Droit du logiciel : 15 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/11037

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Droit du logiciel : 15 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/11037

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRET DU 15 FEVRIER 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11037 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA4WH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Septembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 18/03678

APPELANTE

Madame [U] [X], ayant droit de Madame [C] [X], décédée

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

INTIMEE

EPIC OFFICE NATIONAL DES FORETS (ONF)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Carine KALFON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0918

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique MARMORAT, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Véronique MARMORAT, Présidente de chambre

Fabienne ROUGE, Présidente de chambre

Anne MENARD, Présidente de chambre

Greffier : Joanna FABBY, lors des débats

ARRET :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Véronique MARMORAT, Présidente de chambre et par Madame Sarah SEBBAK, greffière stagiaire en préaffectation sur poste à laquelle la minute a été remise par la magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [C] [X], née le 29 septembre 1960 a été embauchée par l’Epic Office national des forêts selon un contrat à durée indéterminée à compter du 26 mai 2014 en qualité de cadre contractuel administratif aux fonctions de directrice de projet Sirh, type IV, niveau 2.3 puis à compter du 1er octobre 2014, aux fonctions de chef de la mission processus et Sirh à la direction des ressources humaines de la direction générale de l’Office national des forêts. Le projet Sirh a pour objet d’automatiser les tâches dédiées à la fonction ressources humaines (gestion du personnel, gestion de paie, durée du travail).

Le 18 mai 2018, la salariée saisit le conseil de prud’hommes de Paris d’une demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et d’indemnités au titre du dépassement du contingent annuel, puis le 11 juin 2018 en la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Madame [X] est licenciée pour faute grave le 13 juin 2018.

Par jugement du 24 septembre 2019, le Conseil de prud’hommes de Paris a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle ni sérieuse et a

Condamné l’Epic Office national des forêts aux dépens et à verser à madame [X] les sommes suivantes :

3 000 euros à titre de variable ;

12 256 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

1 255, 60 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

6 128 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

24 512 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ordonné le remboursement à Pôle Emploi pour un quantum de 500 euros.

Madame [X] a interjeté appel de cette décision le 4 novembre 2019.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 24 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, madame [U] [X], unique héritière de madame [C] [X], décédée, demande à la cour de prendre acte du décès de madame [C] [X] et de l’intervention en reprise d’instance de son unique héritière Madame [U] [X], faisant droit à l’appel régularisé par madame [X], d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté madame [C] [X] des diverses demandes, de le confirmer en ce qu’il a reconnu le licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur la part variable du salaire, et statuant de nouveau de prononcer, à titre principal, la résiliation judiciaire du contrat de travail de madame [C] [X] aux torts exclusifs de l’Epic Office national des forêts et qu’elle dise qu’elle emporte les effets d’un licenciement nul, prononcer, à titre subsidiaire, la résiliation judiciaire du contrat de travail de madame [C] [X] aux torts exclusifs de l’Epic Office national des forêts et qu’elle dise qu’elle emporte les effets d’un licenciement abusif, prononcer, à titre infiniment subsidiaire, la nullité du licenciement intervenu ou juger, à titre très infiniment subsidiaire, que le licenciement intervenu est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamner l’Epic Office national des forêts à lui verser les sommes suivantes :

titre

Sommes

heures supplémentaires (mars 2015 à novembre 2017)

congés payés y afférents

72 751,08

7 275,10

indemnité pour dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires (516,41 heures)

19 861,00

part variable de rémunération pour l’année 2017

3 000,00

indemnité pour travail dissimulé

36 768,00

dommages et intérêts pour harcèlement moral

36 768,00

dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité

36 768,00

A titre principal au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Emportant, à titre principal, les effets d’un licenciement nul, condamner l’Epic Office national des forêts à lui verser une indemnité pour licenciement nul de 73 536 euros.

Emportant, à titre subsidiaire, les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamner l’Epic Office national des forêts à lui verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 30 640 euros.

