Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 10
ARRET DU 15 JUIN 2023
(n° , 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06076 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD7WI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mai 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F19/10168
APPELANT
Monsieur [V],[S] [A]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représenté par Me Elvire DE FRONDEVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : B1185
INTIMEE
G.I.E. ATOUT FRANCE, AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT TOURISTIQUE pris en la personne de ses représentant légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
inscrit au RCS de Paris sous le numéro C 340 709 211
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me David FONTENEAU, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant
Monsieur Nicolas TRUC, Président de chambre, rédacteur
Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de chambre
Madame Carine SONNOIS, Présidente de chambre
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Nicolas TRUC, Président de chambre dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Sonia BERKANE
ARRET :
– Contradictoire
– mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Monsieur Nicolas TRUC, Président de Chambre, et par Madame Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [V] [A] a été engagé par le groupement d’intérêt économique (GIE) Atout France, ayant pour mission de promouvoir le tourisme en France, suivant contrat de travail à durée indéterminée « à l’expatriation », daté du 10 février 2010 et à effet au 1er avril 2010, en qualité de directeur d’abord affecté en Corée, puis en Suisse, au sein du bureau de [Localité 7], à compter du 1er juin 2017
Le 21 novembre 2018 une convocation à un entretien préalable, avec mise à pied à titre conservatoire, a été remise en main propre à M. [A].
Après entretien préalable le 30 novembre 2018, le salarié a été licencié par lettre recommandée du 7 décembre 2018 ainsi rédigée :
« (‘) Nous faisons suite à l’entretien préalable à un éventuel licenciement qui s’est tenu le 30 novembre dernier au cours duquel vous étiez assisté de Monsieur [B] [Y], membre du Comité d’Entreprise.
Lors de cet entretien nous vous avons exposé les motifs de cette convocation, à savoir :
Vous avez été nommé Directeur du bureau de [Localité 7] en juin 2017. A ce titre, vos fonctions consistent notamment à définir et mettre en ‘uvre la stratégie de développement du bureau tant pour le management des équipes que pour les aspects financiers, légaux et les reporting.
Fin octobre 2018, nous avons été alerté à la fois en interne et en externe de disfonctionnements importants au sein du bureau de [Localité 7].
Nous avons dès lors entrepris des investigations qui ont, d’une part, confirmé lesdits disfonctionnements et, d’autre part, mis en exergue de nombreux manquements dans l’exécution de vos fonctions.
Ainsi, il apparaît notamment :
Un non-respect de vos obligations de représentation qui nuit à l’image du GIE :
De part vos fonctions de Directeur du bureau à [Localité 7] vous êtes tenu d’une obligation de représentation tant vis-à-vis des autorités que de nos partenaires Suisses.
Or, Madame l’Ambassadrice de France en Suisse a fait part à plusieurs reprises au bureau de [Localité 7] de son mécontentement quant à vos absences aux réunions hebdomadaires, et qui plus est, absences soient non excusées ou excusées à la dernière minute.
Vous savez pertinemment que les relations avec l’Ambassade de France sont essentielles pour le GIE et qu’elles exigent en outre le respect d’un certain protocole.
De la même manière des partenaires et prestataires en Suisse ont relevé vos absences, retards ou départs prématurés lors d’événements alors même que vous êtes leur principal interlocuteur.
De surcroît, et lorsque vous êtes présents sur des événements, vos interventions apparaissent très succinctes et sans grande conviction.
De plus, certains déplorent votre légèreté dans le suivi des plans d’actions convenus.
Votre manque d’implication dans l’aspect représentation et de facto relationnel avec les interlocuteurs extérieurs du GIE démontrent votre désintérêt pour vos fonctions et nuit gravement à l’image du GIE.
