Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 15 MARS 2023
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/01351 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBOSO
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F18/03120
APPELANTE
Madame [R] [D]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Daniel RAVEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : B1024
INTIMEE
Société TARA JARMON venant aux droits de la Société UNIFORM elle-même venant aux droits de la Société TARA JARMON OUTLETS
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Karine MIGNON-LOUVET, avocat au barreau de PARIS, toque : L120
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Véronique MARMORAT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Véronique MARMORAT, présidente
Madame Fabienne ROUGE, présidente
Madame Anne MENARD, présidente
Lors des débats : Madame Sarah SEBBAK, greffière en préaffectation sur poste
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Véronique MARMORAT, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [R] [D], née le 12 août 1959, a été embauchée le 16 octobre 2008 par la société Tara Jarmon Outlets ayant comme activité le commerce de détail d’habillement en magasin spécialisé en qualité de responsable de la boutique de [Localité 5] se trouvant dans le centre commercial Marques Avenue, statut cadre, catégorie B ayant une rémunération moyenne brute égale à la somme de 2 363,80 euros.
Le médecin du travail rendait le 20 juillet 2016 l’avis suivant ‘inapte danger immédiat. Inaptitude définitive à tout poste dans l’entreprise à effet immédiat pour raison de danger. Une seule visite. L’état actuel ne me permet pas de proposer d’aptitude restante’ et précisait le 3 août 2016 à l’employeur que ses préconisations consistaient à ‘un poste sans la vente, sans responsabilité, dans un autre site et pas trop éloigné de son domicile’.
Le 26 août 2016, madame [D] a été licenciée pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement.
La salariée a saisi le Conseil des prud’hommes de Paris une première fois le 29 juillet 2016. Cette affaire sera radiée 27 novembre 2017 pour défaut de diligence et saisira, une nouvelle fois, cette juridiction le 20 avril 2018 en nullité ou en contestation de licenciement et en diverses demandes indemnitaires et salariales.
Par jugement du 20 janvier 2020, le Conseil de prud’hommes de Paris a condamné la société Tara Jarmon Outlets à verser à madame [D] les sommes suivantes :
titre
somme en euros
compléments de salaires maladies
congés payés afférents
4 404,00
440,40
salaire pour le mois d’août 2016
congés payés afférents
163,00
16.30
indemnité de licenciement
442,45
article 700 du code de procédure civile
1 000,00
Il a débouté madame [D] du surplus de ses demandes et la société Tara Jarmon Outlets de l’intégralité de ses demandes.
Madame [D] a interjeté appel de cette décision le 13 février 2020 portant uniquement sur les demandes rejetées par le Conseil des prud’hommes .
Par conclusions signifiées par voie électronique le 28 février 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, madame [D] demande à la cour de dire qu’elle est recevable et bien fondée, d’infirmer le jugement du 20 janvier 2020 et de
Annuler les avertissements de juillet 2013 et de janvier 2016
Condamner Tara Jarmon Outlets à lui verser les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine et anatocisme :
Titre
Somme en euros
heures supplémentaires
congés payés afférents
13 364,00
1 336,00
dommages et intérêts pour non respect de la pause après 6 heures de travail à partir de la lettre de dénonciation du harcèlement
5 000,00
A titre principal sur la nullité du licenciement pour harcèlement moral :
Titre
Somme en euros
dommages et intérêts pour préjudice moral
30 000
nullité du licenciement
50 000
A titre subsidiaire :
Titre
Somme en euros
indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
20 000
indemnité compensatrice de préavis
congés payés afférents
8 040,00
804,00
non respect de l’obligation de santé et de sécurité
20 000
dissimulation partielle d’emploi salarié
16 080
En tout état de cause
Condamner la société Tara Jarmon Outlets aux dépens et à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Ordonner à la société Tara Jarmon Outlets de lui remettre les documents sociaux conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document, la cour se réservant la liquidation de l’astreinte.