A titre infiniment subsidiaire si le licenciement intervenu est jugé comme :

Nul, à titre principal, condamner l’Epic Office national des forêts à lui verser la somme de 73 536 euros pour licenciement nul.

Sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire, l’Epic Office national des forêts à lui verser la somme de 30 640 euros en indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause condamner l’Epic Office national des forêts aux dépens et à lui verser les sommes suivantes :

titre

Somme

indemnité de licenciement

6 128,00

indemnité compensatrice de préavis

congés payés y afférents

12 256,00

1 225,60

article 700 du code de procédure civile (1ère instance)

4 000,00

article 700 du code de procédure civile en cause d’appel

4 000,00

Ordonner la remise de bulletins de paie modifiés conformes au jugement à intervenir sous astreinte journalière de 50 euros, la remise de l’attestation Pôle emploi rectifiée sous la même astreinte.

Par conclusions d’intervention volontaire signifiées le 24 novembre 2022, madame [U] [X] demande à la cour de prendre acte du décès de madame [C] [X] et de l’intervention de son héritière unique madame [U] [X].

Par conclusions déposées le 14 avril 2020 auxquelles il convient de se reporter, l’Epic Office national des forêts demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé le licenciement pour faute grave prononcé à l’encontre de madame [C] [X] comme étant sans cause réelle ni sérieuse et de le confirmer pour le surplus, de débouter madame [X] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions et de la condamner aux dépens.

À l’audience du 13 décembre 2022, le Conseil de l’Epic Office national des forêts a renoncé à sa demande de mesure d’instruction, compte tenu des pièces produites relatives à la succession de madame [C] [X] soit l’acte de notoriété dressé par maître [F] [K], notaire à [Localité 4] établissant que madame [U] [X] est la seule personne pouvant recueillir la succession de madame [C] [X].

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

Sur l’intervention volontaire de madame [U] [X]

Principe de droit applicable

Selon l’article 554 du code de procédure civile, au cours d’une procédure d’appel, peuvent intervenir en cause d’appel dès lors qu’elles y ont intérêt les personnes qui n’ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

Application en l’espèce

Les pièces de la procédure en particulier l’acte de décès émis par la commune de [Localité 4] et l’acte de notoriété dressé par maître [F] [K], notaire à [Localité 4] établissent que madame [C] [X] est décédée le 29 novembre 2022 et que sa seule héritière est sa fille madame [U] [X].

En conséquence, il convient d’accueillir l’intervention volontaire de celle-ci qui reprend en sa qualité d’ayant droit de sa mère ses demandes et moyens.

Sur l’exécution du contrat de travail

Sur le harcèlement et l’obligation de sécurité

Principe de droit applicable

Selon les dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Enfin, l’article L. 1154-1 prévoit, qu’en cas de litige, si le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat, doit assurer la protection de la santé des travailleurs dans l’entreprise et notamment prévenir les faits de harcèlement moral.

Dès lors que de tels faits sont avérés, la responsabilité de l’employeur est engagée, ce dernier devant répondre des agissements des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur les salariés.

Application en l’espèce

Madame [X] soutient que ses conditions de travail se seraient dégradées en raison d’une lourde charge de travail et d’injonctions comminatoires de la part de madame [D]. Elle évoque deux articles de presse en date de 2022 qui feraient état d’un climat de ‘management de la terreur’ et de ‘maltraitance managériale’ à l’égard des cadres de la direction au sein de l’Epic Office national des forêts. Selon la salariée, les syndicats auraient également fait état de dysfonctionnements organisationnels, d’un management défaillant et de l’existence de souffrance au travail. Elle expose qu’elle aurait été placée en arrêt maladie le 17 novembre 2017 en raison d’une ‘situation de souffrance au travail’ à la suite d’une altercation avec madame [D] le 15 novembre 2017 et serait en arrêt de travail de longue durée pour syndrome anxiodépressif lié à ses conditions de travail. Enfin, madame [X] affirme s’être plainte à plusieurs reprises du comportement de madame [D] à son égard et qu’aucune mesure n’aurait été prise pour mettre un terme à cette situation de harcèlement moral.