Un non-respect des procédures notamment pour les notes de frais :
Alors même que vous connaissez parfaitement les procédures internes du GIE en matière de notes de frais nous avons constaté que :
Vous ne transmettez pas la totalité des justificatifs à la comptable du bureau de [Localité 7] ou vous transmettez des justificatifs sans rattachement (ni noms ; ni motif) ;
Vous n’utilisez pas le logiciel SAGE et vous avez indiqué à la nouvelle comptable du bureau de [Localité 7] qu’il n’existait aucune procédure particulière pour vos frais et « qu’il fallait les faire passer dans la ligne « prestataires », ce qui est totalement faux ; étant précisé que le fait d’intégrer vos notes de frais dans la ligne « prestataires » rend très difficile la visibilité par la suite pour le siège quant au bien fondé des frais engagés ;
Un très grand retard dans la saisie des notes de frais du bureau de [Localité 7] pour l’année 2018 et du coup de la transmission des données au siège du GIE ;
Vous utilisez fréquemment la carte bancaire du bureau qui est au nom d'[M] [D], ancien Directeur du Bureau ;
Vous avez effectué plusieurs retraits dans la caisse en espèce sans motifs ni ticket explicatif.
Outre le fait que le non respect des procédures en matière de note de frais constitue une faute professionnelle elle suscite logiquement une certaine interrogation quant à votre intégrité vis-à-vis du GIE.
Une utilisation de la voiture de service du bureau à titre personnel et le non paiement des contraventions :
Vous utilisez la voiture de services du bureau de [Localité 7] à tire personnel ; nous avons d’ailleurs relevé des règlements de frais d’essence des « dimanches » en Suisse française, loin de [Localité 7].
Outre le fait que cette utilisation n’est pas autorisée, ce que vous ne pouvez pas ignorer, vous vous permettez en plus d’entreposer dans la voiture des effets personnels, ce qui empêche l’utilisation de la voiture lors d’opérations (exemple lors de la soirée Bocuse des 10 et 11 octobre 2018 les chargés d’affaires n’ont pu utiliser la voiture pour transporter des participants du fait que vous y aviez laissé vos clubs de golf).
Vous ne réglez pas vos contraventions et nous a été indiqué que lorsque les autorités Suisses sont venues au bureau, et ce à plusieurs reprises, pour vous rencontrer (pour non-paiement des contraventions ou autre chose ‘), vous avez demandé à votre équipe de leur indiquer que vous étiez absent.
Vous mettez ainsi votre équipe et le GIE dans une situation délicate vis-à-vis des autorités Suisses ce qui n’est pas tolérable.
Situation administrative irrégulière en Suisse :
Nous avons été surpris de constater, d’une part, que vous n’aviez pas d’adresse en Suisse, alors que vous avez été nommé Directeur du bureau de [Localité 7] depuis juin 2017, soit depuis un an et demi, et d’autre part, que vous entreposiez des cartons d’effets personnels dans le bureau.
Il est d’ailleurs patent que vous effectuez de très fréquents déplacements dans le sud de la France et plus particulièrement à [Localité 4] et [Localité 5].
Du fait de l’absence d’adresse en Suisse vous ne payez pas les taxes communales et cantonales qui vous incombent.
Vous avez en outre déclaré au cabinet comptable en Suisse ne pas recevoir d’indemnité de logement afin d’échapper au paiement des taxes dues et demandez au cabinet d’enlever la prime de votre assiette fiscale.
Vous mettez ainsi le GIE dans une situation irrégulière à l’égard des autorités fiscales Suisse.
Un management inadapté :
Les membres du bureau de [Localité 7] ont souligné des difficultés de communication du fait notamment de votre refus de partager votre agenda ce qui rend difficile la prise de rendez-vous et l’organisation des activités, et ce, d’autant plus que vous êtes très souvent absent du bureau sans explication.
Votre faible présence au bureau engendre de surcroît un retard et une lenteur dans la validation des demandes de votre équipe.
Vous ne semblez pas tenir compte des responsabilités respectives des membres de votre équipe et vous avez une certaine tendance à modifier les deadlines et objectifs sans donner d’explications ce qui crée une désorganisation et un stress au sein du bureau.