Dans ses conclusions, signifiées par voie électronique le 30 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Tara Jarmon venant aux droits de la société Uniform venant elle-même aux droits de la société Tara Jarmon Outlets demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sur tous les points pour lesquels il a débouté madame [D] de ses demandes, l’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Tara Jarmon Outlets à régler à madame [D] les diverses sommes et, statuant de nouveau, de rejeter l’intégralité des demandes de madame [D], de la condamner aux dépens et à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement des articles 32-1 et 680 du code de procédure civile et celle de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
Sur l’exécution du contrat de travail
Sur les sanctions disciplinaires
Principe de droit applicable :
Aux termes des articles L 1333-1 et L 1333-2 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
Selon l’article L 1333-4 du même code, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
L’article L 1132-4 précise que toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en méconnaissance des dispositions du chapitre consacré au principe de la non discrimination du code du travail est nul.
Application en l’espèce
Sur l’avertissement du 2 juillet 2013
La société Tara Jarmon reproche à madame [D] d’avoir autorisé l’une des vendeuses de sa boutique de prendre un congé sans solde à compter du 1er juillet 2013 alors que la première semaine de solde n’était pas terminée, l’usage de l’entreprise étant de ne pas autoriser de congés avant le 15 juillet 2013 et d’avoir pris ses propres vacances en même temps que la vendeuse la plus expérimentée.
L’employeur fournit pour justifier cette mauvaise gestion des plannings, les modifications de plannings réels de juillet à septembre 2013 auxquelles madame [D] a procédé après cet avertissement.
Sur l’avertissement du 11 janvier 2016
La société Tara Jarmon reproche à madame [D] d’avoir formulé le 6 décembre 2015 une demande d’embauche pour un contrat à durée déterminée à temps partiel avec une prise de poste le 14 décembre sans y avoir noté les horaires, lesquels ne seront transmis que la veille ce qui a contraint l’employeur à lui transmettre en urgence le contrat le jour de l’embauche et de n’avoir fait signer que le contrat que 3 jours après tout en indiquant à cette salariée qu’elle entendait mettre fin à sa période d’essai le jour même en contrevenant ainsi aux règles sur les procédures de demande d’embauche rappelées par courriel du 20 septembre 2013.
Pour justifier cet avertissement, l’employeur fournit une chaîne de courriels établissant la tardiveté de la communication des horaires de travail de la salariée, le contrat de travail ayant été transmis le 14décembre à 13h35, ainsi que la lettre de rupture de la période d’essai du 16 décembre et la requête de celle-ci saisissant le Conseil des prud’hommes d’Evry.
La salariée estime cet avertissement injustifié dans la mesure où elle était en congé le 14 décembre et que la nouvelle vendeuse avait refusé de signer le contrat le 14 et le 15 décembre. Cette argumentation ne peut être retenue dans la mesure où d’une part il lui est reproché d’abord et surtout de n’avoir pas communiqué les horaires de travail en temps utile et que rien ne l’empêchait de prévoir la signature du contrat avant la prise de poste et qu’enfin, dans sa lettre de réclamation la nouvelle vendeuse en question explique que madame [D] n’est pas arrivée le mardi 15 mais le mercredi 16 décembre à 16 h soit après le délai de 24 heures.
En conséquence, il convient de rejeter les demandes d’annulation de madame [D].
Sur le harcèlement moral
Principe de droit applicable :
Selon les dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Enfin, l’article L. 1154-1 prévoit, qu’en cas de litige, si le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat, doit assurer la protection de la santé des travailleurs dans l’entreprise et notamment prévenir les faits de harcèlement moral.
Dès lors que de tels faits sont avérés, la responsabilité de l’employeur est engagée, ce dernier devant répondre des agissements des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur les salariés.
Aux termes de l’article L1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
Application en l’espèce
Madame [D] expose que le premier événement qui aurait entraîné des troubles anxio dépressifs serait l’avertissement du 2 juillet 2013 ainsi que le refus de la société Tara Jarmon Outlets d’accéder à sa demande de temps partiel formalisée le 28 octobre 2013 soit en proposant de ne pas travailler le mardi en dehors des périodes fortes activités, demande rejetée le 6 décembre 2013.
La salariée considère que ce harcèlement moral serait caractérisé en raison de :
de la dévalorisation de son travail par sa responsable régionale, madame [P], et de son agressivité verbale
de l’augmentation de sa charge de travail alors qu’elle avait demandé une diminution de celle-ci
de la caractérisation par la médecine du travail d’un burnout.
de l’absence de mesures (action ou prévention) prises par l’employeur après la caractérisation, par la médecine du travail, d’un burn out.
de l’annulation, du décalage de la prise de ces congés payés au dernier moment.
du manque du soutien apporté.
de la surcharge de travail, souvent sans aucun retour.
de l’absence d’enquête après sa dénonciation des faits de harcèlement moral.
