Droit du logiciel : 14 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/01005

·

·

Droit du logiciel : 14 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/01005

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 22/01005 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SPNX

S.A.S. [6]

C/

CPAM DU MAINE-ET-LOIRE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Mme Adeline TIREL lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 Avril 2023

devant Madame Cécile MORILLON-DEMAY, magistrat chargé d’instruire l’affaire, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 15 Juin 2018

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MAINE-ET-LOIRE

Références : 21600871

****

APPELANTE :

S.A.S. [6]

[Adresse 7]

[Localité 2]

représentée par Me Morgane COURTOIS D’ARCOLLIERES de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Alix ABEHSERA, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

CPAM DU MAINE-ET-LOIRE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Mme [Y] [L], en vertu d’un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 12 janvier 2016, [Z] [P], salarié de la société [6] (la société) en tant qu’ouvrier d’abattoir, a déclaré une maladie professionnelle en raison d’une épaule droite et coude droit IRM le 3 février 2016.

Le certificat médical initial, établi le 23 décembre 2015, fait état d’une tendinopathie coiffe épaule droite – IRM prescrite + avis demandé avec prescription d’un arrêt de travail jusqu’au 22 janvier 2016.

Par décision du 1er août 2016, après instruction et suivant avis du 28 juillet 2016 du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles des Pays de la Loire (CRRMP), la caisse primaire d’assurance maladie du Maine-et-Loire (la caisse) a pris en charge la maladie tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles.

Contestant l’opposabilité de cette décision de prise en charge au motif du non-respect des dispositions relatives à la procédure d’instruction de la maladie professionnelle par la caisse, la société a saisi, par lettre du 3 octobre 2016, la commission de recours amiable de l’organisme qui, par décision du 27 octobre 2016, a rejeté ses demandes.

Le 30 novembre 2016, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Maine-et-Loire qui, par jugement du 15 juin 2018, a :

En premier ressort :

– débouté la société de ses demandes relatives au principe du contradictoire ;

– débouté la société de sa demande relative à la désignation de la pathologie de M. [P] ;

– constaté le caractère incomplet du dossier transmis au CRRMP en date du 27 juillet 2016 ;

Avant dire droit :

– ordonné la transmission du dossier de M. [P] au CRRMP de Bretagne, [Adresse 1] [Localité 4], afin de recueillir son avis motivé sur l’origine professionnelle de la maladie.

Par déclaration adressée le 24 août 2018, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 8 août 2018.

Par arrêt du 29 mai 2020, la cour d’appel d’Angers a :

– confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Y ajoutant :

– dit que l’instance se poursuivra devant le pôle social du tribunal judiciaire d’Angers ;

– condamné la société aux entiers dépens de la procédure d’appel.

La société a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt qui lui a été notifié le 3 juin 2020.

Par arrêt du 6 janvier 2022, la Cour de cassation a :

– cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il a ordonné la transmission du dossier de M. [P] au CRRMP de Bretagne afin de recueillir son avis motivé sur l’origine professionnelle de la maladie et en ce qu’il a dit que l’instance se poursuivra devant le pôle social du tribunal judiciaire d’Angers, l’arrêt rendu le 29 mai 2020, entre les parties, par la cour d’appel d’Angers ;

– remis, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient

avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Rennes ;

– condamné la caisse aux dépens ;

– en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la

demande formée par la caisse et l’a condamnée à payer à la société la somme de 3 000 euros.

Pour se déterminer ainsi, la Cour a retenu que la caisse, à qui il appartient de réclamer au médecin du travail son avis motivé dans le cadre de l’instruction du dossier de la victime, ne justifiait pas d’avoir été dans l’impossibilité ni même d’avoir tenté l’obtenir, et n’avait, dès lors, pas satisfait aux prescriptions des articles D. 461-29 et D. 461-30 du code de la sécurité sociale, de sorte que la décision de reconnaissance du caractère professionnel de l’affection déclarée par M. [P] devait être déclarée inopposable à l’employeur.

Le 14 février 2022, la société a saisi la cour d’appel de renvoi.

Par ses écritures parvenues au greffe le 15 mars 2023 auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, la société demande à la cour :

– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la transmission du dossier de M. [P] à un second CRRMP ;

En conséquence,

Y ajoutant,

– de lui déclarer la décision prise par la caisse de reconnaître le caractère professionnel de l’affection de l’épaule droite déclarée par M. [P], le 23 décembre 2015, inopposable, la caisse n’ayant pas respecté les dispositions des articles D. 461-29 et D. 461-30 ancien du code de la sécurité sociale.