Certains membres de votre équipe nous ont au surplus évoqués des pressions et remarques déplacées de votre part à leurs égards.
Sur ce dernier point, nous avons été surpris d’apprendre que vous aviez adressé un courrier de rappel à l’ordre à Madame [I] [X] le 19 octobre 2018 par mail, sans la signer et sans en avertir le siège.
Vous ne pouvez d’ailleurs pas contester le fait que depuis votre prise de fonction, le bureau de [Localité 7] connaît un turn-over important ainsi que de très nombreux arrêts maladies.
Force est de constater que votre management est inadapté et incompatible avec l’éthique du GIE.
Les explications que vous avez fournies au cours de l’entretien préalable n’ont pas permis de modifier notre appréciation des faits ; faits qui pourraient légitimer un licenciement pour faute grave.
Cependant, et pour tenir compte de votre situation personnelle, nous avons décidé de vous licencier pour cause réelle et sérieuse.
Nous vous notifions par conséquent par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. La période de mise à pied conservatoire vous sera rémunérée.
En raison des violations de votre part des lois et règlements en vigueur en Suisse, le GIE met un terme à votre expatriation.
Votre préavis d’une durée de trois mois, débutera à la date du 8 décembre 2018, au lendemain de la remise en mains propres de cette lettre. Nous vous dispensons de l’exécution de ce préavis qui vous sera rémunéré (…) ».
Le conseil de prud’hommes de Paris, saisi par M. [A] le 15 novembre 2019, a, par jugement du 21 mai 2021, notifié le 18 juin 2021, statué comme suit :
– Avant tout débat au fond, ne fait pas droit à la demande de rejet de pièce formulée par la partie demanderesse ;
– Déboute M. [V] [A] de l’ensemble de ses demandes
– Déboute le GIE Atout France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Condamne M. [V] [A] aux entiers dépens
M. [V] [A] a interjeté appel de cette décision par déclaration de son conseil au greffe de la cour d’appel de Paris le 5 juillet 2021.
Selon ses dernières conclusions remises et notifiées le 30 novembre 2022, M. [A] demande à la cour :
D’infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 21 mai 2021 en ce qu’il a débouté M. [V] [A] des demandes suivantes :
– 4 236,64 euros bruts à titre de rappel de salaire sur RTT
– 83 325,52 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 67 750 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct et du caractère vexatoire des circonstances ayant entouré le licenciement
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
De juger le licenciement de M. [V] [A] dénué de cause réelle et sérieuse
De fixer le salaire de référence à 10 415,69 euros bruts
De condamner le GIE Atout France au paiement des sommes suivantes :
– 4 236,64 euros bruts à titre de rappel de salaire sur RTT
– 83 325,52 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 67 750 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct et du caractère vexatoire des circonstances ayant entouré le licenciement
– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
D’infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 21 mai 2021 en ce qu’il a débouté M. [V] [A] de ses demandes relatives à l’indemnité de logement,
De juger en conséquence que le GIE Atout France a exécuté le contrat de façon défectueuse en ce qu’il n’a pas déclaré les indemnités de logement de M. [V] [A] en France
A titre principal
Condamner le Gie Atout France à procéder à la régularisation des cotisations de retraite sur les indemnités de logement payées à M. [A] de février 2016 à mars 2019, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir étant précisé que la cour se réservera le droit de liquider l’astreinte
Condamner le GIE Atout France à fournir une attestation pôle emploi rectifiée, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, en faisant figurer pour les mois de décembre 2017 à novembre 2018, le montant brut de l’indemnité de logement en sus de la rémunération brute déjà déclarée, étant précisé que la cour se réservera le droit de liquider l’astreinte
Condamner le GIE Atout France à établir des documents de fin de contrat régularisés et les bulletins de paie pour la période non prescrite de février 2016 à mars 2019, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir
A titre subsidiaire :
Condamner le GIE Atout France au paiement de la somme de 41 369,10 euros au titre de l’indemnisation du préjudice découlant de l’absence de remise de documents conformes en temps utile correspondant aux sommes dont il a été privé en raison de la résistance abusive de son employeur.