Sur ce dernier point, l’employeur verse à la procédure le procès verbal de la réunion extraordinaire du comité d’entreprise en date du 18 février 2015 énumérant les diligences accomplies depuis la lettre de madame [D] dénonçant le harcèlement moral qu’elle subirait et ordonne une enquête. Celle-ci a été également versée aux débats. En conséquence, ce point ne peut être retenu.
Pour les autres éléments évoqués par la salariée, celle-ci produit plusieurs attestations de madame [J] dans lesquelles celle-ci relate notamment que madame [P] arrivait comme une « furie » et se serait d’avantage adressé à madame [G] qu’à madame [D] et que madame [P] aurait autorisé une arrivée en retard à une vendeuse sans en avertir madame [D], des échanges de courriels dans lesquels madame [D] parvient à obtenir pour une des vendeuses de son magasin un manteau compte tenu de son classement sur les meilleures ventes, des courriels récapitulant les manquements de madame [G], et ses entretiens d’évaluations, des courriels relatifs aux demandes de vacances de madame [D] et leur traitement, dont ceux relatifs à l’avertissement du 2 juillet 2013, le seul entretien professionnel d’évaluation de madame [D] du 9 novembre 2009, de nombreux courriels demandant au siège des moyens ou des conseils, une attestation de madame [S] indiquant que toute l’équipe avait travaillé pendant le week-end de Pâques sur un projet pour redynamiser les ventes, différents plans d’actions adressés à madame [P] sans qu’un retour ne soit donné par celle-ci, deux attestations de clientes faisant des remarques très positives sur les qualités de vendeuse de madame [D] et indiquant que celle-ci avait l’air soit épuisée ou en proie à une souffrance en travail sans relater aucun élément précis, les arrêts de travail de madame [D] ainsi que la lettre du médecin du travail du 24 novembre 2014 évoquant un burn out caractérise par un état anxio-dépressif nécessitant une prise en charge thérapeutique.
Certains de ces éléments comme l’absence d’entretien annuel depuis 2009, l’absence de reconnaissance de madame [P], l’immixtion de celle-ci dans la gestion du temps des salariés placés sous la responsabilité de madame [D] permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.
La société Tara Jarmon expose en premier lieu que les difficultés de gestion et d’élaboration des plannings rencontrés par madame [D] ne datent pas de l’arrivée de madame [P], en septembre 2011 et s’appuie sur l’entretien d’évaluation de 2009 mais aussi sur un courriel du 7 avril 2009 de l’ancienne directrice Retail qui pointe des incohérences dans les plannings, l’absence de détail sur les heures de récupérations, des problèmes de communication avec son adjointe et des indicateurs faussés.
Enfin et surtout l’employeur fournit le rapport d’enquête daté du 26 février 2016 élaboré à la suite du courrier de madame [D] signalant des faits de harcèlement moral du 6 février 2016 et ayant donné à une réunion extraordinaire du comité d’entreprise le 18 février 2015, portant les conclusions suivantes :
« (…) Il apparaît qu’aucun événement ressenti par madame [D] n’apporte la preuve des faits de harcèlement moral de la part de sa responsable, madame [P].
Il ressort néanmoins :
– un manque de reconnaissance de madame [D]
– une mauvaise interprétation de madame [D] d’éléments liés à la boutique
– un conflit entre madame [G] et madame [D]
Il est demandé à madame [D] de
– ne plus croire les allégations des uns et des autres et se laisser influencer
– ne plus se sentir dévaloriser par sa hiérarchie car il s’agit d’un ressenti inexact
– mettre en place une communication spontanée et fluide avec sa hiérarchie
– être attentive aux accusations qu’elle porte aussi bien à l’égard de son équipe que de sa responsable, car plusieurs se sont révélés fausses.
Une réunion de mise au point sur le fonctionnement de la boutique est fixée au mardi 10 mars 2015. »
Il produit également le compte-rendu de cette réunion du 10 mars 2015.
