Droit du logiciel : 15 juin 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/05130

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Droit du logiciel : 15 juin 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/05130

ARRET

N° 594

Société [4]

C/

CPAM DES FLANDRES

COUR D’APPEL D’AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 15 JUIN 2023

*************************************************************

N° RG 21/05130 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IIEJ – N° registre 1ère instance : 19/03586

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (Pôle Social) EN DATE DU 06 septembre 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

La Société [4] (SASU), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

MP : [Z] [H]

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentée par Me Martine BELARDINELLI, avocat au barreau d’AMIENS susbtituant Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT – LALLIARD – ROUANET, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 505

ET :

INTIME

La CPAM DES FLANDRES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Mme [I] [Y] dûment mandatée

DEBATS :

A l’audience publique du 23 Mars 2023 devant Mme Véronique CORNILLE, Conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 15 Juin 2023.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Marie-Estelle CHAPON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,

Mme Chantal MANTION, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 15 Juin 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.

*

* *

DECISION

Le 19 novembre 2018, Monsieur [H] [Z], salarié de la société [4] en qualité d’opérateur de production, a déclaré une maladie professionnelle, documentée par certificat médical initial du 8 octobre 2018 faisant état de « manutention bras en hauteur. Épicondylite gauche chez un droitier ».

La caisse primaire d’assurance maladie des Flandres (ci-après la CPAM) a diligenté une enquête administrative puis a saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région [Localité 8] Hauts-de-France (CRRMP) lequel, par avis du 11 juin 2019, a retenu un lien direct et essentiel entre la pathologie présentée et l’activité professionnelle.

Par décision du 19 juin 2019, la CPAM des Flandres a pris en charge la maladie professionnelle de l’assuré au titre de la législation professionnelle, sur le fondement du tableau 97 des maladies professionnelles faisant état des affections péri-articulaires provoquées par certains gestes et postures au travail.

La société [4] a saisi la commission de recours amiable d’un recours contre la décision de prise en charge puis le tribunal d’un recours contre la décision de rejet de sa demande par la commission en date du 15 novembre 2019.

Par jugement du 6 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Lille, pôle social, a :

– débouté la SASU [4] de l’ensemble de ses demandes d’inopposabilité fondées sur la violation du principe de loyauté dans l’information,

– condamné la SASU [4] aux dépens de l’instance.

Cette décision a été notifiée à la société [4] le 14 octobre 2021 qui en a relevé appel le 25 octobre suivant et les parties ont été convoquées à l’audience du 12 décembre 2022, lors de laquelle l’affaire a été renvoyée au 23 mars 2023.

Par conclusions réceptionnées le 12 décembre 2022 soutenues oralement à l’audience, la société [4] demande à la cour de :

– infirmer le jugement,

Statuant à nouveau,

– à titre principal, prononcer l’inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge de la maladie contractée par M. [Z] le 27 septembre 2018, et condamner la CPAM des Flandres aux dépens de l’instance,

– à titre subsidiaire, saisir un nouveau CRRMP avant dire droit sur les conditions de fond de reconnaissance de la maladie contestée, et réserver les dépens de l’instance.

Elle fait valoir que tous les courriers de la procédure relative à la maladie de M. [Z] ont été transmis à l’établissement secondaire de la société [4] alors qu’une lettre réseau établie par la caisse nationale d’assurance maladie applicable à compter du 1er janvier 2013 prévoyait la transmission des courriers relatifs aux accidents du travail et aux maladies professionnelles concernant la société [4] au siège social situé à [Localité 9].

Elle considère qu’elle n’a dès lors pas été en mesure de consulter les éléments susceptibles de lui faire grief ou d’émettre des observations.

Elle soutient par ailleurs que la CPAM ne démontre pas avoir sollicité l’avis du médecin du travail avant la transmission du dossier au CRRMP, lequel a statué sans l’avis du médecin du travail.

Elle demande enfin la saisine d’un second CRRMP avant dire droit sur le caractère professionnel de la maladie objet du présent litige.

Par conclusions visées par le greffe le 23 mars 2023 soutenues oralement à l’audience, la CPAM des Flandres demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

Statuant à nouveau,

– dire que la caisse a respecté le principe du contradictoire lors de l’instruction de la prise en charge de la pathologie de M. [Z],

– ordonner avant dire droit la désignation d’un second CRRMP,

– dire et juger opposable à l’employeur la prise en charge de la pathologie de M. [Z] au titre du risque professionnel,

– débouter la société [4] de ses demandes,

– la condamner aux dépens.