Selon ses dernières conclusions remises et notifiées le 2 janvier 2023, le GIE Atout France soutient devant la cour les demandes suivantes :
Dire et juger M. [A] mal fondé en son appel et l’en débouter
Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris rendu le 21 mai 2021 par la section encadrement en ce qu’il a débouté M. [A] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens.
En conséquence,
Débouter M. [A] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
Condamner M. [A] à verser au GIE Atout France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner M. [A] aux entiers dépens
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 janvier 2023.
Il est renvoyé pour plus ample exposé aux écritures des parties visées ci-dessus.
Sur ce
I) Sur les motifs du licenciement
Selon les articles L1235-1 et L 1235-2 du code du travail, l’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige. Il incombe à l’employeur d’alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement et il appartient au juge d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement sus-reproduite, après avoir indiqué ne pas retenir la faute grave bien qu’il aurait été « légitime » qu’elle le soit, fonde le licenciement sur une cause réelle et sérieuse sans pour autant en préciser la nature exacte.
Dans ses dernières conclusions d’appel (page 10), le GIE Atout France précise que les faits retenus par la lettre de licenciement « qualifient indiscutablement un comportement fautif justifiant la rupture du contrat de travail ».
Ces éléments confirment que le licenciement a une nature disciplinaire ainsi que le soutient le salarié (page 7 de ses conclusions d’appel).
Les comportements professionnels fautifs reprochés à M. [A] et qu’il conteste sont les suivants :
a) des manquements à l’obligation de représentation nuisant à l’image du GIE
Il est reproché à M. [A] des absences non excusées ou excusées tardivement aux réunions hebdomadaires de l’ambassade de France en Suisse, des absences ou des départs prématurés à d’autres événements auxquels il participait ainsi que des interventions succinctes et sans grande conviction dans différentes manifestations.
Ainsi que l’oppose M. [A], sa non-participation à une réunion de l’ambassade de France le 3 juillet 2028 dont l’employeur a manifestement eu connaissance, ainsi que cela résulte des courriels échangés, plus de deux mois avant l’engagement de la procédure prud’homale le 21 novembre 2018, doit être tenue pour prescrite en application de l’article L 1332-4 du code du travail.
Pour les autres manquements reprochés, l’intimée verse pour l’essentiel aux débats trois courriels datés des 3 juillet 20, 26 octobre et 8 novembre 2018 émanant des salariées [H] [F] et [I] [X] formulant diverses critiques ou rapportant indirectement des critiques à l’encontre de M. [A] quant à la réalisation de son travail, sa présence, son attitude ou son implication lors de diverses manifestations ou réunions sur la période 2017/2020 (pièces 27, 48 à 50). Ces messages, qui font référence à des situations dont les circonstances et contextes sont parfaitement inconnus ou invérifiables et dont les rédactrices présentent, s’agissant de subordonnées de l’appelant en conflit avec lui, des garanties d’objectivité ou d’impartialité insuffisantes, ne sauraient démontrer la réalité du grief qui sera ainsi écarté.
b) le non-respect des procédure relatives aux notes de frais
La lettre de licenciement reproche à ce titre à M. [A] l’absence de transmission de tous ses justificatifs de frais, la non-utilisation du logiciel de gestion Sage, un grand retard dans la saisie des frais du bureau de [Localité 7] et des retraits de caisse en espèces sans motif.
Il n’y a pas lieu de tenir ces faits pour prescrits contrairement à ce que soutient M. [A] dès lors qu’il résulte des messages échangés, qu’ils ont été portés dans leur intégralité à la connaissance de la direction du GIE par des correspondances explicatives datées des 4 et 30 novembre 2018 (ses pièces 5 et 40), soit moins de deux mois, délai de la prescription disciplinaire applicable, avant l’engagement de la procédure prud’homale.
