h50, dernier mail envoyé à 19h56,

-Amplitude sur la semaine 40 : 30h49 ;

Et ainsi chaque semaine, avec :

-Amplitude sur la semaine 41 : 58h11,

-Amplitude sur la semaine 42 : 51h04,

-Amplitude sur la semaine 43 : 55h15.

Monsieur [U] [X] présente ainsi des éléments suffisamment précis quant à ses horaires de travail pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre en produisant ses propres éléments.

La SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR critique les pièces versées par l’appelant et produit un relevé du télépéage de Monsieur [X] sur la période du 1er janvier 2016 au 29 mai 2016, aux fins de démontrer que beaucoup de déplacements du salarié se faisaient autour de son domicile à [Localité 6] (péage Prado-Care, Carenage-Prado, du 1er au 18 janvier 2016, le 22 janvier 2016, etc. – pièce 46).

La pièce ainsi versée par la SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR, qui ne fournit pas d’élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, est insuffisante à contredire les éléments versés par le salarié.

Par conséquent, la Cour reconnaît l’existence d’heures supplémentaires accomplies par Monsieur [X].

De nombreux courriels produits par l’appelant ne permettent pas d’établir l’amplitude journalière de travail du salarié (parfois, courriels envoyés tôt le matin mais pas le soir ; les courriels reçus, n’ayant pas fait l’objet de réponses immédiates, ne démontrent pas que le salarié était au travail aux heures de réception de ces courriels dans sa boîte mail). Par ailleurs, Monsieur [X] fait état d’amplitudes horaires de plus de 50 heures hebdomadaires, sans toutefois déduire les temps de pause repas.

Au vu des éléments versés par les parties, la Cour accorde à Monsieur [U] [X] la somme brute de 21’780 euros au titre des heures supplémentaires et de la contrepartie obligatoire en repos (100 % des heures exécutées au-delà du contingent annuel d’heures supplémentaires fixé à 90 heures dans le cadre de l’Accord d’entreprise relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail du 1er juin 2000 – article 5.1.12), ainsi que la somme brute de 2178 euros au titre des congés payés y afférents, sur la période de septembre 2014 à décembre 2016.

D- Sur le doublement du secteur géographique en 2015

Monsieur [U] [X] fait valoir qu’il s’est vu imposer en sus de son propre poste d’assumer en remplacement le poste d’une collègue de travail, [E] [Y], également Retail Manager Régional, en congé parental, du 9 mars au 19 octobre 2015 ; qu’il s’est vu confier pendant plus de 7 mois la charge supplémentaire d’une équipe de 6 personnes à manager et la charge supplémentaire d’un secteur géographique comprenant 12 départements, ce sans formalisation d’avenant et sans aucune rémunération mensuelle supplémentaire ; que le secteur géographique de Monsieur [X] couvrait ainsi peu ou prou la moitié du territoire français, obligeant ce dernier à effectuer de trop nombreux déplacements ; que l’amplitude de travail du salarié était exceptionnelle, étant précisé qu’il a atteint ses objectifs dans chaque secteur et a été classé en 2016 1er Retail Manager Régional ; que le concluant a été privé de toute rémunération variable sur le chiffre d’affaires réalisé sur la zone de sa collègue, alors même qu’il s’avérait être au-dessus des objectifs ; que la fin du remplacement s’est faite le 19 octobre 2015 avec le versement d’une pseudo prime de 3500 euros bruts payée en février 2016 ; que la société PCD a, une nouvelle fois, procédé à la modification unilatérale de son contrat de travail sans formaliser un avenant à son contrat ; que Monsieur [X] sollicite à ce titre le double de son salaire pour une double activité exercée pendant 7 mois, à savoir 5500 euros x 7 mois = 38’850 euros ; qu’il convient de lui allouer la somme de 38’850 euros à titre de dommages et intérêts pour doublement du secteur géographique sans formalisation d’avenant et privation de salaire afférent à cette double activité.

La SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR réplique qu’elle n’a pas imposé à Monsieur [X] de reprendre le secteur de sa collègue absente puisque c’est lui qui s’est proposé, ainsi que cela ressort de son entretien annuel pour l’année 2015 ; que le salarié a bien perçu une rémunération à ce titre puisqu’il a perçu une prime de remplacement d’un montant de 3050 euros bruts, équivalente à 1/12ème de mois de salaire brut de base du collaborateur remplaçant, par mois de remplacement effectué, prime versée sous la rubrique « Prime exceptionnelle » ; qu’il s’agit de la prime habituellement versée dans cette situation ; qu’en tout état de cause, même à considérer que le salarié ait effectué plus de déplacements qu’habituellement pendant ces huit mois, Monsieur [X] n’établit pas une faute de son employeur ; que Monsieur [X] a bien été rémunéré conformément aux usages de l’entreprise pour cette prise en charge temporaire ; qu’il ne peut donc faire valoir aucun préjudice et que la Cour confirmera le jugement qui a débouté Monsieur [X] de sa demande.