Par ses écritures parvenues au greffe le 2 septembre 2022 auxquelles s’est référée et qu’a développées sa représentante à l’audience, la caisse demande à la cour, au visa des articles L. 461-1 et suivants, D. 461-29 et suivants du code de la sécurité sociale et 1358 et suivants du code civil, de :

– constater que la caisse a réclamé vainement l’avis du médecin du travail avant la transmission du dossier au CRRMP des Pays de la Loire ;

– déclarer opposable à la société la décision de prise en charge de la pathologie développée par M. [P], au titre de la législation relative aux risques professionnels ;

– débouter la société de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, lorsqu’une ou plusieurs conditions de prise en charge d’une maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles ne sont pas remplies, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Il résulte des articles D. 461-29 et D. 461-30 du même code que la caisse saisit le comité après avoir recueilli et instruit les éléments nécessaires du dossier, parmi lesquels figure un avis motivé du médecin du travail de l’entreprise où la victime a été employée. Le comité peut valablement exprimer l’avis servant à fonder la décision de la caisse en cas d’impossibilité matérielle d’obtenir cet élément, pour autant que la caisse puisse justifier des diligences réalisées pour réclamer au médecin du travail son avis motivé dans le cadre de l’instruction du dossier de la victime.

La société sollicite que lui soit déclarée inopposable la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. [P], au motif que la caisse n’a pas respecté les conditions de saisine du CRRMP faute d’avoir obtenu ou tenté d’obtenir l’avis du médecin du travail. La caisse, pour sa part, prétend rapporter suffisamment la preuve par les copies d’écran de son logiciel métier ORPHEE, qu’elle a, à deux reprises et en vain, tenté d’obtenir l’avis du médecin du travail en joignant au courrier adressé à l’employeur en lettre recommandée avec accusé de réception du 28 janvier 2016, une pièce nommée ‘courrier à l’attention du médecin du travail’ et sollicité directement le médecin du travail par courrier du 5 avril 2016.

En l’espèce, il ressort de la lecture de l’avis du CRRMP (pièce 7 de la caisse) que le dossier qui lui a été transmis ne contenait pas l’avis motivé du médecin du travail.

Il est constant que c’est bien à la caisse qu’il incombe de se mettre en rapport avec le médecin du travail pour recueillir son avis. L’employeur n’a pas à être impliqué dans une telle opération, l’avis motivé du médecin du travail, de nature médicale, ne lui étant d’ailleurs même pas communicable directement. Il en résulte que le courrier adressé le 28 janvier 2016 par la caisse à l’employeur destiné à transmettre à celui-ci la déclaration de maladie professionnelle de la victime ne saurait contenir en pièce jointe une demande d’avis du médecin du travail.

La caisse produit en pièce 3 la copie de ce courrier, informant l’employeur de l’ouverture de l’instruction du dossier de maladie professionnelle de M. [P], ce qui démontre qu’elle détient bien encore ces documents en dépit de ses allégations. Par ailleurs, la lecture de la pièce jointe destinée au médecin du travail permet de constater qu’elle ne comporte aucune demande expresse d’avis motivé en vue d’une saisine du CRRMP, laquelle ne pouvait d’ailleurs être envisagée à ce stade.

S’agissant de la seconde copie d’écran faisant mention ‘demander avis MP Médecin du travail’ en date du 5 avril 2016, la cour relève que la caisse n’est pas en mesure de produire le contenu de ce prétendu courrier et que cette seule capture d’écran ne permet nullement de vérifier l’exécution effective de cette diligence par les agents de la caisse. Une simple capture d’écran d’un logiciel de gestion interne des dossiers de la caisse est en effet totalement inopérant pour établir, tant l’envoi, le contenu et la réception effective d’un courrier sollicitant l’avis du médecin du travail.

Par conséquent, la caisse, qui devait réclamer au médecin du travail son avis, ne justifie pas avoir été dans l’impossibilité de l’obtenir, ni même d’avoir tenté de l’obtenir. Elle n’a, dès lors, pas satisfait aux prescriptions des articles D. 461-29 et D. 461-30 du code de la sécurité sociale.

Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer inopposable à la société la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par la victime, M. [P].

Les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la caisse qui succombe à l’instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare inopposable à la société [6] la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [P] le 12 janvier 2016 ;

Condamne la caisse primaire d’assurance maladie du Maine-et-Loire aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon