Droit du logiciel : 14 avril 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/01408

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Droit du logiciel : 14 avril 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/01408

14/04/2023

ARRÊT N°2023/174

N° RG 21/01408 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OCAX

MD/LT

Décision déférée du 03 Mars 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/00871)

M.[F]

Section activités diverses

S.A.S. SOLUTION ROUSILLON ANCIENNEMENT NOVALLANCE RH

C/

[M] [U]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 14 avril 2023

à Me SOREL, Me DESSENA

Ccc à Pôle Emploi

le 14 avril 2023

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATORZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A.S. SOLUTION ROUSILLON ANCIENNEMENT NOVALLIANCE RH

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Merryl SOLER, avocat au barreau des PYR »N »ES-ORIENTALES

INTIM »E

Madame [M] [U]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Marianne DESSENA, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2021.012863 du 07/06/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. DARIES, Conseillère chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUM », présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par S. BLUM », présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE’:

Mme [M] [U] a été embauchée selon un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 6 avril 2017 par la Sas Novalliance RH en qualité de chargée de recrutement au coefficient 220 prévu par la convention collective nationale dite SYNTEC.

Elle exerçait ses fonctions dans le cadre d’une mise à disposition auprès du seul client de la société, la société Medicoop Midi-Pyrénées, coopérative de travail temporaire spécialisée dans le secteur médical.

Les relations contractuelles avec cette entreprise ayant pris fin le 13 septembre 2018, les conditions de travail de Mme [U] ont été modifiées.

Après avoir été convoquée par courrier du 21 novembre 2018 à un entretien préalable au licenciement fixé au 29 novembre 2018, Mme [U] a été licenciée par courrier du 20 décembre 2018 par une lettre ainsi motivée’:

«’Nous estimons que vous ne remplissez pas vos missions de manière satisfaisante. Cette incapacité à assumer correctement vos fonctions met en cause la bonne marche l’entreprise.

Lors de l’entretien vous n’avez pas fourni d’éléments de nature à nous faire espérer un quelconque changement.

Les faits qui vous sont reprochés constituent une faute suffisamment sérieuse pour empêcher la continuité de nos relations contractuelles.’»

Mme [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 4 juin 2019 pour solliciter des rappels de salaire pour heures supplémentaires, contester son licenciement et obtenir diverses indemnités.

Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section activités diverses, par jugement du 3 mars 2021, a :

– dit que le licenciement de Mme [U] est sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

– condamné la Sarl Novalliance RH à régler à Mme [U] :

– 5 014 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 671 euros nets à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure,

– 5 014 euros nets en réparation du préjudice subi du fait des conditions vexatoires de la rupture sur le fondement de l’article 1240 du code civil,

– 5 014 euros nets en réparation du préjudice subi pour déloyauté contractuelle liés à l’absence de fourniture de travail,

– 3 391,82 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires,

– 339,18 euros bruts à titre d’indemnité de congés payés y afférents,

– 10 028 euros nets à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

-rejeté le surplus des demandes,

– rappelé que les créances salariales (soit les sommes de 3 391,82 euros et 339,18 euros) produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation, soit le 8 juin 2019 et qu’elles sont assorties de plein droit de l’exécution provisoire, la moyenne reconstituée des trois derniers mois étant de 1 671 euros,

– rappelé que les créances indemnitaires (soit les sommes de 5 014 euros, 1 671 euros, 5 014 euros, 5 014 euros et 10 028 euros) produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit,

– condamné la société Novalliance RH à payer à Mme [U] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile,

– condamné la société Novalliance RH aux dépens.

Par déclaration du 25 mars 2021, la Sas Novalliance RH a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées, en énonçant dans la déclaration les chefs du jugement critiqués.

PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 15 décembre 2022, la Sas Solution Roussillon, venant aux droits de la Sas Novalliance RH demande à la cour de :

– infirmer la décision du conseil de prud’hommes de Toulouse, sauf en ce qu’il a débouté Mme [U] de sa demande relative à l’obligation de sécurité,

jugeant à nouveau,

– déclarer que sont irrecevables les demandes en paiement des sommes suivantes :

* 5 014 euros à titre de préjudice subi du fait des manquements contractuels liés à l’absence de fourniture de travail,

* 5 014 euros sur le fondement de l’article 1240 du code civil,

– déclarer que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

– déclarer que la procédure légale de licenciement a été respectée,

– déclarer que le licenciement n’a aucun caractère vexatoire,

– déclarer que la Sas Novalliance RH n’a jamais exécuté le contrat de travail de manière déloyale,

