SOC.
HA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 mars 2023
Rejet non spécialement motivé
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10195 F
Pourvoi n° Q 21-20.705
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MARS 2023
M. [D] [I], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-20.705 contre l’arrêt rendu le 26 mars 2021 par la cour d’appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l’opposant à la société Frans Bonhomme, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7], venant aux droits de la société Distribution de matériaux pour travaux publics, défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations écrites de Me Bouthors, avocat de M. [I], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Frans Bonhomme, après débats en l’audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, M. Pion, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Il est donné acte à la société Frans Bonhomme de sa reprise d’instance.
2. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
3. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [I] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour M. [I]
M. [I] reproche à l’arrêt attaqué d’avoir dit que son licenciement pour insuffisance professionnelle était fondé sur une cause réelle et sérieuse et de l’avoir par conséquent, débouté de l’ensemble de ses demandes ;
aux motifs propres que : « Sur le licenciement verbal : Par application de l’article 1232-6 du code du travail, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec accusé de réception comportant l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur qui ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l’entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué. Ainsi, un licenciement verbal conduit à considérer celui-ci dépourvu de cause réelle et sérieuse étant précisé que ce dernier ne peut être régularisé par l’envoi postérieur d’une lettre de rupture. A titre principal, Monsieur [I] a soutenu avoir été licencié verbalement le 25 mai 2016, l’employeur l’ayant empêché de travailler postérieurement à cette date en lui précisant que s’il se rendait à l’agence de [Localité 2], il en serait mis dehors manu militari par son supérieur hiérarchique. La société D.M.T.P a formellement contesté avoir licencié verbalement Monsieur [I] le 25 mai 2016 alors que la direction ne lui avait adressé aucune interdiction de se présenter au sein de l’agence dont ce dernier avait conservé les clés plusieurs mois après son départ de l’entreprise, que si une dispense d’activité était bien intervenue à cette date, il s’agissait d’une décision prise d’un commun accord, décision qui n’avait pas été annoncée aux autres salariés de l’agence de [Localité 2] avant le départ de Monsieur [I]. Il résulte des pièces n°35 et 36 produites par Monsieur [I] qu’à la suite d’une réunion du 25 mai 2016 tenue en présence de Monsieur [F], chef de site Nord, responsable hiérarchique du salarié et de Madame [L], directrice des ressources humaines, cette dernière lui a adressé une lettre transmise par voie électronique ainsi libellée :
« Pour faire suite à notre entretien de ce matin qui s’est déroulé en présence de votre supérieur hiérarchique nous vous confirmons notre décision de vous dispenser d’activité à compter de ce jour. Cette dispense n’aura aucune incidence sur votre rémunération. Je ne manquerai pas de revenir vers vous fin de semaine prochaine pour faire un point sur les opportunités actuellement vacantes au sein du groupe ». Préalablement à ce courrier, Monsieur [I] ne conteste pas avoir été rendu destinataire le 12 mai 2016, à l’issue d’une réunion organisée avec Monsieur [F] d’une lettre de ce dernier lui rappelant : « Nous nous sommes vus régulièrement à compter de janvier 2016 pour faire le point sur le fonctionnement de l’agence. Face à tes difficultés pour appréhender le métier et les outils, j’ai décidé de déléguer à compter du 29 février 2016 Monsieur [R] de l’agence de [Localité 6] pour venir t’apporter son soutien pendant plusieurs semaines. Le mercredi 9 mars nous avons fait ensemble un bilan que j’ai ensuite formalisé par un message électronique le 17 mars. Je te confirmais mon