Les éléments d’appréciation produits par l’employeur, à savoir, pour l’essentiel, des courriels et une déclaration du 4 novembre 2018 (pièce 5) de la salariée [Z] [C], chargée de comptabilité, ne permettent pas de déterminer quel était le partage exact des tâches au sein du bureau de [Localité 7] quant à l’enregistrement et la gestion des frais professionnels comme les causes exactes des retards de traitement en la matière, étant par ailleurs observé qu’il n’est pas fait explicitement état, par la lettre de licenciement, de frais qui auraient été remboursés de façon injustifiée à M. [A] en raison de procédures internes non respectées.
Il sera également retenu qu’aucun document produit ne précise les règles applicables dans l’entreprise quant à la gestion et au remboursement des frais professionnels, de sorte qu’il ne peut être vérifié dans quelle mesure le salarié a pu avoir un comportement fautif sur ce point pouvant être sanctionné par la rupture de son contrat de travail.
Ces constatations conduisent à écarter le reproche.
c) l’utilisation de la carte bancaire professionnelle de l’ancien directeur
La lettre de licenciement stigmatise l’utilisation de la carte bancaire professionnelle établie au nom de l’ancien directeur [M] [D]. M. [A] reconnaît avoir utilisé cette carte pour payer des frais professionnels mais soutient qu’il était prévu qu’elle ne soit résiliée qu’à compter de l’obtention de la sienne, ce qui a pris du temps.
En l’absence de tout élément produit sur la politique interne d’utilisation des cartes bancaires professionnelles pouvant démontrer sur ce point une faute de M. [A], le grief ne sera pas retenu.
d) des retraits d’espèces « sans motif ni ticket explicatif »
Il est reproché à M. [A] « plusieurs retraits dans la caisse en espèces sans motif ni ticket explicatif », constitutifs d’avances en espèces non justifiées (conclusions page 24 de l’intimé), ce que conteste le salarié qui soutient qu’il s’agissait de remboursements de frais dont les justificatifs ont été communiqués à la comptable qui a contresigné les retraits.
Le seul courriel du chef comptable et financier [N] [P] les évoquant (pièces 57 de l’intimée) sans aucun autre élément que ses déclarations, n’autorise aucune vérification objective du comportement reproché.
Celui-ci ne sera pas ainsi retenu.
e) l’utilisation abusive de la voiture de service
Il n’y pas lieu de tenir ce grief pour prescrit ainsi que le soutient M. [A] dès lors que les faits ont été manifestement portés à la connaissance de l’employeur par le message de la salariée [Z] [C] les évoquant (pièce 5) qui est daté du 4 novembre 2018, soit moins de deux moins avant l’engagement de la procédure de licenciement.
Ce grief s’appuie essentiellement sur les déclarations de Mme [C] dénonçant un usage personnel de la voiture de service par M. [A] qui y a laissé des effets personnels. Ce seul message est insuffisant probant aux yeux de la cour pour démontrer sur ce point un comportement professionnel fautif en l’absence de tout document interne précisant les conditions et règles d’emploi du véhicule affecté au bureau de [Localité 7] que M. [A] aurait pu enfreindre.
f) des contraventions impayées
La lettre de licenciement évoque des contraventions non payées par M. [A]. Cependant il ne résulte d’aucune pièce que l’employeur aurait été contraint de les payer à la place de
M. [A] ou que ce dernier aurait refusé de s’en acquitter après leur transmission pour celles ayant pu être notifiées à ses adresses professionnelles.
En l’état de ces constatations, ce grief ne saurait justifier la rupture du contrat de travail.
g) une situation administrative irrégulière en Suisse
Il est reproché à M. [A] une absence d’adresse en Suisse, des cartons d’effets personnels entreposés dans le bureau, de fréquents déplacements dans le sud de la France, le non-paiement de taxes locales et une déclaration de non-perception d’indemnités de logement.
Il sera constaté, d’une part et ainsi que l’objecte M. [A], qu’aucune disposition contractuelle ne lui imposait explicitement de notifier à son employeur une adresse en Suisse, étant par ailleurs observé qu’il justifie par la production d’un bail et de quittances de loyers d’une résidence à [Localité 7] (ses pièces 14, 15 et 76).
D’autre part, aucun élément ne permet de faire de quelconques vérifications quant à des voyages indus dans le sud de la France ou l’entreposage de cartons personnels dans les locaux professionnels.
Afin, il sera retenu que les aspects de la situation fiscale ou sociale de M. [A] ou les déclarations ou instructions qu’il aurait pu faire ou donner à ces titres et qui n’ont qu’un lien indirect avec l’exécution de ses obligations professionnelles, ne sauraient constituer un motif valable et suffisant de rupture du contrat de travail.
h) un management inadapté
La lettre de licenciement évoque des difficultés de communication de M. [A] en raison d’un refus de partage de son agenda, sa faible présence au bureau, l’absence de prise en compte des responsabilités de membres de son équipe, la modification des « deadlines » et objectifs sans explication, des pressions et remarques déplacées et un rappel à l’ordre adressé à la salariée [I] [X] le 19 octobre 2018.
L’employeur verse essentiellement aux débats des courriels échangés en interne avec
M. [A], d’avis critiques ou opinions négatives de salariées du bureau de [Localité 7] (Mmes [X] et [C]) quant à son travail (pièces 5, 18, 20 22, 26) qui n’objectivent pas suffisamment, aux yeux de la cour, la réalité de fautes de management dès lors, notamment, que les circonstances et contexte des propos, reproches ou situations rapportés ne peuvent faire l’objet de vérifications concrètes et exhaustives.
Aucun élément quantitatif n’est produit quant à la présence de M. [A] à son bureau, étant par ailleurs observé qu’aucun disposition du contrat de travail ne lui imposait un temps de présence minimum dans les locaux professionnels et qu’il est acquis aux débats qu’il était tenu de remplir un rôle de représentation impliquant des déplacements.
Ni attestation de tiers ni correspondance ou message de M. [A] ne confirment, d’autre part, la tenue de propos ou remarques déplacés dans un cadre professionnel pouvant relever d’une sanction disciplinaire.
Enfin, il n’apparaît pas que la notification à la salariée [I] [X] d’une lettre datée du 19 octobre 2018 (pièce 23 de l’intimée), lui demandant, dans des termes mesurés, plus d’implication dans le traitement de certains dossiers, puisse être tenue pour une faute professionnelle dès lors qu’il s’agit manifestement de l’exercice non abusif par M. [A] de son pouvoir de contrôle et de direction à l’égard d’une subordonnée du bureau de [Localité 7] dont il estimait le travail non satisfaisant, correspondance n’outrepassant pas le cadre de ses attributions.
En l’état de l’ensemble de ces constatations, il y a lieu de considérer que le licenciement disciplinaire de M. [A] est insuffisamment justifié, le doute devant, en toute hypothèse lui profiter.
La décision prud’homale sera en conséquence infirmée en ce qu’elle a dit le licenciement fondé.
Compte tenu de l’ancienneté de M. [A], soit 8 ans au service d’une entreprise ne soutenant pas employer habituellement moins de 11 salariés, de son salaire mensuel brut moyen des 6 derniers mois (10 415,89 euros), de son âge (année de naissance 1963) et des éléments produits sur son évolution professionnelle, il lui sera alloué, en application de l’article L1235-3 du code du travail, une indemnité de licenciement abusif arbitrée à 60 000 euros.
M. [A] sollicite également le paiement de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire. Mais la cour ne constatant pas la réalité d’un préjudice distinct et non réparé par l’indemnité susvisée en lien avec les conditions de rupture du contrat de travail, étant observé que le salaire correspondant à la mise à pied conservatoire lui a été payé, le rejet de cette demande sera confirmé.