Elle fait valoir que par courrier recommandé du 19 décembre 2018, réceptionné le 21 décembre 2018, elle a transmis la copie de la déclaration de maladie professionnelle et du certificat médical à l’établissement de [Localité 6] de la société [4]. Elle observe que l’adresse de cet établissement figurait dans la déclaration de maladie professionnelle établie par l’assuré et que c’est le directeur de l’agence [4] de [Localité 6] qui a complété le questionnaire employeur.

Elle précise que la lettre réseau invoquée par la société n’a pas de caractère normatif et que l’employeur n’établit pas que l’agence de [Localité 6] ait adhéré à la lettre réseau ou qu’une demande en ce sens a été transmise à la CPAM des Flandres.

Elle soutient avoir respecté ses obligations en informant l’employeur par courrier réceptionné par lui le 4 avril 2019 de la transmission du dossier au CRRMP et de la possibilité de consulter les pièces du dossier jusqu’au 22 avril 2019, soit pendant plus de 10 jours.

Elle indique avoir sollicité l’avis du médecin du travail le 23 avril 2019, comme le mentionne le CRRMP dans le cadre de son avis, et précise avoir réitéré cette demande le 29 mai 2019 sans pour autant parvenir à obtenir cet élément.

Elle soulève que l’avis du CRRMP étant régulier et motivé, il ne peut être remis en cause par le juge qu’après saisine d’un second CRRMP.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s’agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

MOTIFS

Sur le respect du contradictoire lors de la procédure d’instruction

L’article R. 441-10 du même code dans sa rédaction issue du décret n°2016-756 du 7 juin 2016 dispose : « La caisse dispose d’un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d’accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie.

Il en est de même lorsque, sans préjudice de l’application des dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre Ier et de l’article L. 432-6, il est fait état pour la première fois d’une lésion ou maladie présentée comme se rattachant à un accident du travail ou maladie professionnelle.

Sous réserve des dispositions de l’article R. 441-14, en l’absence de décision de la caisse dans le délai prévu au premier alinéa, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie est reconnu. »

L’article R. 441-14 dans sa rédaction applicable issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009 indique : « Lorsqu’il y a nécessité d’examen ou d’enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l’employeur avant l’expiration du délai prévu au premier alinéa de l’article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. A l’expiration d’un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d’accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l’absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie est reconnu.

En cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, mentionné au cinquième alinéa de l’article L. 461-1, le délai imparti à ce comité pour donner son avis s’impute sur les délais prévus à l’alinéa qui précède.

Dans les cas prévus au dernier alinéa de l’article R. 411-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l’article R. 441-13. »

Il résulte des articles R.441-11 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale que le destinataire de l’obligation d’information qui s’impose à la CPAM est l’employeur.

En application de l’article 690 du code de procédure civile, la notification destinée à une personne morale de droit privé doit être faite au lieu de son établissement et que l’établissement est le lieu où existent et fonctionnent effectivement et de manière stable les organes de direction et d’administration de la personne morale, lequel est en principe le lieu du siège social (2e Civ., 23 octobre 1996, pourvoi n 94-15,194, Bull n 239) mais que lorsque le siège social ne coïncide pas avec le lieu d’exercice de l’activité et plus généralement en cas de pluralité d’établissements, la notification qui n’est pas faite au siège social peut l’être au lieu de l’établissement où le litige a pris naissance (Soc 5 février 1997, Bull n54 ; 2e Civ., 18 septembre 2003, pourvoi n 01-16.283).

En l’espèce, la CPAM a notifié les courriers relatifs à la procédure d’instruction de la pathologie à l’employeur à l’adresse de son établissement secondaire situé à [Adresse 7], établissement d’attache de l’assuré.

Comme l’indique la lettre réseau de la caisse nationale d’assurance maladie en date du 19 décembre 2012 référencée LR/DRP/52/2012 invoquée par la société [4], tant l’établissement d’attache du salarié que le siège social de l’entreprise ont juridiquement la qualité d’employeur. Au surplus, il y a lieu de rappeler que les lettres réseaux sont dépourvues de tout caractère juridique contraignant (en ce sens s’agissant de l’application des dispositions des articles R. 142-1 et R. 441-14 précités 2e Civ., 4 avril 2019, pourvoir n° 18-15.886).