***

Monsieur [U] [X] produit un échange de SMS avec « [N] », demandant à cette dernière « quels étaient les départements du secteur (trou de mémoire) (d'[E]) et peux tu me confirmer les dates (de l’intérim) : du 9 mars au 19 octobre 2015 ‘ » et la réponse : « 16, 17, 19, 23, 24, 33, 32, 40, 47, 49, 64, 65, 79, 85, 86, 87 » (pièce 16).

En tout état, il n’est pas discuté que Monsieur [X] a assumé l’intérim de sa collègue du 9 mars au 19 octobre 2015, avec la charge supplémentaire d’encadrer une équipe de 6 personnes (outre la responsabilité des 7 chefs de son secteur) sur un secteur élargi à 16 autres départements.

Aucun avenant conclu entre les parties relatif au remplacement par Monsieur [X] de sa collègue de travail, pendant son congé maternité et congé parental, du 9 mars 2015 au 19 octobre 2015, n’est versé au débat. Toutefois, il s’agissait d’un remplacement temporaire assuré par Monsieur [X] et non d’une modification de son contrat de travail.

La SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR produit le compte rendu d’entretien annuel pour l’année 2015-2016 (pièce 21), sur lequel est mentionné, au titre des commentaires du collaborateur : « En 2015, et après l’annonce du départ en congé maternité d’une collègue, j’ai proposé mon soutien afin de gérer en parallèle cette autre région. Ceci dans un but d’épanouissement professionnel d’une part, et d’autre part en soutien d’une organisation Retail que je ne souhaitais pas voir fragilisée.

C’était un challenge personnel, et une arme de motivation pour cette année ».

De même, dans la revue de performance et de carrière 2014-2015 (pièce 38 versée par l’employeur), Monsieur [X] a également mentionné dans le paragraphe des commentaires du collaborateur :

« En 2015, et après annonce d’un départ en congé maternité au sein des Retail Managers, j’ai immédiatement proposé mon soutien à ma DR [D] et récupérer les 6 chefs de secteur de cette région.

Ceci dans un but d’épanouissement professionnel d’une part, et d’autre part en soutien d’une organisation du Retail qui permettra de faire croître notre Maison.

C’est un challenge personnel, et une véritable arme de motivation », étant précisé que ce document a été signé par Monsieur [X].

Il est ainsi démontré que Monsieur [X] ne s’est pas vu imposer le remplacement de sa collègue en 2015 et le doublement du secteur géographique. Non seulement, le salarié a accepté d’assurer le remplacement de sa collègue, mais au surplus, il s’est lui-même porté volontaire, ayant pleinement conscience qu’il allait « récupérer les 6 chefs de secteur de cette région » et étendre son secteur géographique d’intervention.

Pour autant, aucun élément n’est versé au débat quant à la conclusion d’un accord sur les modalités du remplacement effectué par Monsieur [X] et notamment sur les conditions salariales accompagnant une telle charge de travail.

La SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR soutient qu’il est d’usage dans l’entreprise, en cas de remplacement, de verser au salarié remplaçant 1/12ème de mois du salaire brut du collaborateur remplaçant, par mois de remplacement effectué. Elle produit dans ce sens l’attestation du 13 décembre 2017 de Monsieur [H] [B], Directeur Rémunérations et Avantages Sociaux, qui « confirme qu’a été mise en place par le Marché France depuis plusieurs années, une prime de remplacement au bénéfice de collaborateurs amenés à remplacer un collègue sur son poste pendant une durée significative. Cette prime de remplacement accordée à chaque collaborateur du Marché France se trouvant dans cette situation, est équivalente à 1/12ème de mois de salaire brut de base du collaborateur remplaçant, par mois de remplacement effectué.

Cette prime de remplacement est visée en paie sous la rubrique « Prime Exceptionnelle » ».

La SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR verse également un courriel du 16 décembre 2015 de [T] [K], Directeur des Ressources Humaines, adressé à [H] [B] en ces termes :

« Au cours du prochain exercice ICR, je vais notamment vous soumettre 2 primes pour couvrir 2 très gros remplacements réalisés’

-[U] [X] (Retail Manager Régional Sud-Est de la France) : a pris la responsabilité d’une 2nd région (Sud-Ouest France) en remplacement d'[E] [Y] durant son congé maternité et un petit congé parental.

-[D] [A] (Directrice Retail Régional Sud France) : a pris la responsabilité de la 2nd région (Nord France) en attente de s’assurer de l’opportunité de réellement créer une 2nd région’

Pour ces 2 situations, je propose de partir sur 1 mois de salaire pour une année de remplacement :

-Dans le cas de [U], au regard de son salaire de base mensuel, ça représente 435 €/mois, soit un total sur 7 mois de : 3045 € arrondi à 3050 €

-Dans le cas de [D], au regard de son salaire mensuel, ça représente (chiffre masqué), soit un total sur 22 mois de (chiffre masqué).

Qu’en penses-tu ‘ ».

Il est également produit le bulletin de paie de février 2016 de Monsieur [U] [X] mentionnant le versement d’une « Prime exceptionnelle » de 3050 euros brut.

Il résulte des éléments versés par l’employeur qu’il n’existait pas d’usage au sein de l’entreprise, fin décembre 2015, d’une rémunération calculée selon des critères fixes et objectifs et versée à un salarié assumant le remplacement d’un collègue, puisque cette proposition a été soumise à l’approbation du Directeur Rémunérations et Avantages Sociaux près de deux mois après la fin de l’intérim assuré par Monsieur [X], étant observé que la prime versée à Monsieur [X] a été calculée sur son « salaire de base mensuel » alors que la prime versée à Madame [D] [A] a été calculée sur son « salaire mensuel » sans qu’il ne soit question du salaire mensuel de base.

Par ailleurs, les conditions de la rémunération de Monsieur [X] ont été fixées en dehors de toute négociation avec le salarié, postérieurement à la fin de son remplacement, et unilatéralement par la direction de la SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR, laquelle a annoncé à Monsieur [X], par courrier du 12 février 2016, avoir « le plaisir de (lui) confirmer que, sur proposition de (sa) hiérarchie,’ Une prime exceptionnelle de 3050 € (lui) est attribuée au titre de l’année 2015′ ».

S’agissant d’un remplacement ayant duré 7 mois, dont l’employeur ne pouvait ignorer qu’il impactait lourdement les missions du salarié par le quasi doublement de son secteur géographique et de l’équipe à gérer, Monsieur [U] [X] a souligné dans le compte rendu annuel d’évaluation des performances de 2015 que « L’année a été dense, voire compliquée avec la gestion des deux régions de mars à octobre’

Au global, et malgré ma totale motivation sur cette double mission, le résultat est plus palpable sur la région Ouest que sur ma propre région dont je me suis indirectement moins bien occupé’

Au-delà de ce sentiment, s’ajoute une fatigue excessive due aux déplacements.

Cependant je reste content de la confiance que la Direction a su m’accorder sur cette double mission que j’ai en partie réussie ».

Monsieur [X] considère qu’au titre du doublement de son secteur géographique et de sa double activité pendant 7 mois, il est fondé à réclamer le doublement de son salaire, soit 5550 euros mensuels multipliés par 7 mois, soit 38’850 euros à titre de dommages et intérêts.

Toutefois, alors que Monsieur [X] s’est vu accorder ci-dessus le paiement d’heures supplémentaires y compris sur la période de son remplacement de 2015, il est ainsi rémunéré de sa charge de travail supplémentaire. Il n’invoque pas un autre préjudice que celui résultant de son absence de rémunération correspondant à la période de remplacement de sa collègue.

Par conséquent, la Cour déboute Monsieur [X] de sa demande de ce chef.

E- Sur le manquement à l’obligation de sécurité

1/ Sur le dépassement de la durée maximale de travail et du contingent annuel d’heures supplémentaires

Monsieur [U] [X] soutient qu’en matière de durée du travail, la charge de la preuve pèse sur l’employeur ; que la Cour constatera que la société succombe totalement à cette charge de la preuve, ne produisant aucun élément sur l’activité du salarié ; que celui-ci, allant au-delà de ses obligations, produit des éléments précis, objectifs, concordants et vérifiables (mails avec l’employeur, tableau récapitulatif des échanges intervenus les derniers mois d’activité, justificatifs des voyages aériens, kilométrage du véhicule de fonction) ; qu’il rapporte la preuve que la société PCD a manqué à son obligation de santé et sécurité en le privant du respect des dispositions en matière de durée maximale de travail.

Il soutient que, contrairement à ce qui est prétendu par la société PCD, le contingent annuel est fixé à 90 heures par an (article 5.1.12 de l’Accord d’entreprise du 16 juin 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail) ; qu’en 2015 et 2016, le salarié connaissait une activité parfaitement anormale d’une extrême densité à l’origine du burnout médicalement constaté fin 2016 ; qu’il a été quasiment privé de façon systématique de son repos quotidien et les durées maximales de travail n’étaient pas respectées ; qu’en moyenne sur l’année, il est raisonnablement établi que Monsieur [X] travaillait a minima 50 heures par semaine ; que les durées maximales de travail étaient largement méconnues ; que le contingent annuel de 90 heures était totalement dépassé sans contrepartie en repos ; que la Cour accordera à Monsieur [X] la somme de 10’000 euros à titre de dommages et intérêts pour dépassement de la durée maximale de travail.