Pour établir ces faits, la salariée produit outre ses propres écrits, des articles de presse décrivant une situation postérieure à son licenciement, des courriels dont le contenu et les propos ne peuvent être qualifiés de harcelant et des attestations en particulier celle de madame [P], responsable RH de la direction territoriale [Localité 3] de l’Epic Office national des forêts ayant participé à la procédure d’appel d’offres et à la définition des besoins pour la mise en place du logiciel Pléiades devant s’appliquer à tous les salariés de l’établissement avec madame [X] à compter de juin 2016. Elle explique que « C’est à cette occasion que j’ai pu constater la charge de travail qui reposait sur madame [X] et les horaires qu’elle était obligée d’assurer au titre que moi-même je devais assurer dans le désintérêt de nos hiérarchiques respectifs. (…) Une nette dégradation du management s’est fait sentir à partir de fin 2016 avec des demandes de travaux malgré la charge inexistante sans que nos hiérarchiques respectifs ne se préoccupent des impacts sur nos horaires de travail. En mars 2017 alors que madame [X] avait conçu une démarche de formation/action afin de permettre à l’Epic Office national des forêts de se mettre en conformité avec la Déclaration sociale normative phase 3 impliquant tous les territoires, nos supérieurs hiérarchiques se sont encore une fois totalement désintéressés du sujet, ma N+1, madame [E], allant même jusqu’à me reprocher de passer trop de temps sur ces sujets, pourtant essentiels au regard de mes fonctions et de la législation. Cette dégradation des conditions de travail, la charge croissante nécessitant des horaires conséquents impossibles à récupérer sans critique et le manque de reconnaissance du travail effectué sont, d’ailleurs, à l’origine de ma décision de quitter l’Epic Office national des forêts.  »

Madame [X] produit également un rapport d’étonnements du cabinet Althéa intitulant une de ses analyses  » une équipe projet esseulée’ et une autre de « l’absence de partage par le métier », ainsi de nombreuse pièces médicales à compter du 17 novembre 2017 faisant état selon les dires de la patiente d’une souffrance au travail.

Il résulte également des pièces de la procédure que contrairement à ce qu’affirme la salariée, il n’a pas eu avec madame [D] une altercation ou des reproches publics, lors d’une réunion le 15 novembre 2017 mais c’est lors de cette réunion que madame [X] a pris connaissance d’un courriel de cette dernière qu’elle a compris comme offensant vis à vis de son travail et qui a déclenché une crise de larme et la décompensation de son état de santé mentale. La Caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines refusera de reconnaître ces faits d’accident du travail.

L’ensemble de ces faits présumés une situation de harcèlement.

L’Epic Office national des forêts soutient que les seuls éléments produits par elle seraient des arrêts de travail, qu’il s’agirait de preuves préconstituées, sans mention de la cause de l’arrêt de travail et sans compétence du médecin traitant pour constater ses conditions de travail, qu’elle n’aurait pas alerté sa hiérarchie à la suite du prétendu incident du 15 novembre 2018 et que sa hiérarchie aurait fait preuve de bienveillance à son égard. L’employeur ajoute que c’est la salariée qui choisissait de travailler au delà de ses horaires et ne saisissait pas l’aide apportée par le cabinet d’audit.

La cour au vu de l’ensemble de ces éléments considère qu’en laissant madame [X] dans une situation de surcharge de travail abondamment décrite, sans reconnaissance de ce travail conséquent ni instructions claires et étayées sur la conduite du projet comme le souligne le rapport du cabinet Althéa mais aussi en lui donnant malgré cet état de fait de nouvelles tâches a dégradé ses conditions de travail et porté atteinte à sa santé et à sa dignité.