inquiétude quant à tes capacités à occuper conformément à nos attentes, le poste de chef d’agence. Les semaines qui viennent de s’écouler ont confirmé ce sentiement puisque lors de ma visite à l’agence le 10 mai, je n’ai perçu aucun signe d’amélioration, ni vis-à-vis de l’équipe, des clients des fournisseurs », se terminant sur la proposition suivante (« Dans ce contexte, nous avons évoqué un changement de poste qui pourrait intervenir soit dans le cadre d’une mutation au sein de DMTP ou d’une autre enseigne du Groupe. Tu m’as précisé le lendemain la zone géographique (30 km autour de [Localité 3]) avec des conditions salariales identiques ». Seul Monsieur [P] affirme au profit de Monsieur [I] en pièce n° 60 « qu’il n’a plus jamais revu Monsieur [I] au sein de l’agence à partir de la date du 25 mai 2016….A cette époque, Monsieur [F] avait souhaité rencontrer rapidement le personnel de l’agence pour annoncer le non retour formel de Monsieur [I] tout en désignant Monsieur [R] dans le poste de chef d’agence. De plus, Monsieur [F] nous a demandé de le prévenir au cas où Monsieur [I] venait à se présenter et de lui interdire « manu militari » l’accès aux entrepôts et aux bureaux », cet unique témoignage étant utilement contredit par celui de Madame [O] (pièce n° 33) indiquant « n’avoir jamais entendu P. [F] tenir des propos tel que « le sortir de l’agence manu militari »…précisant qu’aucune réunion n’a eu lieu afin de nous annoncer que Monsieur [I] n ‘était plus chef d’agence et n’avoir été informée du départ de Monsieur [I] qu’à la suite de son licenciement » le témoignage de Madame [X] attestant dans le même sens ayant cependant une portée probatoire limitée en raison du conflit l’ayant opposée à Monsieur [I]. En outre, Monsieur [I] ne verse aux débats aucun élément contredisant la lettre recommandée avec accusé de réception que lui a adressé la société D.M.T.P. le 17 octobre 2016 constatant « à ce jour, vous n’avez toujours pas pris contact avec Monsieur [F] pour restituer le matériel qui appartient à l’entreprise et que vous avez encore en votre possession : voiture, téléphone, clef de l’agence et clef du volet ». Il se déduit de l’ensemble de ses pièces que si Monsieur [I] a effectivement été dispensé d’activité durant plusieurs semaines avant l’engagement de la procédure de licenciement, l’inexécution de l’obligation de lui fournir du travail engageait la responsabilité contractuelle de l’employeur et autorisait le salarié à prendre acte de la rupture de son contrat de travail ou à en demander la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur ce qu’il n’a pourtant pas fait, cette dispense d’activité ne pouvant s’analyser en un licenciement verbal à compter du 25 mai 2016 alors que le salarié, était demeuré en possession des clés de l’agence de [Localité 2], et n’a démontré ni qu’il avait effectivement été empêché de se rendre dans les locaux de l’agence à compter ce cette date ni que son départ avait été annoncé aux autres salariés avant même son licenciement. En conséquence, il convient de confirmer les dispositions du jugement entrepris ayant débouté Monsieur [I] de sa demande tendant à voir constater son licenciement verbal. Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement : L’article L. 123 2-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse revêtant une certaine gravité rendant impossible, sans dommages pour l’entreprise, la continuation du contrat de travail et nécessaire le licenciement. Si l’appréciation de l’insuffisance professionnelle relève en principe du seul pouvoir de direction de l’employeur, elle ne le dispense pas par application des dispositions de l’article susvisé d’invoquer des faits objectifs, précis et matériellement vérifiables. La lettre de licenciement retenant l’insuffisance professionnelle de Monsieur [I] est rédigée dans les termes suivants : « Vous occupez les fonctions de chef d’agence à [Localité 2] depuis le 1er septembre 2015. Nous avons mis en oeuvre tous les moyens nécessaires pour vous accompagner dans votre prise de poste. Ainsi, entre le 1er et le 25 septembre, vous avez suivi un programme d’intégration qui vous a permis de découvrir le métier de chef d’agence