– déclarer que Mme [U] n’a pas réalisé d’heures supplémentaires,

– subsidiairement, au cas où la cour entrerait en condamnation pour heures supplémentaires, déclarer que l’intention frauduleuse de l’employeur n’est pas démontrée,

– débouter Mme [U] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Mme [U] aux entiers dépens, ainsi qu’à verser à la Sas Solution Roussillon, la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 9 décembre 2022, Mme [M] [U] épouse [G] demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hornmes de Toulouse le 3 mars 2021,

– juger irrecevable la demande présentée par la société Solution Roussillon tendant à ce que sa demande d’indemnisation à hauteur de 5 0l4 euros pour déloyauté contractuelle du contrat soit déclarée irrecevable,

– juger en toute hypothèse recevables les demandes indemnitaires au titre de la déloyauté contractuelle et du licenciement vexatoire,

en conséquence,

– juger le licenciement du 20 décembre 2018, sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la Sas Solution Roussillon à lui verser’:

* 5014 euros et à titre subsidiaire 3 342, 70 euros à titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 671 euros à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure,

– 5 014 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté,

– 5 014 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire sur le fondement de l’article 1240 du code civil,

– juger qu’elle a effectué des heures supplémentaires,

– condamner la Sas Solution Roussillon à lui verser’:

* 3 391, 82 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

* 339,18 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents,

* 10 028 euros à titre d’indemnité de travail dissimulé,

* 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile,

– condamner la société Solution Roussillon aux entiers dépens de première instance,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande indemnitaire au titre du manquement à l’obligation de sécurité,

et, statuant à nouveau,

– condamner la Sas Solution Roussillon à lui verser’:

* 5 014 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

en toute hypothèse,

– condamner la Sas Solution Roussillon à lui verser’:

* 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens.

MOTIVATION:

– Sur la fin de non-recevoir:

La société Solution Roussillon soulève l’irrecevabilité des demandes en paiement de dommages-intérêts pour manquements contractuels liés à l’absence de fourniture de travail et pour conditions vexatoires de la rupture sur le fondement de l’article 1240 du code civil, au motif qu’elles n’ont pas été formulées dans la requête de saisine du 04 juin 2019 du conseil de prud’hommes mais dans les conclusions postérieures de la salariée et qu’elles ne sont pas des demandes additionnelles, la requête comportant une demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et une autre au titre du manquement à l’obligation de sécurité.

Mme [U] répond que la fin de non-recevoir de la demande relative à la déloyauté contractuelle est irrecevable comme étant formulée par l’employeur pour la première fois devant la cour, que cette demande de dommages-intérêts était présentée dans la requête initiale au titre du préjudice moral dont elle a précisé le fondement dans ses conclusions et que celle formulée au titre des conditions vexatoires du licenciement est la conséquence du caractère abusif du licenciement dont elle sollicitait le prononcé.

Sur ce:

En application de l’article 123 du code de procédure civile disposant que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, la fin de non-recevoir de la demande de dommages-intérêts pour défaut de fourniture de travail présentée pour la première fois en cause d’appel est recevable, comme celle de la demande de dommages-intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement, formulée en première instance.

Aux termes de l’article 70 du code de procédure civile, tout requérant est recevable à formuler contradictoirement des demandes additionnelles qui se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Dans la requête de saisine du conseil de prud’hommes, Mme [U] sollicitait une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour préjudice moral, pour manquement à l’obligation de sécurité ainsi que des rappels de salaire et congés payés afférents et l’indemnité de travail dissimulé.

Par ses premières conclusions de première instance du 1er octobre 2019, Mme [U] a sollicité, outre les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et manquement à l’obligation de sécurité, des dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil mais aussi en réparation du préjudice subi du fait des manquements contractuels liés à l’absence de fourniture d’un travail. Cette dernière présente un lien suffisant avec la demande indemnitaire dont elle a saisi le conseil de prud’hommes.

La demande au titre des conditions particulièrement vexatoires de la rupture du contrat de travail présente quant à elle un lien suffisant avec la contestation du licenciement et ses incidences financières, prétentions essentielles déterminées dans la saisine du conseil de prud’hommes, de sorte qu’elle est recevable.

La fin de non-recevoir présentée par la société Solution Roussillon sera donc rejetée.

– Sur les heures supplémentaires:

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences des dispositions légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Au soutien de sa demande en paiement de 254 heures supplémentaires pour la période de décembre 2017 au 8 septembre 2018, Mme [U] fournit un décompte des heures de travail effectuées sur le site de l’entreprise Medicoop qu’elle dit avoir été établi sur la base des relevés du logiciel de travail «’Tempo’» ainsi qu’un second tableau plus lisible, ces deux documents montrant qu’elle travaillait de 8 h à 17 h y compris pendant les deux heures de la pause méridienne.

Ces éléments sont corroborés par des échanges de courriels datant de mai/juin 2018 par lesquels l’équipe de la société Novalliance RH mise à disposition de Medicoop se plaignait d’une surcharge de travail, de ne pas pouvoir réaliser la totalité des missions «’en temps et heure’», d’être obligées de prendre sur leur «’temps personnel’», du non accès au logiciel Tempo en dehors des horaires collectifs de travail.

La salariée produit également les attestations de deux de ses collègues, mesdames [J] et [K] qui affirment qu’en raison de la charge grandissante de travail, l’intéressée comme l’ensemble de l’équipe était contrainte de travailler pendant la pause déjeuner, entre 12 h et 14h.

Or, face à ces éléments concordants et suffisamment précis faisant état d’heures supplémentaires au-delà de 35 heures par semaine, qui n’ont pas été rémunérées, l’employeur, qui assure le contrôle du temps de travail du salarié, ne fournit aucun document de preuve, aucun relevé horaire issu de ses relations avec l’entreprise Medicoop ou du logiciel mis en place, permettant de déterminer le nombre d’heures exact de travail accompli par Mme [U].

Il se limite à exposer que s’il a bloqué le logiciel Tempo pendant les pauses, c’est parce qu’il interdisait le travail durant celles-ci, mais il n’en justifie pas, d’autant que ce fait ne ressort pas des échanges de courriels.

En tout état de cause, les salariées pouvaient travailler sans le logiciel Tempo aux nombreuses autres tâches qui leur incombait (appels téléphoniques, courriels, commandes de clients, établissement de contrats’.).

Au vu des pièces versées par la salariée et de l’absence d’éléments probants de la part de l’employeur, il convient de faire droit à la demande de rappel de salaire de 3391,82 € brut qui sera augmenté de l’indemnité compensatrice de congés payés de 339,18 €.

– Sur le travail dissimulé:

En vertu des dispositions des articles L8221-5 et L8223-1 du code du travail, lorsque l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paye un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué, le salarié a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires.

Si les salariées détachées auprès de l’entreprise Medicoop ont alerté la société Novalliance RH d’une surcharge importante de travail les obligeant à ne pas effectuer leurs missions correctement, en prenant sur leur temps personnel, elles n’ont pas signalé dans les messages versés aux débats qu’elles effectuaient des heures supplémentaires qu’elles ne récupéraient pas. Par ailleurs, il résulte de l’attestation de Mme [K] que la direction était singulièrement absente et que les salariées étaient livrées à elles-mêmes pour l’organisation de leur travail.

Il s’en déduit que l’intention de l’employeur de dissimuler partie du temps de travail accompli par Mme [U] n’est pas établie.

Cette dernière sera déboutée de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé et le jugement déféré qui a fait droit à sa demande sera réformé de ce chef.

– Sur la déloyauté contractuelle:

L’article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

L’une des obligations essentielles de l’employeur est de fournir le travail convenu.

Mme [U] fait grief à la société Novalliance RH de ne pas lui avoir fourni de travail suffisant à compter du 13 septembre 2018, date de la rupture des relations contractuelles avec l’entreprise Medicoop.

A cette date, les salariées mises à disposition de Medicoop, dont Mme [U], ont été affectées dans un bureau de la société Novalliance RH, et ont reçu pour instruction de remplacer une salariée embauchée par Mod’emploi et de constituer un vivier de salariés dans l’attente de nouveaux clients ayant besoin d’intérimaires.

Ainsi, elles ont reconnu avoir établi des formulaires divers (inscription de candidats, entretiens, fiches de poste ‘) mais ont rapidement signalé par courriels puis par courriers recommandés qu’elles étaient dans l’impossibilité d’accomplir ces tâches, d’une part car elles ignoraient tout du travail Mod’emploi, d’autre part parce qu’elles ne disposaient pas des éléments pour constituer le vivier (elles ne savaient pas pour qui elles travaillaient, elles ne connaissaient pas les profils recherchés, le secteur d’activité, elles ne pouvaient passer les offres d’emploi faute de n° SIRET des entreprises utilisatrices’.). En outre, elles ne disposaient pas des moyens informatiques et de communication nécessaires.

Or, l’employeur, qui n’était pas présent dans ces locaux et n’avait pas de contact direct avec les salariées, ne justifie pas avoir répondu à ces différents courriers.