La cour considère que cette démarche active et mesurée de l’employeur pour répondre au mal-être exprimé par madame [D] a été adaptée et diligente. Enfin, aucun lien ne peut être fait entre l’état de santé de madame [D], son arrêt maladie n’ayant pas d’origine professionnelle et ses conditions de travail étant observé enfin qu’aucune pièce ne vient établir une surcharge de travail et que c’était, selon les descriptions de son poste à elle de prévoir des plannings équilibrés et de solliciter selon le respect des procédures en vigueur des renforts sous la forme de contrat à durée déterminée dans les périodes de forte activité et en cas de besoin.
En conséquence, il convient de confirmer la décision du Conseil des prud’hommes sur ce point.
Sur les heures supplémentaires
Principe de droit applicable :
L’article L 3171-4 du code du travail précise qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Application en l’espèce
Madame [D] prétend avoir effectué des heures supplémentaires de 2008 à 2016 sans que celles-ci ne soient payées ni même inscrites sur ses bulletins de paie et estime les justifier par les plannings théoriques réalisés par l’employeur, des tickets de caisse, des courriels envoyés tôt ou tard le soir, de demandes de madame [P] (sa responsable régionale) d’effectuer du travail à domicile. S’agissant du logiciel mis en place par l’employeur, la salariée explique que ce logiciel aurait été paramètré de telle sorte qu’elle ne pouvait pas enregistrer ses véritables horaires de travail avant 10h le matin et après 19h (20h le samedi). Elle souligne le fait que les plannings, d’une part, que ces derniers, pourtant tronqués, démontrent de l’existence d’heures supplémentaires non payées ni récupérées, d’autre part, qu’ils ne tiennent pas compte des ‘réunions siège’ et enfin qu’ils démontrent qu’elle a travaillé parfois plus de 48 heures par semaine.
Comme le Conseil des prud’hommes l’a justement apprécié, la réalisation de ses plannings relevait de la seule responsabilité de madame [D], selon son statut de cadre, son contrat de travail et le descriptif de son poste. Ainsi les plannings créés en boutique par la salariée et que c’est elle qui avait la responsabilité du suivi de son temps de travail. Le logiciel permettrait ainsi à la salariée de créer les plannings et de vérifier chaque mois que les horaires étaient équitables, que les plages d’ouvertures étaient couvertes et que les coupures et amplitudes étaient respectées.
Par ailleurs, les tableaux élaborés par la salariée elle-même en plus des plannings et des nombreux relevés de l’activité réelle ne peuvent être considérer comme un élément probant dans la mesure où l’employeur a mis en place des éléments de contrôle du temps de travail précis et que pendant l’exécution du contrat de travail, madame [D] n’a jamais formé des demandes sur ses heures supplémentaires sachant qu’il est également établi qu’elle prenait également des jours mais aussi des heures de récupération pas toutes inscrites dans les tableaux transmis à sa hiérarchie. Enfin, le choix d’organiser un travail collectif pendant le week-end de pâques appartient à madame [D] dans la mesure où les chiffres d’affaires avant ou après ce week-end ont été extrêmement bas et pouvait conduire madame [D] et les salariées de ce magasin à y réfléchir pendant les heures creuses.
Enfin, l’envoi de courts courriels tardifs pour adresser les chiffres d’affaire, les dates de congés de l’ »équipe de [Localité 5] »ou les besoins de renforts ou de courtes demandes de précisions pendant quelques jours de congés ne peuvent être intégrer dans une amplitude de temps de travail effectif.
En conséquence, il convient de confirmer le rejet de cette demande décidé par le Conseil des prud’hommes.
Sur le respect du temps de pause
Madame [D] soutient que son employeur avait l’obligation de respecter les temps de pause après 6 heures de travail continue au regard de la législation européenne en matière de santé, sécurité des travailleurs et explique qu’à partir de 2015, elle a dû travailler en continu à plusieurs reprises, sans aucune pause, en raison de l’absence de son employeur et donc de son impossibilité de pouvoir fermer, en pleine journée, la boutique située dans un centre commercial.
Il résulte de ce qui précède que les difficultés de la salariée a réalisé des plannings équilibrés par rapports à ses effectifs, aux périodes de plus forte activité commerciale et le fait qu’elle n’a pas sollicité les contrats à durée indéterminée nécessaires sont les seules causes de ces éventuels dépassements. En conséquence, l’employeur ne peut en être tenu responsable.
