Droit du logiciel : 15 juin 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 22/00847

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Droit du logiciel : 15 juin 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 22/00847

AFFAIRE : N° RG 22/00847

N° Portalis DBVC-V-B7G-G6WO

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CAEN en date du 25 Mars 2022 RG n° 20/00235

COUR D’APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRÊT DU 15 JUIN 2023

APPELANTE :

CAISSE NATONALE DES ALLOCATIONS FAMILIALES

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Sophie TASSEL, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur [W] [B]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Sophie CONDAMINE, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller, rédacteur

Mme VINOT, Conseiller,

DÉBATS : A l’audience publique du 13 avril 2023

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT prononcé publiquement le 15 juin 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme GOULARD, greffier

FAITS ET PROCÉDURE

M. [W] [B] a été embauché, à compter du 2 mars 1998 en contrat à durée déterminée, puis, à compter du 1er septembre 1999, en contrat à durée indéterminée par la CNAF-CNEDI (centre national d’étude et de développement informatique) en qualité de ‘réalisateur d’applications’ (niveau II A coefficient 236). Il a été promu le 1er janvier 2010 ‘intégrateur de composants applicatifs’ (niveau III coefficient 281).

Son contrat a été transféré le 1er juillet 2015 à la CNAF (caisse nationale d’allocations familiales) au sein de la direction qualification et tests avec maintien de l’emploi d’ ‘intégrateur applicatif’.

Le 19 décembre 2016, il a été informé qu’en application de référentiels réactualisés son emploi serait désormais celui de ‘testeur qualifieur’. Il a contesté cette qualification et revendiqué, à plusieurs reprises mais vainement, l’emploi d’ ‘intégrateur applicatif référent’.

Le 31 mai 2019, il a été placé d’office à la retraite.

Le 15 juin 2020, il a saisi le conseil de prud’hommes de Caen pour réclamer, en dernier lieu, la qualification d’ ‘intégrateur applicatif référent’ (niveau IV B coefficient 338), un rappel de salaire, de prime d’intéressement, des dommages et intérêts en réparations du préjudice subi, un reliquat d’indemnité de cessation d’activité et d’indemnité compensatrice de CET.

Par jugement du 25 mars 2022, le conseil de prud’hommes a requalifié à compter de décembre 2016, l’emploi de M. [B] ‘intégrateur applicatif référent’ niveau IV B coefficient 338, a condamné la CNAF à lui verser : 15 914,68€ bruts (outre les congés payés afférents) de rappel de salaire, 520,18€de prime d’intéressement, 3 000€ de dommages et intérêts pour préjudice moral et 1 200€ en application de l’article 700 du code de procédure civile, a ordonné la remise, sous astreinte, de bulletins de paie et de documents de fin de contrat conformes à la décision.

La CNAF a interjeté appel du jugement, M. [B] a formé appel incident.

Vu le jugement rendu le 25 mars 2022 par le conseil de prud’hommes de Caen

Vu les dernières conclusions de la CNAF, appelante, communiquées et déposées le 24 novembre 2022, tendant à voir le jugement réformé, à voir M. [B] débouté de ses demandes et condamné à lui restituer les sommes versées en exécution du jugement, subsidiairement, à voir le jugement confirmé sauf en ce qui concerne l’octroi de dommages et intérêts, très subsidiairement, à voir réduire le montant de ces dommages et intérêts à de ‘plus justes proportions’ et à voir M. [B] condamné à lui verser 3 000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile

Vu les dernières conclusions de M. [B], intimé et appelant incident, communiquées et déposées le 21 mars 2023, tendant, au principal, à voir le jugement infirmé quant au montant alloué au titre des rappels de salaire et de prime, tendant à voir la CNAF condamnée à lui verser, de ces chefs, respectivement, 19 756,15€ bruts (outre les congés payés afférents) et 676,30€ et quant à la date de requalification de l’emploi, tendant à voir dire que cette requalification s’applique à compter du 31 mai 2016, subsidiairement, tendant à voir requalifer son emploi ‘intégrateur applicatif référent’, niveau V A coefficient 352 à compter du 31 mai 2016 et voir la CNAF condamnée à lui verser : 27 186,08€ bruts (outre les congés payés afférents) de rappel de salaire et 837,25€ de rappel de prime d’intéressement, tendant, en toute hypothèse, à voir la CNAF condamnée à lui verser 2 500€ supplémentaires en application de l’article 700 du code de procédure civile

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 22 mars 2023

MOTIFS DE LA DÉCISION

‘ M. [B] produit des référentiels d’emploi auxquels renvoie également la CNAF. Il s’en déduit que les deux parties considèrent que ces référentiels sont ceux applicables à compter de 2016.