La société Novalliance RH n’a donc pas rempli son obligation de fournir un travail suffisant à Mme [U], qui faisait partie de cette équipe, et qui s’est elle-même plainte par courrier du 5 novembre 2018.

Dans ce contexte d’incertitude, le préjudice qu’elle a subi en étant privée de travail est évalué à la somme de 1000 euros.

– Sur l’obligation de sécurité:

L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité.

Mme [U] reproche à la société Novalliance RH de l’avoir laissée travailler dans des conditions particulièrement insécures et anxiogènes, dans des locaux à l’état déplorable dont elle l’a informé, sans respect des durées maximales de travail et des temps de repos, d’avoir fait preuve d’une inaction condamnable en ne répondant pas à ses demandes notamment de personnel supplémentaire lorsqu’elle devait faire face à une surcharge de travail.

Les 4 photographies versées aux débats, outre qu’elles ne sont pas authentifiées ni datées, ne sont pas significatives d’un risque pour la santé ou la sécurité des salariés.

L’employeur n’a pas été très réactif face aux réclamations des salariées sur la charge de travail et à leur inquiétude pour leur avenir, ayant seulement tenté de les rassurer en leur écrivant le 7 août 2018 que leur devenir dans la société n’était pas remis en cause.

S’il est exact que Mme [U] a effectué des heures supplémentaires, il n’est pas établi que son temps de travail a excédé les durées maximales de travail, 12 heures par jour et 48 heures par semaine.

Néanmoins l’employeur ne démontre pas que les heures de pause ont été respectées et donc les temps de repos.

En conséquence, il sera accordé une somme de 500,00€ de dommages-intérêts à Mme [U] au titre d’un manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité.

– Sur le licenciement

* Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement:

L’insuffisance professionnelle consiste en l’inaptitude imputable au salarié d’exécuter correctement les tâches qui lui sont confiées et qui correspondent à sa qualification professionnelle.

En l’espèce, la lettre de licenciement énonce le fait que la salariée ne remplit pas ses missions de manière satisfaisante, que son incapacité à assumer correctement ses fonctions met en cause la bonne marche de l’entreprise.

Elle ajoute que les faits reprochés constituent une faute.

Mme [U] ayant demandé à la société Novalliance RH par courrier recommandé de préciser les causes de son licenciement comme le prévoit l’article L. 1235-2 du code du travail l’employeur lui a répondu en ces termes’:

«’Nous vous avons notifié votre licenciement car nous estimons que vous ne remplissez pas vos missions de manière satisfaisante, remettant en cause la bonne marche de l’entreprise.

En effet, dans le cadre de vos fonctions vous aviez pour missions la prévision des besoins futurs de l’entreprise. Cela se traduit par du démarchage, des études prospectives qui prennent en compte le développement de l’entreprise mais aussi l’état du marché du travail.

Votre poste nécessitait une certaine autonomie et prise d’initiative. Malheureusement, votre travail était insuffisant et n’était pas en adéquation avec la stratégie mise en place au sein de la société Novalliance RH’.’»

La lettre de licenciement ainsi précisée fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement.

L’insuffisance professionnelle n’étant jamais fautive, il existe une contradiction dans les motifs de la lettre de licenciement.

En outre, il apparaît que l’insuffisance professionnelle telle qu’elle est précisée par la lettre ultérieure concerne des missions n’entrant pas dans la fonction de «’chargée de recrutement’» pour laquelle Mme [U] avait été embauchée et qu’elle avait accomplie sans observations pour l’entreprise Medicoop.

Et il est établi qu’à partir du 13 septembre 2018, la salariée s’est trouvée livrée à elle- même, sans instructions sur ses nouvelles missions qui se limitaient à la constitution d’un vivier et au remplacement d’une salariée dont le travail était inconnu et qui ne comprenaient ni démarchage, ni études prospectives, ni développement de l’entreprise.

En conséquence, son licenciement n’est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse.

* Sur la régularité de la procédure:

Aux termes de l’article L. 1232-2 du code du travail, l’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée de convocation.

Mme [U] reproche à la société Novalliance RH de ne pas avoir respecté cette disposition dès lors que la convocation à l’entretien préalable envoyée le 21 novembre 2018 par lettre recommandée a été présentée pour la première fois le vendredi 23 novembre, soit moins de cinq jours ouvrables avant la tenue de l’entretien le 29 novembre.

La procédure est donc entachée d’irrégularité.

* Sur les incidences financières:

Conformément aux dispositions de l’article L. 1235-2 du code du travail dans sa version issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, lorsque le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, l’indemnité pour irrégularité de procédure ne se cumule pas avec les dommages-intérêts pour licenciement injustifié.

Par ailleurs, cet article dispose que l’indemnité due au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse est, dans les entreprises occupant au moins 11 salariés’, ce qui est le cas de la société Novalliance RH, pour un salarié ayant 1 an d’ancienneté comme Mme [U], une indemnité comprise entre 1 et 2 mois de salaire brut.

La salariée conteste l’application de ce barème conduisant à accorder une indemnisation inadéquate au salarié.

Mais la cour estime que l’indemnisation fixée par ce barème est de nature à assurer la réparation du préjudice né de la rupture du contrat de travail de manière adéquate, il n’y a donc pas lieu d’en écarter l’application.

Mme [U], âgée de 47 ans, a occupé après son licenciement divers emplois précaires, elle était au chômage en novembre 2022 et était indemnisée par l’allocation d’aide au retour à l’emploi.

Son préjudice est évalué au vu de ces éléments à 2 mois de salaire soit 3 342 € sur la base d’un salaire brut moyen de 1671 euros, sans qu’il y ait lieu à indemnité supplémentaire pour l’irrégularité de la procédure.

Mme [U] sollicite en outre des dommages-intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, aux motifs qu’elle s’est vue notifier un licenciement pour des faits mensongers, que la représentante de l’employeur lors de l’entretien préalable a refusé de répondre à ses questions et de manière méprisante lui a fait entendre qu’elle pouvait quitter les locaux immédiatement, enfin que dès le lendemain l’accès a sa messagerie professionnelle a été supprimé, de sorte qu’elle a été dispensée d’activité de manière irrégulière et vexatoire.

Le compte-rendu du conseiller du salarié M. [L] ne montre pas un comportement méprisant ou vexatoire de la représentante de l’employeur, laquelle a en outre laissé à Mme [U] une clé d’accès au bureau.

Par ailleurs, cette dernière justifie que le lendemain de l’entretien 30 novembre, l’accès à la messagerie [Courriel 5] était désactivé, ce qui est normal puisqu’elle ne travaillait plus pour Medicoop depuis le mois de septembre et utilisait une nouvelle adresse Contact. [H].

Dès lors, le seul caractère mensonger du motif du licenciement ne peut constituer une circonstance justifiant l’allocation de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

Le jugement déféré qui a attribué des dommages-intérêts à ce titre à Mme [U] sera donc réformé.

– Sur les demandes annexes:

La société Solution Roussillon venant aux droits de la société Novalliance RH, partie perdante, doit supporter les entiers dépens d’appel, qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle dont Mme [U] est bénéficiaire à 100’%.

L’article 700 du code de procédure civile permet au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle d’être indemnisé des frais qu’il a exposés et qui ne relèvent, compte tenu de leur nature, ni des dépens pris en charge au titre de l’aide juridictionnelle, ni de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

En l’espèce, il y a lieu d’évaluer à 1000,00 euros les frais que Mme [U] a exposés qui ne sont pas pris en charge au titre de l’aide juridictionnelle et de lui allouer cette somme sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a’:

– condamné la société Novalliance RH au paiement des heures supplémentaires,

– dit que le licenciement de Mme [U] est sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la société Novalliance RH à payer à Mme [U] la somme de

2000 euros au titre de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile,

– condamné la société Novalliance RH aux dépens,

Réforme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les dispositions réformées et ajoutant,

Déclare la fin de non-recevoir concernant les demandes de dommages-intérêts pour manquements contractuels liés au défaut de fourniture de travail et pour circonstances vexatoires sur le fondement de l’article 1240 du code civil recevable mais mal fondée,

Déclare ces demandes recevables,

Condamne la Sas Solution Roussillon venant aux droits de la société Novalliance RH à payer à Mme [M] [U]’:

– 1000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour manquements contractuels liés au défaut de fourniture de travail,

– 3342,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 500,00 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

Déboute Mme [U] de ses demandes d’indemnité de travail dissimulé, de dommages-intérêts distincts pour procédure du licenciement irrégulière, de dommages-intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement sur le fondement de l’article 1240 du code civil,

Condamne la Sas Solution Roussillon aux dépens d’appel qui seront recouvrés comme en matière d’ aide juridictionnelle,

Condamne la Sas Solution Roussillon à payer à Mme [U], sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile, la somme de 1000,00 euros au titre des frais non pris en charge par l’aide juridictionnelle.

Le présent arrêt a été signé par S. BLUM », présidente et C. DELVER, greffière.

LA GREFFI’RE LA PR »SIDENTE

C. DELVER S. BLUM »

.

 


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