Sur le travail dissimulé
Principe de droit applicable :
En vertu de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre 1er de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Selon l’article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Application en l’espèce
Madame [D] soutient que le caractère intentionnel de la dissimulation partielle d’emploi salarié est démontré par la comparaison entre plannings réels (tronqués) et heures de récupération accordées, par le fait que le logiciel de contrôle et d’enregistrement des heures de travail aurait été volontairement tronqué par l’employeur et par l’absence de paiement des temps de pause non pris.
Il résulte de ce qui précède qu’aucune dissimulation partielle de l’emploi n’est avérée.
Sur le manquement à l’obligation de sécurité
Principe de droit applicable :
Aux termes de l’article L 4121-1 du code du travail l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés et doit veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances.
Ainsi, l’employeur, tenu à une obligation de sécurité, doit respecter les préconisations du médecin du travail
Application en l’espèce
Madame [D] soutient que l’employeur a participé activement à la dégradation de son état de santé avec l’absence de repos, de la diminution de salariés dans l’entreprise (augmentant sa charge de travail), de la suppression de ses congés payés juste avant son départ en vacances, du manque de soutien général, de ses horaires de travail.
Les arguments présentés par la salarié étant les mêmes que ceux développés pour le harcèlement qui n’a pas été retenu, il convient de confirmer la décision de rejet de cette demande prise par le Conseil des prud’hommes.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur la nullité du licenciement
Principe de droit applicable :
Aux termes de l’article L1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
Application en l’espèce
Le rejet de la demande relative au harcèlement moral conduit à écarter la nullité du licenciement.
Sur le licenciement pour inaptitude
Principe de droit applicable :
Aux termes de l’article L 1 226-2 du code du travail dans sa version applicable, lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.
Application en l’espèce
La salariée fait valoir que son licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse car il est démontré que l’inaptitude est consécutive à une faute préalable de l’employeur. Compte tenu de ce qui précède cette argumentation ne peut être retenue.
Concernant le respect de la procédure d’inaptitude pour une maladie non professionnelle, la cour au vu des pièces produites constate que l’avis d’inaptitude suivant : » inapte danger immédiat. Inaptitude définitive à tout poste dans l’entreprise à effet immédiat pour raison de danger. Une seule visite. L’état actuel ne me permet pas de proposer d’aptitude restante’ a été formulé le 20 juillet 2016, que l’employeur s’est livré à des recherches d’emploi précise et détaillé et qu’il a formulé 8 propositions de poste de reclassement à madame [D] par courrier daté du 1 er août 2016 et reçue le 5 août 2016 et que celle-ci n’y a pas fait droit en demandant seulement des précisions le 19 août sur le poste de responsable de la boutique de la [Adresse 6].
En conséquence, cette procédure est régulière et ce licenciement est justifié.
Il convient de rejeter la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que celle corrélative relative au préjudice moral distinct.
Sur les demandes reconventionnelles
Sur les rappels de salaire décidés par le Conseil des prud’hommes
La cour, au vu des pièces produites et rejetant l’argumentation de l’employeur relative à la prescription de l’article L 3245-1 du code de travail dans la mesure où le point de départ du délai de prescription triennale n’est pas la date des conclusions signifiées le 19 avril 2018 devant le Conseil des prud’hommes par la salarié mais le jour où la salariée a constaté une disparité entre les sommes perçues et celles qu’elle aurait dues percevoir en complément de salaire pendant ses arrêts maladie en application de l’article 52 de la Convention collective nationale des maisons à succursales de vente en détail, confirme les modalités de calculs retenues par les premiers juges et la somme de 4 404 euros de complément de salaires maladie outre celle de 440,40 pour les congés payés afférents, ainsi que celle de 442,45 au titre de complément de l’indemnité de licenciement en prenant en compte un salaire reconstitué à la somme de 2 680 euros (sur les douze mois d’avril 2015 à avril 2016 précédent le dernier arrêt maladie) et la somme de 136 euros au titre de complément de salaire pour le mois d’août 2016 et celle de 13,60 euros exactement calculées par les premiers juges.
Sur l’indemnisation demandée pour procédure abusive
La cour rejette cette demande dans la mesure où rien ne permet de considérer que l’appel partiel formé par la salariée n’avait d’autre but que la défense de ses droits et intérêts sans qu’il ne soit établi qu’elle ait agi de mauvaise foi.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau sur ce point,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
DIT n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
CONDAMNE madame [D] aux dépens
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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