Dès lors et même si la lettre réseau indique aux caisses primaires qu’il convient d’utiliser « exclusivement » l’adresse du siège social de la société [4], l’établissement d’attache de [Localité 6] pouvait être valablement destinataire du questionnaire adressé par la CPAM, étant relevé que ce questionnaire a été retourné complété et signé sans observation par le directeur dudit établissement.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont dit que la CPAM avait satisfait à son obligation d’information vis-à-vis de l’employeur et rejeté les demandes d’inopposabilité de la décision de prise en charge de la pathologie de ce chef.

Sur l’avis du médecin du travail

Aux termes de l’article D. 461-29 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n°2016-756 du 7 juin 2016 : « Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre :

1° Une demande motivée de reconnaissance signée par la victime ou ses ayants droit intégrant le certificat médical initial rempli par un médecin choisi par la victime dont le modèle est fixé par arrêté ;

2° Un avis motivé du médecin du travail de la ou des entreprises où la victime a été employée portant notamment sur la maladie et la réalité de l’exposition de celle-ci à un risque professionnel présent dans cette ou ces entreprises ;

3° Un rapport circonstancié du ou des employeurs de la victime décrivant notamment chaque poste de travail détenu par celle-ci depuis son entrée dans l’entreprise et permettant d’apprécier les conditions d’exposition de la victime à un risque professionnel ;

4° Le cas échéant les conclusions des enquêtes conduites par les caisses compétentes, dans les conditions du présent livre ;

5° Le rapport établi par les services du contrôle médical de la caisse primaire d’assurance maladie indiquant, le cas échéant, le taux d’incapacité permanente de la victime. ».

Il est constant que le CRRMP peut valablement exprimer son avis sans disposer de l’avis du médecin du travail en cas d’impossibilité pour la CPAM d’obtenir celui-ci.

En l’espèce, il ressort du dossier que l’avis du médecin du travail a été demandé le 23 avril 2019 comme le précise le CRRMP dans son avis et comme la CPAM en justifie en produisant la copie du courrier du 23 avril 2019 à destination du médecin du travail lui réclamant un avis motivé aux fins de transmission du dossier au CRRMP. La CPAM verse également au dossier une capture d’écran d’un logiciel interne indiquant « 29/05/2019 demande avis M.P. Médecin du travail » pour justifier du renouvellement de sa demande.

Il résulte de ces éléments que l’avis du médecin du travail a bien été réclamé et que la CPAM a été dans l’impossibilité matérielle de l’obtenir avant la transmission du dossier au CRRMP.

Par conséquent, le moyen sera rejeté et la société [4] sera déboutée de sa demande d’inopposabilité.

Sur le fond

Aux termes de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, : « Est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L’avis du comité s’impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l’article L. 315-1. »

Il résulte de l’article R. 142-17-2 du code de la sécurité sociale que lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie dans les conditions prévues aux sixième et septième alinéas de l’article L. 461-1 (maladies hors tableaux ou dont les conditions ne sont pas remplies), le tribunal recueille préalablement l’avis d’un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse en application du huitième alinéa de l’article L. 461-1. Le tribunal désigne alors le comité d’une des régions les plus proches.

En l’espèce, la condition tenant à la liste limitative des travaux n’étant pas remplie, il ne peut être statué sur le bien-fondé de la prise en charge sans recueillir l’avis d’un CRRMP autre que le CRRMP [Localité 8] Hauts-de-France désigné par la CPAM et ce en application des dispositions précitées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu’il a débouté la société [4] de ses demandes d’inopposabilité fondées sur la violation du principe de loyauté dans l’information,

Y ajoutant

Déboute la société [4] de sa demande d’inopposabilité fondée sur l’absence d’avis du médecin du travail,

Avant dire droit sur le caractère professionnel de la maladie,

Désigne le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Bretagne, en application des articles L. 461-1 alinéa 8 et R. 142-17-2 du code de la sécurité sociale, avec mission de :

– Prendre connaissance du dossier médical de M. [H] [Z] dont la transmission devra être assurée par la caisse,

– Indiquer si la pathologie dont il est atteint a un lien direct et essentiel avec son travail habituel,

Impartit au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Bretagne un délai de quatre mois à compter de sa saisine pour nous faire connaître son avis,

Dit que les parties pourront communiquer au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Bretagne toutes les pièces qu’elles estimeront utiles et qu’elles devront lui communiquer toutes les pièces qu’il serait amené à leur demander, et que ce dernier pourra le cas échéant les convoquer,

Dit que l’affaire sera appelée à l’audience du 20 Février 2024 à 13 Heures 30, après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles,

Dit que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties à cette audience,

Sursoit à statuer sur les autres demandes,

Réserve les dépens.

Le Greffier, Le Président,

 


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