En conséquence, la situation de harcèlement est caractérisée. Madame [X] sera justement indemnisée par l’allocation de la somme de 10 000 euros.

Concernant la violation de l’obligation de sécurité prévue par l’article L 4121-1 du code du travail selon lequel l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés et doit veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances, et qu’ainsi, l’employeur, tenu à une obligation de sécurité, doit respecter les préconisations du médecin du travail, les pièces de la procédure établissent que l’employeur, informé des difficultés rencontrées par sa salariée, n’a rien fait pour y remédier et a ainsi manqué à son obligation de sécurité. Le préjudice résultant de ce manquement sera compensé par l’allocation dune somme de 5 000 euros.

Sur les heures supplémentaires et leurs effets

Principe de droit applicable

L’article L 3171-4 du code du travail précise qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Application en l’espèce

Madame [X] soutient avoir réalisé de nombreuses heures supplémentaires : 400,3 heures en 2015, 518,05 heures en 2016 et 437,47 heures en 2017 et estime produire la preuve de leur effectivité en produisant des courriels horodatés adressés depuis sa messagerie professionnelle tôt le matin, tard le soir ou le week-end, des fichiers informatiques horodatés ainsi que les durées badgées dans les systèmes informatiques.

La salariée affirme avoir alerté sa hiérarchie à de nombreuses reprises. Par exemple, elle aurait indiqué par courriel à madame [D], directrice économique financière et des systèmes d’information, en octobre 2016 ‘Quant à moi, j’en suis à 35 jours de travail non-stop sans week-end et des nocturnes à volonté’ et en mars 2017 : ‘j’ai explosé mes horaires de travail depuis 3 ans et je suis plus qu’épuisée physiquement et moralement’et qu’elle aurait dépassé son contingent, le contigent annuel d’heures supplémentaires.

L’Epic Office national des forêts expose que madame [X] n’aurait pas respecté le règlement intérieur sur l’aménagement et la réduction du temps de travail et sur la gestion personnalisée des horaires de travail de 2004 ni l’outil Pléiade d’enregistrement du temps de travail, alors qu’elle aurait participé à sa mise en place, qu’elle ne justifierait pas de ses activités durant ses prétendues heures supplémentaires : aucun courriel ne serait produit et enfin que la salariée aurait accompli des heures supplémentaires de sa propre initiative, en dépit des directives de son employeur que sa hiérarchie lui aurait notamment indiqué à plusieurs reprises par courriel que les tâches qu’elle effectuait durant le week-end pouvait attendre le lundi. Le DRH lui aurait également sommé de cesser de travailler le samedi 24 juin 2017. Elle ne saurait tirer avantage du fait d’avoir contacté ses collaborateurs à des heures tardives et d’être elle-même à l’origine de faits de harcèlement.

La cour souligne en premier lieu que les explications données par l’Epic Office national des forêts sont contradictoires affirmant dans un premier temps que la salariée ne justifierait pas de ses activités durant ses heures supplémentaires et dans un second temps que ces activités existeraient mais que l’employeur lui aurait donné l’ordre de différer l’exécution de celles-ci pour les réaliser dans son temps de travail hebdomadaire.

En second lieu, il résulte de ce qui a été décrit comme des faits de harcèlement que l’employeur a donné à madame [X] une charge de travail trop importante qui s’est encore alourdie fin 2016 et que les nombreuses pièces qu’elle fournit, en particulier l’enregistrement des fichiers témoignant d’une activité réelle et continue dans les heures exactement comptées permet de faire droit à ses demandes et de retenir comme justifiées les sommes suivantes :

– 72 751,08 euros au titre des heures supplémentaires (mars 2015 à novembre 2017) outre celle de 7 275,10 euros pour les congés payés afférents

– 19 861 euros au titre de l’indemnité pour dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires (516,41 heures).