Outre que la SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR soutient que Monsieur [X] bénéficiait d’une convention de forfait jours licite et que ne lui étaient pas applicables les durées maximales hebdomadaires et la notion de contingent d’heures supplémentaires, elle fait valoir que le contingent d’heures supplémentaires prévu par la Convention collective applicable s’élève à 130 heures, que Monsieur [X] ne démontre aucunement qu’il travaillait a minima 50 heures par semaine et qu’il n’est établi en aucune façon le préjudice qu’il prétend avoir subi.

***

Au vu des éléments versés par le salarié et du quantum des heures supplémentaires accordées ci-dessus par la Cour, il est établi que le salarié a dépassé certaines fois la durée maximale quotidienne de travail (10 heures) et la durée maximale hebdomadaire de travail (44 heures maximum sur une période de 12 semaines), de même qu’il est démontré que Monsieur [X] a accompli des heures supplémentaires au-delà du contingent conventionnel sans contrepartie obligatoire en repos (90 heures selon l’Accord d’entreprise).

Le dépassement de la durée maximale de travail a eu un impact négatif sur la santé de Monsieur [X], qui se plaignait début 2016 d’une « fatigue excessive due aux déplacements » (compte rendu annuel d’évaluation des performances de 2015) et qui a été suivi à partir de septembre 2016 « pour un état anxio-dépressif en lien avec un burnout dans le cadre de son activité professionnelle » (certificat médical du Docteur [I], médecin psychiatre – pièce 19 versée par le salarié) et « reçu en consultation à plusieurs reprises au cours de l’automne et de l’hiver 2016/2017, et ce toujours pour les mêmes raisons : perturbations psychologiques avec troubles induits, à type d’insomnies et de crises d’angoisse’ » (certificat du Docteur [W], médecin généraliste – pièce 19 bis versée par le salarié).

La Cour accorde à Monsieur [U] [X] la somme de 3000 euros à titre de dommages intérêts pour dépassement de la durée maximale de travail.

2/ Sur la privation du repos quotidien

Monsieur [U] [X] fait valoir que les échanges de mails produits aux débats démontrent que le repos quotidien n’était pas respecté, peu importe la télédéclaration effectuée par le salarié comme tous les collaborateurs, sur les directives de Madame [A] ; que compte tenu des mails échangés, des billets de transport et de l’importance du kilométrage réalisé, la hiérarchie de Monsieur [X] savait que le repos quotidien n’était pas respecté ; que la Cour accordera au salarié la somme de 10’000 euros à titre de dommages et intérêts pour privation du repos quotidien.

La SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR réplique que les allégations de Monsieur [X] viennent en contradiction avec ses propres déclarations, puisque ce n’est que de très rares fois qu’il a déclaré n’avoir pu bénéficier de son repos quotidien ; que cela porte sur quelques jours pendant la période durant laquelle il a travaillé sur le secteur de sa collègue en congé maternité, période pour laquelle il a été indemnisé ; que les pièces qu’il verse aux débats et qui ne portent que sur 5 semaines de l’année 2016, n’établissent en aucune façon qu’il ne respectait pas son temps de repos quotidien ; que Monsieur [X], salarié itinérant, organisait sa journée comme il l’entendait ; qu’il est incapable d’établir un préjudice distinct de ceux évoqués précédemment, multipliant les demandes d’indemnisation sans fondement, et que la Cour confirmera le jugement qui a débouté Monsieur [X] de sa demande d’indemnisation.

***

Il résulte du document informatique d’auto-déclaration (pièce 17 versée par l’employeur) que Monsieur [X] a le plus souvent déclaré avoir respecté le temps de repos journalier de 11 heures et le temps de repos hebdomadaire de 35 heures, à l’exception des journées des 8 avril 2014, 24 septembre 2014, 19 mai 2015, du 26 au 29 mai 2015, des 3 et 4 juin 2015, du 16 juin au 19 juin 2015, du 23 juin au 26 juin 2015, du 14 octobre 2015 et du 12 mai 2016.

Par ailleurs, il résulte également des éléments versés par le salarié, examinés ci-dessus au titre des heures supplémentaires, que Monsieur [X] a été à plusieurs reprises privé de son repos quotidien de 11 heures.

En réparation du préjudice résultant de la privation du repos quotidien, établi par les éléments médicaux versés par l’appelant, la Cour accorde à Monsieur [U] [X] la somme de 1500 euros à titre de dommages-intérêts.

3/ Sur l’irrespect de l’arrêt maladie

Monsieur [U] [X] soutient que, durant ses périodes d’arrêt de travail pour maladie, ses supérieurs hiérarchiques le sollicitaient à titre professionnel, ce à maintes reprises ; que le seul argument soulevé par l’employeur, visant à soutenir qu’il n’était pas concerné par les mails alors même qu’il tenait un poste à haute responsabilité, est totalement inique ; que c’est à l’employeur de s’assurer que le salarié en arrêt maladie ne soit pas importuné et de ne pas lui envoyer de mail ; qu’il y a lieu de lui accorder la somme de 10’000 euros à titre de dommages et intérêts pour irrespect d’un arrêt maladie.

La SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR fait valoir que Monsieur [X] ne démontre ni la surcharge de travail prétendument subie, ni le lien entre ses conditions de travail et la dégradation de son état de santé ; que la surcharge de travail alléguée porte sur les pièces qu’il verse aux débats sur le dernier trimestre 2016, soit plus d’un an après qu’il ait cessé de s’occuper du secteur de sa collègue absente ; que lors de sa visite de suivi médical du 6 décembre 2016, le médecin du travail n’a rien préconisé quant à l’état de santé de Monsieur [X], ni émis aucune alerte auprès de la société PARFUMS CHRISTIAN DIOR ; que Monsieur [X] verse une liste de mails prétendument reçus, alors qu’il ne peut être fait grief à son employeur de mettre en copie ou de faire suivre à un collaborateur des informations dont il devra prendre connaissance à la fin de son arrêt de travail ; que le salarié n’établit pas en outre que la SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR l’aurait contraint à consulter sa boîte mail professionnelle ; que Monsieur [X] n’a nullement été sollicité durant son arrêt de travail, qu’il n’était nullement attendu qu’il consulte sa boîte mail professionnelle ; qu’il est donc sollicité de la Cour qu’elle confirme le jugement qui a débouté Monsieur [X] de sa demande d’indemnisation.

***

Il n’est pas établi, au vu des mails adressés à Monsieur [U] [X] comme à d’autres collaborateurs, qu’il était attendu une réponse du salarié absent pour maladie ou que ce dernier avait l’obligation de consulter les messages stockés dans sa boîte mail professionnelle. D’ailleurs, lors de sa reprise le 2 janvier 2017, Monsieur [X] confirmait à sa Directrice régionale qu’il avait repris le matin et qu’il était « en train de trier (ses) mails ».

S’agissant des mails envoyés par Monsieur [X], ceux-ci s’adressent principalement aux collaborateurs de son équipe, lesquels l’ont sollicité sur un plan professionnel durant son arrêt de travail pour maladie du 6 décembre au 30 décembre 2016. Il ne ressort pas des documents produits que la hiérarchie de Monsieur [X] lui ait adressé des demandes d’ordre professionnel.

Toutefois, la SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR ne justifie pas de directives données aux équipes sous la responsabilité de Monsieur [X] aux fins de s’adresser à un autre responsable (demandes d’absence, de validation de RTT, de consignes professionnelles’), en sorte que la société a accepté que Monsieur [X] poursuive ses activités professionnelles durant son arrêt de travail pour maladie.

Alors que Monsieur [X] était en arrêt maladie en raison d’un état dépressif en lien avec un surmenage professionnel, la poursuite de son activité durant son arrêt de travail pour maladie, avec l’accord implicite de son employeur, ne lui a pas permis de bénéficier du repos prescrit par son médecin traitant.

Il importe peu que le médecin du travail, qui a effectué une visite médicale à la demande du salarié du 6 décembre 2016, n’ait présenté aucune proposition d’aménagement du poste ou du temps de travail, ni formulé aucune préconisation (attestation de suivi médical produite par l’employeur en pièce 48), alors même que Monsieur [X] a été en arrêt de travail à partir du 7 décembre 2016.

En conséquence, la Cour accorde à Monsieur [U] [X] la somme de 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de l’arrêt de travail de Monsieur [X].

F- Sur le rappel de salaire au titre du bonus 2016

Monsieur [U] [X] soutient que le document « objectifs 2016 » signé par lui est daté du 27 septembre 2016 ; qu’il est donc patent que la société PCD n’a pas mis le salarié en mesure d’atteindre les objectifs fixés ; que dès lors, il est fondé à solliciter le paiement de l’intégralité de la prime d’objectif ; qu’en tout état de cause, Monsieur [X] affirme avoir parfaitement rempli les items lui permettant l’attribution de la totalité de la prime ; qu’il est d’ailleurs utile de rappeler que Monsieur [X] est arrivé 1er de sa catégorie « Retail Manager » pour l’année 2016 ; qu’il a donc parfaitement rempli l’intégralité des objectifs fixés par la société, alors qu’il a perçu 4400 euros sur les 6300 euros de prime ; qu’il est fondé à réclamer, au titre de la prime 2016, le rappel de bonus de 1900 euros outre les congés payés afférents.

La SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR fait valoir que la pièce 27 communiquée par le salarié est illisible; qu’il apparaît en réalité que les objectifs ont été définis lors de l’entretien annuel pour l’année 2015-2016, qui s’est tenu le 23 février 2016 ; que si tel n’avait pas été le cas, Monsieur [X] n’aurait bien évidemment pas manqué d’interpeller sa supérieure hiérarchique sur le sujet, ce qu’il n’a nullement fait ; que la société concluante justifie du montant perçu par Monsieur [X] au titre du bonus 2016, en fonction de l’atteinte de ses objectifs, et il ne verse aucun élément de nature à contester ces éléments ; que sa demande est donc infondée et que la Cour confirmera le jugement intervenu en ce qu’il a débouté Monsieur [X] de sa demande.

***

Monsieur [X] verse aux débats un document sur les objectifs définis sur l’année 2016, sur lequel a été apposée la date manuscrite du 27 septembre 2016 (sa pièce 27). Ce document correspond au tableau des objectifs définis pour 2016 dans le cadre de l’entretien annuel d’évaluation des performances sur 2015 (pièce 21 versée par l’employeur), lequel porte la date manuscrite du 23 février 2016 identique à la date portée sur le tableau des « Actions de développement pour l’avenir », ces deux tableaux étant par ailleurs signés par le salarié. La date du 23 février 2016 est par ailleurs corroborée par le contenu de l’entretien annuel d’évaluation des performances, dont il résulte que les performances du salarié sur 2015 ont été analysées jusqu’à fin novembre 2015, mention étant faite que les résultats de décembre 2015 ne sont pas connus (ce qui n’aurait pas été le cas si le compte rendu d’entretien datait du 27 septembre 2016).

Monsieur [X] affirme avoir rempli ses objectifs, sans toutefois verser une pièce à l’appui de son allégation. Il n’a pas contesté le bonus qui lui a été accordé d’un montant de 5670 euros au titre de l’année 2015, versé avec le salaire de février 2016, comme annoncé par son employeur par courrier du 12 février 2016.

La SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR produit le tableau de ventilation de la prime 2016, selon les résultats obtenus par [U] [X] (pièce 15), lesquels sont d’ordre quantitatif mais aussi d’ordre qualitatif. Les objectifs « Gain PDM » et « Flagships » sont atteints, l’objectif « Mystery Shopping » n’est pas atteint et les objectifs qualitatifs sont atteints globalement à moitié.

Ainsi, au vu des éléments produits par les parties, la Cour constate que les objectifs 2016 ont bien été notifiés au salarié en début d’exercice et que Monsieur [X] a été intégralement rempli de ses droits au titre du bonus 2016 à hauteur de 5670 euros.

En conséquence, la Cour déboute le salarié de sa demande en paiement d’un rappel de bonus et des congés payés afférents.

Sur la rupture du contrat de travail :

Monsieur [U] [X] soutient, à titre principal, que son licenciement trouve son origine dans son état de santé altéré ; que la société a invoqué des motifs disciplinaires dans le seul but de cacher la cause véritable du licenciement de Monsieur [X] : son état de santé ; que si véritablement l’employeur avait rencontré des difficultés dans le traitement administratif des remboursements de frais, à l’égard d’un collaborateur aussi investi et présentant de tels résultats, il aurait pris la peine de solliciter au préalable des explications ; qu’en réalité, l’employeur a cherché un prétexte pour évincer le salarié ; que la simultanéité de l’engagement de la procédure disciplinaire et des arrêts pour cause de burnout du salarié ne pourra que convaincre la Cour du réel motif à l’origine du licenciement de Monsieur [X], qui est nul.

Monsieur [U] [X] invoque ensuite, tout d’abord, que les faits reprochés dans la lettre de licenciement sont prescrits car antérieurs à plus de deux mois avant l’engagement de la procédure disciplinaire ; que la société PCD se prévaut de la réalisation d’un audit sollicité par le Marché France pour reculer le point de départ de la prescription, sans rapporter le moindre élément de preuve ; que la société PCD a eu parfaitement connaissance des notes de frais « frauduleuses » invoquées par l’employeur compte tenu de la procédure de contrôle et de validation par les supérieures hiérarchiques de Monsieur [X] ainsi que par le service comptable ; qu’il s’ensuit que le licenciement doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Monsieur [X] soutient qu’il n’a jamais commis la moindre fraude et que la matérialité des faits reprochés n’est pas rapportée ; qu’en tout état, le licenciement a été engagé à l’égard d’un salarié ayant plus de 6 ans d’ancienneté, constamment en surcharge de travail et en déplacement, pour une somme de 276,85 euros ; que l’employeur vise également dans ses conclusions 3 faits qui n’ont jamais été exprimés dans la lettre de rupture et qui doivent être écartés ; que le licenciement du salarié est à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR réplique que la procédure de remboursement des notes de frais est basée sur la confiance, puisqu’il n’est pas question de vérifier chaque mois la véracité des déclarations des collaborateurs ; que le supérieur hiérarchique, qui valide les dépenses via le logiciel Concur sans avoir accès aux pièces justificatives dans l’outil, se contente de vérifier que les montants des remboursements sollicités ne sont pas supérieurs aux plafonds fixés ; que le service comptable qui reçoit les justificatifs envoyés par le salarié procède au remboursement du collaborateur dont la note de frais a bien été validée par son supérieur hiérarchique ; qu’à cette occasion, le service comptable n’est pas en capacité de vérifier les éventuelles fraudes ; qu’au mois de décembre 2016, à l’occasion d’un contrôle opéré sur les notes de frais dans le cadre des opérations de clôture comptable, la SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR a été contrainte de constater que Monsieur [X] avait produit des notes de frais pour obtenir le remboursement de frais non engagés dans le cadre de ses fonctions ; que les faits invoqués ne sont donc pas prescrits au moment de la mise en ‘uvre de la procédure de licenciement.

La société PARFUMS CHRISTIAN DIOR fait valoir ensuite que chacun des faits est établi et qu’il est largement démontré que le licenciement de Monsieur [X] repose sur des faits étrangers à son état de santé et qui sont de plus fondés ; qu’il convient de confirmer le jugement intervenu en ce qu’il a dit que le licenciement de Monsieur [X] pour cause réelle et sérieuse est bien fondé et en ce qu’il l’a débouté de l’intégralité de ses demandes à ce titre.

***

Les faits reprochés à Monsieur [X] concernent des notes de frais des 10, 11, 19, 25, 26 et 27 mai 2016, 13 et 16 septembre 2016 et 5 octobre 2016 (note de frais d’octobre 2016, sur la période du 1er octobre au 31 octobre 2016, dont la date de validation ou de transmission au service comptable n’est pas connue – pièce 31 versée par l’employeur).

Le courrier recommandé de convocation à entretien préalable est daté du 5 janvier 2017, n’étant toutefois pas versé aux débats le justificatif de dépôt à la Poste ou le justificatif d’envoi dudit courrier.

Alors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l’engagement de la procédure disciplinaire, par l’envoi du courrier de convocation à entretien préalable du 5 janvier 2017, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement des poursuites.

La SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR produit l’attestation du 13 décembre 2017 de Madame [P] [M], Directrice Comptabilité et Trésorerie, qui déclare :

« Lorsqu’un collaborateur engage des frais professionnels liés à son activité professionnelle, il doit établir une note de frais via un logiciel intitulé « concur », utilisé au sein de Parfums Christian Dior, en respectant les règles suivantes :

1. Saisie par le collaborateur des différentes dépenses sur le logiciel Concur ; Puis validation par le supérieur hiérarchique de dépenses engagées au titre de l’activité professionnelle, via le logiciel Concur, étant entendu que le valideur n’a pas accès aux pièces justificatives dans l’outil.

2. Envoi au service comptable par le collaborateur de sa note de frais accompagnée des justificatifs, après avoir été informé de la validation par son supérieur via l’envoi d’un message de type sur sa messagerie professionnelle.

Toute note de frais non conforme risque d’en voir le remboursement retardé ou refusé.

À titre d’exemple, le remboursement des notes de frais non accompagnées des justificatifs y afférents est retardé’

Par ailleurs, je confirme que le service comptable a mené un ensemble de contrôles sur les notes de frais de M. [U] [X] ».

Si Madame [M] atteste que le supérieur hiérarchique valide les notes de frais sans avoir accès aux pièces justificatives, elle ne précise pas toutefois le rôle du service comptable, qui reçoit les notes de frais accompagnées des justificatifs. Si la SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR soutient que le service comptable ne serait pas en capacité de vérifier les éventuelles fraudes et se contenterait de rembourser les notes de frais validées par le supérieur hiérarchique, il ressort toutefois du témoignage de Madame [M] que le service comptable est habilité à mener des contrôles sur les notes de frais.

Qu’il s’agisse d’un audit des notes de frais, tel qu’évoqué dans la lettre de licenciement, ou d’un contrôle effectué par le service comptable tel qu’avancé par Madame [M], le seul témoignage de cette dernière ne permet aucunement de connaître la date à laquelle ont été effectués les contrôles sur les notes de frais de Monsieur [X].

La SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR ne démontre pas, dans ces conditions, qu’elle n’aurait eu la connaissance exacte et complète des faits reprochés au salarié que dans les deux mois précédant l’engagement de la procédure de licenciement le 5 janvier 2017.

En conséquence, les faits sont prescrits et le licenciement de Monsieur [X] est au moins dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR soutient que le Marché France a sollicité le contrôle des notes de frais de Monsieur [X] suite à plusieurs événements ayant attiré l’attention de sa hiérarchie et ayant fait douter de sa probité : la déclaration d’un accident de la route le 2 novembre 2016, avec des versions contradictoires, et la découverte, le 5 décembre 2016, par Madame [A], la supérieure hiérarchique de Monsieur [X], que ce dernier ne s’était pas rendu à une réunion le 15 novembre 2016, invoquant a posteriori un accident dont il n’avait pas informé sa hiérarchie.

Si Madame [D] [A], Directrice Retail Régional, rapporte les faits ci-dessus (versions contradictoires de l’accident du 2 novembre 2016 et découverte le 5 décembre 2016 que « [U] n’a pas assuré la réunion du directeur Régional Sephora du 15 novembre 2016 avec les 25 directrices adjointes des magasins ») et déclare qu’elle a alors « douté de la fiabilité de [U] et répercuté ces deux incidents à (sa) hiérarchie et à la direction des ressources humaines », son témoignage n’est toutefois corroboré par aucun autre élément, de telle sorte qu’il n’est pas démontré que le contrôle des notes de frais de Monsieur [X] serait justifié par des éléments objectifs étrangers à l’arrêt de travail pour maladie du salarié en date du 6 décembre 2016 et au nouvell arrêt de travail du 6 janvier 2017, étant observé que l’employeur ne justifie pas de la date d’envoi du courrier recommandé daté du 5 janvier 2017 de convocation à entretien préalable à la mesure de licenciement.

En conséquence, il est établi que le licenciement du salarié a été prononcé en raison de l’état de santé du salarié. Il est nul en vertu de l’article L.1132-4 du code du travail.

Monsieur [U] [X] produit des prescriptions médicamenteuses du 1er septembre 2018 et du 29 novembre 2019 au 17 novembre 2022, un certificat médical du 11 janvier 2023 du Docteur [I], médecin psychiatre qui atteste que le suivi de Monsieur [X] a été maintenu après le licenciement et qu’il a été sous traitement médicamenteux, un bulletin de paie d’août 2018 établi par la société KENNEDY ST VICTOR l’employant en qualité de négociateur VRP depuis le 4 septembre 2017, son avis d’imposition sur les revenus de 2015 (70’570 euros de salaires), son avis d’imposition sur les revenus de 2016 (71’843 euros de salaires) son avis d’imposition sur les revenus de 2017 (65’803 euros de revenus), son avis d’imposition sur les revenus de 2018 (56’759 euros de revenus), son avis d’imposition sur les revenus de 2019 (60’724 euros de revenus), son avis d’imposition sur les revenus de 2020 (54’295 euros de revenus), et l’attestation du 24 février 2022 de Pôle emploi mentionnant le versement de l’allocation d’aide au retour à l’emploi depuis le 16 juillet 2017 et les indemnités versées en janvier 2022.

En considération des éléments versés sur son préjudice, de l’ancienneté du salarié de 6 dans l’entreprise et du montant de son salaire mensuel moyen brut (6388,66 euros sur les 12 derniers mois, outre le rappel d’heures supplémentaires alloué), la Cour accorde à Monsieur [U] [X] la somme brute de 60’000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul en réparation du préjudice matériel et du préjudice moral subis par le salarié.

Monsieur [U] [X] réclame également le paiement de la somme de 8000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire. Il fait valoir qu’il a été licencié sans demande d’explication au préalable, sur des motifs abusifs, attentatoires à sa réputation et probité.

Il produit l’attestation du 19 janvier 2023 de Monsieur [O] [K] [J], Président du groupe CONNEXION Immobilier, qui atteste de l’investissement et de l’esprit d’entreprise de Monsieur [X] salarié du groupe depuis le 4 septembre 2017, et les éléments médicaux déjà cités ci-dessus.

La nullité du licenciement et les circonstances ayant entouré cette mesure ont déjà été prises en compte par la Cour au titre de la réparation allouée ci-dessus. La Cour déboute Monsieur [X] de sa demande complémentaire d’indemnisation.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [U] [X] de ses demandes en paiement d’un complément de bonus 2016, de dommages-intérêts pour modification de son secteur d’activité en 2012, de dommages-intérêts pour doublement du secteur géographique en 2015 et de dommages-intérêts au titre des conditions brutales et vexatoires du licenciement, et sauf en ce qu’il a débouté la SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR de sa demande reconventionnelle au titre des frais irrépétibles,

Statuant à nouveau sur les points infirmés,

Déclare la convention de forfait jours inopposable à Monsieur [X],

Dit que le licenciement du salarié est nul,

Condamne la SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR à payer à Monsieur [U] [X] les sommes suivantes :

– 21’780 euros au titre des heures supplémentaires et de la contrepartie obligatoire en repos,

– 2178 euros au titre des congés payés y afférents,

– 3000 euros à titre de dommages-intérêts pour dépassement de la durée maximale de travail,

– 1500 euros à titre de dommages-intérêts pour privation du repos quotidien,

– 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’arrêt de travail pour maladie,

– 60’000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

Dit que les sommes allouées de nature salariale produiront des intérêts au taux légal à compter de la citation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes de Marseille, soit à compter du 25 août 2017, et que les sommes allouées de nature indemnitaire produiront des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, avec capitalisation des intérêts conformément à la loi,

Condamne la SA PARFUMS CHRISTIAN DIOR aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Monsieur [U] [X] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

 


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