Ces référentiels concernent les emplois suivants :

– testeur qualifieur (niveau III)

– testeur qualifieur référent (niveau IV B)

– intégrateur applicatif et technique (niveau IV A)

– intégrateur applicatif et technique référent (niveau V A).

Selon la CNAF, M. [B] occupait l’emploi de testeur qualifieur.

M. [B] considère qu’il occupait un emploi d’intégrateur applicatif et technique référent mais réclame, au principal, un rappel de salaire correspondant au niveau IV A (ce qui correspond à l’emploi d’intégrateur applicatif et technique), subsidiairement, un rappel de salaire correspondant au niveau V A (qui est le niveau de l’emploi sollicité). En conséquence, compte tenu du caractère contradictoire de la demande, celle-ci sera interprétée comme une demande principale tendant à obtenir la qualification d’intégrateur applicatif et technique (niveau IV A), subsidiairement, d’intégrateur applicatif et technique référent (niveau V A).

Il y a donc lieu de vérifier, dans un premier temps, si les tâches accomplies par M. [B] correspondent à celles d’un intégrateur applicatif et technique ou si elles ressortent de celles d’un testeur qualifieur.

‘ Malgré l’intérêt qu’auraient présenté ces pièces, les parties ne produisent ni les référentiels antérieurs qui avaient conduit à attribuer à M. [B] en 2010 la qualification d’intégrateur de composants applicatifs niveau III -qualification dont il ne conteste pas le bien-fondé- ni ses fiches de poste au sein de CNEDI et de la CNAF -qui auraient permis de vérifier si ces tâches sont restées identiques-.

Le testeur qualifieur a pour mission d’assurer la conformité des composants livrés par rapport aux spécifications. Pour ce faire, il vérifie la réception des livrables, rédige les plans et campagnes de tests, conçoit les cas de tests, les exécute, en rédige le bilan, gère ‘les jeux de données de test’ et l’outillage de test, participe à l’élaboration et au déploiement de la méthodologie des tests, fait des diagnostics fonctionnels et émet des signalements, coordonne et assiste les CAF de validation et de recette.

La mission de l’intégrateur applicatif et technique consiste à assurer l’assemblage des composants applicatifs et techniques. Il doit : analyser les livrables, installer des composants et s’assurer de leur adéquation afin de contribuer à ce que les environnements validation/ recette restent opérationnels, concevoir et exécuter des tests d’intégration, accompagner les changements techniques sur les ‘environnements de qualification’, apporter son expertise auprès des équipes (projet, test, production), rédiger et maintenir la documentation.

M. [B] indique que son travail consistait, avant son transfert au sein de la CNAF, à écrire des programmes de contrôle de travaux (JCL) pour le ‘lancement de traitements’, à détecter et à corriger, en lien avec les programmateurs, les erreurs de la version originelle du programme CRISTAL, à modifier des modules du programme, à assurer la gestion complète d’une base informatique (installation et désinstallation régulière, adaptation permanente), à travailler sur des composants applicatifs et des programmes contribuant au fonctionnement de CRISTAL. Il précise qu’à la dissolution du CNEDI de Rennes, il a été chargé de transmettre son savoir aux salariés de l’entreprise auprès de laquelle cette activité a été externalisée.

La CNAF se contente de contester le fait que M. [B] puisse prétendre à la qualification de ‘référent’ sans décrire les tâche concrètes qu’il effectuait ni contester celles énumérées par le salarié et résumées ci-dessus.

Or les tâches décrites par le salarié correspondent plus à celles d’un intégrateur applicatif et technique chargé d’accompagner les changements techniques, de s’assurer de l’adéquation des composants et d’apporter son expertise, ce qu’il a fait lors de l’externalisation des services assurés par CNEDI- qu’à celles d’un testeur qualifieur dont le travail consiste à concevoir des cas de tests, à les effectuer et à en faire le bilan.

En conséquence, M. [B] est fondé à obtenir la requalification de son emploi en intégrateur applicatif et technique (niveau IV A).

‘ M. [B] soutient que, dès son transfert le 1er juillet 2015, il n’a pas bénéficié de la bonne qualification et s’estime en conséquence fondé à obtenir cette qualification (et le rappel de salaire correspondant) à compter du 31 mai 2016 soit pour toute la période non prescrite.

La CNAF fait valoir, subsidiairement, que M. [B] n’a pas contesté la qualification qui lui a été appliqué au moment de son transfert et ne s’est plaint que lorsque lui a été appliquée la qualification testeur qualifieur en décembre 2016, qu’en conséquence, c’est cette date qui doit être retenue.

La lettre l’informant, le 1er juillet 2015, de son transfert indique que sa qualification demeure celle d’intégrateur applicatif. C’est en décembre 2016, que son libellé d’emploi a été modifié pour celui de testeur qualifieur, en application des référentiels actualisés.

Puisque M. [B] ne conteste pas la qualification qui lui était appliquée avant son transfert, il ne saurait valablement critiquer le maintien, pour les mêmes tâches, de cette qualification après son transfert. En conséquence, la qualification revendiquée s’appliquera à compter de décembre 2016 et les rappels de salaire et de prime seront calculés à compter de cette date. Les sommes retenues par le conseil de prud’hommes n’étant pas critiquées par les parties, le jugement sera confirmé sur ce point.

‘ M. [B] réclame également des dommages et intérêts à raison du préjudice moral subi. Il fait valoir qu’il a ressenti un sentiment d’injustice, de dévalorisation, de mal-être voire de discrimination, face à la qualification qui lui a été appliquée. Il souligne qu’il avait effectué en 2014, l’année précédant son transfert, une formation de développeur logiciel dans le cadre d’un congé individuel de formation, qu’il n’a, non seulement, pas obtenu de promotion mais s’est vu appliquer une qualification inférieure.

Les courriers adressés par M. [B] à son employeur en janvier, juin et juillet 2017 confirment l’importance que M. [B] attachait à cette qualification et le sentiment de dévalorisation qu’il a ressenti.

En réparation de ce préjudice avéré découlant d’un manquement de l’employeur il lui sera alloué 3 000€ de dommages et intérêts.

‘ Les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2020 à l’exception de celle accordée à titre de dommages et intérêts qui produira intérêts à compter du 30 mars 2022, date de notification du jugement confirmé sur ce point .

La CNAF devra remettre à M. [B], dans le délai d’un mois à compter de la date de l’arrêt, un bulletin de paie récapitulatif par an pour 2016, 2017, 2018 et 2019 et des documents de fin de contrat conformes à l’arrêt. En l’absence d’éléments permettant de craindre l’inexécution de cette mesure, il n’y a pas lieu de l’assortir d’une astreinte.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [B] ses frais irrépétibles. De ce chef, la CNAF sera condamnée à lui verser 2 500€.

DÉCISION

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

– Confirme le jugement quant aux sommes allouées au titre du rappel de salaire, de la prime d’intéressement et des dommages et intérêts

– Réforme le jugement pour le surplus

– Dit que la qualification de M. [B] a été celle d’intégrateur applicatif et technique (niveau IV A coefficient 338) à compter de décembre 2016

– Dit que les sommes de 15914,68€ bruts, 1 591,47 bruts et de 520,18€ bruts produiront intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2020, celle de 3 000€ à compter du 30 mars 2022

– Dit que la CNAF devra remettre à M. [B], dans le délai d’un mois à compter de la date de l’arrêt, un bulletin de paie récapitulatif par an pour 2016, 2017, 2018 et 2019 et des documents de fin de contrat conformes à l’arrêt

– Déboute M. [B] du surplus de ses demandes principales

– Condamne la CNAF à verser à M. [B] 2 500€ en application de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamne la CNAF aux entiers dépens de première instance et d’appel

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

E. GOULARD L. DELAHAYE

 


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