auprès de collègues des agences de [Localité 6] et [Localité 4]. Vous avez, par la suite, rencontré le contrôleur d’exploitation (deux jours), la Responsable approvisionneur site (une demi-journée), le Crédit Manager (une demi-journée), la responsable administrative site (une demi-journée) et la responsable du RAAF (Rapprochement Administratif des Facteurs Fournisseurs) (une demi-journée). Des le mois de janvier 2016, nous avons malheureusement constaté de votre part une incapacité à prendre la mesure de votre poste se traduisant par de sérieuses insuffisances dans l’exécution de vos missions professionnelles. Dans le cadre de vos fonctions de chef d’agence, il vous appartient notamment de mettre en place des actions commerciales et de jouer un rôle moteur dans la prospection et le développement de la clientèle. Or, a l’occasion d’une réunion dédiée à la finalisation de la présentation du budget, le 6 janvier 2016, votre supérieur hiérarchique, Monsieur [F], a constaté que vous n’aviez pas encore fait la connaissance des principaux clients de l’agence. Le lundi 25 janvier 2016, Monsieur [F] s’est déplacé sur l’agence de [Localité 2] pour faire un point sur votre activité. Dès le lendemain, il vous a demandé de travailler sur un planning prévisionnel de prospection et d’actions commerciales. En dépit de ses multiples relances, vous ne lui avez jamais transmis ce document. Alarmé par votre inertie et les alertes des clients et des collaborateurs sur les déficiences de l’organisation commerciale de l’agence, Monsieur [F] vous a de nouveau rencontré le 9 mars 2016 à l’agence ale [Localité 2], pour vous rappeler la nécessité de visiter les clients de l’agence dans les meilleurs délais. Monsieur [F] a confirmé le contenu de vos échanges dans le cadre d’un courrier électronique du l7 mars 2016, par lequel il vous a, par ailleurs, informé qu’un nouveau point serait fait sur votre activité le 29 mars 2016. Le détachement au sein de l’agence de [Localité 2] de Monsieur [R], Adjoint du chef d’agence de [Localité 5], à compter du 29 février 2016, devait vous permettre de dégager du temps pour visiter les clients en l’absence de votre commercial, Monsieur [E], arrêté pour maladie à compter du 1er février 2016. Toutefois, dans le cadre du point réalisé le 29 mars 2016, Monsieur [F] a constaté que vous n ‘aviez visité que quelques clients et que vous n ‘aviez rédigé aucun rapport, ni fait aucun retour auprès de votre équipe sur les résultats de vos démarches et ce alors même que Monsieur [E] avait été absent, ce qui aurait du vous pousser à renforcer votre présence commerciale sur le terrain. Nous avons ainsi fait le constat alarmant qu’après 7 mois dans vos fonctions, et en dépit des multiples rappels à l’ordre de votre supérieur hiérarchique, vous ne connaissiez toujours pas tous les clients de l’agence, ce qui est inacceptable au regard du contenu de votre poste. Dans le cadre de vos fonctions, il vous appartient, par ailleurs, de superviser le personnel de l’agence et, en particulier, d’encadrer l’équipe commerciale. A ce titre, vous devez notamment veiller au maintien d’un climat de travail serein. Or, nous avons été amenés a déplorer une ambiance de travail dégradée et des tensions au sein de l’agence de [Localité 2]. Vous avez vainement tenté de justifier ces tensions par le comportement d’une salariée de l’agence, Madame [X] laquelle a été bien évaluée par vos soins, à l’occasion de son entretien d’évaluation, peu de temps auparavant. Or, les échanges réalisés par Monsieur [F] avec les salariés de l’agence au mois de mai ont confirmé que la dégradation du climat de travail était essentiellement liée a votre manque d’implication dans les dossiers et vos carences dans l’animation de l’équipe commerciale. Nous avons, à plusieurs reprises, tenté d’échanger avec vous pour comprendre les causes de ces dysfonctionnements. Or, vous avez refusé de vous remettre en cause en persistant à répéter que l’absence de formation sur le logiciel Vega et le manque d’accompagnement ne vous avaient pas permis d’appréhender votre poste de chef d’agence. Nous avons été surpris par cette argumentation compte tenu du programme d’intégration et de