II) Sur le rappel de salaire au titre des jours de RTT
L’appelant soutient qu’il lui reste dû 20 jours de RTT, mentionnés sur son bulletin de salaire du mois de février 2019, correspondant à 10 jours supplémentaires par an et prévus par son contrat de travail, qu’il n’a pas été en mesure de prendre en 2016 et 2017.
L’employeur objecte que M. [A], cadre dirigeant non soumis au droit commun du temps de travail, bénéficiait de 10 jours de RTT directement versés sur son CET et que les jours de RTT mentionnés sur le bulletin de salaire du mois de février 2019 sont erronés.
La lecture du contrat de travail et ses avenants confirme que M. [A], ayant le statut non discuté de cadre dirigeant, bénéficiait de 10 jours supplémentaires de RTT.
Les éléments produit par le GIE Atout France ne permettant de faire aucune vérification concrète sur les jours de RTT pris par le salarié ou inscrits sur son compte épargne, dont aucun extrait n’est versé aux débats, durant la relation de travail, il sera intégralement fait droit à la réclamation sur ce point.
III) Sur l’indemnité de logement
M. [A] demande, à titre principal, que le GIE Atout France soit condamné, sous astreinte, à régulariser au régime de la sécurité sociale français auquel il dit être principalement rattaché, des cotisations de retraite sur les indemnités de logement qui lui ont été payées de février 2016 à mars 2019.
Mais ainsi que l’objecte justement le GIE Atout France qui a soumis les indemnités de logement servies au régime social suisse, dès lors que M. [A] travaillait en Suisse dans le cadre d’un contrat d’expatriation non temporaire, aucune disposition légale, conventionnelle ou contractuelle n’imposait de soumettre les indemnités de logement, qui n’étaient pas intégrées dans sa rémunération brute, à un régime social autre que celui applicable localement, le contrat de travail initial précisant à cet égard que le salarié en sa qualité d’expatrié « relevera des régimes sociaux obligatoires dans le pays d’activité ».
M. [A] évoque le règlement de l’Union européenne n° 883/2004 du 1er mai 2010 posant le principe de l’unicité des régimes sociaux. Mais l’employeur soutient à juste titre qu’il n’est pas applicable en l’espèce s’agissant d’un détachement non temporaire qui était supérieur à 24 mois, limite posée par l’article 12 dudit règlement.
Le rejet de la demande visant à régulariser sous astreinte les cotisations sociales des indemnités de logement au régime social français sera ainsi confirmé.
IV) Sur la demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
M. [A] sollicite le paiement de 41 369, 10 euros à titre de dommages et intérêts pour « exécution déloyale et défectueuse » du contrat de travail (solde de tout compte initialement remis erroné, traitement incorrect des indemnités de logement, non communication d’un audit réalisé), réclamation contestée par l’employeur.
Cette demande sera rejetée en l’absence de préjudice matériel, moral ou financier démontré et non réparé dans le cadre de cette décision subi par le salarié en raison des manquements invoqués du GIE Atout France à ses obligations.
V) Sur les autres demandes
L’équité exige d’allouer à M. [A] 3 000 euros en compensation de ses frais non compris dans les dépens par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il sera enjoint à l’employeur, sans qu’il y ait lieu à astreinte, de délivrer à M. [A] un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi rectifiés conformément à cette décision.
Les entiers dépens seront laissés à la charge du GIE Atout France qui succombe à l’instance.
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 21 mai 2021 et statuant à nouveau
Dit le licenciement de M. [A] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne le GIE Atout France à payer à M. [A] :
– 60 000 euros à titre d’indemnité de licenciement abusif, avec intérêts au taux légal à compte de cette décision ;
– 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de cette décision ;
– 4 236, 64 euros bruts à titre de rappel de salaire sur RTT, avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2019, date de réception par l’employeur de sa convocation devant la juridiction prud’homale ;
Enjoint à le GIE Atout France de délivrer à M. [A] un bulletin de paie et une attestation Pôle emploi rectifiés conformément à cette décision ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne le GIE Atout France aux dépens de première instance et d’appel .
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
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