En revanche, l’indemnité sollicitée au titre du travail dissimulé est rejetée faute de preuve de l’élément intentionnel, les pièces de la procédure établissant plutôt l’indifférence de l’employeur à l’égard des conditions de travail de madame [X].

Sur la part variable du salaire

Principe de droit applicable

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette dernière disposition est d’ordre public.

Ces articles s’appliquent en droit du travail, l’article L 1221-1 du code du travail prévoyant que le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter.

Application en l’espèce

L’article 5 du contrat à durée indéterminée prévoit une prime variable annuelle d’un maximum de 3000 euros qui sera versé en fonction de l’obtention des résultats par rapport aux objectifs fixés.

Or, comme l’ont justement apprécié les premiers juges, l’employeur n’apporte pas la preuve que des objectifs ont été fixés par l’Epic Office national des forêts à madame [X] l’année 2017.

En conséquence, la salariée ayant travaillé toute l’année 2017, cette part variable restant due, il convient de confirmer la décision du Conseil des prud’hommes sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur la résiliation judiciaire

Principe de droit applicable

Aux termes de l’article L 1231-1 du code du travail, le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié ou d’un commun accord.

Les manquements de l’employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d’une gravité suffisante. La résiliation judiciaire aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Contrairement à la lettre de licenciement, la lettre de prise d’acte ne fixe pas les limites du litige.

Ces faits qui pris isolément ne présentent pas de caractère de gravité, sont, par leur accumulation, de nature à avoir dégradé les conditions de travail de l’intéressé.

Application en l’espèce

Il résulte de ce qui précède que les faits de harcèlement marqués notamment par une surcharge de travail ayant d’une part généré un nombre important d’heures supplémentaires et d’autre part fragilisé de manière durable l’état de santé de madame [X] dans un contexte d’absence de direction claire donnée pour la conduite du projet soulignée par le cabinet Althéa et par l’indifférence de la direction face aux alertes données par la salariée en particulier sur ses horaires de travail ont conduit à la rupture du contrat de travail aux seuls torts de l’employeur.

En conséquence, il convient de prononcer la résiliation judiciaire du contrat à durée indéterminée conclu entre l’Epic Office national des forêts et madame [X] aux torts de l’employeur.

Cette résiliation ayant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient de confirmer les sommes fixées par le Conseil des prud’hommes pour l’indemnité de licenciement soit 6 128 euros, pour l’indemnité compensatrice de préavis soit celle de 12 256 euros outre celle de 1225,60 euros pour les congés payés afférents.

Au vu de l’ensemble des éléments versés aux débats, compte tenu du fait que madame [X] a plus de deux ans d’ancienneté, qu’elle était âgée de 58 ans au moment du licenciement et l’Epic Office national des forêts occupait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement, la cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer à la somme de 30 000 euros le montant de la réparation du préjudice subi en application de l’article l 1235-3 du code du travail.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,

Accueille l’intervention volontaire de madame [U] [X] en qualité d’ayant droit de sa mère madame [C] [X] décédée le 29 octobre 2022.

CONFIRME le jugement en ce qu’il a condamné l’employeur aux titres de la part variable sur salaire pour l’année 2017, pour indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents et pour les sommes qu’il a fixées.

L’infirme pour le surplus

Statuant à nouveau,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat à durée indéterminée conclu entre l’Epic Office national des forêts et madame [X] aux torts de l’employeur.

CONDAMNE l’Epic Office national des forêts à verser à madame [X] les sommes suivantes

– 30 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement

– 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité

– 72 751,08 euros au titre des heures supplémentaires (mars 2015 à novembre 2017) outre celle de 7 275,10 euros pour les congés payés afférents

– 19 861 euros au titre de l’indemnité pour dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires (516,41 heures)

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l’Epic Office national des forêts à verser à madame [X] la somme de 3 000 euros pour la première instance et la somme de 3000 euros pour la procédure d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

CONDAMNE l’Epic Office national des forêts aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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