l’accompagnement ultérieur particulièrement poussé dont vous avez bénéficié depuis septembre 2015 et de la période durant laquelle vous avez eu tout le loisir d’appréhender le logiciel Vega avec les vendeurs. Nous tenons également à rappeler que vous aviez la possibilité de suivre les modules de formation dédiés à l’outil Vegasur une plate-forme du e-learning et que vous avez bénéficié du support de Monsieur [Z], contrôleur d’exploitation, jusqu’en décembre 2015 et de Monsieur [R], dès le 29 février 2016, qui étaient à votre disposition pour vous donner toutes les explications utiles sur le fonctionnement de ce logiciel, dont le maniement est aisé et qui est utilisé au quotidien par tous les salariés. Or, dans votre métier de chef d’agence, il est primordial d’être autonome dans les différents actes commerciaux courants (commandes, devis, bons de livraison…). Vis-à-vis de votre équipe, ce savoir-faire assoie votre crédibilité et vous permet de comprendre et de contrôler les tâches exécutées par vos collaborateurs. Le bilan de notre entretien du 14 juin a confirmé que vous n’avez pas pris la mesure de votre poste et votre incapacité à vous remettre en cause, de sorte que la poursuite de nos relations contractuelles apparaît irrémédiablement compromise. Dans ces conditions, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement ». Il a ainsi été reproché à Monsieur [I], malgré les mesures d’accompagnement et les formations théoriques et pratiques dont il a bénéficié de :
– ne pas avoir mises en place les actions commerciales de développement de la clientèle,
– ne pas avoir supervisé le personnel de l’agence et l’encadrement de l’équipe commerciale.
Monsieur [I] a fait valoir de manière liminaire qu’il avait donné entière satisfaction à son employeur, qu’il n’avait pas bénéficié d’une formation notamment sur le logiciel Vega, d’un accompagnement et de moyens suffisants pour faire face à sa nouvelle fonction de chef d’agence dans un contexte de surcharge de travail et de difficultés rencontrées par l’ensemble des agences du Nord. A titre subsidiaire, il a affirmé que la société D.M.T.P n’avait pas démontré l’insuffisance professionnelle reprochée alors qu’il avait été privé de la présence de son commercial pendant de nombreuses périodes au cours des mois de novembre et décembre 2015, que durant cette même période, il avait suivi ses dossiers et rempli les missions inhérentes à ses fonctions, ayant mis en oeuvre le plan d’action sollicité par son supérieur hiérarchique dans son courriel du 17 mars 2016, qu’il n’avait pas été soutenu par sa hiérarchie qui avait pris fait et cause pour Madame [X] qui était à l’origine du climat délétère volontairement entretenu dans l’agence de [Localité 2] alors que lui-même l’avait sanctionnée en lui adressant un avertissement le 8 février 2016, le mail adressé par Monsieur [P] à Monsieur [C], ancien directeur de l’agence de [Localité 2] en décembre 2015 pour se plaindre du comportement de Monsieur [I] ne pouvant être retenu alors que ce salarié avait ultérieurement témoigné à son profit. La société D.M.T.P. a insisté sur le fait qu’en dépit de l’accompagnement personnalisé privilégié et des formations dont Monsieur [I] avait bénéficié dès sa prise de fonction afin de lui permettre d’être opérationnel à son poste de chef d’Agence d’une agence de taille moyenne ayant bénéficié chaque année de travaux de rénovation, constituée d’une équipe expérimentée, elle avait déploré des insuffisances professionnelles incompatibles avec les missions de celui-ci relatives aux actions commerciales et au développement de la clientèle ainsi qu’à la supervision du personnel de l’agence et l’encadrement de l’équipe commerciale qu’elle démontrait par les pièces produites. Il résulte de la fiche de poste détaillant les missions d’un chef d’agence (pièce n° 8 de l’employeur) qu’il incombe notamment à ce dernier d’être « personnellement au contact des clients », «d’assurer un rôle commercial », de « suivre lui-même certains clients », de « suivre et de manager les encours clients dans le cadre du service crédit » « d’assurer une veille concurrentielle », de « gérer son équipe », « d’être le relais de l’information auprès de son équipe en animant les réunions mensuelles », « d’assurer au quotidien le management de la démarche QSE ». Or, alors que la société D.M.T.P. établit avoir fait bénéficier Monsieur [I] d’une période d’adaptation de quatre semaines en septembre 2015 afin de lui permettre de se familiariser avec ses nouvelles fonctions de chef d’agence, période comportant une formation théorique (pièce n° 42) et pratique en agence auprès de deux autres chef d’agence dont Monsieur [C], précédent chef de l’agence de [Localité 2] (pièce n° 24), que cet accompagnement s’est poursuivi durant tout le dernier trimestre 2015 par la présence chaque vendredi de Monsieur [Z], contrôleur d’exploitation, (pièce n° 30), qu’il a été donné la possibilité au salarié de parfaire sa formation relative au fonctionnement du logiciel Vega en e-leaming sans qu’il ne s’en saisisse (pièce n° 20), Monsieur [I] n’établit pas avoir répondu aux attentes légitimes de l’employeur en mettant en place les actions commerciales et le développement de la clientèle sollicitée. En effet, si Monsieur [I] établit l’absence partielle de Monsieur [E], seul chargé de clientèle de l’agence de [Localité 2] (pièce n° 14) en arrêt maladie plusieurs jours durant le dernier trimestre 2015 (pièce N° 21) et à compter du mois de février 2016, pour autant au regard des missions qui lui étaient confiées il lui appartenait également de rencontrer et de suivre la clientèle commerciale et d’en faire retour aux autres salariés de l’agence alors que la société D.M.T.P. démontre avoir missionné Monsieur [R], adjoint de l’agence de [Localité 6] (pièces n° 18 et 25) début mars 2016 pour une durée indéfinie en soutien de Monsieur [I] dans ses fonctions de chef d’agence, sans que l’arrivée de ce dernier n’ait eu l’effet escompté en terme d’implication de Monsieur [I] dans le développement de la clientèle pas plus que dans le management de son équipe. La cour relève en effet que, malgré le soutien apporté, Monsieur [I] ne verse aux débats aucun élément établissant qu’il ait effectivement mis en oeuvre le plan d’action urgent sollicité par son n+1 notamment début mars (2016) dont la prise en main de l’outil informatique Vega, la dynamisation dans la prise d’affaires commerciales, le management de l’équipe alors que M. [F] lui avait fait part de ses inquiétudes quant à sa capacité à mener à bien les missions confiées dès le mois de janvier 2016, la fin de l’année 2015 ayant été marquée par un investissement de sa part dans l »inventaire jugé insuffisant (pièce n° 30) et que Monsieur [I] ne démontre pas avoir répondu aux demandes réitérées de son supérieur concernant ses visites indispensables à la clientèle (pièces n° 16, 17) alors qu’il n’a été en mesure de produire que deux témoignages de clients (pièces n° 46 et 53) l’ayant rencontré durant l’absence de Monsieur [E] sur la centaine de clients de l’agence de [Localité 2] (pièce n° 11), les nombreuses autres attestations versées aux débats concernant son activité professionnelle antérieure, que l’examen des notes de frais de frais de mai et juin versées aux débats par l’employeur (n° 12) établit que ce dernier déjeunait la plupart du temps avec ses collègues et non avec des clients et que l’employeur justifie d’une nette diminution du chiffre d’affaires de cette même agence en 2015 et 2016. Par ailleurs, si la dégradation de l’ambiance de travail a bien été constatée début mai 2016 par M. [F] qui indique avoir été contraint de rencontrer les salariés de l’agence de manière individuelle, il n’est pas établi par les pièces produites, contrairement aux allégations de Monsieur [I], que celle-ci soit imputable à Madame [X] alors que les commentaires peu amènes figurant sur les réseaux sociaux à propos de Monsieur [I], de surcroît en faisant usage d’un surnom, ne lui étaient pas adressés directement et que si cette dernière avait effectivement fait l’objet d’une mise en garde de la part de Monsieur [I] le 2 février 2016 (pièce n° 23), le motif en était une absence injustifiée et non une difficulté de comportement alors que l’évaluation annuelle de celle-ci réalisée par le salarié le 26 avril 2016 (pièce n° 19) ne contenait aucune critique à son encontre relativement à son comportement au sein de l’agence et à sa responsabilité dans la dégradation avérée de l’ambiance en sorte que Monsieur [I] ne peut valablement soutenir avoir manqué du soutien de sa hiérarchie, l’employeur ayant établi en revanche, sans que la cour ne retienne le courriel litigieux de Monsieur [P] adressé à Monsieur [C] (pièce n° 34), un manque d’encadrement de l’équipe commerciale (pièces n° 19, 22, 25 et 39). L’insuffisance professionnelle alléguée par la société D.M.T.P.détaillée dans la lettre de licenciement rendant impossible la poursuite de la relation de travail étant ainsi établie, la cour, à l’instar des premiers juges, considère le licenciement de Monsieur [I] fondé sur une cause réelle et sérieuse et confirme les dispositions du jugement entrepris ayant débouté Monsieur [I] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif.» (arrêt attaqué p. 3 à 9) ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges que : « Sur le licenciement verbal : « ( ) que Monsieur [D] [I] a été mis en disponibilité avec dispense d’activité. ( ) que Monsieur [D] [I] a été rémunéré tout au long de sa dispense de travail. ( ) qu’une mise en disponibilité ne constitue pas un processus de licenciement suivant les dispositions de l’article L. 1232-6 du Code du travail. Que dès lors, le salarié doit être débouté de sa demande visant à voir constater son licenciement verbal ; Sur l’insuffisance professionnelle : ( ) que par courrier recommandé avec avis de réception du 23 juin 2016, la Société D.M.T.P a notifié à Monsieur [D] [I] son licenciement pour insuffisance professionnelle dans les termes suivants : « Vous occupez les fonctions de chef d’agence à [Localité 2] depuis le 1er septembre 2015. Nous avons mis en oeuvre tous les moyensnécessaires pour vous accompagner dans votre prise de poste. Ainsi, entre le 1er et le 25 septembre, vous avez suivi un programme d’intégration qui vous a permis de découvrir le métier de chef d’agence auprès de collègues, des agences de [Localité 6] et [Localité 4]. Vous avez, par la suite, rencontré le contrôleur d’exploitation (deux jours), la Responsable approvisionneur site (une demie-journée), le Crédit Manager (une demie-journée), la responsable administrative site (une demi-journée) et la responsable du RAAF (Rapprochement Administratif des Facteurs Fournisseurs) (une demi-journée). Dès le mois de janvier 2016, nous avons malheureusement constaté de votre part une incapacité à prendre la mesure de votre poste se traduisant par de sérieuses insuffisances dans l’exécution de vos missions professionnelles. Dans le cadre de vos fonctions de chef d’agence, il vous appartient notamment de mettre en place des actions commerciales et de jouer un rôle moteur dans la prospection et le développement de la clientèle. Or, à l’occasion d’une réunion dédiée à la finalisation de la présentation du budget, le 6 janvier 2016, votre supérieur hiérarchique, Monsieur [F], a constaté que vous n’aviez pas encore fait la connaissance des principaux clients de l’agence. Le lundi 25 janvier 2016, Monsieur [F] s’est déplacé sur l’agence de [Localité 2] pour faire un point sur votre activité. Dès le lendemain, il vous a demandé de travailler sur un planning prévisionnel de prospection et d’actions commerciales. En dépit de ses multiples relances, vous ne lui avez jamais transmis ce document. Alarmé par votre inertie et les alertes des clients et des collaborateurs sur les déficiences de l’organisation commerciale de l’agence. Monsieur [F] vous a de nouveau rencontré le 9 mars 2016 à l’agence de [Localité 2], pour vous rappeler la nécessité de visiter les clients de l’agence dans les meilleurs délais. Monsieur [F] a confirmé le contenu de vos échanges clans le cadre d’un courrier électronique du 17 mars 2016, par lequel il vous a, par ailleurs, informé qu’un nouveau point serait fait sur votre activité le 29 mars 2016. Le détachement au sein de l’agence de [Localité 2] de Monsieur [R], Adjoint du chef d’agence de [Localité 5], à compter du 29 février 2016, devait vous permettre de dégager du temps pour visiter les clients en l’absence de votre commercial, Monsieur [E], arrêté pour maladie et compter du 1er février 2016. Toutefois, dans le cadre du point réalisé le 29 mars 2016, Monsieur [F], a constaté que vous n’aviez visité que quelques clients et que vous n’aviez rédigé aucun rapport, ni fait aucun retour auprès de votre équipe sur les résultats de vos démarches et ce alors même que Monsieur [E] avait été absent, ce qui aurait dû vous pousser à renforcer votre présence commerciale, sur le terrain. Nous avons ainsi fait le constat alarmant qu’après 7 mois dans vos fonctions, et en dépit des multiples rappels à l’ordre de votre supérieur hiérarchique, vous ne connaissiez toujours pas tous les clients de l’agence, ce qui est inacceptable au regard du contenu de votre poste. Dans le cadre de vos fonctions, il vous appartient, par ailleurs, de superviser le personnel de l’agence et, en particulier, d’encadrer l’équipe commerciale. A ce titre, vous devez notamment veiller au maintien d’un climat de travail serein. Or, nous avons été amenés à déplorer une ambiance de travail dégradée et des tensions au sein de l’agence de [Localité 2]. Vous avez vainement tenté de justifier ces tensions par le comportement d’une salariée de l’agence, Madame [X] laquelle a été bien évaluée par vos soins, à l’occasion de son entretien d’évaluation, peu de temps auparavant. Or, les échanges réalisés par Monsieur [F] avec les salariés de l’agence au mois de mai ont confirmé que la dégradation du climat de travail était essentiellement liée à votre manque d’implication dans les dossiers et vos carences dans l’animation de l’équipe commerciale. Nous avons, à plusieurs reprises, tenté d’échanger avec vous pour comprendre les causes de ces dysfonctionnements. Or, vous avez refusé de vous remettre en cause en persistant à répéter que l’absence de formation sur le logiciel Vega et le manque d’accompagnement ne vous avaient pas permis d’appréhender votre poste de chef d’agence. Nous avons été surpris par cette argumentation compte tenu du programme d’intégration et de l’accompagnement ultérieur particulièrement poussé dont vous avez bénéficié depuis septembre 2015 et de la période durant laquelle vous avez eu tout le loisir d’appréhender le logiciel Vega avec les vendeurs. Nous tenons également à rappeler que vous aviez la possibilité de suivre les modules de formation dédiés à l’outil Vega sur une plate-forme de e-learning et que vous avez bénéficié du support de Monsieur [Z], contrôleur d’exploitation, jusqu’en décembre 2015 et de Monsieur [R], dès le 29 février 2016, qui étaient à votre disposition pour vous donner toutes les explications utiles sur le fonctionnement de ce logiciel, dont le maniement est aisé et qui est utilisé au quotidien par tous les salariés.Or, dans votre métier de chef d’agence, il est primordial d’être autonome dans les différents actes commerciaux courants (commandes, devis, bons de livraison…). Vis-à-vis de votre équipe, ce savoir-faire assoie votre crédibilité et vous permet de comprendre et de contrôler les tâches exécutées par vos collaborateurs. Le bilan de notre entretien du 14 juin a confirmé que vous n’avez pas pris la mesure de votre poste et votre incapacité à vous remettre en cause, de sorte que la poursuite de nos relations contractuelles apparaît irrémédiablement compromise. Dans ces conditions, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement. La date de première présentation de cette lettre marquera le point de départ de votre préavis de 3 mois, que nous vous dispensions d’effectuer, mais qui vous sera rémunéré normalement ». ( ) que l’appréciation de l’insuffisance professionnelle d’un salarié relève en principe du seul pouvoir de direction de l’employeur mais ce dernier doit, en tout état de cause, invoquer des faits objectifs, précis, vérifiables. Que pour que les mauvais résultats constituent un motif réel et sérieux du licenciement d’un salarié, il faut que celui-ci se soit vu fixer des objectifs commerciaux. ( ) que des manquements professionnels réitérés lorsqu’ils manifestent une incapacité persistante du salarié à exécuter normalement les activités attachées à sa fonction, peuvent constituer une cause réelle et sérieuse justifiant la rupture du contrat de travail, si l’employeur établit en outre que les défaillances relevées sont de nature à nuire sérieusement à la bonne marche de l’entreprise. ( ) qu’en l’espèce, la lettre de licenciement est suffisamment motivée ; Qu’à l’appui de ses motivations, la Société D.M.T.P amène des éléments de preuve. ( ) que Monsieur [D] [I] a bénéficié d’une formation conséquente avec un accompagnement d’intégration. ( ) qu’il résulte des éléments analysés ci-dessus que l’insuffisance professionnelle de Monsieur [D] [I] est établie et que son licenciement pour ce motif est fondé sur une cause réelle et sérieuse ; Qu’il convient en conséquence de le débouter de sa demande de dommages et intérêts à ce titre. »
1°) alors que, premièrement, fait l’objet d’un licenciement verbal qui malgré son irrégularité a pour effet de rompre le contrat de travail sans que la procédure de licenciement puisse être régularisée par la suite, le salarié auquel est refusé par l’employeur, en l’absence de mise à pied, toute activité au sein de l’entreprise, ce qui induit nécessairement son absence qu’il ait ou non gardé les clés de l’établissement; qu’ au cas présent, la cour d’appel ne pouvait exclure le licenciement verbal de Monsieur [I] après avoir elle-même constaté qu’avant d’engager une apparente procédure de licenciement, il avait été unilatéralement dispensé de tout activité pendant plusieurs semaines au sein de l’agence (arrêt attaqué p. 5, § 2), aux motifs inopérants que M. [I] n’avait pas pris acte de la rupture de son contrat de travail et était demeuré en possession des clefs sans violer les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail ;
2°) alors que deuxièmement, en toute hypothèse, pour dire le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [I] fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d’appel ne pouvait retenir à son encontre un manque d’implication dans le développement de la clientèle quand il était établi que M. [I] avait pris la tête d’une agence en sous-effectif, son supérieur hiérarchique M. [F] ayant lui-même indiqué par mail du 26 février 2016, que l’agence se trouvait « confronté(e) à « devoir pallier (à) l’absence de l’ATC (attaché technico-commercial) pendant une durée indéterminée à ce jour, ainsi qu’à l’absence ponctuelle de la TCA (Technico-commercial Agence) » ; qu’en statuant ainsi sans rechercher si M. [I], privé de son commercial pendant plusieurs mois, ainsi qu’elle l’avait elle-même reconnu (arrêt attaqué p. 8, § pénultième), disposait des moyens de faire face à la lourde charge de travail qui lui était assignée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 6321-1 du code du travail ;
3°) alors que troisièmement, et en tout état de cause, un licenciement pour insuffisance professionnelle doit être fondé sur des faits objectifs, précis et vérifiables ; que pour dire le licenciement de M. [I] fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d’appel ne pouvait retenir sa responsabilité dans la dégradation de l’ambiance au sein de l’agence en excluant celle de Mme [X] dont il était pourtant établi et constaté qu’elle avait tenu des « commentaires peu amènes sur les réseaux sociaux à propos de M. [I] » et « avait effectivement fait l’objet d’une mise en garde de la part de M. [I] le 2 février 2016 », (arrêt attaqué p. 9, § 2) sans rechercher , comme elle y était invitée, (conclusions d’appel de M. [I] p. 5, § 4) si loin de la sanctionner, la société DMTP n’avait pas tout au contraire, permis le maintien de cette dégradation en prenant fait et cause pour sa salariée en lui accordant ultérieurement une promotion en la nommant responsable commerciale, sans priver privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1232-1 du code du travail ;
4°) alors que, enfin, les juges doivent analyser, même sommairement, les pièces sur lesquelles ils se fondent ; qu’en se fondant sur les seules « pièces n° 19, 22, 25 et 39 », sans les avoir analysées même succinctement pour retenir à l’encontre de M. [I] un manque d’encadrement de l’équipe commerciale et dire son licenciement pour insuffisance professionnelle fondée sur une cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile.
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